- InvitéInvité
Shaded path [Terminé]
Lun 6 Jan 2020 - 22:33
Si le travail à la ferme était harassant, Charlie n'avait pour autant jamais renoncé à sa passion du cinéma. Il continuait d'enrichir sa culture cinématographique, de travailler sur des projets (qui ne verraient probablement jamais le jour) et de filmer malgré un emploi du temps extrêmement chargé.
Les journées commençaient à l'aube et se terminaient tard dans la nuit.
Charlie les vivaient souvent comme des heures de luttes contre un système prévu pour les manieurs de baguette. La botanique était, en effet, une discipline difficile d'accès et ce même pour un sorcier doué : elle exigeait beaucoup de savoir faire et de connaissances. En d'autres termes, on ne pouvait s'y lancer à corps perdu en espérant que cela passe : une pitié, car c'était exactement ce dans quoi la famille de Charlie l'avait embarqué.
Le jeune homme s'était retrouvé propriétaire de la plus grande exploitation de plantes magiques de toute la Grande Bretagne du jour au lendemain. Pourtant, il n'avait pas fait Hungcalf et il n'avait pas non plus fait Poudlard. A dire vrai, c'était tout juste s'il avait déjà enfilé des gants en peau de dragon avant le jour de la signature.
Ce n'était pourtant pas faute d'avoir été élevé dans l'ombre du grand Charles, le « génie de la botanique » (comme aimaient le désigner les revues spécialisées). Mais, conscient de sa condition de cracmol, Charlie ne s'était jamais tellement intéressé au métier de son aïeul. Il avait accepté l'idée que ce monde n'était pas pour lui et voilà tout (et quand bien-même, magiques ou non, les plantes, ce n'était pas son truc). Son avenir se situait dans le monde moldu qui l'avait adopté : c'est ce qu'il s'était toujours dit et, à dire vrai, sans le décès prématuré de son grand-père, c'est ainsi que les choses auraient dû se passer. Cependant (et comme on le sait) le destin en décida autrement.
Maintenant, Charlie devait se débrouiller pour rattraper son retard du mieux possible, tout en faisant en sorte d'avoir l'air de maîtriser la situation. Mais s'il fallait résumer son sentiment quand à ces derniers mois, Charlie dirait probablement qu'il se sentait comme une nonne envoyée distribuer des préservatifs dans une orgie sadomasochiste : il n'était clairement pas le plus qualifié pour cela, mais vu les circonstances, il préférait avoir l'air détendu (au risque de trop attirer l'attention). Avec un peu de chance, on le laisserait s'en tirer à bon compte.
Quoiqu'il en soit, on comprenait que dans pareil contexte, Charlie ait besoin de se vider la tête régulièrement. Ainsi, il consacrait ses week-ends aux événements culturels en lien avec le septième art. Quand il n'animait pas la Zik-Actu sur Radio Phoénix, on le retrouvait à arpenter les rues de la capitale en compagnie de ses anciens camarades d'école moldus ou de scène. Ils assistaient généralement à une ou deux projections dans la journée, une rétrospective (et autre exposition du genre), pour finir dans un bar, où ce qu'ils avaient vu faisait l'objet de discussions passionnées.
Ce soir là, cependant, Charlie ne trouva personne pour l'accompagner à l'une de ces nombreuses soirée-débat organisée par une énième association de cinéphile. Le principe était très simple : des intervenants spécialisés proposaient une sélection de court-métrages au public qui était ensuite invité à partager ses impressions. Cette fois-ci, le thème de la soirée était la romance et l'érotisme.
Charlie avait reconnu quelques noms sur le programme et cela lui avait donné envie de participer. Il n'était pas dérangé à l'idée d'y aller sans être accompagné par l'un de ses proches, car c'était un habitué et il identifiait un peu tout le monde maintenant (rares étaient les nouveaux venus dans ce genre de petit événement).
Un peu avant le début de la première projection, Charlie se fraya discrètement un chemin entre les rangées de fauteuil du petit cinéma dans les environs de Hammersmith. C'était une salle assez modeste, dont la petitesse créait un sentiment de confort propice à l'anesthésie des sens.
Sous le grand écran, on avait installé une table basse ronde (sur laquelle trônait l'éternel duo d'un gobelet de plastique blanc et d'une bouteille d'eau pour chaque intervenant) et quelques chaises. Quand Charlie entra, le technicien était encore en train d'ajuster le micro, mais les rangées de siège étaient déjà bien occupées (au regard des fois précédentes).
Le jeune homme entreprit donc de se glisser vers sa place habituelle en veillant à ne pas trop incommoder les autres spectateurs avec son gros sac de matériel (il avait filmé toute l'après midi).
« Sorry...
Glissa-t-il à l'adresse de son voisin d'un air distrait, comme il regardait où il mettait les pieds. Le jeune homme finit néanmoins par s'asseoir et se débarrassa de son sac sur la place libre d'à côté. Il prit ensuite un instant pour corriger l'aspect débraillé de sa tenue et envoya son regard bleu détailler la silhouette assombrie des autres spectateurs. Son attention se reporta finalement sur les poches de son sweat à capuche au moment où il réalisa que ce qui était censé s'y trouver n'y était plus.
« Excuse-moi, tu n'aurais pas le programme ?
Demanda-t-il donc très naturellement à son voisin. Charlie n'avait pas vraiment prit le temps de l'aviser avant cela, mais comme il s'adressait à lui, ses yeux prirent quelques secondes pour le détailler. La première chose qu'il se dit en le voyant, c'est qu'il ne le connaissait pas. La seconde, c'est qu'ils devaient avoir à peu près le même âge et la troisième, c'est qu'il n'était plutôt pas mal dans son genre. Une pensée qui lui tira un léger sourire en coin : Charlie n'était pas du genre à scruter avidement les hommes et les femmes, mais quand il voyait un visage bien fait, il le reconnaissait (comme tout le monde, en somme).
« C'est la première fois que tu viens ici, non ?
Enchaîna-t-il dans la foulée, la curiosité piquée.
Les journées commençaient à l'aube et se terminaient tard dans la nuit.
Charlie les vivaient souvent comme des heures de luttes contre un système prévu pour les manieurs de baguette. La botanique était, en effet, une discipline difficile d'accès et ce même pour un sorcier doué : elle exigeait beaucoup de savoir faire et de connaissances. En d'autres termes, on ne pouvait s'y lancer à corps perdu en espérant que cela passe : une pitié, car c'était exactement ce dans quoi la famille de Charlie l'avait embarqué.
Le jeune homme s'était retrouvé propriétaire de la plus grande exploitation de plantes magiques de toute la Grande Bretagne du jour au lendemain. Pourtant, il n'avait pas fait Hungcalf et il n'avait pas non plus fait Poudlard. A dire vrai, c'était tout juste s'il avait déjà enfilé des gants en peau de dragon avant le jour de la signature.
Ce n'était pourtant pas faute d'avoir été élevé dans l'ombre du grand Charles, le « génie de la botanique » (comme aimaient le désigner les revues spécialisées). Mais, conscient de sa condition de cracmol, Charlie ne s'était jamais tellement intéressé au métier de son aïeul. Il avait accepté l'idée que ce monde n'était pas pour lui et voilà tout (et quand bien-même, magiques ou non, les plantes, ce n'était pas son truc). Son avenir se situait dans le monde moldu qui l'avait adopté : c'est ce qu'il s'était toujours dit et, à dire vrai, sans le décès prématuré de son grand-père, c'est ainsi que les choses auraient dû se passer. Cependant (et comme on le sait) le destin en décida autrement.
Maintenant, Charlie devait se débrouiller pour rattraper son retard du mieux possible, tout en faisant en sorte d'avoir l'air de maîtriser la situation. Mais s'il fallait résumer son sentiment quand à ces derniers mois, Charlie dirait probablement qu'il se sentait comme une nonne envoyée distribuer des préservatifs dans une orgie sadomasochiste : il n'était clairement pas le plus qualifié pour cela, mais vu les circonstances, il préférait avoir l'air détendu (au risque de trop attirer l'attention). Avec un peu de chance, on le laisserait s'en tirer à bon compte.
Quoiqu'il en soit, on comprenait que dans pareil contexte, Charlie ait besoin de se vider la tête régulièrement. Ainsi, il consacrait ses week-ends aux événements culturels en lien avec le septième art. Quand il n'animait pas la Zik-Actu sur Radio Phoénix, on le retrouvait à arpenter les rues de la capitale en compagnie de ses anciens camarades d'école moldus ou de scène. Ils assistaient généralement à une ou deux projections dans la journée, une rétrospective (et autre exposition du genre), pour finir dans un bar, où ce qu'ils avaient vu faisait l'objet de discussions passionnées.
Ce soir là, cependant, Charlie ne trouva personne pour l'accompagner à l'une de ces nombreuses soirée-débat organisée par une énième association de cinéphile. Le principe était très simple : des intervenants spécialisés proposaient une sélection de court-métrages au public qui était ensuite invité à partager ses impressions. Cette fois-ci, le thème de la soirée était la romance et l'érotisme.
Charlie avait reconnu quelques noms sur le programme et cela lui avait donné envie de participer. Il n'était pas dérangé à l'idée d'y aller sans être accompagné par l'un de ses proches, car c'était un habitué et il identifiait un peu tout le monde maintenant (rares étaient les nouveaux venus dans ce genre de petit événement).
Un peu avant le début de la première projection, Charlie se fraya discrètement un chemin entre les rangées de fauteuil du petit cinéma dans les environs de Hammersmith. C'était une salle assez modeste, dont la petitesse créait un sentiment de confort propice à l'anesthésie des sens.
Sous le grand écran, on avait installé une table basse ronde (sur laquelle trônait l'éternel duo d'un gobelet de plastique blanc et d'une bouteille d'eau pour chaque intervenant) et quelques chaises. Quand Charlie entra, le technicien était encore en train d'ajuster le micro, mais les rangées de siège étaient déjà bien occupées (au regard des fois précédentes).
Le jeune homme entreprit donc de se glisser vers sa place habituelle en veillant à ne pas trop incommoder les autres spectateurs avec son gros sac de matériel (il avait filmé toute l'après midi).
« Sorry...
Glissa-t-il à l'adresse de son voisin d'un air distrait, comme il regardait où il mettait les pieds. Le jeune homme finit néanmoins par s'asseoir et se débarrassa de son sac sur la place libre d'à côté. Il prit ensuite un instant pour corriger l'aspect débraillé de sa tenue et envoya son regard bleu détailler la silhouette assombrie des autres spectateurs. Son attention se reporta finalement sur les poches de son sweat à capuche au moment où il réalisa que ce qui était censé s'y trouver n'y était plus.
« Excuse-moi, tu n'aurais pas le programme ?
Demanda-t-il donc très naturellement à son voisin. Charlie n'avait pas vraiment prit le temps de l'aviser avant cela, mais comme il s'adressait à lui, ses yeux prirent quelques secondes pour le détailler. La première chose qu'il se dit en le voyant, c'est qu'il ne le connaissait pas. La seconde, c'est qu'ils devaient avoir à peu près le même âge et la troisième, c'est qu'il n'était plutôt pas mal dans son genre. Une pensée qui lui tira un léger sourire en coin : Charlie n'était pas du genre à scruter avidement les hommes et les femmes, mais quand il voyait un visage bien fait, il le reconnaissait (comme tout le monde, en somme).
« C'est la première fois que tu viens ici, non ?
Enchaîna-t-il dans la foulée, la curiosité piquée.
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Re: Shaded path [Terminé]
Mar 7 Jan 2020 - 0:19
S’il n’était pas toujours aisé de me motiver à sortir le nez de chez moi une fois la nuit tombée, j’avais actuellement grand besoin de me changer les idées. Les derniers jours avaient été éprouvants, âpre mélange d’angoisse et de confusion, et je ne pouvais rester là avec ma personne pour unique compagnie. Un bol d’air me ferait le plus grand bien ! Ainsi, je sortis dans les rues londoniennes sans savoir où me guideraient mes pas, évitant les foules les plus compactes afin de conserver un maximum de fluidité dans mon rythme. Il faisait un froid de canard. Durant un instant, j’envisageai d’utiliser mes dons pour me réchauffer mais je finis par me raviser. Ce ne serait franchement pas fairplay quant aux Moldus qui m’entouraient et dont on devinait à peine les visages, emmitouflés sous le combo bonnet/écharpe. Solidarité ! Qui plus est, j’avais connu bien pire lors de mes sept années à l’école Durmstrang. Je m’étais même retrouvé plongé dans un lac gelé après que la glace ait flanché sous mon poids un après-midi de décembre. Cet événement aurait tourné au drame si mon meilleur ami de l’époque ne m’avait pas aidé à m’extirper de là. Trempé et grelottant, l’infirmière soucieuse m’avait retenu prisonnier jusqu’au lendemain, m’obligeant à manquer le dernier cours de la journée. Un désastre pour l’élève modèle que j’étais qui ne pensait qu’à se surpasser !
Errant à l’aveuglette, je m’arrêtais à un café convivial que j’avais fréquenté plus d’une fois depuis mon arrivée dans la capitale britannique et me commandais un chocolat chaud savoureux. Le meilleur qu’il m’ait été donné de goûter ici. La boisson me procura une sensation délicieuse, redonnant force et vitalité à mes membres que le minimum d’effort nécessaire rendait douloureux. Assis seul à une table ronde, j’observais la clientèle d’un œil discret. Rares étaient les personnes venues en solo. La majorité riaient autour de leurs boissons, enchaînant ce qui devaient être blagues et anecdotes. Cela me fit sourire. Je devais avoir l’air d’un type plus étrange que jamais. Dans un flash, l’image de Sullivan s’inscrivit dans mon champ de vision. Face à moi, celui-ci arborait sa récurrente mine joyeuse qui était parvenue à faire fondre ma résistance. Malheureusement, cela n’était que le fruit de mon imagination. Le garçon devait se trouver à des centaines de kilomètres du George Inn à l’heure actuelle. Déçu, je bu une nouvelle gorgée de ma commande puis ouvris le navigateur installé sur mon téléphone. Cela faisait un bail que je n’avais pas prêté attention aux notifications des sorties à ne pas manquer ! Signe que j’étais toujours aussi sociable.
Une en particulier attira mon attention. Un ciné-débat avait lieu sur la rive opposée de la Tamise et avait pour thème le romantisme. Sans oublier l’érotisme. Moi qui m’intéressais tant au septième art, objet de pure curiosité, il me fallait m’y rendre à tout prix ! Le souci était le suivant : je ne pouvais arriver à temps en me contentant des transports en commun ! L’addition payée, je sortis en vitesse et vins me planter dans un coin sombre, abandonné par les multiples sources lumineuses des alentours. En un clignement des yeux, j’étais debout dans une ruelle voisine au bâtiment où se déroulait l’événement. Être sorcier avait du bon ! Même si j’évitais de trop en jouir en-dehors de mes heures au Ministère.
Par chance, des places restaient vacantes même si le guichetier s’attendait à ce que la séance soit sold-out d’ici le lancement. Je m’assis confortablement dans un fauteuil de la moitié supérieure de la salle et attendis patiemment. Ma bulle silencieuse fut mise au défi par l’apparition d’un étranger bien trop équipé pour ne pas manquer de provoquer de désastre. Après avoir failli assommer quelqu’un (désormais occupé à voix basse) sans s’en rendre compte, il se posa à mes côtés mine de rien. Mon regard fixait la table basse toujours inoccupée, patientant sans prêter attention à ce qui m’entourait.
- … programme ?
Il me fallut un instant pour saisir que l’unique mot capté par mon attention m’était destiné. Je tournais mon visage vers lui, troublé. Pourquoi étais-je toujours si étonné d’être accosté par des inconnus ? Ce n’était pas la première fois ! Et cette fois cela n’avait rien d’indécent. J’aurais des pépites à raconter si j’en avais envie.
- Pardon ? demandais-je comme si je me réveillais d’une longue sieste. Oh !
Les connexions se faisaient enfin dans mon cerveau. Comme pour effacer ce flottement, je forçais un sourire aimable sur mes lèvres. À défaut d’être talentueux en improvisation, je pouvais me montrer sympathique. Je n’avais jamais été un sale type malgré mes origines familiales. Juste… Mal à l’aise avec ce qui marchait sur deux jambes et avait le don de la parole. Peu importe qui. Tous à mettre dans le même sac. Certains réussissaient juste à mieux s’en sortir que d’autres.
- Bien sûr !
Je lui tendis l’objet de sa requête et étais bien décidé à m’arrêter là, persuadé qu’il préférait feuilleter le programme plutôt que de parler au drôle de mec occupant le siège collé au sien. Pourtant, ce dernier me prouva le contraire. À croire que je n’étais pas au bout de mes surprises tant que nous n’étions pas plongés dans l’obscurité.
- Comment tu as deviné ? Ça se voit tant que ça ? demandais-je intrigué.
Était-ce marqué sur mon front ou bien possédait-il un sixième sens lui permettant de flairer les inconnus ? Venais-je de m’incruster au sein d’une secte réfractaire aux petits curieux ? Si ça se trouve, j’allais être victime de bizutage ! Les scénarios se dessinant étaient tous plus flippants les uns que les autres. Je m’éclaircis la gorge avant d’ajouter, justifiant ma présence et plaidant mon innocence :
- Je ne savais même pas que ce lieu existait avant ce soir. Je suis tombé sur une alerte et… Me voilà.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mar 7 Jan 2020 - 14:24
Le petit sourire de Charlie se renforça en réaction à l'expression troublée de son interlocuteur. Il venait manifestement de le tirer de ses songeries. A présent, le pauvre homme s'appliquait à reprendre contenance du mieux qu'il pouvait, forçant un sourire aimable (ce que Charlie interpréta comme la marque d'un tempérament introverti) tout en cherchant la programmation. Pour l’apprenti botaniste, dont on connaissait l'aisance sociale, de voir pareille lutte se produire était toujours un spectacle amusant. Haussant un sourcil d'un air gentiment goguenard, le regard toujours rivé sur les yeux de l'inconnu, Charlie récupéra donc le fascicule.
« Merci.
Glissa-t-il à voix basse, d'une intonation qui traduisait son état d’esprit. A ce titre, il avait visé juste : c'était bel et bien la première fois que le blond venait ici. Charlie, qui était en train de parcourir le programme, releva les yeux en direction de son interlocuteur pour lui adresser un regard bienveillant. Il avait l'impression de l'avoir affolé avec sa question, ce qui ne manqua pas de renforcer son impression précédente : fallait-il que ce grand gaillard au faciès scandinave fusse un grand anxieux ?
Le tableau était atypique (presque cocasse), mais Charlie connaissait assez les hommes pour savoir que l'assurance virile dissimule parfois un monde de fragilité. Le genre de constat qui ne peut qu'inspirer la sympathie : les hommes sont rarement invités à composer avec leurs émotions (on les incite plutôt à les enterrer). Charlie avait eu cette chance là grâce au théâtre, mais ce n'était pas le cas de la majorité.
Il en était bien conscient, et même s'il n'avait pas la moindre idée du genre d'homme qu'était son voisin, c'était ce que cela lui évoquait naturellement.
« Peut-être... Répondit-il d'un air joueur, devinant que cela risquait de le déboussoler. Un peu.
Charlie détourna le regard en direction du fascicule, un sourire en coin sur le visage. La lecture de certains noms allumaient une étincelle dans ses yeux bleus farouches et l'on comprenait qu'il se réjouissait par avance de ce qu'ils allaient voir. Il acquiesça néanmoins à la dernière remarque du blond avant de renchérir.
« C'est bien, tu as eu raison. Dit-il en se penchant un peu sur l'accoudoir, de sorte à faciliter la discussion entre eux. Les organisateurs soignent toujours leur programmation. Et, pour te répondre... A dire vrai, la plupart des gens qui viennent ici sont des habitués. Cela dit, certaines thématiques sont plus sexy que d'autres, mmh ?
Charlie adressa à son voisin un haussement de sourcil évocateur (il aimait visiblement le taquiner). Cependant, il ne laissa au malaise le temps de s'installer et poursuivit aussitôt sur sa lancée, tout en rapprochant le fascicule de son voisin, afin qu'il puisse aviser la photo de l'une des auteures présentées ce soir.
« Cette fille, là : Naoko Nakamura, elle fait des trucs extraordinaires. Je l'ai rencontré au cours d'un match d'impro. Une personnalité incroyable. Elle développe toute une esthétique autour de la question du genre, avec une façon de filmer les corps très particulière. Elle prend souvent des danseurs, donc ça donne des trucs très délicats, avec des corps androgynes. C'est très intéressant.
Expliqua Charlie d'un ton posé, mais dont la passion ressortait de manière évidente. Puisqu'il avait (apparemment) affaire à un néophyte, le jeune homme se faisait un plaisir de lui donner quelques éléments de contexte. Après tout, c'était bien le but de cette soirée : discuter autour d'un thème, partager.
« Merci.
Glissa-t-il à voix basse, d'une intonation qui traduisait son état d’esprit. A ce titre, il avait visé juste : c'était bel et bien la première fois que le blond venait ici. Charlie, qui était en train de parcourir le programme, releva les yeux en direction de son interlocuteur pour lui adresser un regard bienveillant. Il avait l'impression de l'avoir affolé avec sa question, ce qui ne manqua pas de renforcer son impression précédente : fallait-il que ce grand gaillard au faciès scandinave fusse un grand anxieux ?
Le tableau était atypique (presque cocasse), mais Charlie connaissait assez les hommes pour savoir que l'assurance virile dissimule parfois un monde de fragilité. Le genre de constat qui ne peut qu'inspirer la sympathie : les hommes sont rarement invités à composer avec leurs émotions (on les incite plutôt à les enterrer). Charlie avait eu cette chance là grâce au théâtre, mais ce n'était pas le cas de la majorité.
Il en était bien conscient, et même s'il n'avait pas la moindre idée du genre d'homme qu'était son voisin, c'était ce que cela lui évoquait naturellement.
« Peut-être... Répondit-il d'un air joueur, devinant que cela risquait de le déboussoler. Un peu.
Charlie détourna le regard en direction du fascicule, un sourire en coin sur le visage. La lecture de certains noms allumaient une étincelle dans ses yeux bleus farouches et l'on comprenait qu'il se réjouissait par avance de ce qu'ils allaient voir. Il acquiesça néanmoins à la dernière remarque du blond avant de renchérir.
« C'est bien, tu as eu raison. Dit-il en se penchant un peu sur l'accoudoir, de sorte à faciliter la discussion entre eux. Les organisateurs soignent toujours leur programmation. Et, pour te répondre... A dire vrai, la plupart des gens qui viennent ici sont des habitués. Cela dit, certaines thématiques sont plus sexy que d'autres, mmh ?
Charlie adressa à son voisin un haussement de sourcil évocateur (il aimait visiblement le taquiner). Cependant, il ne laissa au malaise le temps de s'installer et poursuivit aussitôt sur sa lancée, tout en rapprochant le fascicule de son voisin, afin qu'il puisse aviser la photo de l'une des auteures présentées ce soir.
« Cette fille, là : Naoko Nakamura, elle fait des trucs extraordinaires. Je l'ai rencontré au cours d'un match d'impro. Une personnalité incroyable. Elle développe toute une esthétique autour de la question du genre, avec une façon de filmer les corps très particulière. Elle prend souvent des danseurs, donc ça donne des trucs très délicats, avec des corps androgynes. C'est très intéressant.
Expliqua Charlie d'un ton posé, mais dont la passion ressortait de manière évidente. Puisqu'il avait (apparemment) affaire à un néophyte, le jeune homme se faisait un plaisir de lui donner quelques éléments de contexte. Après tout, c'était bien le but de cette soirée : discuter autour d'un thème, partager.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mar 7 Jan 2020 - 17:44
À en lire l’expression diffusée par son faciès, il était évident pour mon voisin que je n’étais pas le type le plus sociable ayant croisé son chemin. Sans parler de son intonation qui en disait tout aussi long en un seul mot. Oui, il s’amuserait à mes dépends si la conversation se poursuivait… J’en étais persuadé. Quant à savoir s’il s’agirait de moquerie ou s’il trouvait ça adorable, c’était encore trop tôt pour le certifier et puis… Désirais-je vraiment le savoir ? Replonger dans mon mutisme ne constituait aucunement une gêne bien au contraire. Cependant, cela paraissait impossible puisque l’inconnu repartit à la charge, questionnant ma présence dans la salle. Je devais sérieusement dénoter avec le reste de l’assemblée pour faire figure d’ovni. Ma tenue peut-être ? Non, elle ne pouvait pas me trahir. J’étais habillé comme n’importe quel Moldu lambda avec mon pull aux différents tons de verts foncés ! D’ailleurs, je faisais plus office de marginal au sein du Ministère que dans les rues londoniennes même si je prenais toujours soin d’être élégant au bureau et enfilais une cape de sorcier à l’occasion. Ne comptez pas sur moi pour porter un chapeau pointu ou des ensembles fantaisistes ! La sobriété était le terme qualifiant ma garde-robes avec le plus d’exactitude.
L’homme me faisait tourner en bourrique. Non seulement il laissait planer le mystère pour me déstabiliser davantage, mais un sourire malicieux étirait le coin de ses lèvres. Sérieusement ? J’eus comme une bouffée de chaleur due à l’anxiété tandis que je me retrouvais à me justifier. Moi qui pensais que le cinéma comme un lieu de sociabilisation n’était qu’un mythe ! Il me faudrait me contenter de séances lambdas à l’avenir si j’optais pour le silence plutôt que le bavardage malaisant. À moins que ce type fût l’exception confirmant la règle ? Quelle idée d’être allé à un ciné-débat aussi ! J’en perdais déjà mes repères. Plus sensible, tu meurs.
J’eus un (presque) imperceptible mouvement de recul en le voyant se pencher dans ma direction. Nous étions si proches l’un de l’autre que je pouvais capturer son souffle sans le moindre effort. Espérons qu’il n’ait pas l’haleine d’un crabe de feu par contre. Cette pensée totalement inappropriée manqua de me faire rire comme un gamin s’amusant encore de la blague la plus immature au monde. Néanmoins, difficile de me faire le moindre reproche puisque mon interlocuteur n’était guère mieux, insistant sur la thématique « sexy » de la soirée. Sous-entendait-il par là que j’étais un pervers potentiel ? Après tout, qui se pointe pour la première fois dans un lieu le jour où l’érotisme est à l’honneur ? Envisagé sous cet angle, je compris ses soupçons telle la pire prise de conscience de mon existence. Par la barbe de Merlin ! Oui ! Je pouvais bel et bien passer pour un obsédé !
Parallèlement à mon envie de transplaner dans la seconde à venir, le brun enchaîna comme si de rien n’était. Une vraie pipelette dont la taquinerie serait l’un de mes challenge à surmonter dans les heures à venir. Je remarquais que son regard était parfois insistant bien que celui-ci dégageait une douceur qu’une personne mal-attentionnée serait incapable d’imiter avec tant de justesse. Il me fallait me décontracter. Il n’allait pas me faire de mal, en particulier dans une pièce aussi pleine à craquer ! J’avais déjà eu affaire à une embuscade ou deux par le passé à cause de mon métier mais rien de comparable. Sans compter que ce serait une sacrée mise en scène tout de même pour choper l’un des pions du Ministère n’appartenant même pas à l’élite ! Souffle un bon coup, décontracte-toi ! Mes yeux se posèrent sur la photo qu’il tendait vers moi. Une cinéaste asiatique dont j’ignorais tout : de la nationalité à la filmographie. Étrangement, en écoutant son discours, se fut à mon tour de sourire.
