(prayer of the refugee) Les notes sont violentes, n’ont rien de l’expression délicate et rythmée des ballets qu’elle dansait, jadis. La danseuse écorche les pas au même rythme que les noires éventrent l’air, refusant de céder les onces de danse qui ne lui ont pas été enlevés – mais elle tombe une fois sur trois, avec une rage inouïe. Ses gestes sont agressifs et maladroits, ses sauts approximatifs et ses pointes, malhabiles. Ce que c’est de se savoir acceptable (médiocre) lorsqu’on a tenu des premiers rôles. Incapable de comprendre le monde à travers un prisme différent, malgré tout, elle s’entête, la femme-ouragan, refuse de céder les dernières onces de talent qui ne lui ont pas encore été enlevées. Infimes, ridicules. Insultantes.
( don’t hold me up, now.
i can stand my own ground. )
Dans l’anonymat permis par la réservation, la capricieuse princesse se laisse aller, vivant dans un passé qui ne veut plus d’elle, incapable de se projeter dans un avenir qui ne lui ressemble plus. La colère de la mélodie vient par vagues, tempérées par des sonorités plus douces, mais le refrain lèche les remparts des infimes pans de tranquillité qui semblent vouloir parfois s’installer dans la salle, brisés par la rancœur inévitable.
( i don’t need your help now,
you will let me down. )
La ballerina s’élance, l’énergie brutale de la chanson l’enhardissant – un instant, elle croit voler. Une infime parcelle de secondes, et rien n’a changé, suspendue dans les airs – tend la main vers le ciel, saisie d’une joie conquérante, avant d’être transpercée d’une décharge de nerfs. Réponse de ses jambes à son arrogance, cruelle prison corporelle lui rappelant avec mépris son incompétence. Chute sans grâce, et elle en abat presque un poing au sol, dépitée, arrêtée dans son élan maladroit par des mains fortes. « Everything alright? » Instinctivement, Althea veut feuler. « I’m fine! », siffle-t-elle agressivement,animal orgueilleux détestant se montrer ainsi au grand jour.
La sorcière le ressent davantage qu’elle ne le voit – dans sa façon de l’avoir rattrapée, écho d’un geste qu’il a fait tant de fois, leurs corps jadis apprivoisés en harmonie. « Althea? » Prunelles orageuses écarquillées, ses doigts empoignent la veste du danseur à la hauteur de son avant-bras, dans un réflexe à mi-chemin entre agression et désir de s’accrocher à lui. « Putain Hunter qu’est-ce que tu fous là? » On en perdrait son anglais. Joignant ses mains à sa bouche, elle murmure. « merde … » L’Américain n’était jamais sensé l’apprendre – à quoi bon, sinon, sa disparition sans traces, s’il suffisait d’un bête accident tel que celui-ci pour qu’il découvre le pot aux roses?
( i can’t dance anymore. my legs are on fire. )
Il suffit d’une fraction de secondes pour que le voile sur ses yeux clairs se recompose – car on n’habite un personnage qu’à travers l’air dont on imprègne les saveurs. Au-delà de la technicité, ils sont danseurs d’abord, comédiens ensuite – et elle est plutôt douée en la matière lorsqu’elle s’y met, la wright. L’inquiétude dans son regard fait place à une distance froide – on croirait presque voir Frey en ses traits dans sa façon de relever le menton et de le toiser calmement. Se faire grande, redresser l’échine pour mieux s’en détacher, et tenter (sans succès, mais aussi sans le laisser paraître) de ne pas se souvenir des gestes du professeur sur une scène qui lui appartient, avec une autre. Sous ses yeux.
« What are you doing here? » La demande inquisitrice, et elle croise les bras sur sa poitrine pour faire bonne figure, se donner contenance, espérant que le danseur sera trop lâche pour lui demander ce qui lui est arrivé – he was fine when it came to dancing with a pétasse in my bar, but when he needs to talk he’s a mute. Typical. Si on lui demandait, elle admettrait (peut-être) l’hypocrisie de ses réflexions, mais la danseuse en est incapable. Trop occupée à observer son reflet dans les fragments du miroir brisé dans lequel Hunter la voyait, auparavant – une ballerine, sa partenaire. La meilleure – jusqu’à ce que Natasha revienne, certes, mais personne ne peut enlever à Althea ce qu’elle est était. La colère gronde dans les prunelles tempête de la jeune femme – colère contre l’univers qui a voulu la doter d’un don auquel elle s’est abreuvée toute sa vie pour mieux le lui enlever et la laisser avec une passion inassouvie et une démotivation chronique.
