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down the river we run - svein
Lun 18 Mar 2019 - 17:17
Sapphire n'assistait pas à tous les cours de musique. Depuis qu'elle travaillait pour le professeur Wakefield, la majeure partie de ses journées étaient dédiées à la paperasse administrative, la gestion des plannings et les heures de chorale. Si elle s'investissait avec passion et dévotion dans ces tâches depuis deux mois, elle avait toujours un peu de mal à se positionner dans le cours de musique. Assister Evan pour la chorale était un jeu d'enfant : elle en avait fait partie pendant six ans, elle connaissait une partie des membres, elle était capable d'animer des répétitions seule. En cours de musique, c'était une autre histoire. La blonde n'ayant jamais suivi ce cours, elle avait du mal à y trouver sa place. Discrète, elle prenait le moins d'initiatives possibles et se contentait d'appliquer à la lettre les consignes de l'enseignant. Ce n'était clairement pas passionnant, mais ce n'était qu'une petite partie de son travail. Curieuse, la jeune femme profitait de ces moments passifs pour écouter le plus possible les leçons, même si la matière en soi ne l'intéressait pas énormément. Elle aimait chanter, et sa compétence musicale s'arrêtait là.
Cette fois-ci, alors qu'elle était venue en classe pour aider Evan à distribuer divers documents aux étudiants, son regard se posa sur @Svein Haugen. Il fallut quelques secondes pour que Sapphire sorte de ses pensées mécaniques de distribution de feuilles pour réaliser qu'il était là. Son cousin, Svein, était présent. Elle n'avait pas eu de nouvelles depuis l'été, alors qu'ils avaient convenu de se revoir à la rentrée scolaire. Une fois installée à Londres, Sapphire lui avait écrit son adresse afin de proposer une entrevue, sans réponse. Pourtant, il était manifestement toujours à Hungcalf. Un peu surprise, autant par le fait de le revoir alors qu'elle le pensait disparu que par l'immersion de sa vie privée dans son travail, la sorcière n'avait rien manifesté de son trouble et avait attendu la fin de la séance dans son coin, silencieuse. Elle ignorait que Svein suivait ce cours. Difficile de se connaitre quand on ne se parlait plus depuis plus de dix ans. Elle-même ne chantait pas énormément dans son enfance : elle avait commencé à pratiquer dans les choeurs irlandais à l'adolescence, peu de temps avant de rejoindre la chorale de l'université. Les cousins complices dans leur jeune âge étaient devenus des individus étrangers.
La cloche sonna, et le professeur Wakefield libéra les étudiants au compte-gouttes, certains ayant besoin de recommandations personnelles. Sapphire s'assura qu'il n'avait plus besoin d'elle et se faufila à contre-courant pour atteindre Svein qui se levait de son siège. Pendant toute sa scolarité ici, elle l'avait poliment évité les rares fois où ils s'étaient croisés, embarrassée par la distance prise par leur famille. Mais depuis leur discussion du printemps dernier, près de la tombe de Sofia, elle savait qu'il avait la même envie qu'elle, innocente, fragile, peut-être illusoire, de renouer. Svein ? Les yeux bleus cherchaient les siens pour leur sourire avec bienveillance. Loin de lui en vouloir pour leur rendez-vous manqué, Sapphire n'osait pas pour autant se montrer trop envahissante. Je ne savais pas que tu avais le professeur Wakefield. Un sorcier qu'elle estimait beaucoup, surtout depuis qu'il était son patron. Tu joues de la musique, je crois bien ? Demande de confirmation dans la voix, car elle n'était pas sûre de son information. Est-ce que tu as cours, là maintenant ? Les politesses et questions de convenance étaient inutiles. Sapphire avait envie de passer un peu de temps avec lui, juste pour apprendre à lereconnaître. Légère, elle replaça des mèches dorées derrière ses oreilles, apprêtée dans une robe beige d'un autre temps, le cou orné d'une cravate de soie d'un gris bleuté.