- Tu es réellement passionné ou tu cherches uniquement à m’impressionner ?
Ma bouche avait jeté cette question dans les airs aussi rapidement qu’elle eut traversé mon esprit. Un instant après et je regrettais de l’avoir prononcé, prenant conscience de son caractère provocateur. Dans un cadre plus intime je savais l’être ne vous méprenez pas. J’envoyais même de sacrées vannes parfois, mais à un gars dont même le prénom m’échappait ? Je faisais fort là. Peut-être un peu TROP détendu cette fois ? Oh et puis ce n’est pas comme si mon interlocuteur prenait des gants lui ! Assez de paniquer après chaque syllabe ! Je pouffais de rire. Si seulement il pouvait croire que ma réflexion avait été mûrement réfléchie avant de franchir mes lèvres !
- Plus sérieusement, tu as l’air de vraiment t’y connaître. Ce qui explique… tout ça, dis-je en pointant son matériel du doigt. Tu es réalisateur ? Depuis que je m’intéresse au cinéma j’ai l’impression d’avoir débarqué dans une autre dimension. Tellement de références à connaître, de connaissances à acquérir…
Continue comme ça, tu es sur la bonne voie Matts. Évite juste de raconter que tu es un sorcier… Qui d’autre pour m’encourager que moi-même ? Je ne m’en sortais pas si mal que ça finalement. Peut-être abordais-je trop de sujets en peu de phrases mais c’était mieux que de le laisser faire la discussion à un mur.
- Le côté positif c’est que tu vas pouvoir en apprendre des tonnes ce soir sur « l’esthétique autour de la question du genre » et l’art de la sensualité monsieur l’artiste.
Ok, je me déridais sérieusement. Il m’avait jeté un sort ou quoi pour que je lui lance de telles répliques ? Une lueur espiègle illuminait ma face. L’inconnu l’avait cherché.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mar 7 Jan 2020 - 22:38
La réplique du blond tira à Charlie un haussement de sourcil surpris (mais dans le bon sens du terme). Il avait bien remarqué que son interlocuteur était un peu (litote) nerveux, mais de le constater ainsi capable de répartie le confortait au moins dans l'idée qu'il ne subissait pas la conversation. Le sourire de Charlie s'étira, visiblement amusé par la provocation. Il laissa même échapper un court rire rauque, avant de toiser le blond et répliquer d'un ton faussement sérieux.
« C'est une bonne question, ça, est-ce que j'ai envie de t'impressionner ?
Dit-il en feintant de réfléchir. Y'avait-il une dose de flirt dans cette formulation ? Oui, de toute évidence. Cependant, c'était bien innocent venant de Charlie. Il suivait simplement le fil de l'échange et réagissait en adéquation avec son tempérament taquin et sa sensibilité à l'endroit du même sexe.
Ainsi, quand le contexte le permettait, il se plaisait à jouer sur les sous-entendus. L'échange se teintait alors d'une once d'incertitude suffisant à rendre le tout plus captivant. Mais cela ne voulait rien dire de plus que cela. Charlie n'était pas un tombeur, ni un affamé et s'il se plaisait à entretenir des intrigues, c'était plus pour la beauté de l'art qu'autre chose.
Cependant, il apprécia que son interlocuteur l'interroge sur son matériel. Alors, le menton posé entre son pouce et son index, regard rivé sur les siens bleus, Charlie l'écoutait poursuivre sans se départir de ce regard intense qu'il avait lorsque l'on touchait à son domaine de prédilection. La dernière phrase du blond parvint toutefois à rompre ce masque de sérieux, car il laissa échapper un nouveau rire franc (dont les éclats attirèrent l'attention de quelques voisins proches). Conscient de lui-même, il étouffa donc rapidement l'expression de son amusement en levant la main aux autres en signe d'excuse.
« Et j'y compte bien monsieur... Dit-il avant de légèrement plisser des yeux, l'air diverti. Monsieur quoi d'ailleurs ? Tu veux que je te trouve un petit surnom à toi aussi, ou on se présente ?
La question était bien sûr rhétorique, Charlie enchaîna donc dans la foulée.
« Charlie Bird.
Dit-il en tendant la main à son voisin. Son nom avait une petite notoriété chez les amateurs de botanique et les gens très bien renseignés quand aux anciennes grandes familles de sang-pur, mais Charlie était à peu près sûr que ce ne serait pas le cas du blond. A dire vrai, il pensait même sincèrement avoir affaire à un moldu en ce moment (ce qui ne le dérangeait pas le moins du monde, comme on le savait).
« Pour te répondre, j'ai suivi une formation dans la réalisation, oui. Poursuivit-il, en sortant l'un de ses appareils pour montrer à son voisin. Je comprends que le fait de plonger là dedans puisse te sembler impressionnant. C'est le cas de tout ce qu'on ne connaît pas, right ?
Il en savait quelque chose, Charlie. La botanique fut un véritable saut dans le vide pour lui et même après plus d'un an à étudier d'arrache-pied, il se sentait toujours perdu.
« Cela dit, il faut que ça te fasse plaisir... Il n'y a pas deux cinéphiles qui se ressemblent. Comme dans tous les arts en fait : il y a des styles, des mouvements... Une fois que tu auras une base, ce sera beaucoup plus facile pour toi de savoir ce qui te plaît et tu sauras alors dans quelle direction aller.
Dit-il d'un ton tranquille.
« Et je te rassure, tu n'es pas obligé de te taper toute la filmographie de Jean-Luc Godard. Il eut un petit souffle du nez ironique. Qu'est-ce que tu fais dans la vie d'ailleurs ?
« C'est une bonne question, ça, est-ce que j'ai envie de t'impressionner ?
Dit-il en feintant de réfléchir. Y'avait-il une dose de flirt dans cette formulation ? Oui, de toute évidence. Cependant, c'était bien innocent venant de Charlie. Il suivait simplement le fil de l'échange et réagissait en adéquation avec son tempérament taquin et sa sensibilité à l'endroit du même sexe.
Ainsi, quand le contexte le permettait, il se plaisait à jouer sur les sous-entendus. L'échange se teintait alors d'une once d'incertitude suffisant à rendre le tout plus captivant. Mais cela ne voulait rien dire de plus que cela. Charlie n'était pas un tombeur, ni un affamé et s'il se plaisait à entretenir des intrigues, c'était plus pour la beauté de l'art qu'autre chose.
Cependant, il apprécia que son interlocuteur l'interroge sur son matériel. Alors, le menton posé entre son pouce et son index, regard rivé sur les siens bleus, Charlie l'écoutait poursuivre sans se départir de ce regard intense qu'il avait lorsque l'on touchait à son domaine de prédilection. La dernière phrase du blond parvint toutefois à rompre ce masque de sérieux, car il laissa échapper un nouveau rire franc (dont les éclats attirèrent l'attention de quelques voisins proches). Conscient de lui-même, il étouffa donc rapidement l'expression de son amusement en levant la main aux autres en signe d'excuse.
« Et j'y compte bien monsieur... Dit-il avant de légèrement plisser des yeux, l'air diverti. Monsieur quoi d'ailleurs ? Tu veux que je te trouve un petit surnom à toi aussi, ou on se présente ?
La question était bien sûr rhétorique, Charlie enchaîna donc dans la foulée.
« Charlie Bird.
Dit-il en tendant la main à son voisin. Son nom avait une petite notoriété chez les amateurs de botanique et les gens très bien renseignés quand aux anciennes grandes familles de sang-pur, mais Charlie était à peu près sûr que ce ne serait pas le cas du blond. A dire vrai, il pensait même sincèrement avoir affaire à un moldu en ce moment (ce qui ne le dérangeait pas le moins du monde, comme on le savait).
« Pour te répondre, j'ai suivi une formation dans la réalisation, oui. Poursuivit-il, en sortant l'un de ses appareils pour montrer à son voisin. Je comprends que le fait de plonger là dedans puisse te sembler impressionnant. C'est le cas de tout ce qu'on ne connaît pas, right ?
Il en savait quelque chose, Charlie. La botanique fut un véritable saut dans le vide pour lui et même après plus d'un an à étudier d'arrache-pied, il se sentait toujours perdu.
« Cela dit, il faut que ça te fasse plaisir... Il n'y a pas deux cinéphiles qui se ressemblent. Comme dans tous les arts en fait : il y a des styles, des mouvements... Une fois que tu auras une base, ce sera beaucoup plus facile pour toi de savoir ce qui te plaît et tu sauras alors dans quelle direction aller.
Dit-il d'un ton tranquille.
« Et je te rassure, tu n'es pas obligé de te taper toute la filmographie de Jean-Luc Godard. Il eut un petit souffle du nez ironique. Qu'est-ce que tu fais dans la vie d'ailleurs ?
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mer 8 Jan 2020 - 2:09
Ok, toutes personnes non-averties assistant à la scène pourraient y voir un flirt monstrueux à faire glousser les romantiques et hurler au crime les homophobes. Des blagues douteuses, des sourires et rires qui s’enchaînent avec des regards ne perdant que brièvement leur connexion… Pourtant ce n’était pas le cas. Ou bien cela était purement non-intentionnel de ma part. Je n’étais pas du style à draguer ouvertement, à vouloir punaiser le plus de types possibles sur mon tableau de chasse. En vérité, je n’avais jamais été avec un homme auparavant (ni même embrassé l’un d’entre eux !) et je m’étais contenté d’aventures féminines éphémères pour « l’exploration ». Non, je ne ferais aucun dessin ni approfondirais la question pour l’instant. Trouvais-je mon interlocuteur mignon ? Certainement ! Il possédait un charme que je considérais atypique. Mais que le sentiment soit réciproque ou non m’importait guère, vraiment. Ce n’était pas comme si j’étais réellement libre autant dans la tête que dans le cœur (admirez la formulation cheesy). Je n’avais d’yeux que pour un seul homme et Dieu sait à quel point j’avais d’ores et déjà du mal à l’encaisser. N’en rajoutons pas une couche. Passais-je à côté d’une histoire en ne laissant dès le départ aucune chance au brun dont la carrière toute tracée dans le cinéma paraissait prometteuse ? Éventuellement. Cela dit, d’aussi loin que je sache il pouvait être hétéro à 300%. J’étais une bille au jeu des devinettes. Ainsi, je me contentais de lever un sourcil intrigué sans prendre la peine d’étouffer un rire ensuite. Voulait-il m’impressionner donc ? Je ne le saurais sûrement jamais pour sûr.
Son regard si fixe semblait sonder mon âme si telle chose était possible, ne me laissant pas la moindre marge de manœuvre pour le semer sur une fausse piste. Le plus difficile était de ne pas perdre ce contact visuel. Regarder tout autre chose que son visage était si tentant ! Cependant, cela serait emprunter une énième sortie de secours… Ce qui était exactement ce que je cherchais à éviter en me poussant à être bavard et un tantinet amusant. Il faut dire que plus les échanges fusaient, plus je trouvais sa compagnie naturelle, appréciable. Exploit : j’étais heureux qu’il m’ait forcé la main ! Prendre conscience de ça me fit sortir une boutade sur son besoin de prends des cours de sensualité. Pas que je l’avais formulé de la sorte mais c’était clairement sous-entendu et, à en juger par sa réaction qui excita les râleurs, il l’avait saisi. Un peu gonflé de la part d’un inconnu mais celui qui se présenta comme « Charlie Bird » ne s’en vexa pas. J’appréciais les individus avec de l’autodérision renforcée par du second degré.
J’étais si amusé que son identité ne fit pas mouche. Ce nom était tellement commun, y compris parmi la communauté sans pouvoirs magiques, qu’il ne pouvait m’en vouloir. En outre, j’étais persuadé que nous ne venions pas du même monde alors… Pourquoi chercher à établir des liens avec les grandes familles de sorciers ? Cela n’aurait aucun sens. La situation était des plus comiques finalement : deux aveugles en incapacité de reconnaître leurs semblables.
- Hum… Je dois avouer que je suis curieux de savoir quel surnom tu me donnerais malgré tout… confessais-je. Matts. Haugen.
Je répondis à son geste, mettant suffisamment de pression dans le but de dissimuler le restant de ma nervosité. Une fraction de seconde après et je me retrouvais à admirer l’un de ses appareils qu’il venait d’extirper de sa sacoche. Une caméra numérique si je ne disais pas de bêtises. Elle devait coûter plusieurs centaines de livres sterling en dépit de sa carrure très compacte. Jamais je n’en avais vu de si près en-dehors des boutiques spécialisées. Cela faisait-il de moi un ringard ? J’étais si intrigué que m’extirper de mes pensées ne fut pas une mince affaire. J’acquiesçais en réponse à sa question. Mon émerveillement en était la preuve !
- Pourquoi ? Qu’est-ce que tu lui reproches à ce Jean-Luc Godard ? l’interrogeais-je intrigué.
Je n’avais pas la moindre idée de qui ce type était supposé être. Je devinais qu’il devait appartenir à la clique relativement restreinte des cinéastes, un français vu son prénom. Au-delà de ça… Tellement d’années à rattraper ! Plus d’un siècle si l’on comptait depuis la naissance du septième art. Une vie entière serait insuffisante.
- J’ai conscience que ce sont des genres très généraux, qu’ils veulent tout et rien dire car une œuvre cinématographique ne se résume pas à une seule catégorie mais… Je dois avouer avoir une préférence pour les longs-métrages dramatiques. Qu’ils soient simples d’accès ou plus psychologiques comme… Donnie Darko. Tu connais ? Cette touche supplémentaire de fantastique est divine. Je te le conseille si ce n’est pas le cas.
Délicatement, je lui pris la caméra des mains et l’alluma avant de cadrer mon interlocuteur dans le viseur (est-ce que ça enregistrait ?). J’étais stupéfait d’y arriver si aisément pour la première fois. L’immense sourire sur mon visage rendait ma joie intense et presque enfantine plus évidente qu’un nez au milieu de la figure.
- En effet, ça rajoute bien cinq kilos, blaguais-je.
Je ne pourrais pas éviter plus longtemps le sujet délicat qu’il avait soulevé avant mon petit numéro. La fameuse partie où il me fallait mentir pour protéger le secret de l’existence de la magie. Nous y revoilà. Une des principales raisons qui m’avaient découragé à me rapprocher des Moldus. Merci pour le rappel…
- Je fais partie des forces de l’ordre. J’assure la sécurité, arrête les bad guys…
Comment dire la vérité en l’enveloppant dans un mensonge. Bravo. Et non, je n’en tirais strictement aucune fierté. Je lui tendis son appareil, le distrayant pour qu’il ne remarque pas mes traits tirés par le regret.
- Et toi ? Tu vis de tes productions ?
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mer 8 Jan 2020 - 22:55
Charlie serra la main du prénommé Matts sans se départir de ce sourire en coin qu'il avait lorsqu'une situation lui plaisait. Il apparaissait de manière de plus en plus évidente que son interlocuteur se détendait à mesure que la conversation progressait. De quoi ravir le caractère sociable de l'oiseau. Cependant, il ne répondit pas tout de suite au sujet du surnom, se contentant d'une expression qui semblait dire « je ne sais pas, on verra », une pointe de mystère dans le regard.
A ce titre, il observa avec un plaisir non dissimulé l'homme interagir avec sa caméra numérique. Il avait presque l'impression que c'était la première fois qu'il en tenait une entre les mains (ce qui était tout à fait possible, s'agissant de matériel spécialisé). Cela dit, il trouvait dans cet enthousiasme simple un charme presque juvénile et qui ne manqua pas de le séduire un peu plus. C'est vrai, Charlie était plutôt réceptif à la personnalité qui était en train de s'esquisser sous ses yeux. On lui donnait à voir de la sensibilité, une bonne dose de réserve et un peu d'humour : le genre de combinaison charmante pour un extraverti en ce qu'elle dispose d'une part de mystère que les grands bavards (comme lui) peinent à comprendre.
Charlie laissa donc s'échapper un petit souffle de nez amusé lorsque Matts lui demanda qui était Jean-Luc Godard (probablement plus intéressé par l'appareil que la réponse).
« Moi ? Rien... C'est un cinéaste franco-suisse de la nouvelle vague... Un mouvement du cinéma français apparu dans les années 50. Dit-il. Ses films ne sont pas forcément facile d'accès.
Ce n'était rien de le dire, mais tout étudiant en cinéma digne de ce nom se devait d'y passer. Alors, Charlie en avait ingurgité la filmographie (en dépit de son aspect conceptuel quelque peu déstabilisant pour sa jeune tête). Aujourd'hui, même s'il n'était pas forcément le plus gros client du cinéaste, il comprenait au moins où cela allait. Néanmoins, comme il ne tenait pas à dégoûter Matts du cinéma tout de suite, il en resta là sur le chapitre de Jean-Luc Godard et se raccrocha simplement à ce que ce dernier lui disait de ses goûts.
« Donnie Darko ? Oui... Dit-il, un sourire se dessinant derrière l'index qu'il avait devant la bouche, le menton toujours posé sur son pouce. Dans le genre, si tu aimes la science fiction, je te conseillerais Children of men... Et pourquoi pas la filmographie de Neill Blomkamp. Je pense que ça pourrait te plaire. Pourquoi pas Arizona Dream, si tu aimes les touches de fantastique.
Au sujet du réalisateur sur-africain, il pensait notamment à District 9 ou bien Chappie. Deux films assez touchant dans le genre et qui, au delà de leur concept original, développaient des thématiques psychologiques et émotionnelles assez bien menées.
Après quoi, Charlie dû refréner son envie d'encenser la créativité moldu, comparativement aux sorciers dont l'imaginaire semblait accorder moins de place aux délires personnels (c'est un poncif que de dire que les limites stimulent la créativité, pour autant cela semblait se vérifier avec les moldus).
A la place, il se contenta de faire le pitre dans l’œil de la caméra, surjouant des poses de mannequin tandis que Matts se dépatouillait avec les boutons. Mais comme ce dernier ne pu retenir une vanne bien sentie, sa moue se transforma en une expression d'offuscation grotesque.
« How dare you, young man ?
Dit-il en imitant une voix féminine, l'air d'envoyer une épaisse masse de cheveux par dessus son épaule, lèvres pincées. Puis, il pouffa simplement de rire et retrouva un semblant de sérieux quand Matts lui expliqua faire parti des forces de l'ordre. Voilà qui était intéressant, pensa Charlie. Cela lui semblait assez cohérent avec l'allure un peu « rude » qu'il avait.
En revanche, il se demandait comment ce dernier parvenait à concilier une sensibilité manifeste avec un univers réputé très viriliste (mais peut-être n'y arrivait-il pas, après tout, ce qui irait bien avec cette subite envie de découvrir le cinéma érotique). A ce stade, si Charlie cultivait déjà des soupçons concernant l'orientation de l'homme, on effleurait désormais le stade des certitudes. Il était prêt à parier dix gallions sur le fait que Matts n'était pas un pur hétérosexuel : qu'importe la figure renfermée, qu'importe cet air de dur qu'il dégageait au premier coup d’œil... Ce qui se cachait là dessous criait la frustration et le refoulement. Non, on ne la lui faisait pas, à Charlie : il en avait assez rencontré, des comme ça, pour savoir les reconnaître.
« Non, malheureusement. Répondit-il au sujet de son métier, sans rien trahir de son raisonnement sous-jacent. J'ai dû mettre ma carrière entre parenthèse pour donner un coup de main à l'entreprise familiale.
Il eut un haussement de sourcil évocateur.
« Je suis donc officiellement propriétaire d'une exploitation horticole dans la campagne d'Inverness.
Charlie ne put s'empêcher de pouffer d'un rire qui semblait mêlé d'amusement autant que de dépit. Il fallait dire que cet aveux était d'un contraste édifiant avec le contexte dans lequel ils se trouvaient en ce moment : tous les deux assis à discuter cinéma dans une petite salle confidentielle de Londres... Alors qu'en réalité, il menait une vie de fermier qui peinait à l'épanouir.
Fallait-il que Charlie aime sa famille pour s’accommoder du sacrifice. De voir l'émerveillement de Matts face à la caméra lui rappelait combien il perdait dans cette histoire et cela le rendait, un peu malgré lui, amer (ce qu'il n'aimait pas du tout).
Cela dit, il semblait que les intervenants étaient en train de s'agglutiner autour de la table. La première projection ne devrait pas tarder à commencer. Cela commença néanmoins par l'habituel tour de table, précédé par une introduction fournie sur le thème de la soirée.
« Plutôt pressé pour « l’esthétique autour de la question du genre », ou « l’art de la sensualité » ?
Chuchota-t-il sur l'épaule de son voisin, se retenant de pouffer de rire comme un gosse, en référence au tacle précédent de Matts.
A ce titre, il observa avec un plaisir non dissimulé l'homme interagir avec sa caméra numérique. Il avait presque l'impression que c'était la première fois qu'il en tenait une entre les mains (ce qui était tout à fait possible, s'agissant de matériel spécialisé). Cela dit, il trouvait dans cet enthousiasme simple un charme presque juvénile et qui ne manqua pas de le séduire un peu plus. C'est vrai, Charlie était plutôt réceptif à la personnalité qui était en train de s'esquisser sous ses yeux. On lui donnait à voir de la sensibilité, une bonne dose de réserve et un peu d'humour : le genre de combinaison charmante pour un extraverti en ce qu'elle dispose d'une part de mystère que les grands bavards (comme lui) peinent à comprendre.
Charlie laissa donc s'échapper un petit souffle de nez amusé lorsque Matts lui demanda qui était Jean-Luc Godard (probablement plus intéressé par l'appareil que la réponse).
« Moi ? Rien... C'est un cinéaste franco-suisse de la nouvelle vague... Un mouvement du cinéma français apparu dans les années 50. Dit-il. Ses films ne sont pas forcément facile d'accès.
Ce n'était rien de le dire, mais tout étudiant en cinéma digne de ce nom se devait d'y passer. Alors, Charlie en avait ingurgité la filmographie (en dépit de son aspect conceptuel quelque peu déstabilisant pour sa jeune tête). Aujourd'hui, même s'il n'était pas forcément le plus gros client du cinéaste, il comprenait au moins où cela allait. Néanmoins, comme il ne tenait pas à dégoûter Matts du cinéma tout de suite, il en resta là sur le chapitre de Jean-Luc Godard et se raccrocha simplement à ce que ce dernier lui disait de ses goûts.
« Donnie Darko ? Oui... Dit-il, un sourire se dessinant derrière l'index qu'il avait devant la bouche, le menton toujours posé sur son pouce. Dans le genre, si tu aimes la science fiction, je te conseillerais Children of men... Et pourquoi pas la filmographie de Neill Blomkamp. Je pense que ça pourrait te plaire. Pourquoi pas Arizona Dream, si tu aimes les touches de fantastique.
Au sujet du réalisateur sur-africain, il pensait notamment à District 9 ou bien Chappie. Deux films assez touchant dans le genre et qui, au delà de leur concept original, développaient des thématiques psychologiques et émotionnelles assez bien menées.
Après quoi, Charlie dû refréner son envie d'encenser la créativité moldu, comparativement aux sorciers dont l'imaginaire semblait accorder moins de place aux délires personnels (c'est un poncif que de dire que les limites stimulent la créativité, pour autant cela semblait se vérifier avec les moldus).
A la place, il se contenta de faire le pitre dans l’œil de la caméra, surjouant des poses de mannequin tandis que Matts se dépatouillait avec les boutons. Mais comme ce dernier ne pu retenir une vanne bien sentie, sa moue se transforma en une expression d'offuscation grotesque.
« How dare you, young man ?
Dit-il en imitant une voix féminine, l'air d'envoyer une épaisse masse de cheveux par dessus son épaule, lèvres pincées. Puis, il pouffa simplement de rire et retrouva un semblant de sérieux quand Matts lui expliqua faire parti des forces de l'ordre. Voilà qui était intéressant, pensa Charlie. Cela lui semblait assez cohérent avec l'allure un peu « rude » qu'il avait.
En revanche, il se demandait comment ce dernier parvenait à concilier une sensibilité manifeste avec un univers réputé très viriliste (mais peut-être n'y arrivait-il pas, après tout, ce qui irait bien avec cette subite envie de découvrir le cinéma érotique). A ce stade, si Charlie cultivait déjà des soupçons concernant l'orientation de l'homme, on effleurait désormais le stade des certitudes. Il était prêt à parier dix gallions sur le fait que Matts n'était pas un pur hétérosexuel : qu'importe la figure renfermée, qu'importe cet air de dur qu'il dégageait au premier coup d’œil... Ce qui se cachait là dessous criait la frustration et le refoulement. Non, on ne la lui faisait pas, à Charlie : il en avait assez rencontré, des comme ça, pour savoir les reconnaître.
« Non, malheureusement. Répondit-il au sujet de son métier, sans rien trahir de son raisonnement sous-jacent. J'ai dû mettre ma carrière entre parenthèse pour donner un coup de main à l'entreprise familiale.
Il eut un haussement de sourcil évocateur.
« Je suis donc officiellement propriétaire d'une exploitation horticole dans la campagne d'Inverness.
Charlie ne put s'empêcher de pouffer d'un rire qui semblait mêlé d'amusement autant que de dépit. Il fallait dire que cet aveux était d'un contraste édifiant avec le contexte dans lequel ils se trouvaient en ce moment : tous les deux assis à discuter cinéma dans une petite salle confidentielle de Londres... Alors qu'en réalité, il menait une vie de fermier qui peinait à l'épanouir.
Fallait-il que Charlie aime sa famille pour s’accommoder du sacrifice. De voir l'émerveillement de Matts face à la caméra lui rappelait combien il perdait dans cette histoire et cela le rendait, un peu malgré lui, amer (ce qu'il n'aimait pas du tout).
Cela dit, il semblait que les intervenants étaient en train de s'agglutiner autour de la table. La première projection ne devrait pas tarder à commencer. Cela commença néanmoins par l'habituel tour de table, précédé par une introduction fournie sur le thème de la soirée.
« Plutôt pressé pour « l’esthétique autour de la question du genre », ou « l’art de la sensualité » ?
Chuchota-t-il sur l'épaule de son voisin, se retenant de pouffer de rire comme un gosse, en référence au tacle précédent de Matts.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Jeu 9 Jan 2020 - 12:03
L’alchimie était tout aussi manifeste que grandissante. Qui aurait pu imaginer que je ferai la rencontre d’un type aussi charmant en m’enfermant dans une salle de cinéma ? Non seulement il fallait que ce dernier m’adresse la parole, mais je devais aussi aligner plus de deux mots pour maintenir le contact. C’était donc mal parti et pourtant ! La présence des autres spectateurs était comme gommée de mon esprit, je n’entendais même plus le bourdonnement de leurs conversations. Impossible de feindre le moindre désintérêt, j’étais simplement captivé par tout ce que mon interlocuteur acceptait de partager. Actuellement, nous abordions sa culture cinématographique qui semblait plus vaste que celle que je pourrais espérer acquérir avant de mourir. Une Bible sur pattes qui s’exportait même dans les pays étrangers. Aucune limite ! Mes billes devaient être plus rondes que jamais à mesure qu’il s’exprimait sans jamais perdre le fil de ses mots.