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stolen dance (althea)
Mercredi 27 mai, 22h
@althea d'arenberg
"Bye guys, see you next week." Les ados du dernier cours du mercredi quittent un à un les vestiaires, retrouvant leurs parents pour rentrer chez eux, empruntant la cheminée de transport, ou sortant dans la rue d'Inverness pour accéder au quartier sorcier. Adossé contre la porte du studio de danse, Hunter observe ses élèves, offrant un sourire sincère aux gamines rougissantes ou à leurs mères au regard brillant. Le flot d'élèves et de parents partis, le professeur retourne dans le studio, récupérant ses affaires. Habituellement, il passe une partie de sa soirée seul, dans cette pièce, décompressant d'une après-midi à enchaîner les cours, improvisant quelques chorégraphies ou en perfectionnant d'autres. Seulement, quand il est arrivé au centre artistique en début d'après-midi, la secrétaire lui a indiqué que le studio était réservé après son dernier cours. Vaguement déçu, le prof avait hoché la tête, continuant son chemin pour accéder aux vestiaires.
Ce soir, Hunter aurait aimé pouvoir travailler un peu plus sur la chorégraphie du groupe de danse contemporaine 11-13 ans, il est donc passablement agacé de ne pas avoir accès au studio mais hey, il profite généralement qu'il soit libre pour y danser à sa guise, et il comprend que le centre préfère remplir ses salles de personnes ayant payé pour y travailler. Son sac sur l'épaule, il prend donc la direction de la salle de théâtre, vide à cette heure de la soirée. Durant une petite heure, il danse, donc, seul sur scène et sans public, accompagné de quelques silhouettes fantomatiques. La chorégraphie avait besoin d'être affinée, la musique choisie n'était peut-être pas la plus simple à suivre pour des préados. Après une heure de concentration, les cheveux décoiffés et le visage rouge, le sorcier déclare qu'il en a fini pour ce soir. Son ventre grogne, en quête de nourriture, et il n'a pas l'intention de le faire attendre.
Ce n'est qu'en sortant de la salle de théâtre qu'Hunter entend la musique, ou plutôt, est frappé par celle-ci. Le sortilège d'insonorisation ne fonctionne que dans un sens, dans le centre artistique. Ainsi, lorsqu'on est dans une salle, on n'entend pas les sons provenant des autres salles, et des couloirs. Cependant, le créateur du lieu souhaitait que, depuis les couloirs, on puisse entendre la musique, les mélanges de genres et d'époques, les cris des professeurs et les discussions d'élèves. And boy, is this melody loud. On peut l'entendre d'un bout à l'autre du centre, aussi Hunter a du mal à trouver la source de cet air énervé. L'atmosphère de la chanson ne correspond tellement pas à son humeur qu'il en est intrigué, et se met en quête de la source. Les salles de musiques sont vides, il s'agit donc de la mystérieuse personne ayant réservé le studio de danse. Un sourire perplexe aux lèvres, le danseur s'approche de la porte, l'ouvrant doucement, curieux de découvrir les mouvements qui accompagnent autant de hargne. Qui sait, peut-être qu'il rencontrera une nouvelle personne. Le bruit de la porte caché par la musique, il passe la tête à travers l'ouverture, le regard curieux, une mèche lui tombant sur le visage.
