Derrière la porte close, Dhan était assis contre le rebord de son bureau, le visage levé vers le plafond et les poutres de bois mat. Sa poitrine se soulevait à peine sous sa chemise blanche, alors qu’il laissait courir son regard sur les plinthes, la couleur sombre qui luisait par endroit et les noeuds comme autant d’yeux endormis qui le fixaient placidement. A coté de sa main gauche, l’eau chaude se teintait d’une couleur ambrée trouble, à mesure que les feuilles de thé noir infusaient, la vapeur d’eau fumant au dessus de la tasse. Dhan semblait perdu dans ses pensées, en réalité, il n’avait jamais aussi ancré, dans le présent : certainement pas égaré, il restait immobile, mais la phosphorescence sous le crâne ordonnait les idées avec une précision d’horloger. Il avait envoyé un message discret à celle qui attendait depuis quelques minutes déjà sans le moindre battement de cils, mais il était confiant, elle n’était que fort rarement en retard et, le cas échéant, elle avait toujours une excellente raison de l’être, justifiant bien qu’elle égrène quelque peu sa patience.
La décision de Mac Arthur était tombée la veille au soir, à la fin d’un conseil d’administration informel qui s’était éternisé jusque tard dans la nuit où, finalement, il n’était plus resté qu’eux deux. Ils avaient partagé un verre, offrande d’Ezechiel à son bras droit de l’avoir privé du coucher de sa petite fille, avant d’aborder d’autres sujets, tantôt personnels, tantôt professionnels, jusqu’à la conclusion : Le Professeur Pence ne reviendrait pas, il en avait à présent la confirmation, et dès le lundi, l’université se retrouvait orpheline de son maitre de conférence et enseignant de Runes. C’était fâcheux, d’autant que la matière était au menu de plusieurs cursus, tant en matières principales que facultatives, et que l’on ne pouvait décemment pas laisser les étudiants en défaut pendant plusieurs mois, le temps de trouver un autre maitre des arcanes. Dhan n’avait pas relevé, mais plongé ses prunelles sombres dans celles pétillantes de l’éminent doyen de la faculté. « Harshavardhan », avait il dit sans la moindre écorchure à ce prénom exigeant, « ne me forcez pas à vous supplier, consentez simplement à m’ôter une énième épine du pied en acceptant de prendre la relève, au moins un an, que vous puissiez décider de si le poste est taillé pour vous, ou non. Nous avons failli vous perdre au profit d’Ilvermorny, je ne ferais pas la même erreur deux fois .» L’ancien Lufkin avait objecté ne pas avoir l’age requis pour occuper une telle place dans l’organigramme, argument que l’Eminence balaya d’un geste de la main et un claquement de langue presque agacé par la probité de son second : on ne parlait que d’une poignée de mois, pas d’années ! De plus, il s’agissait d’une seule et unique année de remplacement, il ne serait titularisé à la rentrée prochaine, si l’alignement des étoiles et la volonté du bureau allaient en ce sens. Finalement, Dhan avait fini sa boisson d’un trait et serré la main du Doyen dans la sienne, sans l’ombre d’un sourire. Celui de Mac Arthur ne finit par déteindre sur ses lèvres qu’après une longue minute, et que celui ci lui tape amicalement sur l’épaule, prêt à lui faire signer un contrat qu’il avait rédigé des dizaines de fois pour d’autres que lui.
Quand le bouton doré de la porte se mit à tourner sur lui même, Dhan coula son regard du plafond à celle qui venait de faire son apparition à son encadrement, dans toute sa splendeur candide et évanescente. Elle était l’une des rares à pouvoir tirer naturellement un rictus de tendresse sans avoir à ouvrir la bouche, petite protégée aux manières aériennes, à la présence lunaire et douce comme la brume matinale qu’exhalait le loch, au plus froid de l’hiver.
- Bonjour Pina. Je suis content que tu ais pu te libérer, j’espère que tu vas bien.