- Et pourtant tu les as probablement tous visualisé. Même s’il a fallu t’enchaîner à ton canapé pour ne pas prendre la fuite. Tu es du genre acharné je me trompe ? lui demandais-je avec un large sourire après sa brève présentation de Godard. Existe-t-il un sujet dont tu ignores tout ? Vraiment, tu as des connaissances incroyables. Je t’envie.
Là était sûrement l’un des plus beaux compliments que je pourrais lui faire ce soir. Non seulement j’applaudissais son savoir mais je reconnaissais aussi une part de jalousie. Qu’est-ce qu’il faisait là, perdu à côté d’un néophyte ? Sa place était avec les intervenants de l’événement non ? Cela ne me ressemblait pas que de déballer mes sentiments de la sorte. Étais-je en train d’évoluer avec Sullivan en point de départ ou était-ce la personnalité de Charlie qui m’envoûtait plus que je ne me l’avouais ? Les deux peut-être. Après tout, il avait tout du garçon attachant d’après le peu que je connaissais de lui. Bien sûr, on ne connaît jamais réellement une personne avant de l’avoir vu au réveil. Pas que je comptais en faire l’expérience ! Pas de drague vous vous souvenez ?
- Je te remercie mais je me connais. Il faudrait que tu m’écrives tout ça sinon je vais oublier.
Une légère grimace pris le pas sur mon expression joyeuse durant une poignée de secondes. Je n’osais pas lui proposer de les regarder ensemble un de ces quatre par crainte qu’il me pense malintentionné et que je lui donne envie de se carapater. Ce serait du gâchis. Par contre, cela ne signifiait aucunement que je ne le désirais pas. Bien au contraire. Une soirée pop-corn en sa compagnie était plus prometteur que mes projets inexistants pour le reste de l’année. Là, tout de suite, j’étais occupé à le filmer tout en pouffant de rire en réaction à ses poses décomplexées. Rien ne lui faisait honte, pas même s’afficher devant toute une assemblée qui devait lui jeter des coups d’œil réprobateurs. Le coup de grâce fut sa voix féminine et son imitation outrée de petite bourgeoise. Secoué par un fou rire rendant mes abdos douloureux, il me fallut une éternité pour retrouver mon calme et trouver la force de répliquer.
- Vous crevez l’écran très chère. Excusez mon attitude déplorable.
J’essuyais les larmes menaçant de couler. Un bail que je ne m’étais pas tant amusé ! Mes collègues me penseraient sûrement possédé tant cela dénotait avec l’attitude sérieuse et responsable que j’adoptais toujours au bureau. En parlant travail, je lui fis part d’une semi-vérité, prétendant appartenir aux forces de l’ordre. C’était le cas ! J’omettais juste de lui révéler l’existence d’un monde magique qu’il ne devait jamais découvrir… du moins le pensais-je jusqu’à la minute suivante. Inverness. Sa révélation me laissa stupéfait. Quelles étaient les chances que… Non ! Enfin, je réalisais. Bird. Exploitation horticole. Écosse. Toutes les pièces du puzzle se mettaient en place tandis que la vérité se dessinait. Ainsi donc, le brun qui me faisait face n’était pas un Moldu mais bel et bien un sorcier ! Ne pas siller. J’étais déchiré entre deux sentiments : la joie de ne pas avoir à lui mentir éternellement, mais aussi la tristesse de ne jamais réussir à m’extirper de cette vie composée de surnaturel et d’enchantements. Qu’en était-il de son côté ? M’avait-il cerné depuis le début ? Dans le doute, je décidais alors de maintenir l’illusion plus longtemps, optant pour feindre l’ignorance. Choix risqué je vous l’accorde mais j’aimais tant notre complicité que mon dernier souhait était de prendre le risque de la saboter en agitant ma baguette magique sous son nez. Laissez-moi en profiter encore un peu.
- C’est… assez inattendu je te l’avoue, répondis-je en faisant comme si de rien n’était. Je veux dire que c’est à mille lieux du cinéma, je ne juge pas la profession en tant que telle. J’espère que tu parviens à t’y épanouir même si, d’après ton expression, j’en doute malheureusement.
Charlie manifestait un air de dépit qui en disait long et cela me crevait le cœur pour lui. Ce n’était pas évident d’étouffer une passion pour prendre en mains les responsabilités familiales. Surtout de cette ampleur ! Si je ne me trompais pas, l’entreprise des Bird était tout simplement LA référence en la matière sur le continent, ce qui faisait de lui un jeune héritier dont le coffre à Gringotts ferait couler un navire à lui seul. Théoriquement du moins. Pas que cela faisait la moindre différence. Étais-je censé lui remonter le moral ? Avait-il besoin d’une épaule pour pleurer ou bien le vivait-il bien malgré tout ? À défaut d’être un bon orateur, j’étais une oreille attentive, toujours prêt à soutenir mes proches en cas de nécessité. Tristement, je ne pus m’en assurer car les intervenants débarquaient sur scène sous les applaudissements. Alors, d’une main extrêmement hésitante à deux doigts de trembler, je vins tapoter discrètement le genou droit de l’homme tout en lui adressant un sourire se voulant réconfortant. Il était possible que ma réaction soit disproportionnée à son ressenti, cependant je ne voulais prendre aucun risque. J’aurais suffisamment à me faire pardonner prochainement.
Nous écoutions en silence les prises de parole des divers invités qui faisaient office d’échauffement. Oui, les débats s’annonçaient très instructifs. Bien sûr, mon voisin ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin, lançant une énième vanne à mon oreille. Je me mordis la lèvre pour garder mon calme – extérieurement – et déclara avec autodérision :
- Définitivement l’art de la sensualité. Il n’y a qu’au cinéma que je peux en être témoin.
Voilà de quoi amuser mon interlocuteur et le faire gamberger pendant un moment. Je pouvais être diabolique parfois…
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Jeu 9 Jan 2020 - 23:56
Charlie plissa légèrement les yeux lorsque Matts employa l'adjectif « acharné » pour le décrire. Certes, il se sentait flatté par toutes ces louanges candides (car elles étaient dites avec sincérité et gentillesse). Cependant, il en savait assez sur le cinéma pour mesurer toute l'étendue de son ignorance (paradoxe). De fait, il ne se considérait pas comme spécialement cultivé (comparativement aux gens de la profession tout du moins).
« Je dirais plutôt passionné. Dit-il avec douceur. Il y a beaucoup de sujets dont j'ignore tout... Tu n'as jamais l'impression que plus tu creuses dans un sujet, moins tu en sais ? C'est le cas du cinéma.
La botanique lui faisait cet effet là, à Charlie. Il avait même souvent le sentiment de s'y noyer, tant le domaine était immense. Dès qu'il assimilait quelque chose, une dizaine d'embranchements se dessinaient en partant dans toutes les directions. Il n'en finissait jamais avec rien. C'était vertigineux et s'il lui avait fallu se débrouiller tout seul, il aurait sans doute renoncé.
« Dis-toi que même si tu t'asseyais devant ton écran de projection maintenant et que tu enchaînais les films sans interruption, tu n'aurais jamais le temps de voir tout ce qui a été fait d'ici là fin de ta vie. Poursuivit-il du même ton. Ce qui veut dire que tu dois choisir ce que tu regardes, car le temps que tu y consacres ne pourras pas être récupéré par la suite.
Ce qu'il disait là était une invitation à suivre ses envies, s'écouter et ne pas se laisser impressionner par les spécialistes auto-déclarés, et qui estiment (parfois) que l'on ne peut se définir cinéphile qu'à condition d'avoir vu certaines références dites « incontournables ».
Cependant, ce conseil était aussi valable pour la vie en général : le temps file et ce que l'on perd à trop se poser de question, à restreindre ses envies (souvent par peur ou pour des questions de moralité pas toujours justifiées), c'est du temps perdu pour toujours. Il voyait bien que Matts était du genre anxieux, à se poser mile et une question, à se mettre des barrières. Alors, Charlie glissa cette réflexion en pensant que, peut-être, ça aiderait le blond à réfléchir, sur autre chose. Les choses importantes, celles qui comptent vraiment pour lui. Les choses de la vie.
Quand aux références qu'il lui avait conseillé et que Matts demanda d'écrire, Charlie eut un petit souffle du nez amusé.
« Ça marche.
Dit-il. Il devait bien avoir un bout de papier qui traîne... Qui sait, peut-être en profiterait-il pour y ajouter son numéro de téléphone ? Après tout, si la soirée continuait sur cette lancée, Charlie serait heureux de le revoir. Ce serait l'occasion de tester son matériel dans de bonnes conditions et non pas en faisant les imbéciles au fond d'une petite salle de cinéma perdue dans Londres, juste avant le début d'une conférence. Encore que, les deux hommes riaient comme des enfants de leurs pitreries (c'est bien que ça valait le coup).
Charlie avait toujours aimé faire rire les autres. Quand, petit, ses camarades moquaient ses différences (son absence de pouvoir magique d'abord, le côté efféminé ensuite), il employait l'humour comme tactique de défense. Peu à peu, cette technique devint une facette à part entière de sa personnalité, jusqu'à accoucher d'un adulte solaire et bourré d'auto-dérision.
Mais il avait eu de la chance, Charlie. La chance d'avoir reçu assez de soutien pour garder confiance tout au long de sa vie. Il savait que ce n'était pas le cas de tout le monde et que, parfois, les sensibilités contrariées donnaient des timides et des anxieux.
Alors oui, ça lui plaisait de faire rire Matts, parce qu'il savait le faire, qu'il avait ce « truc » là, et qu'il voulait partager ça avec lui.
Cependant, comme la conversation retrouvait de son sérieux et que ce fut à son tour d'évoquer sa carrière, Charlie laissa entrevoir quelques nuages dans l'horizon clair de sa gaîté. Il n'était absolument pas du genre à s'apitoyer et s'il avait fait comprendre à Matts que son travail ne l'épanouissait pas complètement, c'était plus pour la cohérence générale de la conversation qu'autre chose (comment justifier un tel revirement de carrière, sinon?).
Néanmoins, il fut touché par la prévenance de son voisin, qui avait visiblement capté l'existence d'un nœud à cet endroit précis de son discours. Une perspicacité à la hauteur d'un agent des forces de l'ordre, s'amusa à penser Charlie sans mot dire. Matts était un observateur de l'espèce des attentifs (comme le sont souvent les taciturnes).
Charlie entrouvrit alors la bouche, comme s'il s'apprêtait à répondre, mais se ravisa au dernier moment. A la place, il se contenta d'un sourire accompagné d'un subtil hochement de tête et d'un regard reconnaissant : remerciement pudique de la part d'un homme qui s'abstenait de faire étalage de ses état d'âmes. Non, Charlie n'aimait pas parler du négatif (au risque de ne jamais aborder les problèmes qui fâchent). Il donnait quelques clés (juste ce qu'il faut pour comprendre les gros traits de sa situation), mais gardait farouchement le reste.
Par ailleurs, il préférait en rester sur le geste de Matts. Contact physique inattendu, d'autant plus appréciable qu'il devinait ce que cela coûtait à son interlocuteur. Ce n'était pas la peine d'en faire plus.
A ce titre, les intervenants venaient d'arriver. Charlie écoutait d'une oreille plus ou moins distraite les palabres assaisonnées de références que leurs offraient ce petit groupe trié sur le volet. Il sentait que la suite promettait d'être intéressante. Cela dit, la réponse de Matts à sa plaisanterie chuchotée à mi-voix lui fit perdre instantanément le fils de l'exposé. Il lui lança un regard incrédule, lèvres pincées pour refréner un éclat de rire.
« Voyez-vous ça... Chuchota-t-il, tournant la tête en direction de la scène (mais les yeux regardant toujours le blond). Avez-vous beaucoup d'autres lacunes, comme ça, monsieur Haugen ?
Charlie abandonna les traits scandinaves pour aviser la main de son voisin pendant un moment. Plusieurs pensées lui traversaient l'esprit en cet instant, mais aucune assez puissante pour le faire passer d'immobilité à mouvement. Même si Matts lui plaisait beaucoup, l'oiseau était du genre à laisser le temps aux choses de se développer, d'évoluer. Bien sûr, il lui était déjà arrivé de franchir le pas avec un inconnu, et ce dès les premières heures d'une rencontre. Cela n'avait rien de choquant, surtout dans la communauté homosexuelle (et ce pour plusieurs raisons). Mais chaque situation était différente et là, il n'avait pas envie d'agir.
Cependant, la salle fut bientôt plongée dans l'obscurité, comme le projecteur s'allumait. Charlie reporta donc son attention sur le grand écran, mais non sans avoir adressé un clin d’œil entendu à Matts.
Le court-métrage de Naoko Nakamura proposait une esthétique assez conceptuelle, avec une narration très vague.
Il n'y avait aucun dialogue entre les personnages, seulement une narration en japonais (sous titrée) et qui évoquait les aliénations de la vie contemporaine.
Du reste, le spectateur était invité à contempler de long plan-séquence sur un décors naturel, au sein duquel évoluaient des silhouettes vêtues de costumes légers et vaporeux. Comme l'avait expliqué Charlie, il s'agissait de danseurs. Ils partageaient tous le même genre de corps androgyne extrêmement sensuel et gracieux, leurs mouvements s'accordant merveilleusement avec la nature environnante et la bande sonore.
A mesure que Naoko décrivait ses errances existentielles, les danseurs se regroupaient dans une sorte de ronde étrange aux pas primitifs. La scène dégageait brutalité sans violence, une sorte de beauté essentielle renforcée par des plans suggestifs sur des corps esthétisés à l'extrême.
Peu à peu, le point sur la caméra s'atténua au point qu'il n'était plus possible de distinguer les danseurs. Les corps masculins et les corps féminins se mêlaient dans un même mouvement, indiscernables, incitant le spectateur à s'érotiser indistinctement des chairs qu'il voyait.
Charlie trouvait le spectacle assez beau. Il y avait là un vrai travail de cadrage et de découpage. L'ensemble était fluide, la musique douce, bien amenée. Même le texte de Naoko sonnait avec une certaine justesse. Le propos sous-jacent se laissait entrevoir à mesure qu'évoluaient les danseurs. C'était un vrai court-métrage expérimental, quelque chose d'étrange pour un néophyte, inhabituel, mais rafraîchissant.
Cela dit, le réalisateur imaginait assez l'état de perdition dans lequel devait se trouver Matts en ce moment même. Pour quelqu'un qui ne connaît pas le cinéma, ce genre de film devait désarçonner (au moins). Alors, pour l'encourager à prendre cette expérience avec philosophie, il lui adressa un léger coup de coude (dans le but d'attirer son attention) et, une fois son regard capté, articula « c'est de la branlette » sans lever la voix, mais en y associant un geste (très) explicite de la main. Puis, refrénant un sourire, il termina sur un nouveau clin d’œil, index levé devant sa bouche, et reporta son attention sur l'écran.
« Je dirais plutôt passionné. Dit-il avec douceur. Il y a beaucoup de sujets dont j'ignore tout... Tu n'as jamais l'impression que plus tu creuses dans un sujet, moins tu en sais ? C'est le cas du cinéma.
La botanique lui faisait cet effet là, à Charlie. Il avait même souvent le sentiment de s'y noyer, tant le domaine était immense. Dès qu'il assimilait quelque chose, une dizaine d'embranchements se dessinaient en partant dans toutes les directions. Il n'en finissait jamais avec rien. C'était vertigineux et s'il lui avait fallu se débrouiller tout seul, il aurait sans doute renoncé.
« Dis-toi que même si tu t'asseyais devant ton écran de projection maintenant et que tu enchaînais les films sans interruption, tu n'aurais jamais le temps de voir tout ce qui a été fait d'ici là fin de ta vie. Poursuivit-il du même ton. Ce qui veut dire que tu dois choisir ce que tu regardes, car le temps que tu y consacres ne pourras pas être récupéré par la suite.
Ce qu'il disait là était une invitation à suivre ses envies, s'écouter et ne pas se laisser impressionner par les spécialistes auto-déclarés, et qui estiment (parfois) que l'on ne peut se définir cinéphile qu'à condition d'avoir vu certaines références dites « incontournables ».
Cependant, ce conseil était aussi valable pour la vie en général : le temps file et ce que l'on perd à trop se poser de question, à restreindre ses envies (souvent par peur ou pour des questions de moralité pas toujours justifiées), c'est du temps perdu pour toujours. Il voyait bien que Matts était du genre anxieux, à se poser mile et une question, à se mettre des barrières. Alors, Charlie glissa cette réflexion en pensant que, peut-être, ça aiderait le blond à réfléchir, sur autre chose. Les choses importantes, celles qui comptent vraiment pour lui. Les choses de la vie.
Quand aux références qu'il lui avait conseillé et que Matts demanda d'écrire, Charlie eut un petit souffle du nez amusé.
« Ça marche.
Dit-il. Il devait bien avoir un bout de papier qui traîne... Qui sait, peut-être en profiterait-il pour y ajouter son numéro de téléphone ? Après tout, si la soirée continuait sur cette lancée, Charlie serait heureux de le revoir. Ce serait l'occasion de tester son matériel dans de bonnes conditions et non pas en faisant les imbéciles au fond d'une petite salle de cinéma perdue dans Londres, juste avant le début d'une conférence. Encore que, les deux hommes riaient comme des enfants de leurs pitreries (c'est bien que ça valait le coup).
Charlie avait toujours aimé faire rire les autres. Quand, petit, ses camarades moquaient ses différences (son absence de pouvoir magique d'abord, le côté efféminé ensuite), il employait l'humour comme tactique de défense. Peu à peu, cette technique devint une facette à part entière de sa personnalité, jusqu'à accoucher d'un adulte solaire et bourré d'auto-dérision.
Mais il avait eu de la chance, Charlie. La chance d'avoir reçu assez de soutien pour garder confiance tout au long de sa vie. Il savait que ce n'était pas le cas de tout le monde et que, parfois, les sensibilités contrariées donnaient des timides et des anxieux.
Alors oui, ça lui plaisait de faire rire Matts, parce qu'il savait le faire, qu'il avait ce « truc » là, et qu'il voulait partager ça avec lui.
Cependant, comme la conversation retrouvait de son sérieux et que ce fut à son tour d'évoquer sa carrière, Charlie laissa entrevoir quelques nuages dans l'horizon clair de sa gaîté. Il n'était absolument pas du genre à s'apitoyer et s'il avait fait comprendre à Matts que son travail ne l'épanouissait pas complètement, c'était plus pour la cohérence générale de la conversation qu'autre chose (comment justifier un tel revirement de carrière, sinon?).
Néanmoins, il fut touché par la prévenance de son voisin, qui avait visiblement capté l'existence d'un nœud à cet endroit précis de son discours. Une perspicacité à la hauteur d'un agent des forces de l'ordre, s'amusa à penser Charlie sans mot dire. Matts était un observateur de l'espèce des attentifs (comme le sont souvent les taciturnes).
Charlie entrouvrit alors la bouche, comme s'il s'apprêtait à répondre, mais se ravisa au dernier moment. A la place, il se contenta d'un sourire accompagné d'un subtil hochement de tête et d'un regard reconnaissant : remerciement pudique de la part d'un homme qui s'abstenait de faire étalage de ses état d'âmes. Non, Charlie n'aimait pas parler du négatif (au risque de ne jamais aborder les problèmes qui fâchent). Il donnait quelques clés (juste ce qu'il faut pour comprendre les gros traits de sa situation), mais gardait farouchement le reste.
Par ailleurs, il préférait en rester sur le geste de Matts. Contact physique inattendu, d'autant plus appréciable qu'il devinait ce que cela coûtait à son interlocuteur. Ce n'était pas la peine d'en faire plus.
A ce titre, les intervenants venaient d'arriver. Charlie écoutait d'une oreille plus ou moins distraite les palabres assaisonnées de références que leurs offraient ce petit groupe trié sur le volet. Il sentait que la suite promettait d'être intéressante. Cela dit, la réponse de Matts à sa plaisanterie chuchotée à mi-voix lui fit perdre instantanément le fils de l'exposé. Il lui lança un regard incrédule, lèvres pincées pour refréner un éclat de rire.
« Voyez-vous ça... Chuchota-t-il, tournant la tête en direction de la scène (mais les yeux regardant toujours le blond). Avez-vous beaucoup d'autres lacunes, comme ça, monsieur Haugen ?
Charlie abandonna les traits scandinaves pour aviser la main de son voisin pendant un moment. Plusieurs pensées lui traversaient l'esprit en cet instant, mais aucune assez puissante pour le faire passer d'immobilité à mouvement. Même si Matts lui plaisait beaucoup, l'oiseau était du genre à laisser le temps aux choses de se développer, d'évoluer. Bien sûr, il lui était déjà arrivé de franchir le pas avec un inconnu, et ce dès les premières heures d'une rencontre. Cela n'avait rien de choquant, surtout dans la communauté homosexuelle (et ce pour plusieurs raisons). Mais chaque situation était différente et là, il n'avait pas envie d'agir.
Cependant, la salle fut bientôt plongée dans l'obscurité, comme le projecteur s'allumait. Charlie reporta donc son attention sur le grand écran, mais non sans avoir adressé un clin d’œil entendu à Matts.
Le court-métrage de Naoko Nakamura proposait une esthétique assez conceptuelle, avec une narration très vague.
Il n'y avait aucun dialogue entre les personnages, seulement une narration en japonais (sous titrée) et qui évoquait les aliénations de la vie contemporaine.
Du reste, le spectateur était invité à contempler de long plan-séquence sur un décors naturel, au sein duquel évoluaient des silhouettes vêtues de costumes légers et vaporeux. Comme l'avait expliqué Charlie, il s'agissait de danseurs. Ils partageaient tous le même genre de corps androgyne extrêmement sensuel et gracieux, leurs mouvements s'accordant merveilleusement avec la nature environnante et la bande sonore.
A mesure que Naoko décrivait ses errances existentielles, les danseurs se regroupaient dans une sorte de ronde étrange aux pas primitifs. La scène dégageait brutalité sans violence, une sorte de beauté essentielle renforcée par des plans suggestifs sur des corps esthétisés à l'extrême.
Peu à peu, le point sur la caméra s'atténua au point qu'il n'était plus possible de distinguer les danseurs. Les corps masculins et les corps féminins se mêlaient dans un même mouvement, indiscernables, incitant le spectateur à s'érotiser indistinctement des chairs qu'il voyait.
Charlie trouvait le spectacle assez beau. Il y avait là un vrai travail de cadrage et de découpage. L'ensemble était fluide, la musique douce, bien amenée. Même le texte de Naoko sonnait avec une certaine justesse. Le propos sous-jacent se laissait entrevoir à mesure qu'évoluaient les danseurs. C'était un vrai court-métrage expérimental, quelque chose d'étrange pour un néophyte, inhabituel, mais rafraîchissant.
Cela dit, le réalisateur imaginait assez l'état de perdition dans lequel devait se trouver Matts en ce moment même. Pour quelqu'un qui ne connaît pas le cinéma, ce genre de film devait désarçonner (au moins). Alors, pour l'encourager à prendre cette expérience avec philosophie, il lui adressa un léger coup de coude (dans le but d'attirer son attention) et, une fois son regard capté, articula « c'est de la branlette » sans lever la voix, mais en y associant un geste (très) explicite de la main. Puis, refrénant un sourire, il termina sur un nouveau clin d’œil, index levé devant sa bouche, et reporta son attention sur l'écran.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Ven 10 Jan 2020 - 12:11
Une toile sans fin de connaissances à acquérir. C’était de la sorte que je percevais le cinéma et, apparemment, je n’étais pas le seul. Bien que plus informé que moi, Charlie confiait que bien des sujets lui restaient obscurs en dépit de ce qu’il qualifiait de « passion ». Il n’empêche que j’étais impressionné par ce qu’il m’avait partagé. On ressentait tout l’amour qu’il portait au septième art dans la tournure de ses phrases, dans le timbre doux de sa voix. Il en devenait même philosophique ! Son conseil élargit mon sourire. J’ignorais s’il disait ça de façon innocente ou s’il tentait de me faire un message après avoir constaté ma nature anxieuse dépensant son énergie à tout sur-analyser mais, dans tous les cas, je l’en remerciais. Me poser moins de questions, être plus spontané, constituaient des résolutions que je prenais chaque année sans vraiment réussir à m’y tenir. À croire que ma personnalité était gravée dans le marbre et que rien ni personne sur cette Terre ne pouvait la rectifier. Un miracle pouvait toujours arriver.
- Je comprends. Et tu as entièrement raison ! Cela dit, je pense qu’il faut tout de même laisser une place au hasard parfois. S’aventurer dans des genres qui n’ont pas nos préférences, accepter d’en regarder même s’ils ne nous attirent pas au premier abord car sinon… On risquerait de passer à côté d’une perle, d’une expérience qui laisse sa marque, à laquelle on se connecte à vie. Et c’est, je pense, plus du gâchis que deux heures perdues dans une vie.
Évidemment que je parlais de films exclusivement. Non, c’est une blague. Ma prise de paroles était tout aussi interprétable que la sienne, d’ailleurs, je ne pus m’empêcher de le confirmer à haute-voix.
- C’est aussi le cas pour tout ce qui est relationnel. Je suis loin d’être un pro mais c’est pour ça que je déteste les applications de rencontres par exemple. Tout est si… superficiel. Catégorisé. D’abord tu choisis un physique, puis une liste d’éléments qui t’accrochent ou non. Un peu comme une affiche, un synopsis ou une bande-annonce si on y réfléchit. Tu ne t’éloignes jamais de ta zone de confort, tu t’y enlises et peux manquer la personne de ta vie car tu refuses de lui laisser une chance de te faire changer d’avis. Et, par pitié, arrête-moi avant que je te tue d’ennui.
Je ris discrètement, mélange d’amusement et d’embarras. J’avais trop parlé d’un coup pour ma santé. Maintenant, pouvais-je rester muet jusqu’au lendemain ? Plus sérieusement, je n’avais aucunement envie de me taire et me sentais de plus en plus décomplexé à ses côtés, m’exprimant sur des choses que je n’avais pris la peine de formuler en-dehors de mon esprit. Il avait le don de délier les langues. Peut-être était-ce une de ces capacités spéciales de sorcier allez savoir. Et la suite n’en fut que plus surprenante puisque je me retrouvais bientôt cameraman amateur (je n’aurai pas d’Award de sitôt croyez-moi) et établissais de plein gré un contact physique avec mon interlocuteur dont je tapotais le genou. Pour beaucoup ce geste serait futile, banal, et ne mériterait même pas d’être mentionné. Cependant, me concernant cela relevait de l’exploit tant mes mains avaient tendance à ne pas quitter leurs poches, bouquins et autres surfaces. Petite fierté je dois l’avouer. Dingue comme il réussissait aisément à faire ressortir le meilleur dont j’étais capable.
