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Remember me...
Jeu 11 Fév 2010 - 21:53
Soldado && Princesa
- « Entre l'enfance et la vieillesse, il y a l'espace d'une vie, le temps de quelques amitiés et d'un grand amour de jeunesse. »
Il n’était pas rare qu’entre les murs glacés de cette forteresse de débauche, des cris, bruits stridents et frigorifiant jusqu’à votre échine, se répercutent sur les remparts de pierre de cet immense battisse. Ce soir encore, le grenier, cage de pierre poudreuse, abritait ces adolescents en perditions, fous, amoureux, insouciants, ils se laissaient glisser sous l’immensité de la nuit pour cueillir un aperçu de l’infini. Meteora, éternelle actrice tragique de cet acte pathétique errait dans ce nuage de nicotine. Laissant glisser ses yeux sur les seconds rôles de sa pièce, elle balayait l’espace étouffant de ses iris injectées. Tout s'agitait, même l'émouvant cadavre du silence. Des voix perlaient en bulles de fumée mais pas un corps ne réclamait la parole: ce n'était que froissements de silhouettes occupées à découper la nuit d'une pointe de cigarette. La jeune fille laissa glisser ses prunelles embrumées sur la porte, cette barrière sournoise qui leur avait offert un passe pour le long couloir glacé de la drogue, leur donnant ainsi un subtil avant goût de mort. L’idée de s’échapper de cette dimension perverse et éloignée qui lui brûlait les yeux et faisait bouillir son sang lui, traversa l’esprit. Mais son attention se laissa naturellement glisser sur un groupe de première année, des aiguilles envoutantes perçaient leur maigres bras, empruntant des veines presque invisibles, où le remous du sang allait jusqu'à l'œil. Ces aiguilles perforaient sous leurs gestes nerveux et dessinaient une constellation d'or et de nacre dans ces jeunes iris droguées.. Rouges étaient leur yeux, éblouis par la drogue alarmante, et qui voyaient au-delà des visages qui les entouraient, les mille et un soubresauts de leur paysage intérieur. Il y avait des adolescentes, vierges émerveillées, qui n'étaient plus que des bouches, au rire si cristallin que langues et dents apparaissaient plus extérieurs que leurs bijoux. Des jambes débordaient d'accoudoirs et battaient l'air telles d'antiques pendules affolées par leur trop grande vieillesse. Une fenêtre ouverte, laissait un souffle givré s’infiltrer pour percuter les peaux dénudées. Le spectacle qui se peignait sous les yeux de la Lufkin était devenu bien trop commun pour qu’elle en retire une jouissance nouvelle. Seul le manque, perfide maître de son corps, la poussait dans ces lieux sombres et écœurants. Avec douceur, écartant les voix stridentes qui pénétraient ses tympans sifflants, elle se laissa glisser vers cette fenêtre, unique lien qui lui restait avec la réalité. Avec la fébrilité d’une séraphine, elle se pencha pour cueillir la nuit. Les fenêtres de Norwich qui s‘étendaient à perte de vue, dans leur labyrinthe de verre, composaient la plus fabuleuse mosaïque où la lune, doux visage nacré, agitait ses dernières lueurs. Au-dessus, les étoiles étaient des baisers de lumière, et le rire des sorcières qui continuaient à saisir la jeune fille perdue dans les tréfonds substantifiques de la drogue, ouvraient le ciel plus profondément. Elle sentait derrière elle des adolescents marcher, ricochant de mur en mur au point de les briser. Le parquet remuait et remuait tout son corps, jusqu'à déplacer la voie lactée. Chaque objet, chaque vie, se remplissaient d'importance et entretenaient le seul feu, la seule étoile abandonnée qu'était la Terre. Fébrilement, portant une cigarette à son visage, la petite sorcière dû revenir à la réalité. Les voix agaçantes de ses compagnons se firent plus distinctes, plus réelles. Sa main serrait le bois fissuré d'un coin de la fenêtre, se rattachant à sa solitude, désireuse de garder la drogue pour seule compagne.