- InvitéInvité
Dhina~ Et je te souhaite de trouver tes propres raisons (terminé)
La lune brille pour toi
Elle guide chacun de tes pas
Dans l'escalier qui mène au toit
- InvitéInvité
Re: Dhina~ Et je te souhaite de trouver tes propres raisons (terminé)
La lune brille pour toi
Elle guide chacun de tes pas
Dans l'escalier qui mène au toit
La tour d'astronomie offrait, en toute période, une vue imprenable sur le domaine de l'université. Mais une des choses favorites de Pina en cette période de l'année consistait à s'enrouler chaudement dans une écharpes, les yeux perdus dans l'océan colorés des arbres, le vent jouant avec facilité dans les feuilles orangées, le carmin de certaines autres donnant à la forêt une nouvelle intensité. L'eau de l'étang reflétaient les couleurs en un nouvel écrin de jaunes, de verts et d'oranges dansant à l'horizon alors que la lufkin laissait dériver ses pensées. C'était son moment, entre la fin de ses cours et le début de sa soirée. Parfaitement silencieuse, elle ne souriait que quand le petit boursouf piaillait avec plaisir dans son cou, cherchant la chaleur de la laine et le réconfort de sa peau.
Le vent s'engouffrait dans la tour avec force, faisant parfois plisser des yeux la renarde qui hésita un instant à se transformer pour profiter de la fourrure rassurante de son alter-égo, oubliant néanmoins l'idée alors qu'elle caressait distraitement le boursouf. Son moment de calme intérieur fut dérangé par la curiosité alors qu'un flocon volait lentement vers elle, prise dans quelques bourrasques avant de venir flotter devant ses yeux. Un sourire doux s'invita de suite sur ses lèvres alors qu'elle reconnaissait le pliage que lui réservait le secrétaire de l'université. Levant la main, elle récupéra la papier en le laissant se déplier au creux de sa paume. Il était rare que le secrétaire la demande dans son bureau, étant plutôt habituée à s'y cacher de son plein gré, discrète et douce présence au sorcier qui, depuis quatre années maintenant, avait tant pris l'habitude de la voir lire au bord de la fenêtre ou partager un thé avec elle.
Pina ramassa alors son sac, calant la bandoulière sur son épaule alors qu'elle resserrait ses bras sur sa poitrine en descendant les escaliers de la tour, ignorant le vent froid de l'automne qui jouait avec ses vêtements. Elle salua d'un sourire poli et d'un mouvement de la tête la professeure de divination et fut un instant accompagnée par le Duc de Norfolk qui l'avait fait sursauter au point de rattraper in extremis le livre qu'elle avait faillis lâcher. « J'espère que vous êtes en route pour aller étudier, mademoiselle ! » ronchonnait-il en découpant l'air de son épée sur leur passage. Amusée autant qu'intimidée par sa présence, se rappelant une journée particulière l'année dernière ou celui-ci s'était emparée de son corps, elle lui offrit un sourire doux en tapotant le livre dans ses bras, « Toujours, cher Duc, toujours. » alors qu'il s'éloignait en ronchonnant « Ces lufkins, jamais en faute, jamais en faute... on ne peut jamais râler... Satanés Lufkins... »
Pina le regarda partir, amusée, alors qu'elle tournait dans le couloir pour rejoindre les grands escaliers, descendant jusqu'au rez-de-chaussée, arpentant cette partie du château avec l'aisance de l'habitude. Trois petits coups à la porte qu'elle ouvrait souvent sans attendre de réponse, Pina passa d'abord la tête pour vérifier si le secrétaire était seul, puis le corps en lui offrant un sourire doux en refermant derrière elle. « Bonjour Pina. Je suis content que tu ais pu te libérer, j'espère que tu vas bien. »
Force est de constater qu'elle faisait toujours la même chose en entrant dans ce bureau, la lufkin s'en alla directement vers la fenêtre, posant son sac sur la banquette en répondant tranquillement « Bonjour ! J'étais dans la tour d'astronomie, je venait de finir les cours, » avant de se débarrasser également de son écharpe ainsi que de son manteau, le boursouf s'accrochant à son pull en laine avant de se replacer sur son épaule « J'ai croisé ce très charmant Duc de Norfolk dans les couloirs, d'excellente humeur, comme à son habitude... » L'étudiante afficha un sourire amusé alors qu'elle dégageait ses cheveux vers l'arrière avant d'approcher du bureau en regardant Dhan avec affection, s'asseyant sur le fauteuil en face du siens « Comment allez-vous aujourd'hui ? », s'enquit-elle, ravalant la question de sa présence en cherchant un indice sur les papiers posés sur le bureau du secrétaire.