Nous n’eûmes pas le temps de nous épancher sur ça puisque les intervenants se rassemblaient sous nos yeux. La salle était bondée à craquer d’aussi loin que je pouvais déterminer sans me lever mais le silence se fit immédiatement. Tous les spectateurs étaient déjà captivés. Impressionnant vraiment. Bien sûr, c’était sans compter mon voisin qui me lança une vanne à laquelle je ne pus résister et, ravi de l’annoncer, ma réponse parvint à le surprendre si on en croyait l’expression de son visage qui passa de l’incrédulité au rire étouffé. Bam ! Victoire ! N’était-ce pas moi, une dizaine de minutes plus tôt, qui prônait l’importance de sortir des sentiers battus ? J’en donnais l’exemple.
- Peut-être les découvriras-tu par toi-même si tu t’en laisses le temps, chuchotais-je à mon tour.
Ok, niveau flirt innocent il était compliqué de faire pire mais il fallait prendre le contexte en considération. Le plus important à retenir de ma réponse, que j’avais prononcé tout en fixant l’intervenante en train de s’exprimer face à nous, était que je l’invitais à nous revoir ultérieurement. C’était à peine déguisé et sûrement capterait-il le message. Jamais je n’aurais osé me montrer si « entreprenant » ne serait-ce qu’un instant plus tôt. Je commençais sérieusement à dérailler ! Pour être franc, j’aimais de plus en plus cette version de moi-même, plus libre et moins réfrénée par ses doutes.
La salle sombra dans l’obscurité, non sans que je capture du regard un clin d’œil que me lançait l’homme à mes côtés. Le court-métrage dura une quinzaine de minutes tout au plus et me laissa sans voix. Sans voix car je n’avais jamais assisté à un tel spectacle, où la photographie d’une œuvre cinématographique transcendait jusqu’aux dialogues et l’histoire elle-même. Cela relevait d’un chef-d’œuvre visuel que je savourais à chaque second, mes prunelles ignorant quel point fixer pour n’en louper aucune miette. Je sortis de ma torpeur uniquement lorsque le coude de Charlie me rappela son existence et mon cœur loupa un battement en contemplant son geste, les sourcils froncés. Durant un instant, je cru sincèrement que c’était une invitation mais cela dénotait tellement avec son caractère que je me forcis à reconnecter quelques câbles. Je mentirais en prétendant que cela ne m’avait pas fait de l’effet malgré tout. Juste un peu ! Bref, je dressais mon pouce pour lui indiquer que j’appréciais ce moment. Dans ma contemplation, j’en oubliais même régulièrement de lire les sous-titres ce qui rendait le tout encore plus confus. Étonnamment, je n’en sortais pas frustré pour autant lorsque les lumières se rallumèrent pour faire place à la cinéaste sur scène. Envoûté de A à Z, l’œuvre avait défilé à une vitesse monstrueuse et je continuais de fixer la toile bien après qu’elle soit redevenue blanche. Des mains fusaient déjà dans l’assemblée qui restait majoritairement sans voix. Je pouvais comprendre que ce ne fut pas au goût de tous. La contemplation fait rarement l’unanimité. Mais, de mon côté, j’étais convaincu. Je me penchais vers lui et commentais :
- Je pense que j’aurai besoin de l’analyse de monsieur l’expert mais c’était brillant ! Et maintenant, je saisis ce dont tu parlais concernant les corps esthétisés, non-genrés, etc. Ça t’a plu ?
Le débat se lançait. Nous ne pourrions pas faire bande à part bien longtemps. Néanmoins, je pris la peine de rajouter à son oreille alors que le maître de cérémonie se déplaçant dans les rangs afin de confier le micro :
- J’étais tellement à fond que tu m’as pris de court tout à l’heure avec ton geste. J’ai cru que tu étais sérieux. C’était très gênant. Pervers.
Je gloussais. Qui de nous deux l’était le plus finalement ? Lui pour avoir imité un tel acte à un inconnu déconnecté de la réalité, ou moi pour avoir cru un instant que le garçon avait des pensées érotiques en tête ? Un sacré duo. Je le fixais d’une mine à la fois enjouée et amusée puis reporta mon attention sur les échanges avec la réalisatrice. Je ne voulais pas en perdre une goutte !
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Ven 10 Jan 2020 - 15:54
Le regard bleu de Charlie reflétait un éclat d'intérêt constant, caractéristique de ses moments d'attention, tandis que la conversation se poursuivait. En outre, il avait ce léger sourire en coin, et qui s'intensifiait légèrement lorsque les arguments de Matts le faisaient à réfléchir.
« Absolument.
Dit-il avec un léger hochement de tête. Le réalisateur ne pouvait qu'approuver le raisonnement de son voisin. A ce titre, son regard se teinta d'un brin de malice, comme il concluait.
« Suivre son instinct, right ?
Fallait-il que le blond ait relié lui-même cette opinion avec la dynamique des relations ? A croire que les sous-entendus passaient plutôt bien entre eux. Charlie s'en amusait au moins autant que de l'exemple des applications de rencontre que Matts choisit de prendre pour appuyer son propos. A la fin, il laissa même échapper un gloussement gentiment goguenard, voyant que le pauvre homme s'embarrassait lui-même à force d'improviser (ce qui était assez touchant, en un sens).
« Mais non, pas du tout. Dit-il d'un ton rassurant. Enfin, j'avoue manquer quelque peu d'expérience concernant ce genre d'appli... Mais je comprends ce que tu veux dire et je suis d'accord.
Il s'abstint de demander à Matts si il était plutôt Tinder ou Grindr, car cela aurait rendu les choses un peu trop évidentes et, une fois de plus, Charlie n'avait pas envie d'aller plus vite que la musique. A dire vrai, la plaisanterie aurait été plus embarrassante que drôle (tout du moins, pensa-t-il). Il se contenta donc de valider la base du propos et de poursuivre sur des pitreries.
A ce titre, la phrase chuchotée de Matts ne manqua pas de capter son intérêt, même s'il n'en laissa rien paraître en continuant d'écouter, d'une oreille distraite, le premier intervenant (un petit rictus en guise de validation). Cela dit, le message fut bien enregistré et Charlie comprit qu'il avait l'autorisation implicite de l'inviter à se revoir.
Comme quoi, les choses pouvaient se passer en douceur quand on faisait preuve de délicatesse. Charlie aimait la façon simple dont se déroulaient les choses jusqu'à présent. C'était sans violence, naturel, à l'image de leurs caractères respectifs. La relation s'esquissait comme une encre imprégnant une toile humide : par lente capillarité. Cela lui plaisait. Il se sentait à l'aise et il savait que c'était aussi le cas de Matts.
A présent, ils profitaient tout deux des concepts avant-gardistes de mademoiselle Nakamura. Charlie fut agréablement surpris de constater que son voisin semblait apprécier le moment. Il répondit à son pouce levé (en réaction à son geste obscène) par un petit hochement de tête approbateur et reporta son regard à l'écran, afin de le laisser profiter de la fin du spectacle tranquillement.
Lorsque les lumières se rallumèrent, Charlie prit quelques secondes pour savourer les restes de cette délicate sensation de flottement générée par les beautés du film. Il avait l'impression de sortir d'un rêve tiède dans lequel se seraient invités faunes et dryades. Une douceur.
Alors, quand Matts se pencha vers lui pour partager ses impressions, il l'accueilli d'un regard un brin embrumé, un haussement de sourcil témoignant du fait qu'il l'écoutait.
« Oui, assez.
Dit-il, le menton posé dans le creux de sa main, avant de prendre quelques secondes pour réfléchir. Entre temps, Matts revint sur le geste qu'il avait eu. Charlie pouffa de rire quand ce dernier lui avoua y avoir vu une invitation (ou quelque chose du genre).
« Oh my... Fit-il d'un air (faussement) désolé. Vous êtes responsable de votre imagination monsieur Haugen.
Il accompagna cette réplique d'une œillade joliment féminine (comme il avait parfois) et d'un sourire caressant. Que penser du fait que Matts ne s'en soit pas offusqué plus que cela ? Pour Charlie, c'était une énième confirmation de la déduction faite un peu plus tôt. Cela dit, il se demandait si Matts avait compris qu'il était aussi de « ce bord là ». C'était probable, avec tous les indices qu'il lui avait donné (les hommes hétérosexuels ne se faisaient pas ce genre de plaisanteries en général, ou pas tout à fait comme ça). Probable mais pas certain : certaines personnes ont parfois du mal à voir ce qui se trouve juste sous leurs yeux.
Comme la discussion se lançait entre les différents protagonistes de l'événement, Charlie se tut un moment. Il écouta ce qui se disait d'un air attentif, acquiesçant ou fronçant légèrement les sourcils selon l'opinion qu'il avait des arguments proposés.
Quand on libéra la parole, il proposa un point de vue détaillé en se référant à ce qu'il connaissait du style de Nakamura et de ses inspirations. Il revint aussi sur le contenu de la narration, se permettant une critique argumentée au sujet de la cohérence globale du propos. Comme il n'était pas certain de disposer de tous les éléments de réponse, il fit une ouverture en forme de question, exposant quelques pistes de réflexion et les points sur lesquels il souhaitait qu'on l'éclaire.
Après quoi il se rassit, abandonnant la parole à un autre spectateur. A ce titre, l'ambiance était très paisible. Les gens parlaient calmement et se passaient volontiers la parole. Il y avait tout autant des spécialistes du domaine que des néophytes et chacun veillait à écouter ce que son voisin avait à dire. De temps à autre, les intervenants glissaient un commentaire afin d'apporter un élément de réponse, puis la salle se remettait à réfléchir ensemble.
Charlie adressa donc un sourire encourageant à Matts, comme une incitation à participer au débat. Bien sûr, il n'y était pas obligé. Mais puisque tout le monde semblait y prendre du plaisir et qu'il était venu pour ça, autant se lancer.
« Absolument.
Dit-il avec un léger hochement de tête. Le réalisateur ne pouvait qu'approuver le raisonnement de son voisin. A ce titre, son regard se teinta d'un brin de malice, comme il concluait.
« Suivre son instinct, right ?
Fallait-il que le blond ait relié lui-même cette opinion avec la dynamique des relations ? A croire que les sous-entendus passaient plutôt bien entre eux. Charlie s'en amusait au moins autant que de l'exemple des applications de rencontre que Matts choisit de prendre pour appuyer son propos. A la fin, il laissa même échapper un gloussement gentiment goguenard, voyant que le pauvre homme s'embarrassait lui-même à force d'improviser (ce qui était assez touchant, en un sens).
« Mais non, pas du tout. Dit-il d'un ton rassurant. Enfin, j'avoue manquer quelque peu d'expérience concernant ce genre d'appli... Mais je comprends ce que tu veux dire et je suis d'accord.
Il s'abstint de demander à Matts si il était plutôt Tinder ou Grindr, car cela aurait rendu les choses un peu trop évidentes et, une fois de plus, Charlie n'avait pas envie d'aller plus vite que la musique. A dire vrai, la plaisanterie aurait été plus embarrassante que drôle (tout du moins, pensa-t-il). Il se contenta donc de valider la base du propos et de poursuivre sur des pitreries.
A ce titre, la phrase chuchotée de Matts ne manqua pas de capter son intérêt, même s'il n'en laissa rien paraître en continuant d'écouter, d'une oreille distraite, le premier intervenant (un petit rictus en guise de validation). Cela dit, le message fut bien enregistré et Charlie comprit qu'il avait l'autorisation implicite de l'inviter à se revoir.
Comme quoi, les choses pouvaient se passer en douceur quand on faisait preuve de délicatesse. Charlie aimait la façon simple dont se déroulaient les choses jusqu'à présent. C'était sans violence, naturel, à l'image de leurs caractères respectifs. La relation s'esquissait comme une encre imprégnant une toile humide : par lente capillarité. Cela lui plaisait. Il se sentait à l'aise et il savait que c'était aussi le cas de Matts.
A présent, ils profitaient tout deux des concepts avant-gardistes de mademoiselle Nakamura. Charlie fut agréablement surpris de constater que son voisin semblait apprécier le moment. Il répondit à son pouce levé (en réaction à son geste obscène) par un petit hochement de tête approbateur et reporta son regard à l'écran, afin de le laisser profiter de la fin du spectacle tranquillement.
Lorsque les lumières se rallumèrent, Charlie prit quelques secondes pour savourer les restes de cette délicate sensation de flottement générée par les beautés du film. Il avait l'impression de sortir d'un rêve tiède dans lequel se seraient invités faunes et dryades. Une douceur.
Alors, quand Matts se pencha vers lui pour partager ses impressions, il l'accueilli d'un regard un brin embrumé, un haussement de sourcil témoignant du fait qu'il l'écoutait.
« Oui, assez.
Dit-il, le menton posé dans le creux de sa main, avant de prendre quelques secondes pour réfléchir. Entre temps, Matts revint sur le geste qu'il avait eu. Charlie pouffa de rire quand ce dernier lui avoua y avoir vu une invitation (ou quelque chose du genre).
« Oh my... Fit-il d'un air (faussement) désolé. Vous êtes responsable de votre imagination monsieur Haugen.
Il accompagna cette réplique d'une œillade joliment féminine (comme il avait parfois) et d'un sourire caressant. Que penser du fait que Matts ne s'en soit pas offusqué plus que cela ? Pour Charlie, c'était une énième confirmation de la déduction faite un peu plus tôt. Cela dit, il se demandait si Matts avait compris qu'il était aussi de « ce bord là ». C'était probable, avec tous les indices qu'il lui avait donné (les hommes hétérosexuels ne se faisaient pas ce genre de plaisanteries en général, ou pas tout à fait comme ça). Probable mais pas certain : certaines personnes ont parfois du mal à voir ce qui se trouve juste sous leurs yeux.
Comme la discussion se lançait entre les différents protagonistes de l'événement, Charlie se tut un moment. Il écouta ce qui se disait d'un air attentif, acquiesçant ou fronçant légèrement les sourcils selon l'opinion qu'il avait des arguments proposés.
Quand on libéra la parole, il proposa un point de vue détaillé en se référant à ce qu'il connaissait du style de Nakamura et de ses inspirations. Il revint aussi sur le contenu de la narration, se permettant une critique argumentée au sujet de la cohérence globale du propos. Comme il n'était pas certain de disposer de tous les éléments de réponse, il fit une ouverture en forme de question, exposant quelques pistes de réflexion et les points sur lesquels il souhaitait qu'on l'éclaire.
Après quoi il se rassit, abandonnant la parole à un autre spectateur. A ce titre, l'ambiance était très paisible. Les gens parlaient calmement et se passaient volontiers la parole. Il y avait tout autant des spécialistes du domaine que des néophytes et chacun veillait à écouter ce que son voisin avait à dire. De temps à autre, les intervenants glissaient un commentaire afin d'apporter un élément de réponse, puis la salle se remettait à réfléchir ensemble.
Charlie adressa donc un sourire encourageant à Matts, comme une incitation à participer au débat. Bien sûr, il n'y était pas obligé. Mais puisque tout le monde semblait y prendre du plaisir et qu'il était venu pour ça, autant se lancer.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Ven 10 Jan 2020 - 19:53
« Suivre son instinct. » Oui, cette formulation excellait à résumer la conversation que nous venions de tenir quant à la sélection (aussi bien cinématographique que relationnelle). Il ne m’était pas apparu qu’en mentionnant les applications de rencontres mon interlocuteur puisse y voir là le signe que j’étais un habitué. Pourtant, ce raisonnement serait logique pour beaucoup. À croire que l’idée d’avoir mon profil sur ce type de réseaux virtuels me paraissait si stupide qu’elle en était même inconcevable. Bon ok, j’y avais brièvement jeté un coup d’œil une fois par pure curiosité, un soir de déprime passagère. Cependant, cinq minutes m’avaient suffi pour réaliser que ce n’était définitivement par pour moi. Je n’avais même pas eu le temps de mettre une photographie me mettant en valeur. Qui pourrait soupçonner que les individus pouvaient être si racoleurs derrière leurs téléphones portables ? Depuis, j’avais enterré cette possibilité. Le réel, il n’y a que ça de vrai. Bien que les opportunités étaient rares, ma rencontre avec Sullivan ainsi que ce soir me prouvaient que cela valait la peine de me satisfaire de ma vieille décision. Deux types adorables, qui avaient tout pour eux et réussissaient même à m’amuser et à me faire me confier. Sans compter que nos opinions étaient similaires en dépit de nos différences de tempérament. Rares étaient ceux pouvant s’en vanter.
Après avoir contemplé l’art de Nakamura durant un quart d’heure, le retour à la réalité fut rude. Charlie en personne paraissait s’être perdu dans une dimension alternative avant que je l’en extirpe de force sans crier de gare. Je souris face au parallèle qui se dessinait. Il y a quarante minutes de ça, les rôles étaient inversés alors qu’il me tirait de mon mutisme avec sa requête. Une première boucle de bouclée n’est-ce pas ? En guise de résultat, le garçon n’était plus tant bavard. Peut-être avait-il besoin de temps pour mettre de l’ordre dans ses idées et qu’il partagerait son rapport à la foule ou en privé à la sortie ? Je doutais qu’il n’ait tout simplement rien à dire. Tel un électrochoc pour le remettre sur ses pieds, je lui avouais avoir mal interprété son geste précédent pendant un instant. Cette révélation ne le laissa pas indifférent. Le voilà en train de se moquer ! Je pouvais le comprendre.
- Comme si vous n’aviez pas calculé le coup Monsieur. Je ne crois pas en votre innocence.
Je pris une mine faussement hautaine, le prenant de haut avant de pouffer à mon tour. Il m’amusait tant avec ses grimaces que je ne pouvais pas rester figé en permanence. Cela le rendait si original et attractif qu’être de marbre me paraissait incompatible. L’étrangeté de la situation étant que je ne me questionnais pas le moins du monde quant à son orientation sexuelle. Plus les minutes s’écoulaient, plus j’espérais que nous garderions contact. Je ressentais pour lui un attachement se solidifiant à chaque sourire. M’emballais-je un peu trop en l’imaginant déjà dans mes petits papiers ?
Nous n’eûmes que peu d’échanges par la suite. Les débats ainsi que les courts-métrages se succédaient, Charlie prenant la parole plus d’une fois pour exposer son avis, proposer des pistes à explorer, etc. Quand il s’exprimait, je ne pouvais le quitter des yeux, comme hypnotisé par cet homme décomplexé debout au milieu d’une salle à l’attention rivée sur lui. Il était dans son élément et cette passion tangible le faisait irradier. J’en oubliais même parfois de l’écouter, comme si le son était optionnel aux images. Quand je pris conscience de mon comportement, je fus complètement déboussolé et me râclais discrètement la gorge dans une tentative d’être à nouveau en phase avec le réel. Je perdais la boule ou quoi ? Troublé, je déclinais son invitation de me saisir du micro.
- Pas cette fois, je rougirais de prendre ta suite. Va falloir que je bosse dur pour te mettre la honte le prochain coup.
Je lui lançais un clin d’œil et me focalisai sur la suite des interventions. Si j’écoutais bel et bien, je ne pouvais me séparer de cette impression d’avoir trahit la confiance de Sullivan en lorgnant mon voisin. Ce qui était absolument ridicule puisque nous n’étions pas en couple – soupçonnait-il au moins que j’avais des vues sur lui ? – et que je n’avais rien commis d’illégal. Mais mon stagiaire occupait mes pensées depuis si longtemps que je me demandais si je ne devrais pas baisser les bras et passer à autre chose. Plus facile à dire qu’à faire. Et pour qui ? Un gars que je venais de rencontrer et que j’avais admiré un peu trop longtemps à mon goût ? Stop les enfantillages. Cela ne signifiait rien. J’étais juste heureux que l’on s’intéresse à moi.**
Mon manteau sur le dos, je suivais lentement la foule de spectateurs vers la sortie. Parmi les cinq œuvres diffusées, deux seulement m’avaient laissé indifférent. Plutôt une bonne moyenne non ? Charlie sur mes talons, je ne pipais mot en attendant d’être enfin à l’air libre. Le ciel de jais au-dessus de nous, je pris une longue inspiration tout en basculant la tête en arrière et refermant mes paupières. Le froid était saisissant, provoquant un choc thermique propice aux maladies. Il ne devait faire qu’une poignée de degrés tout au plus. Pourtant, c’était si agréable de se retrouver ici après plusieurs heures passées en intérieur ! Mes jambes (sans parler de mon postérieur) étaient si douloureuses ! Je m’étirais pour décontracter mes muscles et relâcher la pression, puis posais mes yeux sur lui.
- Hum… J’ai passé une excellente soirée. Tu y as contribué pas mal je dois l’avouer, confiais-je au fils Bird avec un sourire timide. Si tu veux, peut-être qu’un jour je pourrais…
… te payer un verre ? Matts, le Roi des Timides, le retour ! Mon semblant d’assurance s’était envolé à l’instant où nous avions mis le pied dehors, tournant le dos au cadre qui m’avait tant décomplexé. Le brun devait me trouver plus ennuyant que jamais tandis que je me tordais les doigts de nervosité sans m’en rendre compte.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Sam 11 Jan 2020 - 19:44
Quand Matts signifia à Charlie qu'il ne voulait pas prendre la parole, ce dernier n'insista pas. Il se contenta d'acquiescer avec bienveillance, avant de remettre le micro à l'un des organisateurs chargé de le faire circuler entre les différents membres du public. Le réalisateur déchu était bien conscient de l'effort qu'une prise de parole, devant toute une assemblée (fusse-t-elle restreinte), représentait pour un caractère timide. La chose était d'autant plus impressionnante que les intervenants connaissaient leur sujet. Cela dit, en assistant à cette soirée, Matts avait fait l'effort d'entrer dans un monde totalement inconnu et cela suffisait à inspirer le respect d'un Charlie toujours en quête de nouveauté.
Après quoi, les deux hommes profitèrent de la suite des débats tranquillement. Les court-métrages s’enchaînèrent entre deux séquences de discussion et quelques impressions partagées à la volée. Ambiance agréable qui se prolongeait, en étirant leur complicité naissante. Ils avaient toujours ce même répondant, ce dosage efficace entre les œillades et les sourires, et qui permettait à chacun de regarder les choses se développer en se sentant à l'aise (l’ambiguïté en guise de sortie de secours).
Caractères plus compatibles qu'on n'aurait pu l'imaginer de prime abord. C'en était presque déstabilisant, tant ce genre de phénomène était inhabituel au quotidien. Pour Charlie, qui était un habitué du cinéma, cette rencontre était indubitablement plus intéressante que tout ce qu'il avait vu ou entendu ce soir. Il ne regrettait pas d'être venu seul. La compagnie d'un proche aurait très certainement dissuadé Matts de parler avec lui (ce qu'il comprenait très bien).
Cependant, comme ils quittaient la salle de projection, Charlie ne put s'empêcher de relever l'attitude de son camarade. Ce dernier avait manifestement retrouvé une partie de sa réserve. Charlie interprétait cela comme une réaction au changement d'environnement. Il ne savait probablement plus comment se comporter sans le prétexte des films.
L'oiseau prit donc le parti de s'immobiliser à côté de lui, une fois dehors, et de s'imprégner de l'air de la nuit sans mot dire. Il était assez tard maintenant. Le ciel était noir, l'atmosphère froide et humide. Le regard de Charlie se hasarda sur les spectateurs en train de disperser : il en salua un ou deux d'un signe de tête. Puis, quand Matts se senti de lui adresser la parole, son regard se posa sur lui avec toujours cette même bienveillance qui l'avait accompagné tout au long de la soirée.
L'attitude timide de l'agent des forces publiques le touchait probablement autant qu'elle l'amusait. Il sourit en entendant que ce dernier était content de sa soirée : l'objectif était donc atteint. Cela dit, le compliment adressé directement à son endroit n'était pas désagréable à entendre non plus. Le regard de Charlie s'attendrit, comme il le considérait gravement. Regard bleu rivé dans un autre regard bleu.
« Peut-être qu'on pourrait... Dit-il doucement, en reprenant ses mots. Maintenant ?
Il fit un pas en direction du scandinave, les yeux rivés sur ce visage qui lui plaisait tant. Il allait sans dire que de nouvelles pensées lui traversèrent l'esprit en cet instant, mais une fois de plus, Charlie fit preuve de pudeur en en restant là. Il se contenta de ce face à face éloquent et d'une expression qui semblait dire « n'en restons pas là », les mains calfeutrées dans ses poches. Il poursuivit presque dans la foulée.
« Je connais un bar de nuit assez sympa dans le quartier. On pourrait peut-être y aller et prendre un verre. Qu'en dis-tu ?
Charlie avait manifestement comprit où Matts avait voulu en venir avec son amorce. Cela dit, puisque tout se passait si bien, il avait envie de prolonger le moment encore un peu.
Le bar en question se trouvait à quelques rues de là. Lieu assez populaire, animé juste ce qu'il faut pour pouvoir tout à la fois discuter et profiter de la musique. Les murs dégueulaient de poster de rock des années 60. Il y avait de petites tables rondes en bois de récupération entourées de fauteuils dépareillés vers le fond de la salle et un espace dégagé vers l'avant où les clients les plus alcoolisés (ou simplement à l'aise) pouvaient danser s'ils le souhaitaient.
Comme il était de coutume au Royaume-Unis, les deux hommes se présentèrent au comptoir pour prendre leur commande. Charlie opta pour une bière blanche (après avoir tant parlé, c'était tout ce dont il avait envie).
« Est-ce que je peux partir du principe qu'on te reverra aux soirées court-métrages ?
Demanda-t-il avec un sourire malicieux, tandis qu'il levait son verre pour trinquer avec Matts.
Après quoi, les deux hommes profitèrent de la suite des débats tranquillement. Les court-métrages s’enchaînèrent entre deux séquences de discussion et quelques impressions partagées à la volée. Ambiance agréable qui se prolongeait, en étirant leur complicité naissante. Ils avaient toujours ce même répondant, ce dosage efficace entre les œillades et les sourires, et qui permettait à chacun de regarder les choses se développer en se sentant à l'aise (l’ambiguïté en guise de sortie de secours).
Caractères plus compatibles qu'on n'aurait pu l'imaginer de prime abord. C'en était presque déstabilisant, tant ce genre de phénomène était inhabituel au quotidien. Pour Charlie, qui était un habitué du cinéma, cette rencontre était indubitablement plus intéressante que tout ce qu'il avait vu ou entendu ce soir. Il ne regrettait pas d'être venu seul. La compagnie d'un proche aurait très certainement dissuadé Matts de parler avec lui (ce qu'il comprenait très bien).
Cependant, comme ils quittaient la salle de projection, Charlie ne put s'empêcher de relever l'attitude de son camarade. Ce dernier avait manifestement retrouvé une partie de sa réserve. Charlie interprétait cela comme une réaction au changement d'environnement. Il ne savait probablement plus comment se comporter sans le prétexte des films.
L'oiseau prit donc le parti de s'immobiliser à côté de lui, une fois dehors, et de s'imprégner de l'air de la nuit sans mot dire. Il était assez tard maintenant. Le ciel était noir, l'atmosphère froide et humide. Le regard de Charlie se hasarda sur les spectateurs en train de disperser : il en salua un ou deux d'un signe de tête. Puis, quand Matts se senti de lui adresser la parole, son regard se posa sur lui avec toujours cette même bienveillance qui l'avait accompagné tout au long de la soirée.
