4 avril 2020
Sommet du Jiekkevarre, Lyngenfjord, Norvège.
Sommet du Jiekkevarre, Lyngenfjord, Norvège.
(mood) Il lui semble parfois qu’on lui a retiré des morceaux pour mieux le refondre. Figure de verre éclatée en une myriade d’échardes cristallines reflétant la lumière des astres, fondue en un nouvel état qu’il ne reconnait pas entièrement. Des bribes anciennes se mêlant au connu – fils brillants de curiosité et d’absence de conscience du risque face à des savoirs à découvrir, entrelacés d’un début de pensée consciente. Un infime indice, qui se formulera bien assez tôt : I have to stop hiding someday.
Assis sur un éperon rocheux, son éclair de feu posé avec précaution à ses côtés, son regard se perd avec une quiétude qu’il avait crue disparue depuis de nombreuses semaines. Tranquillité de l’âme retrouvée au gré des recherches récentes et du contact doux d’âmes aux reflets lunaires. Les montagnes semblent l’entourer, épines dorsales tailladées dans les entrailles de la terre par le recul des glaces, on les croirait enserrées par les étroits bras des fjords qui s’étendent sous ses yeux. La mer cherchant avec constance à rejoindre le sel terrestre sous le regard bienveillant de la lune. ((the gods always act in threes.))
Installé en tailleur, il tente de méditer comme la renarde lui a appris, l’attrapeur. Ferme les yeux en se concentrant sur son souffle, les mouvements de sa cage thoracique, la sensation du lychen sous lui, du vent glacé du Nord sur la peau dénudée de ses avant-bras révélés par la veste qu’il a roulée. Inégal contact frais contre son épiderme marqué des cicatrices de ses expériences, l’air matamore qui n’a jamais correspondu à son tempérament. Une plaie fraîche couverte d'un bandage, le prix à payer pour le savoir. Lentement, il laisse les pensées filer sans tenter de les retenir, grains de songes échappant aux doigts de sa conscience. Inspire, s’abandonnant à la quiétude de l’embouchure. L’air est limpide, vivifiant – il est en paix.
Depuis 3 jours, il se laisse porter par les découvertes et le plaisir du silence nordique des petites communautés scandinaves. Kiran et lui se retrouvent dans leur cabine en fin de journée, partageant le fruit de leurs recherches, comme ils le faisaient jadis avec les expériences réalisées en parallèle, comme ils l’avaient fait si souvent, adolescents, accroupis dans les recoins de Poudlard pour enchanter les origamis que Finn créait dans des feuilles de papier colorées. Le rythme que les meilleurs amis ont pris a ce mélange de méthode rigoureuse de leurs esprits scientifiques et de fantaisie propre au monde magique. La prévisibilité alliée à la féérie des terres arctiques.
Le craquement caractéristique du transplanage le ramène à la réalité, et il se détourne à peine, petit sourire aux lèvres. « Hi », dit-il avec la voix du vent. Always these words, between them. Éole est en paix, ici. Apprend à reconstituer l’univers de bourasques qui le composent – les vents qui déferlent, les murmures qui caressent, les ouragans, plus rares, qui grondent. « Didn’t feel like flying? » Un voile taquin se glisse dans ses prunelles aux reflets dorés. Il a laissé un balai derrière à l’attention de Kiran, pourtant. « They’ll be here soon », dit-il, ses doigts s’étirant vers le ciel, émerveillement le prenant au cœur. Bientôt, le ciel d'encre sera peint de traits pastel.