Il s'agit d'une danseuse. Classique, au vu des mouvements et des positions. Elle se meut avec un mélange de grâce, d'élégance provenant certainement de son apprentissage de cet art, mais aussi de fragilité et de maladresse. Certains mouvement ne sont pas complets, les pointes pas assez tendues, les pirouettes bâclées... Le regard professionnel du danseur lui permet, en un sens, de ne jamais apprécier totalement une représentation, toujours à la recherche du petit défaut à perfectionner. Les yeux ébahis, il la regarde, la danseuse, évoluer au rythme de la musique, hargneuse parfois, faible souvent. Elle s'élance dans un saut, et se réceptionne mal. D'instinct, Hunter se rue vers elle, l'attrapant par la taille avant que son dos ne heurte le sol. Doucement, il accompagne la sorcière vers le sol, la faisant s'asseoir. "Everything alright ?" Ce n'est qu'à ce moment qu'il relève la tête, son coeur ratant un battement en découvrant le visage de la jeune femme. "Althea ?" Il pensait qu'elle ne dansait plus. Il avait tiré un trait sur l'idée de danser à nouveau avec elle. Et surtout, il ne l'a pas reconnue, alors qu'il aurait juré pouvoir la distinguer parmi toutes les danseuses du monde rien qu'à sa manière de se mouvoir, à la fluidité et la grâce de ses mouvements. Confus, il lâche automatiquement sa taille, comme si elle était d'une fragilité extrême et qu'il pouvait la briser en mille morceaux. Comme si elle était chauffée au fer blanc et qu'il s'était brûlé la main rien qu'en la touchant. La musique, énervée et entêtante, l’empêche de réfléchir. What's happening here ?
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Re: stolen dance (althea)
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Re: stolen dance (althea)
Pétrifié. Il était pétrifié. Si ce n'était pas pour son coeur battant la chamade ou sa respiration haletante, conséquences de l'effort physique qu'il venait d'accomplir ou du choc de la découverte de sa princesse, sa muse, sa partenaire adorée dans le corps de cette danseuse décharnée, poupée de chiffon désarticulée, il aurait cru être dans un rêve. Si c'était un rêve, cela n'aurait pas été vrai. Il ne devrait pas se préoccuper du fait qu'elle continuait de danser, que son niveau avait drastiquement diminué depuis deux ans, ou qu'elle l'agresse de toute la hargne d'une harpie passant son temps déguisée en vélane, dont l'escroquerie venait subitement d'être découverte. Elle lui criait dessus, agressive, dans le langage qu'il avait fini par associer à l'hostilité, aux claques et aux blessures à l'égo. Si la danseuse n'avait pas repris ses pas, restant fermement assise sur le parquet de la salle de danse, sa musique, elle, n'avait pas diminué d'un décibel. Hunter avait même l'impression que les notes se faisaient lentement mais sûrement plus fortes, portées par un crescendo, finissant par envahir tout l'espace mental du sorcier.
L’expression d'Althea lui indiquait qu'elle ne s'attendait pas à le voir là, et même si l'Americain ne parle pas un mot de français, il finit par comprendre le sens de sa phrase rien qu'en l'observant. Cela avait pris du temps, les mots et les pensées freinées par la musique assourdissante, mais il comprit, néanmoins. Elle avait ses deux mains sur la bouche, son visage arborant le même air que lorsqu'elle l'avait intercepté dans le Myrddin Wyllt District, découvrant avec horreur qu'ils portaient tous les deux le gêne, la protéine ou l'enzyme faisant d'eux des sorciers. Cette expression, sur son visage, signifiait qu'un secret avait été découvert. Si le soir d'Halloween, ce secret avait été assez évident pour l'un et l'autre, il en était tout autre en ce soir de printemps. Elle lui cachait quelque chose, et vu l'horreur au fond de ses pupilles, la Belge n'avait pas l'intention qu'il le découvre. Etonné de sa capacité de réflexion, Hunter haussa les sourcils, avant de se rappeler qui il était. Il était un danseur, un professeur, et vivait la majorité du temps accompagné de musique. Alors soit, il n'avait pas l'habitude de danser, parler, jouer, réfléchir sur ces airs hargneux et syncopés, sur les cris du chanteur qu'il imaginait chauve, barbu et tatoué de partout. Mais il avait réussi à mettre de côté les croches et le rythme le temps de réfléchir. Le changement de tempo le dérouta cependant, et il reprit subitement son air idiot.