L'attitude timide de l'agent des forces publiques le touchait probablement autant qu'elle l'amusait. Il sourit en entendant que ce dernier était content de sa soirée : l'objectif était donc atteint. Cela dit, le compliment adressé directement à son endroit n'était pas désagréable à entendre non plus. Le regard de Charlie s'attendrit, comme il le considérait gravement. Regard bleu rivé dans un autre regard bleu.
« Peut-être qu'on pourrait... Dit-il doucement, en reprenant ses mots. Maintenant ?
Il fit un pas en direction du scandinave, les yeux rivés sur ce visage qui lui plaisait tant. Il allait sans dire que de nouvelles pensées lui traversèrent l'esprit en cet instant, mais une fois de plus, Charlie fit preuve de pudeur en en restant là. Il se contenta de ce face à face éloquent et d'une expression qui semblait dire « n'en restons pas là », les mains calfeutrées dans ses poches. Il poursuivit presque dans la foulée.
« Je connais un bar de nuit assez sympa dans le quartier. On pourrait peut-être y aller et prendre un verre. Qu'en dis-tu ?
Charlie avait manifestement comprit où Matts avait voulu en venir avec son amorce. Cela dit, puisque tout se passait si bien, il avait envie de prolonger le moment encore un peu.
Le bar en question se trouvait à quelques rues de là. Lieu assez populaire, animé juste ce qu'il faut pour pouvoir tout à la fois discuter et profiter de la musique. Les murs dégueulaient de poster de rock des années 60. Il y avait de petites tables rondes en bois de récupération entourées de fauteuils dépareillés vers le fond de la salle et un espace dégagé vers l'avant où les clients les plus alcoolisés (ou simplement à l'aise) pouvaient danser s'ils le souhaitaient.
Comme il était de coutume au Royaume-Unis, les deux hommes se présentèrent au comptoir pour prendre leur commande. Charlie opta pour une bière blanche (après avoir tant parlé, c'était tout ce dont il avait envie).
« Est-ce que je peux partir du principe qu'on te reverra aux soirées court-métrages ?
Demanda-t-il avec un sourire malicieux, tandis qu'il levait son verre pour trinquer avec Matts.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Dim 12 Jan 2020 - 2:00
À l’extérieur, je paraissais reprendre contact avec la réalité. Mes échanges avec Charlie n’étaient pas qu’une simple parenthèse qui arrivait à son terme une fois notre cocon quitté. Si j’avais oublié la majorité de mes complexes lorsque nous nous tenions au chaud dans la salle de cinéma, tous me revenaient dans un effet boomerang. Sans parler que j’étais toujours mal à l’aise de l’avoir contemplé avec un certain degré d’envie au cours de sa prise de parole. En résumé : un changement de température qui ne se justifiait pas uniquement par le climat hivernal. Je fermais les yeux quelques secondes pour m’apaiser avant de me lancer. Devais-je prendre le risque de l’inviter à nous revoir ? Peser le pour et le contre. Je devais faire vite pour ne pas que cela devienne embarrassant au possible. Ainsi, je repensais à ces dernières heures qui avaient été synonymes de chaleur, d’écoute, d’amusement et de partage. Tant d’éléments que je disais m’être inutiles pour relativiser et justifier mon insociabilité. J’avais enfin l’opportunité d’être sincère avec moi-même, d’avouer qu’il existait bel et bien un gouffre en moi que je ne pourrais jamais combler en demeurant isolé. Il me fallait la saisir n’est-ce pas ?
Ma décision prise, je n’arrivai pas au bout de ma phrase mais j’étais persuadé que ce que j’avais articulé serait suffisant à mon interlocuteur pour comprendre mes intentions. Oui, j’optais pour repasser du temps en sa compagnie à l’avenir, ne pas couper les ponts brusquement. Rafraîchi, je me sentais prêt et désireux à faire en sorte que sa présence dans ma vie ne soit pas seulement éphémère. Il semblait avoir encore tant à offrir ! Et j’espérais pouvoir moi aussi lui apporter quelque chose. Quoi ? Pas la moindre idée. Au pire des cas, s’il me jugeait être un intrus sans nécessité, ce serait la douche froide et je perdais un ami potentiel. Je serais déprimé jusqu’à l’année prochaine puis reprendrais mon train-train habituel. Mieux valait-il ça que de m’imposer et être un poids pour l’homme.
Sa réponse ne se fit pas attendre. Inutile de préciser que mon visage s’illumina instantanément, un large sourire s’étirant jusqu’aux oreilles. On aurait dit qu’on m’avait informé de la meilleure nouvelle du siècle. Ma réserve restaurée fondit enfin comme glace au soleil tandis que je le laissais se rapprocher de moi, ne le quittant pas des yeux. L’espace d’un court instant, je cru même qu’il s’apprêtait à m’embrasser mais il ne s’exécuta pas. J’en conclu que ce n’était qu’une illusion, que je me faisais sérieusement des films (ce qui est ironique vu d’où nous sortions). Pourquoi m’étais-je dressé un tel scénario ? Ce n’était pas mon genre de rouler des pelles aux personnes que je venais de rencontrer et encore moins à des hommes. Cela ne m’était jamais arrivé d’ailleurs. Effectivement, Sullivan était le premier type pour qui je ressentais du désir. Pas seulement charnel (ce qui serait possible puisqu’il était le bogosse par excellence), ça se jouait sur un tout autre niveau et ce n’en était que plus déstabilisant. Je peinais à me l’avouer, à accepter que je puisse être attiré par ce type appartenant au même genre que moi. Pourtant, il me suffisait de poser mon regard sur sa trogne pour que mon cœur s’emballe. Sans la moindre exception. Je n’avais donc clairement pas besoin de m’embrouiller l’esprit davantage en me créant des histoires sans queue ni tête en rapport avec mon interlocuteur ! (Pas que j’avais réellement le contrôle sur la question mais laissez-moi y croire.)
- Je te suis uniquement si tu me paies un verre, répliquais-je.
Expression impassible, j’étais le plus sérieux au monde. Du moins tentais-je de l’être avant d’éclater de rire. Le rôle du radin profiteur ne m’allait franchement pas au teint et je ne supportais pas que l’on ait une telle image de moi. Je croisais tout de même les doigts pour que mon petit numéro ait fait son effet. Je faisais face à un réalisateur en herbe après tout ! Le poing devant la bouche, je repris mon sérieux puis posais brièvement la main sur son épaule.
- Pour me faire pardonner, c’est moi qui paie la première tournée.
Ainsi, nous marchions jusqu’à destination tout en discutant de choses et d’autres. Rien de vital en soi, plus des banalités vraiment mais ce n’en n’était pas moins intéressant. Ce n’est jamais futile quand on cherche à connaître quelqu’un. Je n’avais jamais mis les pieds dans le bâtiment et n’avais-même jamais prêté attention à sa façade. Charlie avait définitivement beaucoup à m’apprendre ! Une fois à l’intérieur, je soufflais dans le creux de mes mains après les avoir frotté l’une contre l’autre pour les réchauffer. Tandis que nous attendions notre tour afin de passer notre commande, je pris soin de décrire les lieux et sa clientèle. Je me rendais rarement dans ce type d’endroit mais celui-ci se révélait plutôt accueillant, dépourvu de vulgarité si ce n’est pour un couple qui se bécotait d’un peu trop près au fond de la salle. Le canapé sur lequel ils s’étaient presque allongés n’était pas au bout de ses surprises malgré ses années de service. Ici, on se sentait comme transportés dans une décennie lointaine.
- J’espère que tu ne comptes pas me faire danser ce soir. Je ne serai jamais suffisamment alcoolisé pour ça, blaguais-je en pointant du menton un petit groupe qui commençait à se déhancher au rythme de la musique.
En parlant de boisson, nous nous retrouvions enfin en possession de nos chopes de bière, chacun assis dans un fauteuil aussi vieux que les titres diffusés par les enceintes. J’avais pris mes aises, confortablement appuyé contre le dossier et mon pied droit posé sur ma cuisse opposée. Nous trinquions au son d’une interrogation du garçon à laquelle je répondis d’abord par une mine incertaine dans le but de le taquiner puisqu'il espérait sûrement que ce soit le cas.
- En toute sincérité c’est une expérience que j’aimerais renouveler régulièrement. Ce ne sont pas des œuvres que je retrouverai facilement, c’est très informatif et… Si je peux faire des rencontres intéressantes à chaque fois…
Je souris puis bu une gorgée. Entre le froid et ce flot inhabituel de paroles, ma voix était plus rauque que d’ordinaire. Autant dire que boire me fit un bien fou même s’il m’aurait fallu commander un chocolat chaud pour en maximiser l’efficacité. Malheureusement, le plaisir fut de courte durée puisque je manquais de peu de m’étouffer en sentant des mains descendre lentement sur mon torse. Fronçant les sourcils, je me retournais et vis une étrangère appuyée contre mon dos dont les effluves alcoolisés laissaient deviner l’état. Rouquine, avec une dose d’eye-liner abusive, un short en jean presque inutile au vu de sa taille à la Harley Quinn et arborant un décolleté à y perdre le nord, celle-ci m’invitait à trouver un endroit tranquille. Sérieusement ?! Je devais être écarlate tant mes joues me brûlaient. J’étais pétrifié, ne sachant que faire.
- Navré je… Je suis venu avec quelqu’un, indiquais-je en référence à Charlie.
L’inconnue parut le remarquer pour la première fois puis elle se mit à ricaner. Au moins, elle n’était pas vexée par mon refus. Bien sûr, je ne compris son interprétation de la situation qu’une fois qu’elle eut lâché :
- Oh je vois. Tant pis. Je vous laisse entre hommes alors les chéris. Amusez-vous bien !
Un clin d’œil sous-entendu et elle avait déjà tourné les talons dans une mise en scène aussi provocatrice que dramatique. Je n’avais pas pu la contredire et maintenant il me fallait me confronter à celui qui ne devait pas en avoir perdu une miette. Pour me donner du courage, je m’enfilais une gorgée titanesque en priant pour que cela redonne une teinte uniforme à mon visage.
- J’aimerais me noyer dedans là tout de suite…, confessais-je en admirant le fond de mon verre.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Dim 12 Jan 2020 - 13:30
Charlie répondit à la condition de Matts par un haussement de sourcil (faussement) scandalisé, accompagné d'un sourire de défiance. Cela dit, il connaissait à présent bien assez le scandinave pour savoir qu'il s'agissait d'une plaisanterie (quand bien même avait-il l'intention de l'inviter, puisqu'il en avait fait la proposition). Il laissa néanmoins son camarade rattraper ce soudain élan de témérité, malgré une image pas écornée pour un sous (et parce-que cela l'amusait de le voir se prendre les pieds dans le tapis : douce cruauté).
« Gentleman, monsieur Haugen. Dit-il en esquissant un petit salut de la tête. Seulement si vous me laissez prendre la seconde.
La messe était dite.
Après quoi, ce ne fut que l'affaire de quelques minutes pour rejoindre le bar de nuit dont Charlie avait parlé (tout comme pour le cinéma, il s'agissait d'un établissement moldu). Les deux hommes s'y rendirent d'un pas tranquille, discutant de tout et de rien, dans la pénombre contrariée de la capitale. Rues à peu près désertes à cette heure tardive, impression de se trouver hors du temps.
Une fois rendus au bar, toutefois, l'atmosphère se réchauffa sensiblement en achevant de chasser toute distraction et résidu de rêverie que la demi pénombre avait pu encourager. Charlie, comme à son habitude, se sentait tout à fait à l'aise dans cet environnement bon enfant. La clientèle appartenait visiblement à la classe moyenne intellectuelle et même si quelques petits groupes se prenaient à dodeliner, la plupart d'entre eux discutait tranquillement en sirotant leur bière. Le coude distraitement posé sur le bar, il avisa les danseurs enhardis, que lui désignait Matts, d'un œil amusé.
« Ha ! S'exclama-t-il. J'ai bien compris que c'était ta manière de me lancer des défis. Une chance pour toi : je suis un leader tout à fait correct, tu n'auras rien à faire, si ce n'est me suivre.
Il afficha un sourire (un brin) séducteur, avant d'effectuer un court pas de danse qui l'emmena de l'autre côté de son camarade, où il retrouva sa posture initiale, les avants bras posés sur le bar. Décidément, il semblait que Charlie ait toujours un talent à propos dans la poche. Il fallait dire que ce grand curieux avait su soigner ses compétences, entre théâtre, danse et musique. Il disposait de tout le panel nécessaire à une soirée réussie, en somme. Matts n'était pas au bout de ses émotions.
Au même moment, le barman posa les deux pintes qui leur étaient destinées devant eux. Les deux hommes se trouvèrent ensuite une place dans un coin de la salle, où ils purent reprendre le cours avorté de leur discussion. Charlie prit une gorgée de bière avant de répondre.
« J'en suis ravi alors. Dit-il. Si tu veux je te présenterais quelques habitués. Tout le monde est très sympa, tu verras. Peut-être que ça te persuadera de donner tes impressions.
Voilà bien le genre d'aveux à même de réjouir un réalisateur en herbe. Charlie ne pouvait qu'apprécier de voir la passion se développer chez quelqu'un et d'y avoir contribué (en toute humilité) le touchait beaucoup.
Cela dit, alors qu'il s'apprêtait à poursuivre, une jeune femme décida d'aborder Matts d'une manière extrêmement cavalière. Charlie fut tout d’abord prit de stupeur, car ce n'était pas le genre de choses que l'on attend au milieu d'une conversation.
Cela dit, il comprit bien vite que la demoiselle était dans un état d'ébriété avancé (ce qui, à défaut d'excuser le geste, l'expliquait au moins). Matts, pour sa part, rougissait de gêne, réaction, somme toute, naturelle : Charlie non plus n'aurait pas apprécié qu'on le touche de la sorte sans autorisation (au moins implicite) au préalable.
Prenant le parti de ne pas dramatiser la situation outre mesure (après tout, cette pauvre fille souffrait simplement d'une désinhibition provoquée par l'alcool), il reposa sa pinte sur la table et décida de faire ce qu'il faisait de mieux : jouer la comédie. Charlie vint donc s'accouder au fauteuil, avant bras relevé, les doigts qui jouaient entre eux, exagérant le caractère félin de sa pose. Lèvres pincées, regard (faussement) agacé, il avisa la demoiselle à force de mimiques qui caricaturait fort bien l'archétype de l'homosexuel efféminé qui s'offusque à la vue d'une femme. A ce titre, cette dernière sembla très bien comprendre le tableau que Charlie était en train de peindre, au moment où elle l'avisa et suite à la justification de Matts. Il répondis donc à ses encouragements par un sourire aimable, avant de la regarder partir d'un air vaguement désolé (il faudra garder un œil sur elle, pensa-t-il).
« Ne sois pas gêné. Je suis désolé pour cet incident. Répondit-il avec sérieux. C'est la première fois que je vois ça ici.
Il ne voulait pas que son camarade pense qu'il l'avait emmené dans un traquenard, ou quelque chose du genre. Certains bars souffrent d'une ambiance licencieuse et ce n'était pas du tout le genre d'impression que Charlie avait envie de provoquer chez Matts.
« On souffre de son succès ?
Ajouta-t-il cependant en haussant un sourcil, tandis qu'un sourire étirait le coin de sa bouche. Les précédentes confessions du scandinave se confirmaient donc : il n'était pas un grand habitué des situations ambiguës. Chose curieuse venant d'un homme aussi agréable à regarder et (apparemment) doté d'une bonne situation. Cela dit, si son problème se résumait au fait d'être coincé dans le placard, cela pouvait se comprendre.
« Gentleman, monsieur Haugen. Dit-il en esquissant un petit salut de la tête. Seulement si vous me laissez prendre la seconde.
La messe était dite.
Après quoi, ce ne fut que l'affaire de quelques minutes pour rejoindre le bar de nuit dont Charlie avait parlé (tout comme pour le cinéma, il s'agissait d'un établissement moldu). Les deux hommes s'y rendirent d'un pas tranquille, discutant de tout et de rien, dans la pénombre contrariée de la capitale. Rues à peu près désertes à cette heure tardive, impression de se trouver hors du temps.
Une fois rendus au bar, toutefois, l'atmosphère se réchauffa sensiblement en achevant de chasser toute distraction et résidu de rêverie que la demi pénombre avait pu encourager. Charlie, comme à son habitude, se sentait tout à fait à l'aise dans cet environnement bon enfant. La clientèle appartenait visiblement à la classe moyenne intellectuelle et même si quelques petits groupes se prenaient à dodeliner, la plupart d'entre eux discutait tranquillement en sirotant leur bière. Le coude distraitement posé sur le bar, il avisa les danseurs enhardis, que lui désignait Matts, d'un œil amusé.
« Ha ! S'exclama-t-il. J'ai bien compris que c'était ta manière de me lancer des défis. Une chance pour toi : je suis un leader tout à fait correct, tu n'auras rien à faire, si ce n'est me suivre.
Il afficha un sourire (un brin) séducteur, avant d'effectuer un court pas de danse qui l'emmena de l'autre côté de son camarade, où il retrouva sa posture initiale, les avants bras posés sur le bar. Décidément, il semblait que Charlie ait toujours un talent à propos dans la poche. Il fallait dire que ce grand curieux avait su soigner ses compétences, entre théâtre, danse et musique. Il disposait de tout le panel nécessaire à une soirée réussie, en somme. Matts n'était pas au bout de ses émotions.
Au même moment, le barman posa les deux pintes qui leur étaient destinées devant eux. Les deux hommes se trouvèrent ensuite une place dans un coin de la salle, où ils purent reprendre le cours avorté de leur discussion. Charlie prit une gorgée de bière avant de répondre.
« J'en suis ravi alors. Dit-il. Si tu veux je te présenterais quelques habitués. Tout le monde est très sympa, tu verras. Peut-être que ça te persuadera de donner tes impressions.
Voilà bien le genre d'aveux à même de réjouir un réalisateur en herbe. Charlie ne pouvait qu'apprécier de voir la passion se développer chez quelqu'un et d'y avoir contribué (en toute humilité) le touchait beaucoup.
Cela dit, alors qu'il s'apprêtait à poursuivre, une jeune femme décida d'aborder Matts d'une manière extrêmement cavalière. Charlie fut tout d’abord prit de stupeur, car ce n'était pas le genre de choses que l'on attend au milieu d'une conversation.
Cela dit, il comprit bien vite que la demoiselle était dans un état d'ébriété avancé (ce qui, à défaut d'excuser le geste, l'expliquait au moins). Matts, pour sa part, rougissait de gêne, réaction, somme toute, naturelle : Charlie non plus n'aurait pas apprécié qu'on le touche de la sorte sans autorisation (au moins implicite) au préalable.
Prenant le parti de ne pas dramatiser la situation outre mesure (après tout, cette pauvre fille souffrait simplement d'une désinhibition provoquée par l'alcool), il reposa sa pinte sur la table et décida de faire ce qu'il faisait de mieux : jouer la comédie. Charlie vint donc s'accouder au fauteuil, avant bras relevé, les doigts qui jouaient entre eux, exagérant le caractère félin de sa pose. Lèvres pincées, regard (faussement) agacé, il avisa la demoiselle à force de mimiques qui caricaturait fort bien l'archétype de l'homosexuel efféminé qui s'offusque à la vue d'une femme. A ce titre, cette dernière sembla très bien comprendre le tableau que Charlie était en train de peindre, au moment où elle l'avisa et suite à la justification de Matts. Il répondis donc à ses encouragements par un sourire aimable, avant de la regarder partir d'un air vaguement désolé (il faudra garder un œil sur elle, pensa-t-il).
« Ne sois pas gêné. Je suis désolé pour cet incident. Répondit-il avec sérieux. C'est la première fois que je vois ça ici.
Il ne voulait pas que son camarade pense qu'il l'avait emmené dans un traquenard, ou quelque chose du genre. Certains bars souffrent d'une ambiance licencieuse et ce n'était pas du tout le genre d'impression que Charlie avait envie de provoquer chez Matts.
« On souffre de son succès ?
Ajouta-t-il cependant en haussant un sourcil, tandis qu'un sourire étirait le coin de sa bouche. Les précédentes confessions du scandinave se confirmaient donc : il n'était pas un grand habitué des situations ambiguës. Chose curieuse venant d'un homme aussi agréable à regarder et (apparemment) doté d'une bonne situation. Cela dit, si son problème se résumait au fait d'être coincé dans le placard, cela pouvait se comprendre.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Dim 12 Jan 2020 - 20:50
Accoudé au bar, mes prunelles se posèrent sur des clients commençant à se déhancher au rythme d’un titre de ACDC. Leur équilibre ne semblant pas compromis, j’imaginais que l’alcool n’avait pas encore eu raison d’eux. Ils avaient bien du courage pour se donner ainsi en spectacle tout en étant en possession de leurs moyens. J’avertis Charlie que ce n’était pas gagné dans mon cas. J’avais déjà mis les pieds en boîte de nuit à une époque (croyez-le ou non) mais je n’avais pas été sous les feux des projecteurs comme je le serai ici. Bien sûr, il ne me fallait pas sous-estimer la personnalité pétillante de mon compagnon de soirée qui s’empressa de retourner la situation à son avantage avant de me faire un bref pas de danse. Je pouffais de rire, secouant la tête tant je n’en croyais pas mes yeux. Existait-il quelque chose dans lequel il était médiocre ? Sa mine un chouillat séductrice n’était d’ailleurs pas passée inaperçue, même pour un type toujours à côté de la plaque comme moi. Encore une fois ce n’était qu’un jeu pour lui. Je me refusais d’y voir là la moindre ambiguïté.
- Cinq heures ensemble et je serai paré pour auditions et ballets, blaguais-je. Et ce n’était même pas un défi. Je te protège de l’embarras.
J’agitais mes bras de la façon la plus ridicule possible, prouvant à quel point je n’avais aucune coordination ni talent en la matière. Bon d’accord, je grossissais beaucoup le trait avec mon exemple et ne pus m’empêcher de pouffer tout en voyant l’air perplexe du barman qui servait nos bières parallèlement. Finalement je n’avais pas besoin d’être sur la piste pour me faire remarquer. Je saisis ma pinte et nous partîmes nous asseoir dans un coin tranquille où la conversation pu se poursuivre sur un ton plus posé. Le brun était si généreux en permanence qu’il m’arracha un énième sourire. À force, je ne saurai plus comment le remercier pour ses douces attentions. Un brin ému, je passais nerveusement ma main libre dans mes cheveux, les ébouriffant au passage. Du gel et je serais passé pour le faux rebelle du dimanche.
- Vous n’allez pas me recruter pour un truc bizarre hein ?
Je pris un air suspicieux, me mettant un peu de profil tout en relevant mon arcade sourcilière gauche. Me voilà à faire le pitre. Encore. Cela allait devenir une habitude bientôt. Mon expression normale de retour après plusieurs secondes, je repris :
- Ce serait gentil de ta part. Et puis s’ils sont tous comme toi le courant devrait passer.
Un compliment gratuit rien que ça ! Il est vrai qu’une telle communauté pourrait se montrer snob envers les nouveaux, en particulier ceux ne disposant pas de leurs connaissances poussées. Je me considérais comme sacrément chanceux d’être tombé sur un chic gars comme mon interlocuteur. Si ma phrase menaçait de m’embarrasser avec le recul, ce sentiment fut court-circuité par l’interruption d’une femme sans gêne. Je sentais ses doigts me caresser sensuellement les pectoraux, ne se questionnant pas le moins du monde sur la bienséance de son comportement. Personne n’avait eu l’occasion de l’imiter depuis une éternité et, pour être franc, j’aurais préféré ne pas lui en donner le privilège. Encore avait-elle de la chance de tomber sur quelqu’un ne réagissant pas au quart de tour en l’envoyant rudement balader, rejetant sa main avec force. Au contraire, ce fut avec un timbre trahissant ma timidité que je lui fis remarquer que j’étais déjà accompagné. Je ne vis rien du petit numéro de Charlie qui appuyait l’idée que se faisait l’inconnue sur la nature de notre relation. C’était sûrement aussi bien comme ça. Je la regardais s’en aller, m’assurant qu’elle ne feintait pas son départ. En un clin d’œil, cette dernière était déjà en train de faire de susurrer des mots doux à l’employé. Disparaissant dans ma chope, j’écoutais les excuses du garçon qui s’amusait davantage de ma réaction que de la scène à laquelle il avait assisté.
- Oui, quotidiennement. C’est compliqué d’être aussi canon que moi, répondis-je sérieusement avant de poser mes soucoupes bleues dans les siennes.
Un sourire dévoilant mes dents se dessina sur mon visage tandis que je m’attendais à une réaction moqueuse de sa part. Je ne m’étais jamais considéré comme plus chanceux, plus attirant physiquement que les autres. Après tout, je n’avais pas eu de grande histoire d’amour en dépit de mon âge et on ne m’avait jamais glissé un numéro sur une serviette lors de mes passages dans les restaurants, cafés et compagnie, ce pourquoi j’étais totalement dérouté par ce qui venait de se passer. La boisson ne m’avait pas rafraîchi, je sentais encore le feu sur mes joues lorsque j’agitais brièvement la main pour me faire de l’air. Si je n’agissais pas vite je risquais de fondre sur mon fauteuil. Il faut dire que la température intérieure semblait grimper sans cesse au fur et à mesure que les gens se déhanchant se multipliaient.
- Ça te dérange si… ?
Je tirais le col de mon pull pour lui faire comprendre que je songeais à le retirer. Pensais-je vraiment traumatiser le fils Bird avec une couche en moins sur le dos ? Ce n’était pas comme si je m’apprêtais à être nu comme un ver ! Soulagé du vêtement, je me retrouvais avec mon débardeur kaki qui avait au moins le mérite de ne pas trop bouleverser ma pudeur maladive.
- C’est vraiment charmant ici. Ça fait longtemps que tu viens ? J’avoue que je n’aurais jamais imaginé que tu sois un fan de rock’n’roll. Je te voyais déjà en robe de chambre, le cigare au bec à écouter du Mozart ou du Beethoven. Erreur sur la marchandise !
Je lui tirai la langue tout en pouffant. Les bras croisés sur la table, je n’arrivais pas à le quitter des yeux. Nul doute que je m’attendais à une autre grimace typique du réalisateur en herbe.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Lun 13 Jan 2020 - 13:16
Charlie n'avait pas manqué de s'amuser de la tentative de Matts pour lui faire oublier cette histoire de danse jetée en l'air. La gestuelle du blond témoignait déjà très bien de la pudeur avec laquelle il laissait son corps s'exprimer en temps normal. Il allait sans dire que sa démonstration ne contraria aucune de ses observations précédentes.
Archétype de l'homme coincé dans cette idée qu'il ne faut pas trop en montrer, au risque de se voir apparenté à la gente féminine (peut-être). Charlie avait pourtant bien remarqué qu'elle existait, cette sensibilité là. Cela l'intriguait un peu d'ailleurs : il se demandait quel genre d'éducation le scandinave avait reçu. Était-ce véritablement son caractère, ou bien avait-il été façonné de la sorte ?
