Une soirée comme une autre. Maman avait demandé, ce soir à garder Faolan pour permettre à Holly d'avoir une soirée pour elle. En fait de soirée pour elle, c'était un diner au restaurant avec moi, qu'elle avait voulu faire. Je ne pouvais que me demander s'il y avait une raison spécifique à cela, et j'attendais qu'elle en vienne au fait. En attendant, nous discutions de tout et de rien: des cours, des nymphes, de l'appartement, un peu comme si nous ne nous étions pas vues depuis des jours alors que nous habitions ensemble. Je ne pouvais que me demander si cela avait quelque chose à voir avec Jolan, finalement, et avec ma réaction lorsque ma soeur m'avait donné son cadeau et que j'étais partie en furie pour essayer de le trouver pour lui rendre le cadeau, avec lequel j'étais finalement revenue à la maison, un air bizarre peint sur mes traits.

Avant qu'elle ne pose la question, toutefois, mon regard s'était détourné vers une brune qui nous regardait avec un peu beaucoup trop d'insistance à mon goût. Je la regardai brièvement à mon tour avant qu'elle ne se lève pour sortir, sentant la pression se relâcher de mes épaules à mesure qu'elle s'éloignait de nous. "C'est pas la prof de potions? Pourquoi elle nous regarde comme ça?" demandai-je à ma soeur. Cela me rappelait autre chose, sans que je ne puisse réellement remettre la main dessus. En tout cas, sa façon de nous regarder m'avait mise mal à l'aise, et, l'espace d'un instant, ce fut un autre regard qui passa dans mes pensées: malsain, emplis de volonté de nuire. Je frémis, m'efforçant d'oublier le regard et la professeure de potions avant que ma soeur, si perspicace, ne me pose de questions sur mon trouble.

Je ne pus retenir un sourire lorsque ma soeur parla d'explosion de chaudrons. Si je n'étais pas la plus douée en potions à Poudlard, les professeurs avaient souvent dit que j'étais meilleure que Holly à ce sujet. D'ailleurs, à l'appartement, c'était le plus souvent moi qui faisais à manger. Je n'étais pas non plus une cheffe étoilée, mais j'étais capable de nous faire des choses simples sans risquer de mettre le feu à l'appartement et sans nous empoisonner. "Je vais bien, ne t'inquiètes pas. C'est juste le stress des examens de mi-session" prétextai-je, ce qui n'était pas entièrement faux. J'avais la pression, cette année. Celle de réussir l'intégralité de mes examens pour montrer que j'avais eu raison de revenir à mon ancien cursus pour faire ce qui me plaisait vraiment.

Ma soeur se leva alors, pour aller voir la professeure de potions. Si je la suivis un instant du regard, la curiosité fut la plus forte. J'avais besoin de savoir, de comprendre pourquoi elle nous regardait avec autant d'insistance. D'autant que j'avais la vague sensation que ce n'était pas la première fois.

Je me levai donc à mon tour pour gagner la terrasse et arrivai alors qu'Irina parlait à Holly. « Je connais votre père Mademoiselle de Launay. » Je me figeai sur ces mots. Si j'étais hors de vue, je pouvais parfaitement les entendre. A cet instant, j'imaginais la professeure de potions avoir une aventure avec notre père tout juste divorcé de notre mère. Les imaginer ensemble main dans la main, enlacés, s'embrassant me donnait la nausée. Mais pas autant que les mots qui suivirent. « Enfin pour être exacte, je dirais mieux que … Je connais notre père ... Miss De Launay. » Ca, je ne l'avais pas vu venir. Nous connaissions l'existence de Sky, suite à une aventure que Père avait eue en même temps que notre mère était enceinte. Mais. Elle? Elle ne ressemblait pas du tout à notre demi-frère. Et Sky nous l'aurait dit, s'il avait eu une soeur ainée. Je rejoignis ma soeur pour faire front commun avec elle contre l'impostrice."Prétexter une filiation pour cacher une aventure, c'est moche, Madame Melkinov. Jamais je n'aurais cru ça d'un professeur de Hungcalf. Même notre père ne mérite pas ça. Aussi infidèle ait-il pu l'être avec notre mère et malgré tout ce qu'il a pu faire à notre famille."

J'aurais dû garder le silence. Intervenir comme ça ne me ressemblait pas, mais je l'avais fait, et il était trop tard pour revenir en arrière. Je reculai d'un pas sous les propos de la brune qui se prétendait ma demi-soeur. Le poids de son regard méprisant n'étant qu'une raison supplémentaire d'en faire un deuxième. La réaction de ma soeur, qui ne m'apportait aucun soutien pour le coup ne me consola guère. Elle portait réellement du crédit aux propos de cette... Cette... Cette quoi? Usurpatrice? Menteuse? Manipulatrice?

"Tu crois vraiment ce qu'elle prétend?" revins-je lui souffler à l'oreille. "Comment? Pourquoi? Je sais qu'il y a Sky. Je sais que Père n'est pas un modèle de vertu. Mais de là à nous faire croire qu'elle est sa fille?"

Personnellement, je n'avais aucune envie d'y croire, même si je cherchai, sur son visage des traces de ressemblance avec notre paternel et avec Holly et moi. L'enseignante semblant porter plus d'intérêt à Holly qu'à moi, je pouvais le faire de façon plus poussée. Mais je ne voyais rien. Pas même dans son timbre dont l'accent russe prononcé me rendait encore plus sceptique: Père n'était jamais allé en Russie, même avant sa rencontre avec notre mère. Néanmoins, je fronçai les sourcils quand elle mentionna l'héritage.

"Père peut garder son argent, je n'en ai que faire." dis-je. C'était vrai, pour partie. Comme ma soeur, j'étais attachée au Manoir de Terenez. J'y avais mes meilleurs souvenirs. Notamment ces étés que j'y passais avec Juliet et Victor quand nous étions enfants. Mais le reste.... J'étais son héritière, comme il avait depuis longtemps renié Holly et qu'il avait également rayé Victor. Mais je ne comptais pas lui reparler juste pour ça alors même que je l'avais moi aussi rayé de ma vie depuis ce qu'il avait fait à mon frère jumeau.

Si je ne dis plus rien de plus, je n'en étais pas moins en colère et mal à l'aise de toute cette situation. Je n'avais pas envie de la croire, quand bien même ses propos pouvaient tout à fait s'avérer véridiques. Pour une fois, malgré tous les griefs que j'avais contre lui, je voulais croire notre père innocent d'un tel acte. Mais la pernicieuse petite voix me susurrait qu'elle n'avait aucune raison de mentir, que si elle avait réellement été la maîtresse de Père, elle n'aurait pas eu besoin d'inventer ce genre de chose. Je la regardai partir en la fusillant du regard, profitant de ce qu'elle ne me regardait plus. Une chose était sûre et certaine:

"Cette mégère m'a coupé l'appétit." dis-je. "Nous ferions mieux de rentrer à la maison. Je ne crois pas pouvoir donner le change plus longtemps." J'avais envie d'exploser, de hurler, de casser une vitre en criant. N'importe quoi tant que je pouvais vider ce trop plein d'émotion que je contenais parce que nous étions en publique. C'était comme si ma peau me démangeais de l'intérieur et je détestais cette sensation. Une douche brûlante m'apaiserait certainement, du moins, je l'espérais.