"What are you doing here?" La voix de la Wright le fit cligner des yeux, l'observer à nouveau. Elle avait repris ses airs de princesse, la froideur apparente cachant les flammes sous la peau, uniquement visibles dans les prunelles tempétueuses. Abasourdi par ce changement de comportement, Hunter ne sut pas que répondre. "I work here." Les sourcils froncés, il énonça l'évidence avec simplicité. I teach little girls and boys to move, to listen to the beat, to point their toes and tuck in their hips, things you don't seem to know anymore. La musique changea de piste, et après un court instant de silence, l'air s'élevant dans la salle de musique se trouva être aussi énervé que le précédant. Comme s'il était revenu à la réalité, que les souvenirs des pas hésitants de la ballerine sur le paquet de la salle, de la pliure de sa cheville lorsque ses pointes touchèrent le sol un peu plus tôt lui revenaient en pleine figure, Hunter retrouva contenance. Il trouva le courage de poser la question, et la posa vite. "What happened ?" Il avait décidé de parler rapidement, comme s'il arrachait un pansement. Plus vite c'était, moins ça faisait mal. C'était ce que l'infirmière moldue de la Royal Ballet School lui répétait lorsqu'il s’égratignait en cours, et qu'il était trop nouveau dans le monde moldu pour ne pas s'effrayer à la vue d'une chose aussi banale qu'un sparadrap.
"To your dancing, I mean." Il n'avait pas l'intention d'être méchant, ne se rendait pas compte de la douleur que ces mots pouvaient infliger à la danseuse, qu'elle avait un couteau planté en plein coeur et qu'il le tournait en parlant. Mais il ne voulait pas prendre le risque qu'elle balaie d'un geste de la main la question, prétextant avec ses airs de princesse que rien n'atteint qu'elle s'était juste mal réceptionnait, que ça arrivait. Ça lui arrivait pas, à lui ? Hunter voulait s'assurer qu'elle comprenne ce qu'il voulait dire, qu'elle devine qu'il l'avait observée avant de voler à son secours et à celui de sa cheville. Qu'il avait décelé les imperfections, comme le professionnel qu'il était il n'y avait pas si longtemps. Les pointes non pointues, les gestes bâclés qui tranchaient affreusement avec la grâce qui émanait d'elle lorsqu'il l'a connue, quand ils foulaient les planches des plus belles scènes du monde ensemble, qu'elle lui délivrait des camélias, elle Marguerite, et lui Armand. Ils avaient beau avoir partagé des moments intenses ensemble, il restait tout de même le professionnel, le professeur. Et les mots du professeur étaient durs, allaient droit au but. Car pour la première fois, il maîtrisait son sujet, face à elle. Ils n'étaient plus dans une cave mal éclairée, ou sur une colline balayée par le vent de janvier, discutant de choses qu'il ne maîtrisait pas, se laissant envahir par l'anxiété et les inquiétudes et finissant inévitablement par bafouiller. Concentré dans l'attente de la réponse de la ballerine aux pieds instables, le danseur n'avait pas remarqué que le volume de la musique avait drastiquement baissé, le système stéréo réagissant à ses états d'âme comme s'il était en train d'enseigner.
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Re: stolen dance (althea)
(combustible) Le port impérial, inquisiteur, avec ses bras croisés pour armure – pour se tenir, pour se retenir, pour se guérir, elle demande. « what are you doing here? » Comme si c’est à lui de s’expliquer – mais là où il parle trop, l’Américain en dit toujours trop peu. Ses yeux retiennent les flammes de lui lécher le visage, mais elles sont prêtes à être décochées sur lui. Dévorée par l’incendie, elle est généreuse, la (pas) douce : le partage des emmerdes inscrit sous la peau. « I work here. » Sourcillant, elle se tait, voulant profiter du filon pour légèrement axer la conversation ailleurs, sur cette nouvelle carrière de professeur qu’il ne devrait pas avoir – i saw you dancing just fine in my bar. There’s nothing wrong with you, except maybe ton putain de culot de fuckboy à la con. mais il reprend trop vite, l’Américain, comme s’il savait que son ancienne partenaire saisirait n’importe quelle occasion de dévier le sujet.