Matts semblait toujours heureux de voir Charlie faire le pitre et s'aventurer là où, lui, se refrénait par timidité. Le réalisateur en herbe ne pouvait s'empêcher d'y voir la marque de quelques aspirations déçues (mais peut-être extrapolait-il un peu trop ses propres déductions). Quoiqu'il en soit, de constater combien leur feeling était bon malgré cette différence manifeste de caractère réjouissait sincèrement Charlie.
Il en allait de même concernant le cinéma : s'il pouvait lui en apprendre plus et lui présenter quelques personnes sympathiques, ce serait parfait. A ce titre, il adressa à Matts un regards équivoque, lorsque celui-ci lui demanda s'ils ne prévoyaient pas de l'embarquer dans un entreprise un peu louche.
« Un truc bizarre ? Répéta-t-il en pinçant des lèvres pour ne pas pouffer de rire. Tu penses à une orgie sataniste ? Ou peut-être un de ces banquets dionysiaques, où on serait tous en toge, à se baigner dans des piscines de vin avant de se culbuter les uns les autres sur des parterres de fleur... Ce genre de trucs bizarres ?
Charlie se représentait bien la scène façon cinéma surréaliste : quelque chose d'exagérément psychanalytique et sur lequel on aurait appliqué une bonne dose d'esthétique antique. Assurément, c'était une idée à creuser.
Cependant, comme il retrouvait son sérieux, le britannique acquiesça d'un air rassurant. Bien sûr que tout allait très bien se passer, pensa-t-il. Charlie n'était pas plus friand des milieux guindés que semblait l'être Matts. Il suffisait de le regarder pour s'en rendre compte, avec son allure nonchalante et ses tenues d'éternel adolescent. Ce n'était pas faute de moyen (la famille Bird était très fortunée), juste une question de caractère. On l'avait élevé dans la simplicité et, à ce titre, cela devint l'une des choses qu'il cherchait chez les autres. Peut-être se cachait là une autre raison de leur entente, après tout.
Ceci mit de côté, Charlie eut l'occasion de constater qu'il n'était pas le seul à apprécier le sex-appeal du norvégien. A ce titre, la réplique de Matts lui arracha un rire court et sonore, qu'il réprima presque aussitôt au profit d'un regard faussement réprobateur. Son langage corporel semblait s'offusquer face à tant d'arrogance, mais une fois de plus, tout ceci n'était que jeu. A ce titre, les joues rougies de Matts le trahissaient. Le pauvre homme s'empêtrait dans son embarras au point de s'alléger d'une couche de vêtement.
Une occasion donnée à Charlie de constater combien la plastique de son interlocuteur s'accordait avec ses traits. L'homme était, à n'en point douter, un sportif accompli (ce qui était cohérent avec son métier). Spectacle tout à fait appréciable pour le jeune réalisateur, cela allait sans dire. Il veilla tout de même à se pas trop s'attarder sur les plis du vêtement provoqués par la masse musculaire qui se trouvait en dessous (par correction).
La dernière réplique de Matts venait de récupérer toute son attention, car elle le fit rire à nouveau de cet éclat typique qu'il avait lorsqu'on se payait efficacement sa tête.
« Haha, pardon ? S'exclama-t-il. Je crois que tu ne m'as pas bien regardé.
Charlie imita son comparse en enlevant sa veste, dévoilant ainsi le T-shirt à l'effigie de David Bowie qu'il portait. Il releva ensuite sa manche et contracta son biceps à la manière d'un culturiste. A ce titre, son tatouage de pingouin ne souffrit pas trop de la déformation (Charlie n'était pas un grand sportif).
« Je ne rempli pas aussi bien mon T-shirt que toi par contre. Il adressa à Matts un furtif clin d’œil avant de reprendre sa position initiale. Mais oui, je viens souvent après les conférences. Habituellement on est plusieurs.
Le jeune réalisateur se pencha alors sur son fauteuil, avants bras posés sur ses genoux, mains jointes. Il adressa à son interlocuteur un regard pénétrant, petit sourire en coin.
« Et vous monsieur Haugen ? Parlez moi un peu de vous. Il prit une gorgée de bière. Je sais que vous êtes agent des forces de l'ordre, amateur de cinéma néophyte... Dit-il en énumérant d'un geste gracieux de la main. Déçu des appli de rencontre... A l'esprit plus mal placé qu'on ne pourrait le croire... Non, non, ne me contredit pas.
Il lui sourit.
« Et pas un grand fan de danse. C'est vrai que c'est déjà pas mal, right ?
Le regard de Charlie se posa doucement sur l'homme en face, comme une invitation à partager de nouvelles choses : des centres d'intérêt, son histoire... Peu importe, il n'avait rien spécifié. Le jeune homme voulait simplement en apprendre plus, continuer de découvrir cette personnalité si sympathique et donc l'esquisse ne cessait de se préciser à mesure que la soirée avançait. C'était le bon moment pour cela, après tout.
Archétype de l'homme coincé dans cette idée qu'il ne faut pas trop en montrer, au risque de se voir apparenté à la gente féminine (peut-être). Charlie avait pourtant bien remarqué qu'elle existait, cette sensibilité là. Cela l'intriguait un peu d'ailleurs : il se demandait quel genre d'éducation le scandinave avait reçu. Était-ce véritablement son caractère, ou bien avait-il été façonné de la sorte ?
Matts semblait toujours heureux de voir Charlie faire le pitre et s'aventurer là où, lui, se refrénait par timidité. Le réalisateur en herbe ne pouvait s'empêcher d'y voir la marque de quelques aspirations déçues (mais peut-être extrapolait-il un peu trop ses propres déductions). Quoiqu'il en soit, de constater combien leur feeling était bon malgré cette différence manifeste de caractère réjouissait sincèrement Charlie.
Il en allait de même concernant le cinéma : s'il pouvait lui en apprendre plus et lui présenter quelques personnes sympathiques, ce serait parfait. A ce titre, il adressa à Matts un regards équivoque, lorsque celui-ci lui demanda s'ils ne prévoyaient pas de l'embarquer dans un entreprise un peu louche.
« Un truc bizarre ? Répéta-t-il en pinçant des lèvres pour ne pas pouffer de rire. Tu penses à une orgie sataniste ? Ou peut-être un de ces banquets dionysiaques, où on serait tous en toge, à se baigner dans des piscines de vin avant de se culbuter les uns les autres sur des parterres de fleur... Ce genre de trucs bizarres ?
Charlie se représentait bien la scène façon cinéma surréaliste : quelque chose d'exagérément psychanalytique et sur lequel on aurait appliqué une bonne dose d'esthétique antique. Assurément, c'était une idée à creuser.
Cependant, comme il retrouvait son sérieux, le britannique acquiesça d'un air rassurant. Bien sûr que tout allait très bien se passer, pensa-t-il. Charlie n'était pas plus friand des milieux guindés que semblait l'être Matts. Il suffisait de le regarder pour s'en rendre compte, avec son allure nonchalante et ses tenues d'éternel adolescent. Ce n'était pas faute de moyen (la famille Bird était très fortunée), juste une question de caractère. On l'avait élevé dans la simplicité et, à ce titre, cela devint l'une des choses qu'il cherchait chez les autres. Peut-être se cachait là une autre raison de leur entente, après tout.
Ceci mit de côté, Charlie eut l'occasion de constater qu'il n'était pas le seul à apprécier le sex-appeal du norvégien. A ce titre, la réplique de Matts lui arracha un rire court et sonore, qu'il réprima presque aussitôt au profit d'un regard faussement réprobateur. Son langage corporel semblait s'offusquer face à tant d'arrogance, mais une fois de plus, tout ceci n'était que jeu. A ce titre, les joues rougies de Matts le trahissaient. Le pauvre homme s'empêtrait dans son embarras au point de s'alléger d'une couche de vêtement.
Une occasion donnée à Charlie de constater combien la plastique de son interlocuteur s'accordait avec ses traits. L'homme était, à n'en point douter, un sportif accompli (ce qui était cohérent avec son métier). Spectacle tout à fait appréciable pour le jeune réalisateur, cela allait sans dire. Il veilla tout de même à se pas trop s'attarder sur les plis du vêtement provoqués par la masse musculaire qui se trouvait en dessous (par correction).
La dernière réplique de Matts venait de récupérer toute son attention, car elle le fit rire à nouveau de cet éclat typique qu'il avait lorsqu'on se payait efficacement sa tête.
« Haha, pardon ? S'exclama-t-il. Je crois que tu ne m'as pas bien regardé.
Charlie imita son comparse en enlevant sa veste, dévoilant ainsi le T-shirt à l'effigie de David Bowie qu'il portait. Il releva ensuite sa manche et contracta son biceps à la manière d'un culturiste. A ce titre, son tatouage de pingouin ne souffrit pas trop de la déformation (Charlie n'était pas un grand sportif).
« Je ne rempli pas aussi bien mon T-shirt que toi par contre. Il adressa à Matts un furtif clin d’œil avant de reprendre sa position initiale. Mais oui, je viens souvent après les conférences. Habituellement on est plusieurs.
Le jeune réalisateur se pencha alors sur son fauteuil, avants bras posés sur ses genoux, mains jointes. Il adressa à son interlocuteur un regard pénétrant, petit sourire en coin.
« Et vous monsieur Haugen ? Parlez moi un peu de vous. Il prit une gorgée de bière. Je sais que vous êtes agent des forces de l'ordre, amateur de cinéma néophyte... Dit-il en énumérant d'un geste gracieux de la main. Déçu des appli de rencontre... A l'esprit plus mal placé qu'on ne pourrait le croire... Non, non, ne me contredit pas.
Il lui sourit.
« Et pas un grand fan de danse. C'est vrai que c'est déjà pas mal, right ?
Le regard de Charlie se posa doucement sur l'homme en face, comme une invitation à partager de nouvelles choses : des centres d'intérêt, son histoire... Peu importe, il n'avait rien spécifié. Le jeune homme voulait simplement en apprendre plus, continuer de découvrir cette personnalité si sympathique et donc l'esquisse ne cessait de se préciser à mesure que la soirée avançait. C'était le bon moment pour cela, après tout.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Lun 13 Jan 2020 - 21:22
Les propositions de Charlie étaient bien trop imagées pour que je sois en mesure d’empêcher mon imagination de faire des siennes. Il n’en manquait pas une et ne mâchais pas ses mots quitte à virer dans la vulgarité. Pas que cela me choquait ou quoi cependant. J’étais l’exemple même de la timidité sur pattes mais je n’étais pas innocent pour autant ! Impossible de fourvoyer qui que ce soit (moi y compris) en prétendant n’avoir jamais eu de pensées salaces. Je n’étais plus puceau en plus de ça, alors mes possibles arguments tomberaient à l’eau avant-même que je n’ai le temps de tous les citer. J’étais bien trop occupé à me marrer, ma main droite couvrant l’intégralité de ma bouche. Notre réputation était assurée si une oreille indiscrète surprenait cette discussion. Et si Sullivan m’entendait parler orgie avec un mec ? Je pouvais dire adieu à mes espoirs déjà minces.
- Ne me donne pas des idées. Je suis sûr que la toge t’irait bien ! m’exclamais-je sans pouvoir retrouver mon sérieux un instant. Et puis ça doit être confortable sur des fleurs non ?
Une lueur rusée dans le regard, je ris une fois de plus puis secouais la tête, abasourdi par ma réplique. Je me prenais vraiment à son petit jeu mêlant provocation et sous-entendus coquins. Le « pire » étant que j’y prenais goût. Il ne me jugeait pas, fidèle adepte du second degré. Jamais je n’avais blagué de la sorte avec mon stagiaire, bien trop préoccupé à faire bonne figure à cause de la nature professionnelle de notre relation. Cerise sur le gâteau, je suspectais que mon énorme crush pour lui me réfrénait énormément dans mes prises de risques. Tout semblait plus simple concernant mon interlocuteur actuel avec qui les taquineries défilaient sans la moindre pause de longue durée. Seule l’interruption d’une inconnue n’ayant pas froid aux yeux nous fit perdre le fil de la discussion durant une minute ou deux, résultant à ce que je manque de peu de me déshydrater. Ainsi, j’ôtais mon pull sans plus d’hésitation que nécessaire et dévoilais à demi un torse agréablement sculpté sous un débardeur. Loin de moi l’idée de mobiliser cette antique technique de drague à des fins dépravées. C’était uniquement une question de survie ! Je n’étais pas arrogant (même si ma blague – qui provoqua évidemment une réaction chez le fils Bird - laissait croire le contraire) à penser que j’étais comparable à une flamme attirant tous les papillons des parages.
Je me penchais sur la table, bras croisés, dans le but de poursuivre notre échange. Mon tour était venu de me payer un peu sa tête, peignant un tableau dans lequel il aurait tout du beauf à la fortune vertigineuse. Dommage : j’avais oublié de mentionner ces trois maîtresses pour parfaire le tout. J’avais loupé le coche ! Si certains auraient déjà statués quant à son orientation sexuelle, ce n’était pas mon cas. Je ne souhaitais pas lui coller l’étiquette « gay » en me basant sur des stéréotypes comme son amour de la danse et le fait qu’il n’était pas l’homme le plus viril à fouler le sol de cette planète. Du reste, est-ce que cela me regardait vraiment ?
Charlie prit parti de me contredire en fournissant des preuves irréfutables. Le voyant se déshabiller, je me demandais quel coup il me préparait encore. Je n’eus pas à attendre longtemps puisque mes prunelles bleues se posèrent sur son t-shirt affichant le visage de David Bowie, un artiste moldu s’étant élevé parmi les références musicales mondiales. Un phénomène culturel à lui seul ! Mon rire fut plus compliqué à étouffer quand j’identifiais le dessin d’un manchot empereur tracé à l’encre sur son biceps. Je m’apprêtais à lui demander des informations sur ce dernier mais il me prit de vitesse en assortissant ses paroles à un clin d’œil que je pensais aguicheur.
- Il ne faut pas culpabiliser. Je suis né comme ça ! rétorquais-je amusé.
Lui proposer de cours de gonflette serait un peu trop tendancieux pour que j’ose me lancer. Oublions ça immédiatement ! En vérité, je passais de longues heures chaque semaine à entretenir ma silhouette mais je comprenais que tous ne soient pas intéressés par un tel investissement. Mes principales activités physiques se résumaient à des joggings, de la boxe et, à l’occasion, à du Quidditch. Ce sport me rappela mon manque de sincérité concernant mon identité. Pourtant, je réitérais mon choix de ne prendre aucun risque pouvant entacher la normalité de cette soirée. J’aimais faire partie de cette réalité moldue à ses yeux, ne plus être ce gosse de riches poussé par ses parents à faire de longues études pour flatter la réputation de sa famille. Bref, ce n’était pas le moment pour un coup de blues.
- Pas besoin d’être musclé pour plaire. Tu es très bien, avouais-je avec un sourire en coin faisant part belle à la pudeur et à la sincérité. Par contre… Tu m’expliques ?
Je pointais son tatouage du doigt. Je ne me moquais pas, au contraire cela correspondait à sa personnalité : surprenant. Que représentait cet animal gravé sur sa peau ? Symbole de son intérêt pour l’oiseau ou était-ce bien plus profond que ça ? Remarquez, venant de lui, que cela soit le résultat d’une soirée bien trop arrosée ne me choquerait pas. Je me préparais à tout entendre venant du brun. Toutefois, mon intérêt à l’égard de mon interlocuteur était réciproque. Bientôt, celui-ci me demanda de déballer ce qui me venait à l’esprit me concernant. Bien sûr, il formula sa requête sans se départir de son humour qui ne manqua pas sa cible. Mon expression faciale suffisait à exprimer un « T’es pas possible. » silencieux tandis que je buvais une nouvelle gorgée de ma bière.
- Tu m’as percé à jour. Je suis un pervers sous couverture et je t’ai attribué le rôle de ma prochaine victime. À ta place, je prendrais mes jambes à mon cou avant qu’il ne soit trop tard.
De la pure et simple provocation. Je le gratifiais d’un clin d’œil puis pouffais de rire. C’était absurde et même risqué s’il était un hétérosexuel endurcit. Si ça se trouve j’allais me manger son poing dans la figure dans la seconde et ne pourrais m’en prendre qu’à moi. Certains types étaient très sensibles dès que leur « virilité » était mise en danger. Personnellement, j’avais toujours tout fait pour éviter qu’elle soit remise en question en m’isolant du reste du monde et en cultivant une personnalité d’introverti. Imaginez si des rumeurs sur ma sexualité étaient remontées aux oreilles de la bourgeoisie magique ! Plus aucune chance pour les Haugen d’assurer une union respectable pour leur fils !
- En toute franchise, tu en sais sûrement plus sur moi que n’importe qui d’autre. Je ne me confie pas des masses. Cela étant dit, je suis prêt à faire un effort une fois que mon verre sera plein.
Quoi ? J’avais besoin de courage liquide ! Je me levais puis partis au bar avec les deux chopes. L’attente fut brève mais mon regard croisa malencontreusement celui de l’allumeuse attitrée des lieux lorsque je fis demi-tour. Celle-ci m’envoya un baiser de l’autre bout de la pièce puis me fit un salut de la main. Elle n’en démordrait pas hein ? Je soupirais et retrouvais ma place, tendant la boisson à Charlie. Une longue gorgée plus tard et je m’enfonçais dans le fauteuil.
- Je ne sais pas ce qui pourrait t’intéresser… Déjà je suis originaire de Norvège. J’ai aussi des origines allemandes du côté de ma mère, ce qui explique mon accent. Tu as sûrement dû le remarquer ?
Oui, j’avais beau vivre à Londres depuis trois ans après une décennie à Hungcalf, je ne passais toujours pas pour le Britannique-né. Que dire de plus ? Non seulement je devais faire gaffe à ne pas parler magie, mais il me fallait également trouver des sujets un minimum intéressants. Pas évident pour quelqu’un qui avait passé la majorité de sa vie le nez dans les bouquins. Je me grattais le crâne, perdu dans ma réflexion.
- Hum… Pas certain que tu t’en préoccupes mais j’ai toujours aimé les animaux. Je viens d’un milieu assez barge où je n’ai jamais eu le droit d’adopter quoique ce soit. C’est plutôt cliché mais j’aimerais bien y remédier maintenant que j’ai une situation stable. Je pense à un chien. Genre… Un énorme tu sais ? Des boules de poils à câlins.
Je marquais une pause avant d’ajouter :
- Oh et si tu tiens à le savoir, j’avais 22 ans la première fois que j’ai embrassé une fille.
J’aurais aimé annoncer ça de la façon la plus indifférente possible. Malheureusement, l’anecdote me fit rire à mesure que mes joues s’enflammaient encore. Je n’avais pas à ressentir la moindre honte pour avoir probablement été le dernier de mes camarades à avoir une petite-amie mais ce n’étais pas tous les jours que je racontais ça ! Au moins, je méritais un prix pour le détail le plus superflu jamais partagé.
- À toi.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mar 14 Jan 2020 - 11:58
Au sujet des fleurs, Charlie s'était contenté de répondre à Matts par un regard équivoque qui répondait fort bien à l'air rusé que ce dernier lui adressait. Plaisanteries gentiment subversives aux allures de flirt innocent. Le genre d'humour qui allait bien à Charlie, comme on le savait, et dont il se réjouissait de voir Matts normaliser l'usage.
A ce titre, les deux hommes ne se gênèrent pas pour ironiser sur leur différence de gabarit, dès lors que la température ambiante leur imposa d'ôter une couche. Charlie accepta cependant le compliment de Matts sans chercher à le contredire.
« Merci, je ne me plains pas. Dit-il en s'étirant légèrement sur son fauteuil, à la recherche d'une position confortable. Je sais où sont mes atouts.
L'homme eut un nouveau clin d’œil énigmatique, et qui semblait appuyer l'impression d'assurance qu'il dégageait naturellement. En effet, Charlie se savait assez ordinaire au niveau physique, mais cela ne l'avait jamais dissuadé de s'adresser à qui que ce soit. Il disposait d'une personnalité bien assez riche pour compenser cette lacune (et encore, pouvait-on décemment parler de lacune ?). Même si la communauté homosexuelle souffrait parfois de standards élevés concernant le corps, il y en avait toujours pour apprécier les allures androgynes. A ce titre, Charlie avait la chance d'être assez grand, ce qui plaisait généralement aux femmes. En bref, il n'était vraiment pas à plaindre : sa vie sentimentale avait toujours été bien remplie.
Passant donc rapidement sur le sujet, Charlie reporta son attention sur le tatouage qu'il avait au bras : un manchot empereur dans un style un peu illustratif. Le fait que Matts l'interroge là dessus le fit sourire. Il se laissa tout à fait retomber contre le dossier de son fauteuil et prit quelques secondes pour réfléchir (ce qui était plutôt inhabituel venant de lui).
« Quand j'avais vingt ans... Commença-t-il. J'étais... Assez en opposition avec ma famille.
On pouvait voir, à la manière dont il gestuait et parlait, qu'il choisissait soigneusement ses mots. Son pouce tournait machinalement autour de son majeur et de son index repliés, dans un geste mécanique qui traduisait bien les mouvements de pensée sous-jacents.
« J'avais le sentiment de n'avoir pas ce qu'il faut... D'être un peu « la tare » de la famille, si l'on peut dire. Son regard se reporta sur Matts et perdit instantanément en gravité. Il se pencha un peu en direction du norvégien. Donc, dans un grand élan de rébellion, je me suis fait tatouer un oiseau qui ne peut pas voler. Parce-que je m'appelle « Bird », tu piges ? Comme tu peux le voir, j'étais déjà un grand intellectuel à l'époque.
Il acheva son propos par un rire franc d'auto-dérision. Charlie ne regrettait pas de s'être fait tatouer à vingt ans : même si la signification faisait un peu adolescent en crise, le motif lui plaisait toujours. Cela dit, il n'était pas certain qu'il le referait aujourd'hui, si l'option se présentait. Ses rapports avec sa famille s'étaient considérablement apaisés depuis qu'il avait gagné en maturité. A présent, il mesurait sa chance, car en dépit de tous leurs défauts, les Bird restaient des sorciers dotés d'une grande bienveillance.
Charlie s'appliqua cependant à reporter le centre de la conversation sur Matts, car il n'aimait pas parler des aspects négatifs (ou disons, compliqués) de sa vie. C'était uniquement de la pudeur, dans son cas (preuve que les extravertis aussi ont leur zone de vulnérabilité). Il gloussa donc en bon client, quand son interlocuteur se dépeignit en maniaque prêt à passer à l'action.
« Haha, peut-être que je devrais. Dit-il. Même si je suis plutôt curieux de savoir ce que tu ferais de moi.
Ton ironique invoqué pour rappeler à Matts qu'il manquait (peut-être) d'assurance pour assumer le rôle d'un pervers efficace. Remarque badine, une provocation en appelant une autre. Il pouffa de rire à son tour, avant de faire un sort à son verre de bière.
Cependant, la confession qui suivit le toucha assez, en un sens. Il eut un bref mouvement d'acquiescement avant de regarder Matts se diriger vers le bar afin de faire remplir leurs verres. Charlie se demandait quel genre d'attitude pouvait bien adopter l'agent des forces de l'ordre dans son quotidien, pour maintenir une telle aura de secret autour de lui. Sans doute plaçait-il sa mission au centre de tout. La plupart du temps, les gens ne se comportent pas de la même manière au travail et en privé : il suffisait que Matts évite de sortir pour que personne n'ait jamais accès à la seconde facette. Fort de cette courte réflexion, Charlie remercia Matts au moment de le voir revenir et, tandis que ce dernier buvait pour se donner du courage, l'avisa pensivement.
« C'est assez léger.
Dit-il au sujet de son accent. Léger et charmant.
Il laissa Matts poursuivre en l'écoutant d'un air intéressé. A ce titre, son aveu concernant les animaux apparaissait riche de sens. L'évocation du chien fit sourire Charlie d'un air assez tendre : cela lui irait très bien, en effet. Une fois de plus, il voyait réapparaître en filigrane la sensibilité contrariée de son interlocuteur.
Du reste, la dernière anecdote tira au réalisateur en herbe un petit haussement de sourcil surpris. Il manqua même de s'étouffer avec une gorgée de bière, tant cela tombait comme un cheveux sur la soupe. Cependant, il trouva cela tout aussi éloquent que le reste. Charlie réprima son rire à travers une moue crispée, comme il regardait Matts rougir, plus amusé que honteux en vérité.
« Well... Dit-il alors d'un air inspiré. Si tu veux entendre quelque chose de vraiment gênant, sache que mon premier baiser, c'était quand j'avais treize ans, avec mon cousin.
Il prit un air faussement digne (parce-qu’à ce stade, la chose se rattrapait difficilement).
« On était dans la grange, à la ferme familiale et... Hé bien, je suppose qu'on voulait s’entraîner pour les filles. Donc... Voilà. Charlie regarda dans un coin de la pièce d'un air concentré, comme il se remémorait l'anecdote. Je me souviens, c'était en été. Il faisait chaud, on s'était baladé dans les bois pour trouver des mures sauvages et on s'était battu. Il avait du bleu et de la terre partout autour de la bouche. Ça m'avait un peu dégoûté.
L'homme gloussa en passant une main sur le front, esquissant un geste de dénégation de la tête.
« Du coup j'ai attendu d'avoir seize, dix-sept ans pour réitérer l'expérience. Avec une vraie fille cette fois-ci. Et pas de ma famille.
Précisa-t-il. Il allait sans dire que les expériences incestueuses n'étaient pas une marque de fabrique chez les Bird, mais comme toute situation impliquant la promiscuité de toute une bande de gamin inconséquents, c'était le genre de bêtise qui pouvait arriver.
« Mon premier garçon, c'était plus tard, en école de cinéma. Je devais avoir dix-neuf, peut-être vingt ans.
Charlie adressa à Matts un regard furtif. Cette anecdote lui permettait de lever le voile de manière naturelle sur son orientation. Il estimait qu'à ce stade, ce n'était pas déplacé et il aimait autant que cela soit clair pour la suite. Qui sait, peut-être que cela inciterait Matts à s'ouvrir sur le sujet (même s'il en doutait un peu). Charlie avait bien senti l'existence d'un conflit à cet endroit là chez son interlocuteur. Il ne voulait pas s'en mêler, mais au cas où ce dernier aurait envie d'aborder le sujet, cet aveux lui indiquait au moins qu'il pouvait le faire.
« Pourquoi Londres ?
Demanda alors Charlie, pour lui laisser une porte de sortie au cas où il ne voudrait pas rebondir sur le sujet de la bisexualité, même s'il était sincèrement curieux de savoir ce qui avait pu pousser un norvégien à travailler au Royaume-Unis.
A ce titre, les deux hommes ne se gênèrent pas pour ironiser sur leur différence de gabarit, dès lors que la température ambiante leur imposa d'ôter une couche. Charlie accepta cependant le compliment de Matts sans chercher à le contredire.
« Merci, je ne me plains pas. Dit-il en s'étirant légèrement sur son fauteuil, à la recherche d'une position confortable. Je sais où sont mes atouts.