« Meteo ? On descend … Oh ! Met’ ?? » Une main carrée et brûlante saisit la sienne avec fermeté, l’invitant à se retourner. « et la coke ? » La voix majestueuse de la junkie imprégna la pièce avec tant de douceur que l’acoustique de cette cage de pierre semblait avoir été crée pour accueillir cette mélodie imposante. « On en a en bas, on a pas envie de l’étaler ici, on en a pas assez… » Le jeune brune dévisagea son interlocuteur sans retenue. Une impassibilité maîtresse s’imposait sur ses traits de poupée, seul son regard azuré arborerait une expression de mépris. « J’arrive » Le verdict tomba dans la poitrine du jeune garçon comme un numéro gagnant à la loterie. Ses iris dorés s’illuminèrent à l’idée de faire don de sa poudre dévastatrice à la princesse de la drogue. Exalté par son ascension dans le milieu restreins des junkies, gouverneurs de cet établissement, il se laissa guidé par son excitation jusqu’à la statue de Joy Hart, cette batteuse légendaire qui avait fait trembler l’Angleterre. Là, se tenait un groupe d’adolescents, nez plongés dans la divine poudre, ils n’attendaient que le verdict de la taciturne princesse. Elle s’avança avec la vague prestance de l’alcool qui noyait déjà son sang trop liquide pour immerger ses narines dans la poudre opaline.
« Alors ? » Elle se redressa avec franchise pour planter ses violentes iris dans les yeux myosotis de l’adolescent qui venait de l’interpeler. Le regard de la belle, assombri par la lumière cafardeuse qui se logeait dans ce couloir gelé, était habité par une lueur de démence propre à cette drogue qui infiltrait son cerveau avec accoutumance. Avec ferveur elle se laissa glisser vers le jeune homme qui la regardait avec appétence. Elle se hissa avec virulence jusqu’au lobe de son oreille pour y laisser glisser un souffle dévastateur. « Alors... J’ai connu mieux… » Brutalement elle le contourna, brisant ce désir capiteux qui commençait à grandir dans l’esprit putride de cet adolescent camé. Le rictus qu’elle abordait à cet instant ne tarda pas à se transformer en ricanement puissant. Un bruit froid et âpre qui se brisait sur la pierre de cet immense couloir grisâtre. Ses yeux enivrés se posèrent enfin sur un garçon qui venait d’apparaître au milieu de cette allée, avec la grâce d’un ange funeste. Examinant ses traits fins, ses yeux azurés, ses cheveux chocolats, chacun de ses traits enfantins et pourtant si durs lui semblait d’une beauté transcendante. Se rapprochant de lui comme un papillon vers la lumière, son esprit lui semblait de plus en plus embrouillé. Ce visage lui était si familier que son palpitant ne cessait de s’accélérer, cherchant à la place de son cerveau imbibé de substances, qui était cet adolescent majestueux. Le temps semblait se suspendre, créant une dimension trouble autour de leurs deux corps. Ses traits célestes brûlaient son cœur avec acclimatement, comme si ça n’était pas la première fois qu’elle y était confrontée. Le gong de sa cage thoracique rythmait ses pas qui la rapprochait de cet ange. Était-ce une perverse hallucination que lui envoyait la drogue funèbre, épicentre de son monde ? Où était-ce un vieux démon qui venait la hanter ? Elle n’avait jamais vu cet homme, il lui semblait être face à une apparition divine et surréelle. Un nouveau tour de sa perfide imagination ? Les traits d’un enfant qui avait bercé sa vie, habité son corps, hanté ses nuits lui revint à l’esprit. Cet enfant colombien, ce brin de vie qui avait sensibilisé la sienne avant qu’elle ne sombre totalement une fois loin de cet ange de douceur. Ce guerrier, qui lui avait sauvé la vie, qui lui avait appris à aimer avant qu’elle ne