« What happened ? » Elle le regarde d’un air quasi innocent – le visage naïf d’une jeune femme prise la main dans le sac, mais ses yeux menacent – you’ll have to say it. pour une rare fois, la capricieuse bénit le ciel que l’Américain semble si souvent manquer de mots en sa présence. « To your dancing, I mean. » Une gifle aurait fait moins mal. Althea aurait pu rire intérieurement, goguenarde, lui décocher un regard glacial, l’air de dire you think this hurts? I know pain. « this? It’s … » La voix en suspens. La danseuse veut faire non de la tête, lui présenter de grands yeux de biche, se pendre à son cou, lui murmurer des mots doux, des mots fous, pour distraire le danseur de ce filon qu’il remonte désormais. Peut-elle le blâmer de s’y accrocher, les doigts serrés autour, alors qu’elle prend tellement, et donne si peu?
Sonnée, dans un meilleur tempérament elle lui sourirait peut-être (non), d’un air triste (moqueur) et lui demanderait du regard s’il comprend. Les prunelles de pluie se fixant sur lui avec précipitation – de celles qui s’adoucissent et caressent la peau, plutôt que la tempête qu’elle a tendance à lui envoyer, glaciale ou lancinante.
Son regard sur elle se fait trop sérieux, et il lui semble que Hunter voit tout – because he does. Les partenaires étaient du même niveau, jadis, l’œil acéré sur l’autre, avec l’autre, connaissant toutes les formes que pouvaient prendre le corps de l’autre sous le tempo des danses qu’ils avaient à faire vivre. Elle se voit, ainsi, dans le miroir déformé du regard de Hunter, et y perçoit enfin ce qu’elle a fui en s’en allant sans dire mot, ce qu’elle a voulu éviter en lui laissant uniquement une image quasi-parfaite d’elle, (sa) Marguerite.
(( your arms were impeccable, but your landing was sloppy
your points are weak, what’s wrong with your legs? ))
et le silence revient, intrusif. Dans le chaos de la musique, elle pouvait au moins fuir, un peu, la ballerine, mais désormais, tous les sens de Hunter pointent vers ses gestes, ses mots. La courbe de son cou, qu’il connait si bien, et sa façon de jouer la comédie, comme elle l’a fait tant de fois en adoptant les traits de la dame aux camélias. « I shouldn’t have been dancing today », finit-elle par souffler (menteuse. You shouldn’t be dancing at all.) Portant ses mains à son visage, la Belge désigne les ombres légères qui s’y creusent, surtout sous ses yeux où la tornade se repose, mais n’est jamais bien loin. « it’s been harder to come back to school, after two years. I’m not used to all-nighters anymore » relève la tête, comme si elle croyait de plus en plus à son mensonge – mais pas trop, après tout, elle est fatiguée. Doucement, ses épaules s’affaissent, le tableau se complétant, et son regard se fait éthéré, lointain. D’un trop-plein de travail et d’un trop-peu de sommeil – sans réellement mentir, sans dire la vérité.
Et pourtant, ils sont là, assis sur le parquet de bois, et elle ne semble pas vouloir se relever. Craint trop de chanceler en le faisant – le blâmera-t-elle sur la fatigue, encore, osant croire que la couardise de Hunter le poussera à gober ses explications une seconde fois? Assise, elle ramène ses genoux contre sa poitrine, commençant à délacer avec patience ses chaussons sans le quitter du regard. Le défier de dire le contraire, d’y voir autre chose qu’un bête accident, exhiber ses jambes nues – lui lancer tous les appâts possibles, et pourtant, elle s’y harponne elle-même.