Cette fois-ci, alors qu'elle était venue en classe pour aider Evan à distribuer divers documents aux étudiants, son regard se posa sur @Svein Haugen. Il fallut quelques secondes pour que Sapphire sorte de ses pensées mécaniques de distribution de feuilles pour réaliser qu'il était là. Son cousin, Svein, était présent. Elle n'avait pas eu de nouvelles depuis l'été, alors qu'ils avaient convenu de se revoir à la rentrée scolaire. Une fois installée à Londres, Sapphire lui avait écrit son adresse afin de proposer une entrevue, sans réponse. Pourtant, il était manifestement toujours à Hungcalf. Un peu surprise, autant par le fait de le revoir alors qu'elle le pensait disparu que par l'immersion de sa vie privée dans son travail, la sorcière n'avait rien manifesté de son trouble et avait attendu la fin de la séance dans son coin, silencieuse. Elle ignorait que Svein suivait ce cours. Difficile de se connaitre quand on ne se parlait plus depuis plus de dix ans. Elle-même ne chantait pas énormément dans son enfance : elle avait commencé à pratiquer dans les choeurs irlandais à l'adolescence, peu de temps avant de rejoindre la chorale de l'université. Les cousins complices dans leur jeune âge étaient devenus des individus étrangers.
La cloche sonna, et le professeur Wakefield libéra les étudiants au compte-gouttes, certains ayant besoin de recommandations personnelles. Sapphire s'assura qu'il n'avait plus besoin d'elle et se faufila à contre-courant pour atteindre Svein qui se levait de son siège. Pendant toute sa scolarité ici, elle l'avait poliment évité les rares fois où ils s'étaient croisés, embarrassée par la distance prise par leur famille. Mais depuis leur discussion du printemps dernier, près de la tombe de Sofia, elle savait qu'il avait la même envie qu'elle, innocente, fragile, peut-être illusoire, de renouer. Svein ? Les yeux bleus cherchaient les siens pour leur sourire avec bienveillance. Loin de lui en vouloir pour leur rendez-vous manqué, Sapphire n'osait pas pour autant se montrer trop envahissante. Je ne savais pas que tu avais le professeur Wakefield. Un sorcier qu'elle estimait beaucoup, surtout depuis qu'il était son patron. Tu joues de la musique, je crois bien ? Demande de confirmation dans la voix, car elle n'était pas sûre de son information. Est-ce que tu as cours, là maintenant ? Les politesses et questions de convenance étaient inutiles. Sapphire avait envie de passer un peu de temps avec lui, juste pour apprendre à le
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Re: down the river we run - svein
Mer 20 Mar 2019 - 11:53
La plume remue entre mes longs et fins doigts, le bruit des crissements sur les feuilles créant une mélodie désagréable pour certains, douce et apaisantes pour d’autres. Prendre des notes… Qui aurait cru, il y a quelques mois en arrière que je prendrai mes cours avec un certain sérieux ? Une écriture ample, beaucoup d’espaces entre les mots, des sauts de paragraphes fréquents, même quand il n’en est sujet, une science moldue parle des traits que reflète l’écriture. Je crois que la mienne est gage d’une liberté certaine, intimement liée à des boucles strictes et des lettres liées les unes aux autres, témoignant d’un enfermement certain, d’une limite. Pourtant les phrases sont longues, Proust n’en soit jaloux, couper les termes n’a jamais été chose simple à mes yeux.
Pas que j’aime m’exprimer en règle général, mais je n’aime pas la fin. L’aspect, les conséquences et l’existence de la fin. Beckett l’impliquait en Fin de Partie. « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. » En tout bien toute mesure, l’incipit contradictoire de l’œuvre part en un défaitisme certain. C’est pour ça que j’ai toujours eu du mal avec cet écrivain que je considère pourtant si grand.
Le rêve d’éternité.
Mes rêveries se tassent, lentement, alors que mes prunelles se lèvent, lentement. Esmée dort paisiblement, en un petit coin de table, proche de l’encrier. A chaque fois que j’emplis ma plume, mes doigts effleurent lentement le minois du bébé chat pour stimuler ses glandes d’allomarquage et lui apporter une sérénité dans son sommeil, peu importe les reprises de voix du professeur. Parfois. Et en clignant des yeux, face aux mèches blondes me revient Sapphire. Je crois rêvasser encore quelques instants, mais non. J’hésite à la toucher, effleurer le bout de son bras à son passage pour m’en assurer, mais le léger courant d’air à son passage, son odeur, le bruit de ses pas, tout parait trop réel.