perde totalement cette faculté qui lui semblait à présent si lointaine. Ce petit garçon qu’elle avait embrassé à l’ombre d’un Ceiba colombien. Ce souvenir qu’elle avait enfoui dans son cœur et qui s’était terni avec le temps, jauni par l’alcool qui avait noyé son cœur d’adolescente, noirci par l’amour volage auquel elle se livrait, déesse libertine des temps modernes, troué par les substances chimiques qu’elle avait assimilé avec ferveur et envie. Ses yeux balayèrent ce visage qu’elle croyait imaginaire. Se persuadant de n’être soumise qu’à une nouvelle hallucination chimique. Fébrilement elle se planta devant lui, plongeant ses yeux bleus dans les siens qui l’enrobèrent avec douceur. Des larmes de douceur et d’incompréhension envahirent ses orbites. Sans pourtant gagner la partie qu’elles menaient à ses paupières, dernières barrières qui retenait ce flot salé. Les sourcils froncés, elle le dévisagea, elle n’était plus qu’à quelques centimètre de cet être grand, beau, qui lui rappelait tant son premier et unique amour. Cet amour de vacances puissant, qu’elle avait connu à 10 ans à peine, ou était-ce à 9 ans ? Elle ne s’en souvenait plus, ce temps semblait s’être évaporé dans la voie lacté, altérant ses souvenirs au point de lui faire oublier la limite entre pure réalité et fantasme imaginé.
Les amours de vacances finissent pour toutes sortes de raisons mais au bout du compte, elles ont une chose en commun. Ce sont des étoiles filantes, lumières tout à fait spectaculaires venues des cieux, un fugace aperçu de l’éternité qui disparaît en un éclair. Son corps de fragile poupée de chiffon n’était plus qu’à quelques pas de ce mirage. De cette illusion perverse que lui jouait les substances qui rythmaient son quotidien. Ne prêtant attention à rien d’autre, elle laissa échapper un petit murmure que seul ce qu’elle pensait être le fruit de son imagination pouvait entendre.
« Si saltas tú, salto yo, no? » Sa voix était altérée par la forte émotion qui l’habitait. Le temps semblait s’accélérer, et le visage de cet ange magnifique semblait prendre plus de sens et de réalité. Meteora en fut terrassée. La phrase qu’elle venait de lui souffler était une des rares phrases qu’elle avait gardé de son séjour en Colombie. Elle n’avait jamais pu parler couramment l’Espagnol et le regrettait amèrement, mais depuis son retour en Angleterre elle avait fait des progrès considérables qu’elle ne pouvait s’expliquer. Comme si une force inconnue l’avait poussé à apprendre cette langue. Cette phrase était pourtant celle qui hantait son esprit depuis sa plus tendre enfance. Une des seules qu’elle avait échangé avec cet enfant qu’elle avait aimé de toutes ses petites trippes. « si tu sautes, je saute, non ? » C’était une phrase qu’elle avait entendu dans un film moldu à l’époque où elle avait foulé la terre du petit colombien et c’est-ce qu’elle lui avait répété sans en comprendre le sens.. C’est-ce qui était devenu leur lien, leur devise, les mots qu’ils avaient placés sur leur amour de bambins. Elle en avait compris le sens, grâce à lui, qui le lui avait enseigné. Avant de se séparer de lui, ce fut la dernière phrase qu’elle lui offrit. Presque dix ans après c’était la première qu’elle pu prononcer, c’était la seul qui pouvait lui assurer qu’elle ne s’était pas trompée de personne. Que c’était bien cet enfant mur et majestueux qui se tenait devant elle. Son palpitant grondait, fébrile d’attendre une réaction à cette phrase qui ne voulait plus rien dire, à cette promesse qu’il avait brisé en la faisait libérer des chaines d’argents qui la retenait alors aux Farcs.
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