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Re: stolen dance (althea)
"This? It’s …" Althea réfléchissait, il la voyait réfléchir, pour trouver le mensonge parfait à lui servir sur un plateau d'argent, avec cet air innocent qu'il sait être parfaitement faux. Car il l'avait pratiquée pendant un an, à New York et en tournée, et il continuait de la pratiquer ici, à Inverness, bien qu'il fût beaucoup plus maladroit, dans cet univers, et qu'elle ne se laissait que très rarement approcher. Elle allait lui mentir, il en était certain. Et cette fois-ci, il ne la laisserait pas s'échapper de la réalité en gobant son bobard. Il voulait savoir. "I shouldn’t have been dancing today. It’s been harder to come back to school, after two years. I’m not used to all-nighters anymore." Et la princesse lui présentait son air le plus innocent possible, celui de la gamine désolée, qui s'excuse et promet qu'elle ne refera plus jamais la même erreur. "Bullshit." Dans le silence qui emplissait la salle, la voix du professeur résonna contre les miroirs, et il fut surpris de la puissance de sa voix face à la danseuse. Cependant, il était déterminé à comprendre ce qui était arrivé à la Belge, car personne ne perd autant en grâce et technique en deux ans, après avoir dansé professionnellement, même lorsque la fréquence des entraînements avait drastiquement diminué.
Il voulait connaître la vérité, ainsi il n'hésita pas à contrer les arguments de l'aristocrate avec les siens, mettant à nu son mensonge. Malgré tout, sa voix s'apaisa face à l'air vulnérable de la Wright. "I've seen you put all-nighters before, and still manage to dance impeccably." Souvenirs de ces répétitions matinales, lors de leur tournée, où après avoir dansé pendant deux heures devant un public, puis dormi moins de six heures, les athlètes étaient à la barre et s'échauffaient, les orteils écrasés dans les chaussons et les cheveux tirés en chignon. Malgré la fatigue, ils donnaient tout d'eux-mêmes, et dansaient à la perfection - ou ils risquaient de perdre leur rôle. Alors qu'Althea lui raconte qu'une nuit blanche de révisions puisse lui faire perdre toute sa technique, il n'en croyait pas un mot. Soupirant face à la mine inquiète de l'étudiante, commençant lui aussi à s'alarmer de son silence, il s'assit en tailleur face à elle. "Please Althea, tell me what's wrong. Did something happen ?" Si la Belge s'enfonçait dans son silence, il ne pouvait empêcher son esprit de fabriquer mille et un scénario catastrophes qui puissent expliquer les soucis qu'elle avait avec sa technique, ainsi que sa chute, rattrapée in extremis. Il ne voulait pas imaginer ce qui serait arrivé s'il n'avait pas été là pour l'empêcher de heurter le sol. "Is this why you stop dancing ? Is this why you left ?" Il avait voulu dire is this why you left me ?, car il ressentait encore le départ d'Althea comme une trahison envers lui-même, son partenaire. Il avait longtemps cru qu'elle l'avait abandonné car elle voulait lui prouver qu'il n'était rien d'autre qu'un danseur quelconque pour elle, que la connexion qu'ils avaient lorsqu'ils dansaient n'était que la preuve de la capacité qu'elle avait à s'adapter à n'importe quel partenaire. Mais l'hypothèse d'une cause bien plus grave à son départ n'avait pas effleuré l'esprit d'Hunter jusqu'à ce soir, et ceci expliquerait bien plus facilement les différences entre son départ froid et précipité, et les moments plus ou moins doux qu'ils aient pu passé depuis quelques mois - bien qu'elle lui fasse la tête depuis qu'il s'était fait avoir par Alice, il en était certain.
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Re: stolen dance (althea)
(combustible) Encore, elle fait semblant, Marguerite. Parce qu’elle a préféré s’en aller sans mot que de le laisser la voir ainsi, imparfaite, sans but. « Bullshit. » Sa dureté lui fait l’effet d’un coup en plein plexus solaire, et soudain, le souffle lui fait défaut. Échec. Menteuse. Mauvaise actrice. Danseuse ratée. Second fiddle. « I've seen you put all-nighters before, and still manage to dance impeccably. » Il ne te croit pas, idiote. Comment pensais-tu qu’il te croirait décemment? T’es-tu vue, toi, dans un miroir, quand tu danses? Tu sais que tu n’es qu’un fragment, qu’une indigne copie qui prétend à la beauté de l’original. « Please Althea, tell me what's wrong. Did something happen? Is this why you stop dancing? Is this why you left? » Et ses yeux, qui ne cherchent qu’à comprendre.