Qu’est-ce qu’elle fait là ?
Il me faudra attendre pour le savoir. Je ne vais clairement pas interrompre le cours pour une simple curiosité, ça serait terriblement déplacé. Il est vrai qu’à la teneur de nos derniers mots, j’aurais dû lui écrire. C’aurait été la moindre des choses. Mais je n’y ai que… Peu songé. Bien sûr, j’ai repensé à elle, pendant mon voyage. Ou plutôt… Pendant mon voyage, j’ai repensé à tout. Mon minois observe avant que je ne saisisse qu’elle est là en soutiens du professeur Wakefield… Le temps passe. Le temps passe bien trop vite. Mon regard se détourne d’elle, maintenant dos à moi, et se repose vers Esmée.
Pour toi aussi le temps passe, et je continue de te faire attendre… Je ne t’oublie pas. Et je ne t’oublierai pas. Rassure-toi. Les songes mi conscients me satisfaisaient, prenant temps de caresser lentement la petite boule de poil tout en continuant de prendre des notes de manière plus lunaire. Au moins jusqu’à la fin du cours.
Mon minois se crispe quelques instants. Le bruit strident de cette cloche m’a toujours été désagréable. Ou peut-être ressasse-t-elle simplement les mauvais souvenirs des bancs d’école. Rassemblant lentement mes affaires, je me redressais en nichant lentement la petite ragdoll bousculée par le bruit et l’éveil dans une poche de mon manteau. Quelques ronrons, sa tête vient se coller contre ma poitrine pour qu’en revienne une forme d’habitude. Vêtu d’une simple chemise blanche, un pantalon noir, les deux liés par des bretelles, des chaussures de ville, mon manteau par-dessus, malgré les mois de vie sauvage, j’ai toujours attaché une certaine importance à donner l’impression de vouloir faire l’effort d’être présentable. Une question de… Respect, je suppose.
Enfin, je cherchais du regard ma cousine qui, finalement, semblait aussi curieuse que moi en s’approchant. Son sourire, sa distance, cela me semble contagieux. En fait non, c’est sa bienveillance. Malgré les kilomètres, malgré les éloignements familiaux, malgré les années, une amitié d’enfance demeure une amitié d’enfance, et même si nous semblons aujourd’hui de parfaits inconnus ou presque, la douceur de son sourire se reflète en le miens, bien plus crispé, certes, mais sincère d’une tendresse et d’une volonté d’ouverture.
« Sapphire. J’ignorais aussi que tu travaillais avec lui… »
Différent, oui, c’en est certain. Malgré une timidité certaine toujours palpable, ou plutôt une tendance à être reclus sur moi-même, par rapport à autrui, je semblais en un certain état de paix, de sérénité. Bien différent en tout, en le regard, en la prestance. Détournant le regard face à une gêne certaine, lieu à la question piège. « Tu joues de la musique, je crois bien ? » la question parait évidente au vu de ma présence en le lieu, ainsi je ne distingue pas si elle est rhétorique ou non et donc de la pertinence de ma réponse. Soit. J’acquiesce, d’un simple signe de tête avant qu’elle n’enchaîne.
« Euh… Non. Enfin. Je ne crois pas… Mais peu importe au pire. Et toi ? Je dois avoir de quoi t’offrir un verre sur moi. »
Les faits m’importent peu. Détaché, c’est probablement la meilleure façon d’interpréter mon ton, mes mots. En réalité je n’ai aucune idée de si j’ai encore cours ou non, mais une chose est certaine, ça ne m’importe que peu. J’ai déjà raté quatre mois de cours, une ou deux heures de plus, une ou deux heures de moins… Mais surtout, cela assure qu’à mes yeux, rattraper les erreurs de notre volonté de renouer est bien plus important que de rattraper quelques heures et me coucher un peu plus tard cette nuit.
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