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Re: Dhina~ Et je te souhaite de trouver tes propres raisons (terminé)
La lune brille pour toi
Elle guide chacun de tes pas
Dans l'escalier qui mène au toit
Douce Pina, délicate enfant aux yeux et teint aussi clairs que les siens étaient sombres, aussi petite qu’il se faisait grand. Et pourtant, lui semblait il, ils se ressemblaient : dans leur rythme parfois lent, mais implacable, entre cycles lunaires et mouvements des marées, prévisibles et pourtant implacables. Dans cette façon qu’ils avaient d’occuper les lieux sans s’y imposer, le regard souvent perdu dans leur environnement, mais l’esprit et le coeur ouverts aux quatre vents, et à la merci de l’influence des astres et des mots. Quand la porte se referma sur elle, il n’eut pas besoin de l’inviter pour qu’elle s’installe directement dans ce fauteuil qui était presque sien depuis le temps, que ses vêtements viennent se pendre aux crochets non loin du feu : il y avait un autre porte manteau, à l’entrée, mais Pina, comme lui, était de ceux qui apprécient que les tissus s’imprègnent de l’odeur chaude et sensuelle de la fumée que l’âtre exhalait en petite quantité, en dépit des sortilèges ménagers autour. Au même moment, Dhan faisait voler sur le bras du crapaud moelleux une sous tasse, une tasse de vieille porcelaine anglaise et la boule à thé chargée de feuilles odorantes : tisane d’après midi, dénuée d’une théine par trop excitante si consommée en grosse quantité. C’était un mélange automnal qui sentait le clou de girofle et la cannelle, et un je ne sais quoi que rappelait les épices indiennes… Peut être bien un peu de cardamome.
- Ah, ce cher Duc … Il est un peu grognon depuis quelques jours, paraît il qu’il s’est disputé avec Mary, qu’elle est partie en pleurant et, quoi qu’il en dise, le Duc est le plus émotif et sensible de nos ectoplasmes… Mais il ne sait pas comment faire amende honorable. Alors il fait ce que les fantômes font le mieux : il se tourmente. La tour d’astronomie, donc ? J’en informerai le doyen, qu’il soit au courant si d’aventure il vient embêter quelques élèves moins habitués à ses humeurs ...
Cela finirait bien par passer, mais en attendant, nul doute qu’il serait plus bilieux qu’à l’ordinaire, le noble esprit. Dhan ramena une jambe sur l’autre, la cheville sur le genou, alors qu’il penchait la tête de droite et de gauche pour se délasser la nuque. Face à lui, le boursouf l’observait d’un œil curieux, l’air tiraillé entre la tentation de vérifier si le cou du sorcier était encore plus chaleureux que celui de sa petite maitresse et la crainte que l’inconnu ne soit pas aussi doux que cette dernière, poussant un petit couinement incertain qui tira un rictus amusé au sorcier.
- Heureusement qu’Héma n’est pas là, elle adore les boursoufs, mais elle n’est pas encore, comment dire, suffisamment douce pour que je prenne le risque de lui en faire adopter un… Quand je vois la vie qu’elle fait déjà à un furet et un chien autrement plus aptes à se défendre …
Encore que, Scapula et Axis connaissaient l’enfant depuis tellement petite qu’ils se montraient excessivement complaisants avec la petite sorcière au caractère déjà bien affirmé. Il l’avait déjà vu lancer le furet dans les airs sans que celui ci ne cherche à s’enfuir, et habiller le chien avec toutes les cravates de son père sans que l’animal ne fasse autre chose que de soupirer en coulant des regards pitoyables vers les adultes de l’assemblée (ce qui, d’après Mercy, lui faisait ressembler plus encore au Chaffinch sénior que tout l’attirail des cravates).
- Je vais bien, très bien en réalité, même si je t’avouerai que la situation est un petit peu … spéciale pour moi, dernièrement.
Il fit une pause pour prendre une gorgée de boisson brûlante. Dans le foyer, une bûche de bois épaisse se mit à craquer sous l’assaut des flammes gourmandes.
- Tu n’es surement pas sans savoir que Barthelemy Pence a décidé de suivre de plus intrigants présages, peu de temps après la rentrée. Il m’a fait savoir qu’il vous avait déjà fait ses adieux en classe, après avoir déposé sa lettre de démission …
Il se tut un temps, le regard enfoncé dans l’incendie domestique, qui refletait ses formes ondoyantes apprivoisées dans les prunelles sombres du Chaffinch, en surimpression qui s’étalaient même dans les pleins et les déliés de son profil offert à l’oeil de Pina.
- Ezechiel … Le doyen m’a proposé le poste. Un an. A l’essai, puisqu’il me manque au moins un anniversaire révolu pour pouvoir postuler en bonne et due forme ...