L'homme eut un nouveau clin d’œil énigmatique, et qui semblait appuyer l'impression d'assurance qu'il dégageait naturellement. En effet, Charlie se savait assez ordinaire au niveau physique, mais cela ne l'avait jamais dissuadé de s'adresser à qui que ce soit. Il disposait d'une personnalité bien assez riche pour compenser cette lacune (et encore, pouvait-on décemment parler de lacune ?). Même si la communauté homosexuelle souffrait parfois de standards élevés concernant le corps, il y en avait toujours pour apprécier les allures androgynes. A ce titre, Charlie avait la chance d'être assez grand, ce qui plaisait généralement aux femmes. En bref, il n'était vraiment pas à plaindre : sa vie sentimentale avait toujours été bien remplie.
Passant donc rapidement sur le sujet, Charlie reporta son attention sur le tatouage qu'il avait au bras : un manchot empereur dans un style un peu illustratif. Le fait que Matts l'interroge là dessus le fit sourire. Il se laissa tout à fait retomber contre le dossier de son fauteuil et prit quelques secondes pour réfléchir (ce qui était plutôt inhabituel venant de lui).
« Quand j'avais vingt ans... Commença-t-il. J'étais... Assez en opposition avec ma famille.
On pouvait voir, à la manière dont il gestuait et parlait, qu'il choisissait soigneusement ses mots. Son pouce tournait machinalement autour de son majeur et de son index repliés, dans un geste mécanique qui traduisait bien les mouvements de pensée sous-jacents.
« J'avais le sentiment de n'avoir pas ce qu'il faut... D'être un peu « la tare » de la famille, si l'on peut dire. Son regard se reporta sur Matts et perdit instantanément en gravité. Il se pencha un peu en direction du norvégien. Donc, dans un grand élan de rébellion, je me suis fait tatouer un oiseau qui ne peut pas voler. Parce-que je m'appelle « Bird », tu piges ? Comme tu peux le voir, j'étais déjà un grand intellectuel à l'époque.
Il acheva son propos par un rire franc d'auto-dérision. Charlie ne regrettait pas de s'être fait tatouer à vingt ans : même si la signification faisait un peu adolescent en crise, le motif lui plaisait toujours. Cela dit, il n'était pas certain qu'il le referait aujourd'hui, si l'option se présentait. Ses rapports avec sa famille s'étaient considérablement apaisés depuis qu'il avait gagné en maturité. A présent, il mesurait sa chance, car en dépit de tous leurs défauts, les Bird restaient des sorciers dotés d'une grande bienveillance.
Charlie s'appliqua cependant à reporter le centre de la conversation sur Matts, car il n'aimait pas parler des aspects négatifs (ou disons, compliqués) de sa vie. C'était uniquement de la pudeur, dans son cas (preuve que les extravertis aussi ont leur zone de vulnérabilité). Il gloussa donc en bon client, quand son interlocuteur se dépeignit en maniaque prêt à passer à l'action.
« Haha, peut-être que je devrais. Dit-il. Même si je suis plutôt curieux de savoir ce que tu ferais de moi.
Ton ironique invoqué pour rappeler à Matts qu'il manquait (peut-être) d'assurance pour assumer le rôle d'un pervers efficace. Remarque badine, une provocation en appelant une autre. Il pouffa de rire à son tour, avant de faire un sort à son verre de bière.
Cependant, la confession qui suivit le toucha assez, en un sens. Il eut un bref mouvement d'acquiescement avant de regarder Matts se diriger vers le bar afin de faire remplir leurs verres. Charlie se demandait quel genre d'attitude pouvait bien adopter l'agent des forces de l'ordre dans son quotidien, pour maintenir une telle aura de secret autour de lui. Sans doute plaçait-il sa mission au centre de tout. La plupart du temps, les gens ne se comportent pas de la même manière au travail et en privé : il suffisait que Matts évite de sortir pour que personne n'ait jamais accès à la seconde facette. Fort de cette courte réflexion, Charlie remercia Matts au moment de le voir revenir et, tandis que ce dernier buvait pour se donner du courage, l'avisa pensivement.
« C'est assez léger.
Dit-il au sujet de son accent. Léger et charmant.
Il laissa Matts poursuivre en l'écoutant d'un air intéressé. A ce titre, son aveu concernant les animaux apparaissait riche de sens. L'évocation du chien fit sourire Charlie d'un air assez tendre : cela lui irait très bien, en effet. Une fois de plus, il voyait réapparaître en filigrane la sensibilité contrariée de son interlocuteur.
Du reste, la dernière anecdote tira au réalisateur en herbe un petit haussement de sourcil surpris. Il manqua même de s'étouffer avec une gorgée de bière, tant cela tombait comme un cheveux sur la soupe. Cependant, il trouva cela tout aussi éloquent que le reste. Charlie réprima son rire à travers une moue crispée, comme il regardait Matts rougir, plus amusé que honteux en vérité.
« Well... Dit-il alors d'un air inspiré. Si tu veux entendre quelque chose de vraiment gênant, sache que mon premier baiser, c'était quand j'avais treize ans, avec mon cousin.
Il prit un air faussement digne (parce-qu’à ce stade, la chose se rattrapait difficilement).
« On était dans la grange, à la ferme familiale et... Hé bien, je suppose qu'on voulait s’entraîner pour les filles. Donc... Voilà. Charlie regarda dans un coin de la pièce d'un air concentré, comme il se remémorait l'anecdote. Je me souviens, c'était en été. Il faisait chaud, on s'était baladé dans les bois pour trouver des mures sauvages et on s'était battu. Il avait du bleu et de la terre partout autour de la bouche. Ça m'avait un peu dégoûté.
L'homme gloussa en passant une main sur le front, esquissant un geste de dénégation de la tête.
« Du coup j'ai attendu d'avoir seize, dix-sept ans pour réitérer l'expérience. Avec une vraie fille cette fois-ci. Et pas de ma famille.
Précisa-t-il. Il allait sans dire que les expériences incestueuses n'étaient pas une marque de fabrique chez les Bird, mais comme toute situation impliquant la promiscuité de toute une bande de gamin inconséquents, c'était le genre de bêtise qui pouvait arriver.
« Mon premier garçon, c'était plus tard, en école de cinéma. Je devais avoir dix-neuf, peut-être vingt ans.
Charlie adressa à Matts un regard furtif. Cette anecdote lui permettait de lever le voile de manière naturelle sur son orientation. Il estimait qu'à ce stade, ce n'était pas déplacé et il aimait autant que cela soit clair pour la suite. Qui sait, peut-être que cela inciterait Matts à s'ouvrir sur le sujet (même s'il en doutait un peu). Charlie avait bien senti l'existence d'un conflit à cet endroit là chez son interlocuteur. Il ne voulait pas s'en mêler, mais au cas où ce dernier aurait envie d'aborder le sujet, cet aveux lui indiquait au moins qu'il pouvait le faire.
« Pourquoi Londres ?
Demanda alors Charlie, pour lui laisser une porte de sortie au cas où il ne voudrait pas rebondir sur le sujet de la bisexualité, même s'il était sincèrement curieux de savoir ce qui avait pu pousser un norvégien à travailler au Royaume-Unis.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mar 14 Jan 2020 - 16:16
Je baissai les yeux, leva les sourcils et m’éclaircis la gorge en réponse à la mention de ses « atouts ». Oui, ce n’était pas forcément ce qu’il sous-entendait par-là mais je ne pouvais pas passer à côté d’une telle perche (emploi de ce terme mûrement réfléchit). Le sourire barrant mon visage trahissait l’interprétation que je m’étais faite de sa phrase mais cela n’était pas un problème. Après tout, ce n’était pas comme si je portais atteinte à sa personne ! Sans compter que son clin d’œil attestait sans conteste qu’il avait conscience de ce qu’il risquait de provoquer comme réaction. Pourquoi était-il aussi vague ? Il ne pouvait que s’en blâmer !
- C’est ce qu’ils disent tous…, murmurais-je.
Je me mordis l’intérieur de la joue pour m’empêcher d’éclater de rire puis soupirais pour m’aider à reprendre mon calme. En réalité, je ne parlais pas d’expérience puisque je n’avais eu aucune relation homosexuelle et que je ne traînais pas suffisamment avec la gente masculine pour que cela soit un sujet de discussion récurrent. C’était juste drôle à ajouter moi qui n’avait pas l’habitude de partir en vrille de la sorte. Autant dire que je me laissais sacrément aller ce soir ! Qui avait bien pu trafiquer ma boisson ? Oui, le moment était venu de me chercher des excuses.
La discussion se poursuivit jusqu’au point où je l’interrogeais concernant l’oiseau apparent sur son épiderme. Qu’est-ce qui avait bien pu pousser le garçon à se tatouer un manchot empereur, choix on ne peut plus original ? Mon expression se fit plus grave tandis qu’il déroulait son explication. J’avais comme l’impression de l’avoir piqué au vif, abordant malgré moi un sujet sur lequel il n’avait aucunement envie de s’attarder. Au cinéma, j’avais déjà flairé une tension sous-jacente avec sa famille qui l’avait poussé à prendre l’entreprise en mains en dépit de son bon vouloir et maintenant il me confiait ne pas s’y sentir à sa place. Le syndrome du vilain petit canard ne m’était pas inconnu, je ne pouvais que compatir. Je forçais un léger sourire à sa tentative d’humour pourtant efficace. Pourquoi avais-je du mal à me départir de mon sérieux ? Tout simplement car sa blague était teintée d’un triste mécanisme de défense, un moyen de repousser tous sujets dramatiques et ainsi ne pas paraître vulnérable, se confier plus que nécessaire. Finalement, Charlie n’était pas que ce gars dynamique plein d’entrain, lui aussi s’était forgé un personnage-cocon lui permettant de se défiler à volonté. Il avait juste pris le chemin opposé au mien. L’introverti vs l’extraverti. Cachait-il encore davantage de vulnérabilité ? Dans ce même élan insoupçonné m’ayant poussé à lui tapoter le genoux une heure auparavant, je vins allonger ma main au niveau son poignet droit puis pris un ton affectueux, tendre, lorsque j’articulais :
- Si un jour tu ressens le besoin de te confier à propos de tout ça, ou même d’un autre sujet grave qui t’importe, tu peux compter sur moi. Je sais que je suis encore qu’un étranger, cependant je tiens à ce que tu le saches. Je ne te jugerai pas. Crois-moi quand je te dis que je m’identifie complètement à ta situation.
Je laissais un court silence s’installer, appuyant ma proposition tout en lui laissant le temps de la digérer. Enfin, je lui secouais le bras dans une tentative de nous redonner de l’énergie après ce court instant d’intimité, retrouvant mon sourire habituel qui ne fut que l’amorce de ma prochaine répartie.
- Mais je valide ton intelligence, le manchot et son symbolisme ! Franchement, il triple ta virilité.
Je me payais gentiment sa tête, éclatant de rire sans gêne. Nous avions tous les deux besoin de nous détendre suite à cette séquence émotion. Et la suite ne manqua pas de nous relaxer alors que je passais pour un psychopathe rêvant de commettre des actes infâmes sur sa personne. Comment ça ça partait loin ? Et dire que nous n’avions qu’une seule et unique bière d’ingurgitée chacun ! À l’aide d’un son que j’espérais identifiable, je répondis à sa provocation par un geste rapide du poignet en tout point similaire à celui réalisé en possession d’un fouet. J’étais si hilare que je cachais mon visage entre mes bras croisés sur la table. Me voilà retourné à l’adolescence. Et si vous vous questionnez : non, je ne suis pas adepte du BDSM. Lorsque j’eus le courage de me redresser enfin, je dus m’essuyer les yeux qui commençaient à pleurer. Il n’y avait que moi pour autant rire de ma propre stupidité.
- Sur une échelle de 1 à 10, je te fais honte à combien là ? 12 ?
Je préférais le scénario dans lequel j’en ressortais adorable mais j’en doutais sérieusement. Tant pis. Depuis quand le rire est illégal ou mal considéré ? Heureusement, cela n’effraya pas mon interlocuteur qui continuait de mener son investigation sur mon compte. Resservis, j’acceptais de lui fournir plusieurs éléments de mon passé et lui exprimais un des désirs qui me poursuivait depuis l’enfance. Comme anticipé, la dernière anecdote fit mouche et la boisson de Charlie manqua de peu de s’introduire dans le mauvais tuyau. Voilà ce qui arrivait quand je me livrais à quelqu’un : cette personne frôlait la mort. Toutefois, je n’eus pas à me sentir un tantinet honteux plus longtemps puisque la révélation de l’homme battait la mienne à plate couture. Plus il progressait dans ses réminiscences, plus je me bidonnais, les doigts crispés sur mes abdos douloureux. Je n’avais pas tant pleuré en une seule soirée depuis mon visionnage de Titanic la semaine passée ! Ok, ça n’a rien d’exceptionnel présenté de la sorte mais tout de même !
- D’où ton fantasme sur les golems ? inventais-je en clin d’œil à la terre autour de la bouche de son cousin.
Visualiser le brun en train de bécoter ces humanoïdes faits d’argile ne m’aida en aucun cas à retrouver mon calme. Il ne pouvait pas être tant désespéré que ça tout de même ? Je vins poser mes mains sur mon crâne puis laissais retomber celui-ci légèrement en arrière tout en prenant de longues inspirations. Je craignais de m’évanouir à force d’enchaîner les délires à la seconde, augmentant toujours davantage ma température corporelle. De la vapeur se formerait autour de moi si je sortais immédiatement à l’extérieur, j’en étais prêt à mettre ma main au feu.
- Je suis fier de toi monsieur le charmeur, je devrais t’offrir une médaille, réussis-je à articuler avec difficulté quant à son premier baiser en-dehors du cercle familial.
Au moins, il m’avait battu de quelques années et il devait toujours avoir une sacrée marge à l’heure actuelle si nous tenions nos comptes respectifs. Je retrouvais ma posture standard, mes doigts s’avançant vers l’anse de ma chope, lorsque Charlie se décida à jouer franc-jeu, mettant un terme à l’aura mystérieuse autour de son orientation. Il était bel et bien attiré par le sexe masculin donc ? Je me figeais l’espace d’un instant, puis poursuivit mon geste comme si de rien n’était. Est-ce le regard de mon interlocuteur avait pu capturer ça ? Complètement. Mais puisque celui-ci me paraissait un brin fuyant depuis sa confidence, j’y avais peut-être échappé.
- Tiens donc ! T’es un rapide mine de rien ! Et dire que pendant ce temps où tes flirts battaient leur plein, je devais être en train de m’arracher les cheveux à écrire un essai, avec une libido qui ne serait pas satisfaite avant… T’as quel âge ?
Je venais de réaliser que je l’ignorais et partir sur l’idée que nous étions nés la même année était malavisé. Mais cette question me taraudait bien moins que la raison pour laquelle il avait estimé nécessaire de m’avouer tout ça. Est-ce que je lui envoyais des vibes que ce soit par mon humour ou autre, ou bien était-ce innocent de sa part ? Cela me rappelait pourquoi je me tenais à l’écart des individus de façon générale. Dès que nous devenions un peu plus proches, mon secret menaçait de partir en éclats. Sans compter que je m’étais montré très libéré face à lui. Pour être sincère, j’avais envie d’assumer mes attirances depuis mes dernières années à Durmstrang mais je n’avais jamais réussi à m’y résoudre. Trop de pression avec les Haugen cherchant toujours à me caser avec des filles de sang-pur tirées de familles riches presque depuis le berceau. On se croyait encore au Moyen-Âge. Si je m’étais toujours investi sans relâche dans mes études puis ma profession en guise d’alibi, je commençais à manquer d’arguments pour apaiser leur hâte.
Dans ma soudaine nervosité, je n’avais pas pris conscience de mon pied qui ne cessait de tapoter le sol, signe implacable que je cogitais sérieusement. Retrouvant un sens de la réalité quand un verre se fracassa par terre à ma droite, ma semelle se reposa calmement puis je relançais la discussion. À moins que mon interlocuteur ne me l’annonce, je ne saurais jamais que j’avais été sourd à sa question concernant Londres.
- Tu le sais depuis longtemps ? Je veux dire, que tu aimes les hommes.
Ok, ce n’était pas l’idéal pour faire diversion mais je tentais de me persuader que ma question avait plus rapport à mon souhait de ne pas passer pour un homophobe qu’à ma curiosité de mec enfermé dans un placard poussiéreux.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Mer 15 Jan 2020 - 17:53
Charlie eut une légère expression de surprise lorsque Matts vint poser sa main sur son poignet. Il ne s'attendait pas à ce que son interlocuteur prenne cette anecdote au sérieux, encore moins qu'il se montre si prévenant et doux. Le jeune homme était pourtant persuadé n'avoir à aucun moment laissé entendre que sa situation familiale le dérangeait. Pourtant, Matts semblait avoir vu à travers la légèreté de son ton.
A ce titre, c'était la deuxième fois qu'il perçait à travers son masque de gaîté (qui n'était pas vraiment un masque, d'ailleurs, mais plutôt un voile de pudeur). C'était si franc et si soudain que Charlie ne savait simplement pas comment réagir. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de situation (à un stade si précoce d'une relation) et cela l'impressionnait, en un sens.
Entrouvrant la bouche, comme pour répondre, Charlie se retrouva confronté à une foule de sentiments très fugaces et contradictoires. Il ne voulait pas donner à Matts l'impression qu'il dédaignait son offre en tournant la chose à la rigolade, mais il n'osait pas non plus se montrer tel qu'il se sentait (c'est à dire à nu). Le produit de ce carambolage de la pensée fut une absence quasi totale de réaction pendant une ou deux secondes.
Cependant, Charlie ne tarda pas à se reprendre. Il eut un petit soupir et esquissa un sourire sincère, tandis que les doigts de sa main se soulevaient légèrement, de sorte à effleurer la peau du blond, dans un ensemble qui semblait dire « merci ».
Assurément, Charlie était touché par ce qui venait de se produire. Les deux hommes avaient manifestement plus en commun que ce que l'on aurait pu imaginer de prime abord et cela contribua à façonner la sympathie déjà ressentie par le jeune réalisateur, à l'égard de son interlocuteur, en respect sincère et profond.
Comme il l'avait ouvert, Matts se chargea alors de clore le chapitre, en ajoutant à sa touchante tirade une nouvelle répartie bien à propos. Plaisanterie accueillie avec grand plaisir par un Charlie avide de diversion (ils en avaient probablement autant besoin l'un que l'autre). En bon acteur, ce dernier accompagna le rire de Matts par quelques poses pseudo-viriles, tentant de faire ressortir ses modestes muscles à force de flexions désespérées.
Cependant, il se laissa aller à un rire franc lorsque le norvégien prit l'initiative du jeu. Son imitation du fouet était sans équivoque, mais ce n'était rien face à l'état d'hilarité dans lequel il se trouvait. Des éclats communicatifs qui saisirent Charlie sans que ce dernier ne fasse montre de la moindre résistance. Il se laissa donc simplement aller, profitant du plaisir simple et éclatant que procure un fou-rire.
« Tu plaisantes, j'espère ?
Rétorqua-t-il à Matts, lorsque ce dernier lui demanda d'évaluer le sentiment de honte qu'il lui procurait. Lui aussi commençait à avoir les abdominaux douloureux à force de se gausser. Ramenant ses cheveux (dont on connaissait la nature indocile) vers l'arrière, il prit quelques secondes pour reprendre son souffle.
« C'est clairement ici qu'a lieu la meilleure soirée.
Il fit de son mieux pour tasser les quelques rires nerveux qui l'agitaient encore par à-coups. Malheureusement, les deux hommes n'étaient pas au bout de leurs peines, puisque la séquence anecdote s'avéra au moins aussi riche que les imitations soda-masochistes. C'était à se demander lequel des deux parviendrait à achever l'autre.
« Tu veux dire les parterres de fleur ?
Répondit-il du tac au tac, au sujet des golems et en référence à leur plaisanterie précédente. Charlie essaya de se contenir afin de prendre une gorgée de bière (sans s'étouffer ce coup-ci), car tout ceci lui avait donné très chaud. A ce titre, il leva le pouce en réaction aux félicitations de Matts, car il avait le nez dans son verre à ce moment là.
« J'ai trente et un ans... Je suis rapide, ou juste un peu trop curieux.
Répondit-il en avisant son camarade d'un air amusé (selon la manière dont il s'habillait, il pouvait faire beaucoup moins, mais rarement plus). Concernant Matts, Charlie imaginait qu'il devait avoir deux ou trois ans de plus (quelque chose comme ça), mais ce n'était pas très important.
Cela dit, la conversation s'apaisa sensiblement après ça et Charlie profita de cette occasion pour révéler quelques détails de sa vie qui lui semblaient important. Fallait-il qu'il le fasse ? Non, mais il trouvait le moment bien choisi pour cela.
Les deux hommes s'entendaient assez et la conversation le permettait. Qui plus est, Charlie préférait toujours clarifier la chose assez tôt, lorsqu'il rencontrait des hommes, afin d'éviter d'éventuels quiproquos ultérieurs. Car si le sujet posait problème à la personne concernée, Charlie aimait autant que cela apparaisse à un stade assez précoce de la relation (une manière de ne pas perdre de temps et de se protéger).
Même si, dans le cas de Matts, il était à peu près sûr que la chose serait bien reçue. Charlie n'avait pourtant pas dévoilé cette anecdote au hasard. Il sentait qu'un conflit existait à ce sujet chez son interlocuteur. Et comme il respectait sa pudeur et sa vie privée, il avait pris le parti d'aborder la chose de manière détournée, en s'utilisant comme prétexte. Manœuvre simple, mais très efficace, puisque Matts décida de l'interroger.
« C'est une question assez complexe. Fit Charlie en se laissant doucement retomber contre le dossier de son fauteuil. Il croisa les jambes et laissa son coude choir contre l'accoudoir. Je pense que j'ai toujours plus ou moins su qu'il y avait quelque chose de différent chez moi. Cela dit, ça m'a pris vraiment longtemps avant de comprendre quoi.
Le sujet stressait Matts et Charlie l'avait bien remarqué, aussi s'appliqua-t-il à faire le tour de la question de la manière la plus douce et la moins ambiguë possible. Il voulait surtout éviter les allusions et autres tournures susceptibles de braquer le norvégien, en lui signifiant qu'il avait bien compris ce qui se tramait dans son esprit. Ce n'était pas le but.
« Je dirais que, paradoxalement, ce n'est pas forcément plus simple de se découvrir bisexuel que gay. Je veux dire... Quand j'étais jeune, j'ai bien remarqué que des garçons me plaisaient, mais c'était assez flou. Je ne savais pas si c'était juste de l'admiration, ou quelque chose du genre.
Parfois, ça passait juste par une sensation de décalage... L'impression de n'être pas tout à fait au bon endroit. C'est difficile à décrire. Charlie parlait d'un ton tranquille, ponctuant de temps à autre son récit de quelques gestes des mains. Entre temps, je suis sorti avec quelques filles pour me rassurer... Parce-que les émotions que tout ça me provoquait me troublaient beaucoup trop à l'époque. Je ne savais pas vraiment quoi en faire, ni à qui en parler...
Je te dis ça, c'était il y a quinze ans. Aujourd'hui c'est plus facile, avec Internet... Mais à l'époque pas tellement.
L'homme prit quelques secondes pour réfléchir.
« Après, quand je suis allé en école de cinéma, les choses sont devenues plus faciles. Le milieu artistique est assez ouvert sur la question, donc j'ai pu rencontrer des gens d'orientation différentes et vraiment commencer à comprendre qui j'étais...
Pendant un moment, j'ai même pensé que j'étais gay, parce-que certains de mes amis l'étaient... Et ils me disaient que je ne m'assumais juste pas complètement, ce genre de choses. Sauf que j'ai eu une copine après ça, dont j'ai été très amoureux, et... Bref, j'ai vraiment compris que non, j'aimais bien les deux.
Charlie eut un petit rire. Il s'autorisa ensuite une courte pause pour prendre une nouvelle gorgée de bière et se racla la gorge avant de continuer.
« Je ne sais pas si ça répond à ta question... Mais ce que je veux dire, c'est que ça n'a pas été simple. Et pourtant, j'ai eu de la chance. Vraiment, je ne sais pas comment je m'en serais sorti si j'avais été dans un milieu beaucoup plus fermé sur la question. Il eut un petit sourire. Enfin, si : j'imagine que je me serais contenté de sortir avec des filles et voilà tout... Ce qui n'a rien de mal en soit, entendons-nous bien.
Nouveau rire court de ponctuation. Après quoi, le réalisateur en herbe se tut et prit le temps d'aviser Matts pendant un moment. A l'image de toute sa tirage précédente, Charlie veilla à ne sembler rien attendre de lui : ni confession, ni quoique ce soit d'autre. Il s'était appliqué à parler d'un ton naturel, comme s'il s'agissait de quelque chose de tout à fait banal (ce que la chose était, en un sens, d'ailleurs), afin de conserver entre eux une atmosphère de détente chaleureuse.
Cela dit, le réalisateur n'était pas certain qu'en dépit de toutes ces précautions, Matts recevrait sereinement la chose. Il est des bouleversements de l'âme qu'aucune douceur ne peut empêcher de se produire.
A ce titre, c'était la deuxième fois qu'il perçait à travers son masque de gaîté (qui n'était pas vraiment un masque, d'ailleurs, mais plutôt un voile de pudeur). C'était si franc et si soudain que Charlie ne savait simplement pas comment réagir. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de situation (à un stade si précoce d'une relation) et cela l'impressionnait, en un sens.
Entrouvrant la bouche, comme pour répondre, Charlie se retrouva confronté à une foule de sentiments très fugaces et contradictoires. Il ne voulait pas donner à Matts l'impression qu'il dédaignait son offre en tournant la chose à la rigolade, mais il n'osait pas non plus se montrer tel qu'il se sentait (c'est à dire à nu). Le produit de ce carambolage de la pensée fut une absence quasi totale de réaction pendant une ou deux secondes.
Cependant, Charlie ne tarda pas à se reprendre. Il eut un petit soupir et esquissa un sourire sincère, tandis que les doigts de sa main se soulevaient légèrement, de sorte à effleurer la peau du blond, dans un ensemble qui semblait dire « merci ».
Assurément, Charlie était touché par ce qui venait de se produire. Les deux hommes avaient manifestement plus en commun que ce que l'on aurait pu imaginer de prime abord et cela contribua à façonner la sympathie déjà ressentie par le jeune réalisateur, à l'égard de son interlocuteur, en respect sincère et profond.
Comme il l'avait ouvert, Matts se chargea alors de clore le chapitre, en ajoutant à sa touchante tirade une nouvelle répartie bien à propos. Plaisanterie accueillie avec grand plaisir par un Charlie avide de diversion (ils en avaient probablement autant besoin l'un que l'autre). En bon acteur, ce dernier accompagna le rire de Matts par quelques poses pseudo-viriles, tentant de faire ressortir ses modestes muscles à force de flexions désespérées.