Sa douceur l’achève. Elle la veut, l’orgueilleuse, sans savoir comment la réclamer. Althea ne sait plus ce qu’elle préfère, entre exister dans un monde où il sait qu’elle lui ment constamment, et l’autre, dans lequel son cœur devra s’envelopper de sa compassion. of his pity. Drapée de rouge et or, faisant honneur à sa maison, alors qu’on doute si souvent de sa place chez les wright, elle plonge. « My legs are on fire. Every day. » Les potions, la tête qui plane pour compenser, pour s’engourdir, pour ne pas se retrouver par terre, les genoux entre les bras et le front posé au sol, à attendre les vagues qui se retirent mais qui reviennent toujours. Entêtée, la capricieuse se relève toujours, pourtant – n’a jamais réellement accepté son sort. Un jour, peut-être, elle dansera sans avoir mal – mais en attendant, le regard des autres l’insupporte, et elle préfère qu’on la haïsse pour son mauvais caractère, plutôt que d’être prise en pitié. « When I dance, it’s like … walking on embers. » Un souffle, accordé au silence, comme si elle lui hurlait des seaux d’encre en plein visage. « I’m sick, Hunter » L’aveu tombe, tranche tous les mensonges, les vérités détournées. Le poids des mots s’abat, cette vérité qu’elle n’a assénée qu’à trois autres âmes.
N’osant plus le regarder, voir la pitié qui habitera certainement le visage du danseur, « Fitting that Marguerite was my last role ». Un rire étranglé quitte ses lèvres, et elle lève les yeux au ciel. Ma vie, cette putain de blague. La dame aux camélias et son corps malade, interprétée avec tant de justesse, le dernier soir. Les décharges dans ses jambes, sa façon de tomber dans les bras d’Armand, le visage traduisant une souffrance qu’elle n’avait qu’imaginée, jusqu’alors. Acclamée par le directeur de la compagnie pour cette dernière représentation, mais avec au fond du cœur un doute – même sans diagnostic, la ballerine avait compris, connaissait trop les douleurs aux jambes pour ne pas saisir l’étrangeté de ce nouvel incendie.
Les lèvres pincées, la danseuse calcinée adresse un pauvre sourire à son ancien partenaire, retenant ses plaintes qui veulent pourtant tellement sortir. Quelque part en elle, une fraction de son être veut pleurer, cesser de se tenir droite. Se laisser bercer par quelqu’un alors qu’elle accepte la perte de ses rêves, plutôt que de mordre dès que les rares à savoir osent approcher le sujet. Mais elle le revoit, le danseur, sur une autre scène, avec une autre, sous ses yeux qui n’ont jamais su être indifférents à lui, et choisit de continuer, les dents serrées. Relève légèrement la tête. Pride. Désigne la scène, les lumières.
(( Oh, the lights. How beautiful, they were. How lucky we were, to exist beneath them, to live through the eyes of our audience. To make terror and anguish come to life. To embody love, and to live, to really live, like we could exist a thousand times. And we did, didn’t we? Every character. Every existence. ))
« I had a gift, and it’s gone. I had a purpose, and … poof. nothing is left ». Il y a un rire mordant d’ironie dans sa voix – ce qu’on dit sur rire et pleurer.
Doucement, la danseuse s’incline vers Hunter, cherche les réponses dans ses prunelles alors que dans les siennes, l’ouragan se lève. Le visage peint de déception, un geste léger d’incompréhension – et la colère. « And you … you’ve got this talent, this raw, amazing ability and what are you doing with it? Don’t you want to dance, anymore? » Sa voix s’habille d’incompréhension, presque, de dédain, un peu. Elle est jalouse, de l’imaginer gaspiller son talent ainsi, a envie de lui envoyer une claque. Putain je le prendrais, moi, ton talent. « Enseigner et prendre sa retraite avant trente ans … », murmure-t-elle, sans comprendre, se passant une main dans les cheveux, accordant ses regards à la salle vide, les seules que la Belge accepte désormais.