Cependant, il se laissa aller à un rire franc lorsque le norvégien prit l'initiative du jeu. Son imitation du fouet était sans équivoque, mais ce n'était rien face à l'état d'hilarité dans lequel il se trouvait. Des éclats communicatifs qui saisirent Charlie sans que ce dernier ne fasse montre de la moindre résistance. Il se laissa donc simplement aller, profitant du plaisir simple et éclatant que procure un fou-rire.
« Tu plaisantes, j'espère ?
Rétorqua-t-il à Matts, lorsque ce dernier lui demanda d'évaluer le sentiment de honte qu'il lui procurait. Lui aussi commençait à avoir les abdominaux douloureux à force de se gausser. Ramenant ses cheveux (dont on connaissait la nature indocile) vers l'arrière, il prit quelques secondes pour reprendre son souffle.
« C'est clairement ici qu'a lieu la meilleure soirée.
Il fit de son mieux pour tasser les quelques rires nerveux qui l'agitaient encore par à-coups. Malheureusement, les deux hommes n'étaient pas au bout de leurs peines, puisque la séquence anecdote s'avéra au moins aussi riche que les imitations soda-masochistes. C'était à se demander lequel des deux parviendrait à achever l'autre.
« Tu veux dire les parterres de fleur ?
Répondit-il du tac au tac, au sujet des golems et en référence à leur plaisanterie précédente. Charlie essaya de se contenir afin de prendre une gorgée de bière (sans s'étouffer ce coup-ci), car tout ceci lui avait donné très chaud. A ce titre, il leva le pouce en réaction aux félicitations de Matts, car il avait le nez dans son verre à ce moment là.
« J'ai trente et un ans... Je suis rapide, ou juste un peu trop curieux.
Répondit-il en avisant son camarade d'un air amusé (selon la manière dont il s'habillait, il pouvait faire beaucoup moins, mais rarement plus). Concernant Matts, Charlie imaginait qu'il devait avoir deux ou trois ans de plus (quelque chose comme ça), mais ce n'était pas très important.
Cela dit, la conversation s'apaisa sensiblement après ça et Charlie profita de cette occasion pour révéler quelques détails de sa vie qui lui semblaient important. Fallait-il qu'il le fasse ? Non, mais il trouvait le moment bien choisi pour cela.
Les deux hommes s'entendaient assez et la conversation le permettait. Qui plus est, Charlie préférait toujours clarifier la chose assez tôt, lorsqu'il rencontrait des hommes, afin d'éviter d'éventuels quiproquos ultérieurs. Car si le sujet posait problème à la personne concernée, Charlie aimait autant que cela apparaisse à un stade assez précoce de la relation (une manière de ne pas perdre de temps et de se protéger).
Même si, dans le cas de Matts, il était à peu près sûr que la chose serait bien reçue. Charlie n'avait pourtant pas dévoilé cette anecdote au hasard. Il sentait qu'un conflit existait à ce sujet chez son interlocuteur. Et comme il respectait sa pudeur et sa vie privée, il avait pris le parti d'aborder la chose de manière détournée, en s'utilisant comme prétexte. Manœuvre simple, mais très efficace, puisque Matts décida de l'interroger.
« C'est une question assez complexe. Fit Charlie en se laissant doucement retomber contre le dossier de son fauteuil. Il croisa les jambes et laissa son coude choir contre l'accoudoir. Je pense que j'ai toujours plus ou moins su qu'il y avait quelque chose de différent chez moi. Cela dit, ça m'a pris vraiment longtemps avant de comprendre quoi.
Le sujet stressait Matts et Charlie l'avait bien remarqué, aussi s'appliqua-t-il à faire le tour de la question de la manière la plus douce et la moins ambiguë possible. Il voulait surtout éviter les allusions et autres tournures susceptibles de braquer le norvégien, en lui signifiant qu'il avait bien compris ce qui se tramait dans son esprit. Ce n'était pas le but.
« Je dirais que, paradoxalement, ce n'est pas forcément plus simple de se découvrir bisexuel que gay. Je veux dire... Quand j'étais jeune, j'ai bien remarqué que des garçons me plaisaient, mais c'était assez flou. Je ne savais pas si c'était juste de l'admiration, ou quelque chose du genre.
Parfois, ça passait juste par une sensation de décalage... L'impression de n'être pas tout à fait au bon endroit. C'est difficile à décrire. Charlie parlait d'un ton tranquille, ponctuant de temps à autre son récit de quelques gestes des mains. Entre temps, je suis sorti avec quelques filles pour me rassurer... Parce-que les émotions que tout ça me provoquait me troublaient beaucoup trop à l'époque. Je ne savais pas vraiment quoi en faire, ni à qui en parler...
Je te dis ça, c'était il y a quinze ans. Aujourd'hui c'est plus facile, avec Internet... Mais à l'époque pas tellement.
L'homme prit quelques secondes pour réfléchir.
« Après, quand je suis allé en école de cinéma, les choses sont devenues plus faciles. Le milieu artistique est assez ouvert sur la question, donc j'ai pu rencontrer des gens d'orientation différentes et vraiment commencer à comprendre qui j'étais...
Pendant un moment, j'ai même pensé que j'étais gay, parce-que certains de mes amis l'étaient... Et ils me disaient que je ne m'assumais juste pas complètement, ce genre de choses. Sauf que j'ai eu une copine après ça, dont j'ai été très amoureux, et... Bref, j'ai vraiment compris que non, j'aimais bien les deux.
Charlie eut un petit rire. Il s'autorisa ensuite une courte pause pour prendre une nouvelle gorgée de bière et se racla la gorge avant de continuer.
« Je ne sais pas si ça répond à ta question... Mais ce que je veux dire, c'est que ça n'a pas été simple. Et pourtant, j'ai eu de la chance. Vraiment, je ne sais pas comment je m'en serais sorti si j'avais été dans un milieu beaucoup plus fermé sur la question. Il eut un petit sourire. Enfin, si : j'imagine que je me serais contenté de sortir avec des filles et voilà tout... Ce qui n'a rien de mal en soit, entendons-nous bien.
Nouveau rire court de ponctuation. Après quoi, le réalisateur en herbe se tut et prit le temps d'aviser Matts pendant un moment. A l'image de toute sa tirage précédente, Charlie veilla à ne sembler rien attendre de lui : ni confession, ni quoique ce soit d'autre. Il s'était appliqué à parler d'un ton naturel, comme s'il s'agissait de quelque chose de tout à fait banal (ce que la chose était, en un sens, d'ailleurs), afin de conserver entre eux une atmosphère de détente chaleureuse.
Cela dit, le réalisateur n'était pas certain qu'en dépit de toutes ces précautions, Matts recevrait sereinement la chose. Il est des bouleversements de l'âme qu'aucune douceur ne peut empêcher de se produire.
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Jeu 16 Jan 2020 - 1:21
Nous partagions tout ce qui nous venait à l’esprit. De l’imitation sadomasochiste à des flexions supposées viriles, nous nous en donnions à cœur joie tandis que l’alcool couplé à la chaleur nous montait à la tête. (Oui, ce sera l’excuse officielle employée pour justifier cet étonnant dévergondage.) Il faut dire que nous en avions besoin, pure tactique de diversion, après avoir eu l’un de ces moments de complicité que je pensais réservés aux amants ou amis de longue date. Une simple proposition, une rapide caresse. Je n’étais habituellement pas du genre à foncer tête baissée, cependant je ne pouvais pas ignorer sa possible détresse après qu’il m’eut fait part de ses discordances familiales. Charlie n’était pas obligé de se confier, il pouvait envoyer balader l’invitation à son gré. Toutefois le message était reçu, bien qu’actuellement noyé dans un flot continu de rires incontrôlables. Nous étions comme possédés. Incapables de nous défaire de cette crise pendant ce qui sembla être une éternité. Le point positif étant que les pistes musicales nous isolaient grandement du reste de la clientèle qui aurait autrement questionné notre état mental. Mes responsabilités professionnelles se trouvaient à des années lumières de mes préoccupations actuelles, au point que j’en oubliais qu’il me faudrait me lever aux aurores le lendemain. D’ailleurs, étions-nous « demain » ? J’avais complètement perdu la notion du temps. Comme venait de le formuler le fils Bird, je passais « la meilleure soirée » qui m’ait été donné de vivre depuis… Ne sachant pas comment terminer cette phrase, cela était un énorme compliment pour mon compagnon de semi-beuverie. Et franchement triste pour moi d’un côté.
Je n’avais que peu lâché prise à cause de mon éducation menée à la baguette. Durant toute mon enfance on m’avait dicté d’être présentable, de faire bonne figure et d’être charmant en toutes circonstances. Se rouler dans le sable et courir à vive allure à travers les couloirs était banni. Puis l’adolescence et le début de la vie d’adulte étaient arrivés. Seulement, mon insociabilité étant ce qu’elle est, je ne traînais que rarement accompagné. Oui j’avais trente ans d’amusement à rattraper et autant dire que je m’en donnais à cœur joie présentement ! Je n’osais imaginer ce qu’en dirait mes parents s’ils me voyaient. La main sur le corps, la bouche formant un « O » exemplaire, le couple me jugerait rudement. Des frustrés ayant enfanté un frustré. Tragique comme boucle, vraiment. Mais ce soir, qu’ils aillent au Diable, eux et leurs bonnes manières. Je n’avais jamais été une copie carbone du fils qu’ils avaient toujours désiré et ne le serais jamais. Deal with it.
- Finalement, l’horticulture ce n’est pas si mal pour toi, répliquais-je en gloussant.
Le Poison Ivy au masculin ? Charlie avait définitivement une relation sulfureuse avec les plantes mais je n’étais pas persuadé de vouloir creuser davantage le sujet.
- Tu es donc le jeune fougueux du duo. J’ai eu 33 ans en mai dernier. Ce qui paraît approprié puisque je fais clairement plus figure d’exemple que toi.
Je levais les sourcils, symbole de ma dérision. Je n’avais pas trop mal vécu le cap de la trentaine. Il faut dire que j’étais bien trop préoccupé par mon premier emploi pour y prêter attention. Tout s’était enchaîné à une telle rapidité au cours des six premiers mois de l’année au point qu’aujourd’hui, en regardant en arrière, je me rendais compte que cela formait un amas de souvenirs flous et confus. L’avais-je au moins célébré ? Définitivement non. Ça je le savais. Je m’étais même endormi devant un feuilleton ringard mêlant romance à l’eau de rose et enquête policière avant d’être réveillé par des dessins-animés bruyants. Collez-moi l’étiquette de vieux garçon s’il vous plaît !
Nous nous aventurions sur un terrain beaucoup plus dangereux désormais. Du moins l’était-il pour moi. Faisais-je office d’indiscrétion en demandant des détails concernant son orientation sexuelle ? Qu’espérais-je y trouver ? De l’inspiration pour assumer mes sentiments envers Sullivan ? Ou une quelconque explication quant à cette alchimie palpable qui rayonnait entre nous ? Je n’en avais pas la moindre idée. Par conséquent, je me contentais de rester silencieux, prêtant une oreille attentive au récit ininterrompu. Le coude appuyé sur la table, ma main vint se loger derrière ma nuque tandis que mon buste se penchait toujours dans la direction de mon interlocuteur. Je me laissais absorber par ses paroles, me sentant bien trop souvent concerné. L’intérêt que je lui portais était tel qu’on m’aurait cru captivé. Et je l’étais. Énormément. De l’assimilation de sa bisexualité à son décalage avec le reste de ses camarades, en passant par ce besoin de sortir avec des filles et de sa confusion maladive. Nos parcours étaient semblables, à l’exception qu’il avait réussi à s’assumer pleinement et était maintenant épanoui. Je n'étais jamais parvenu à m’aventurer aussi loin, ne franchissant jamais la ligne d’arrivée.
- Je suis vraiment heureux pour toi. On ne se connaît que depuis peu mais tu mérites ta « chance » si c’est le terme que tu souhaites employer.
Les yeux plongés dans les siens, je lui adressais un sourire sincère puis bu une énième gorgée. Je gagnais du temps tout simplement. J’ignorais comment réagir autrement, que dire. Moi qui peinais depuis toujours à voir la vérité en face, pouvais-je confier à un quasi inconnu que le sexe fort ne m’avait jamais laissé de marbre en dépit de mes efforts pour me convaincre du contraire ? Je n’avais pas grandi dans une bulle de compréhension ni d’ouverture et cela me poursuivait encore. Je m’étais isolé du monde comme si j’étais porteur d’une terrible maladie simplement car j’avais peur du regard d’autrui. Correspondre à la norme. C’est ce que l’on m’avait enseigné, mon Destin tout tracé avant-même ma naissance. M’accepter tel que je suis ferait de moi un pariât auprès de mon arbre généalogique et de la haute-société, apportant honte et déshonneur sur mon nom. Cela pouvait paraître sans importance pour certains, peut-être même pour Charlie si nous en discutions, mais ce n’était pas mon cas. Et croyez-moi, d’où je viens la « chance » n’existe pas.
- J’aimerais que ce soit aussi simple pour…, m’entendis-je dire jusqu’à ce que ma gorge nouée étouffe le « moi ».
Je fixais mes doigts serrant l’anse de ma chope, sentant l’émotion m’envahir par vagues. Jamais je n’avais été aussi près de confier la vérité à qui que ce soit et j’en perdais ma voix en châtiment. Les larmes commençaient à perler sans que j’en ai le moindre contrôle. Son histoire avait touché un nerf à vif.
- Excuse-moi, soufflais-je en m’essuyant le visage avant de tenter un sourire.
Mon dernier désir était de finir ces heures merveilleuses en mélodrame. J’essayais de prendre sur moi, de retrouver possession de mes émotions mais rien n’y faisait, c’était peine perdue. Plus je tentais de les faire disparaître, plus elles coulaient en masse. N’y tenant plus, je finis par me mettre debout, prêt à vider les lieux, avant que mon regard ne croise celui de l’homme. Je me stoppais net. À en lire ma face on y devinait le déchirement mêlé à l’incertitude qui faisaient rage intérieurement. Dressé sur mes jambes, je restais pantois pendant plusieurs secondes. Je ne pouvais pas l'abandonner si lâchement. Pas après tout ce qu'il avait fait pour moi depuis son emprunt dans la salle de cinéma. Ainsi, je tendis ma main dans sa direction. Nous ne pouvions rêver de meilleur timing tandis que je le traînais vers la piste où tous dansaient sur le rythme lent d’un tube des années 80. Alors, je glissais mes bras dans son dos et posais ma tête sur son épaule pour qu’il ne me voit plus sangloter. Je me fichais que l’on nous pense en couple. Pour moi, cette étreinte n’avait rien de romantique. C’était autant du réconfort qu’un témoignage d’affection. Et j’en avais sacrément besoin. Depuis une quinzaine d’années en vérité…
- InvitéInvité
Re: Shaded path [Terminé]
Jeu 16 Jan 2020 - 12:52
Les estimations de Charlie concernant l'âge de son camarade étaient juste. Cela dit, il pensa que s'il devait incarner le fougueux des deux, Matts n'était pas en reste non plus. Une fois lancé, le norvégien faisait preuve d'un sens de l'humour et d'une gaîté très appréciables. Une pointe d'ironie sur une grande dose de gentillesse : mélange détonnant.
Au fond, Matts se comportait comme bon nombre d'introvertis : il fallait juste trouver le bon angle d'approche et voilà tout. A ce titre, le britannique constatait avec bonheur qu'il n'avait pas dû trop mal s'y prendre avec lui, ce soir, au vu de leur accroche mutuelle. Probablement la bonne surprise de la semaine. Car il est assez rare de rencontrer quelqu'un avec qui on se sent tout de suite complice (le monde est vaste) et Charlie comptait bien poursuivre en ce sens en lui proposant de se revoir. Sans doute y avait des choses à creuser entre eux : la perspective d'une belle amitié (et l'on sait que de cela, on a toujours besoin).
Charlie répondit donc par un petit rire amusé, tout en ouvrant les mains d'une manière qui semblait reconnaître sa défaite. Matts en incarnation de la sagesse et lui en boute-en-train échevelé : soit. Il achetait le tableau.
Cependant, le sujet à venir recelant d'une gravité toute particulière, les deux hommes retrouvèrent progressivement tout le sérieux précédemment effrité. Charlie veilla à ce que son récit soit le plus exhaustif possible. Il eut notamment à cœur de mettre en avant les doutes et son ressenti de l'époque, car il supposait que c'était ce qui intéressait le plus Matts. Homme en pleine errance : c'était peut-être la première fois qu'il abordait le sujet (même si cela se faisait de manière détournée).
Si d'attendre la vingtaine pour se découvrir semblait déjà long, qu'en était-il pour un trentenaire ? En bête sociable, Charlie savait combien la présence des autres pouvait influencer le façonnement d'une personnalité : un environnement favorable épanoui autant qu'un environnement néfaste écrase. Matts laissa entendre à plusieurs reprises (toujours en filigrane) que ce n'était pas simple pour lui de ce côté là. Assurément, il y avait bien une dose de chance entre leurs trajectoires respectives. C'était l'élément situé au croisement, sans doute : ce qui avait orienté Charlie dans un sens et Matts dans un autre.
Du reste, Charlie sentait bien que son récit visait juste : il suffisait d'observer la manière dont Matts l'écoutait, sa posture, son expression attentive ou encore l'intensité de son regard. Même s'il ne savait pas du tout quelle réaction attendre, le réalisateur en herbe persévérait car il était convaincu des bienfaits d'une telle conversation, à terme. Les graines lancées à la volée mettent parfois du temps à germer. Pour autant, on ne se dispense pas de le faire.
Charlie eut donc un sourire plein de douceur lorsque Matts lui répondit. Il n'ajouta rien, cependant. Une chose nécessitant le silence était en train de se produire. Il l'attendait avec un brin d'anxiété. Finalement, cela passa par une conclusion avortée, du pessimisme en demi-teinte. L'homme venait d'avouer d'une phrase qui, bien qu'inachevée, était sans équivoque. Oui, Charlie avait bien compris qu'il aurait aimé que ce soit plus simple pour lui. Cela se voyait et c'était terrible.
Cependant, ce n'était rien comparé à ce qui allait suivre. Car après quelques secondes, Matts collapsa tout simplement et se mit à pleurer. L'expression compatissante de Charlie se mua alors en stupeur. Il ne s'attendait pas à une réaction aussi vive et cela lui fit l'effet d'une claque en pleine figure. Le spectacle d'un homme adulte en train de pleurer est toujours d'une violence très particulière. Il était proprement interdit face à ce qu'il voyait.
A cela s'ajoutèrent bientôt une foule d'émotions annexes appartenant au spectre de l'empathie et des remords en arrière fond. Charlie eut un sourire désolé lorsque Matts s'excusa : son regard semblait le lui reprocher (après tout, il n'y avait rien de mal à laisser ses émotions s'exprimer), mais il ne dit rien. Ce fut le détail qui acheva de le confondre dans un mélange au goût amer. Charlie avait de la peine et il s'en voulait d'avoir manqué de douceur. Convictions d'agir comme il faut bien vite effritées face à la détresse de son camarade.
Après un moment, cependant, Matts se leva. Charlie était persuadé qu'il allait partir. Une fois de plus, son regard parla au lieu de sa bouche : il l'implorait presque. Non, ce n'était vraiment pas de cette manière qu'il voulait conclure la soirée. L'oiseau, hélas, demeurait bien dépourvu : il n'osait agir, de peur d’aggraver la situation, de peur de transformer la détresse en colère réactionnelle. Le choix ne lui appartenait pas.
Mais alors que la situation paraissait figée dans l'incertitude, Matts tendit la main à Charlie. Ce dernier l'avisa pendant quelques secondes sans comprendre. Assez vite, toutefois, il ne chercha plus et la pris. Le norvégien entraîna alors l'oiseau au milieu des autres, là où l'on dansait et l'encercla dans une étreinte avide. Charlie sentit son cœur s'emballer sous le coup de l'émotion, car c'était là un geste d'une sincérité rare. Il comprenait très bien ce que cela signifiait et ce que cela appelait.
Alors, soupirant silencieusement (marque de la tension qui s'en va), il enlaça l'homme à son tour. Ses bras comme des ailes protectrices : il posa une main à l'arrière de la tête de Matts, tandis que l'autre caressait son dos dans un geste lent et tendre. La joue échouée dans la nuque du norvégien, une oreille à l’affût de sa respiration, il veillait à lui donner cette affection dont il manquait tant. Geste d'une grande proximité et pourtant dépourvu de toute arrière pensée. Charlie n'en était plus là depuis un moment, avec Matts. Ce qui était en train de se jouer était beaucoup plus beau et beaucoup plus profond qu'un simple flirt. C'était de la confiance. On devait respecter ces choses là. Alors il le consolait, en effet. Il le consolait en prétextant un slow, perdu au milieu d'une masse d'individus invisibles.
Après un moment, cependant, quand la musique prit fin et que Charlie fut bien sûr que Matts avait retrouvé contenance, il se décolla juste ce qu'il faut de ce dernier et posa les mains sur ses épaules. Un mince sourire sur les lèvres, l'oiseau colla son front contre celui de son camarade, profitant de cette proximité pour lui chuchoter sa conclusion.
« Finalement, c'est toi qui m'aura fait danser.
Au fond, Matts se comportait comme bon nombre d'introvertis : il fallait juste trouver le bon angle d'approche et voilà tout. A ce titre, le britannique constatait avec bonheur qu'il n'avait pas dû trop mal s'y prendre avec lui, ce soir, au vu de leur accroche mutuelle. Probablement la bonne surprise de la semaine. Car il est assez rare de rencontrer quelqu'un avec qui on se sent tout de suite complice (le monde est vaste) et Charlie comptait bien poursuivre en ce sens en lui proposant de se revoir. Sans doute y avait des choses à creuser entre eux : la perspective d'une belle amitié (et l'on sait que de cela, on a toujours besoin).
Charlie répondit donc par un petit rire amusé, tout en ouvrant les mains d'une manière qui semblait reconnaître sa défaite. Matts en incarnation de la sagesse et lui en boute-en-train échevelé : soit. Il achetait le tableau.
Cependant, le sujet à venir recelant d'une gravité toute particulière, les deux hommes retrouvèrent progressivement tout le sérieux précédemment effrité. Charlie veilla à ce que son récit soit le plus exhaustif possible. Il eut notamment à cœur de mettre en avant les doutes et son ressenti de l'époque, car il supposait que c'était ce qui intéressait le plus Matts. Homme en pleine errance : c'était peut-être la première fois qu'il abordait le sujet (même si cela se faisait de manière détournée).
Si d'attendre la vingtaine pour se découvrir semblait déjà long, qu'en était-il pour un trentenaire ? En bête sociable, Charlie savait combien la présence des autres pouvait influencer le façonnement d'une personnalité : un environnement favorable épanoui autant qu'un environnement néfaste écrase. Matts laissa entendre à plusieurs reprises (toujours en filigrane) que ce n'était pas simple pour lui de ce côté là. Assurément, il y avait bien une dose de chance entre leurs trajectoires respectives. C'était l'élément situé au croisement, sans doute : ce qui avait orienté Charlie dans un sens et Matts dans un autre.
Du reste, Charlie sentait bien que son récit visait juste : il suffisait d'observer la manière dont Matts l'écoutait, sa posture, son expression attentive ou encore l'intensité de son regard. Même s'il ne savait pas du tout quelle réaction attendre, le réalisateur en herbe persévérait car il était convaincu des bienfaits d'une telle conversation, à terme. Les graines lancées à la volée mettent parfois du temps à germer. Pour autant, on ne se dispense pas de le faire.
Charlie eut donc un sourire plein de douceur lorsque Matts lui répondit. Il n'ajouta rien, cependant. Une chose nécessitant le silence était en train de se produire. Il l'attendait avec un brin d'anxiété. Finalement, cela passa par une conclusion avortée, du pessimisme en demi-teinte. L'homme venait d'avouer d'une phrase qui, bien qu'inachevée, était sans équivoque. Oui, Charlie avait bien compris qu'il aurait aimé que ce soit plus simple pour lui. Cela se voyait et c'était terrible.
Cependant, ce n'était rien comparé à ce qui allait suivre. Car après quelques secondes, Matts collapsa tout simplement et se mit à pleurer. L'expression compatissante de Charlie se mua alors en stupeur. Il ne s'attendait pas à une réaction aussi vive et cela lui fit l'effet d'une claque en pleine figure. Le spectacle d'un homme adulte en train de pleurer est toujours d'une violence très particulière. Il était proprement interdit face à ce qu'il voyait.
A cela s'ajoutèrent bientôt une foule d'émotions annexes appartenant au spectre de l'empathie et des remords en arrière fond. Charlie eut un sourire désolé lorsque Matts s'excusa : son regard semblait le lui reprocher (après tout, il n'y avait rien de mal à laisser ses émotions s'exprimer), mais il ne dit rien. Ce fut le détail qui acheva de le confondre dans un mélange au goût amer. Charlie avait de la peine et il s'en voulait d'avoir manqué de douceur. Convictions d'agir comme il faut bien vite effritées face à la détresse de son camarade.
Après un moment, cependant, Matts se leva. Charlie était persuadé qu'il allait partir. Une fois de plus, son regard parla au lieu de sa bouche : il l'implorait presque. Non, ce n'était vraiment pas de cette manière qu'il voulait conclure la soirée. L'oiseau, hélas, demeurait bien dépourvu : il n'osait agir, de peur d’aggraver la situation, de peur de transformer la détresse en colère réactionnelle. Le choix ne lui appartenait pas.
Mais alors que la situation paraissait figée dans l'incertitude, Matts tendit la main à Charlie. Ce dernier l'avisa pendant quelques secondes sans comprendre. Assez vite, toutefois, il ne chercha plus et la pris. Le norvégien entraîna alors l'oiseau au milieu des autres, là où l'on dansait et l'encercla dans une étreinte avide. Charlie sentit son cœur s'emballer sous le coup de l'émotion, car c'était là un geste d'une sincérité rare. Il comprenait très bien ce que cela signifiait et ce que cela appelait.
Alors, soupirant silencieusement (marque de la tension qui s'en va), il enlaça l'homme à son tour. Ses bras comme des ailes protectrices : il posa une main à l'arrière de la tête de Matts, tandis que l'autre caressait son dos dans un geste lent et tendre. La joue échouée dans la nuque du norvégien, une oreille à l’affût de sa respiration, il veillait à lui donner cette affection dont il manquait tant. Geste d'une grande proximité et pourtant dépourvu de toute arrière pensée. Charlie n'en était plus là depuis un moment, avec Matts. Ce qui était en train de se jouer était beaucoup plus beau et beaucoup plus profond qu'un simple flirt. C'était de la confiance. On devait respecter ces choses là. Alors il le consolait, en effet. Il le consolait en prétextant un slow, perdu au milieu d'une masse d'individus invisibles.
Après un moment, cependant, quand la musique prit fin et que Charlie fut bien sûr que Matts avait retrouvé contenance, il se décolla juste ce qu'il faut de ce dernier et posa les mains sur ses épaules. Un mince sourire sur les lèvres, l'oiseau colla son front contre celui de son camarade, profitant de cette proximité pour lui chuchoter sa conclusion.
« Finalement, c'est toi qui m'aura fait danser.
Fin du RP
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