- InvitéInvité
(Colorado) The ashes of us.
Mar 14 Jan 2020 - 22:04
Ta vie, comme une roche projetée dans la haute atmosphère, brille d'un vif éclat pendant qu'elle se désintègre. Tu as gagné les bras d'une femme dont les tendresses ne cessent d'arrondir tes vieux angles, mais en échange, tu as perdu cette fille si chère, longtemps placée au centre de ta vie. Fallait-il qu'approcher l'une signifie irrévocablement s'éloigner de l'autre ? Tu as eu la naïveté de croire que cela pourrait se faire, mais vos natures semblables s'entrechoquèrent au point de créer la rupture.
Jolene et toi vous parlez à peine depuis que le scandale a éclaté, depuis qu'elle s'en est allée vivre à l'université. Il y eut bien quelques tentatives, quelques rencontres froides, mais le fond du problème resta le même. Aucune conversation sérieuse ne se produisit : conséquence probable d'un égal entêtement des deux bords.
Les semaines passèrent cependant et ta colère ne cessa de s'effriter au profit du regret et d'une profonde tristesse. Si tu t'es longtemps accommodé de la distance, du temps où elle était à l'école et toi en Russie, cela ne signifia jamais garder le silence. Ta fille et toi avez toujours été proches. De savoir qu'elle te déteste est la pire chose qui puisse t'arriver, quoiqu'en dise ta fierté, quoiqu'en disent tes actions.
Même si tu n'en as rien montré et que tu n'as pas démordu de ta position initiale, c'est quelque chose qui saigne au fond de toi. Une plaie qui t'épuise, au point de te rendre de plus en plus inconséquent. Tu as manqué l'incident dernièrement et cela ne t'étonnerait pas que quelque chose arrive, si la situation devait s'éterniser. Quelque chose de mauvais.
Tu ne veux pas y penser.
D'avoir passé les fêtes sans elle fut probablement le coup de grâce nécessaire à ta mise en mouvement. Noël est la fête familiale par excellence : ce soir là, tu compris vraiment ce que risquait de devenir ta vie, à persévérer dans ton entêtement.
Car en dépit de toute l'affection que tu portes à Laelia, tu ne peux pas imaginer un Noël sans ta fille. Non, tu ne veux pas que l'une chasse l'autre et c'est pourquoi tu compris, finalement, qu'il fallait trouver une solution.
Seulement, cet aspect là n'était que la première pierre.
La seconde, ce fut de comprendre d'où vous veniez, elle et toi. Pourquoi est-ce que tout ceci tourna si mal ? Qu'est-ce qu'elle voulu te dire et qu'est ce que toi, tu voulais lui dire ? Il était temps, Mirko, d'aborder les vieilles blessures. Vous avez tant attendu, tant prétendu. Mais maintenant, il est temps, en effet. Les choses ne pourraient pas être pires, de toute façon. Forcé à l'action par une conscience forcée, c'était mieux que rien, sans doute.
Le projet de retourner sur les lieux de votre bonheur existe depuis longtemps dans ton esprit. Cependant, tu ne trouvas jamais le bon moment pour concrétiser cela. Il y avait toujours plus urgent, plus important à gérer. Pas assez de courage, pas assez d'honnêteté auto-administrée.
Une fois de plus, le caractère critique de votre situation précipita tout ça.
Tu persuadais Jolene de se joindre à toi pour le nouvel an. Tu lui assurais qu'il n'y aurait que vous deux et tu lui parlais de ton souhait de retourner chez vous : au ranch. Celui qui l'avait vu grandir et dont il ne restait désormais plus que des cendres. Voyage à caractère hautement symbolique, presque spirituel.
A ce titre, le voyage se déroula sans encombres. Atmosphère silencieuse, moins hostile que tu aurais pu l'imaginer : tu n'avais plus le cœur aux batailles, pour tout dire. Tu voulais juste retrouver ta fille. C'est tout.
Qui plus est, l'idée de retourner là bas t'angoissait énormément. Cela faisait si longtemps que tu repoussais le moment d'attaquer cette douleur que de la voir venir enfin te dissuadais (presque) d'y résister. Tu étais juste fatigué, Mirko. Fatigué de fonctionner de cette façon si dysfonctionnelle. Cela t'avais trop coûté récemment. Beaucoup trop.
Au volant de ton pick-up (amené avec vous par magie), tu conduisais donc ta petite famille à travers le désert du Colorado. Les senteurs et les paysages familiers te frappaient d'une intensité inouïe à mesure que vous approchiez de la propriété. Toute une histoire qui se ravive, comme une braise jamais éteinte sous la cendre. Tu étais proprement bouleversé et, de fait, ne disais rien. Il régnait un silence cérémonieux (presque lourd) dans la voiture, les deux chiens dormant paisiblement sur la banquette arrière.
Une fois arrivé sur le petit chemin de terre qui faisait la jonction entre la maison et la route, tu arrêtais la voiture. Le reste du trajet se ferait à pied, sous un ciel de jais parsemé d'une multitudes d'étoiles très brillantes (comme on n'en voit que dans le désert). Tu claquais la portière et fis sortir les chiens (qui s'en allèrent aussitôt cavaler dans les broussailles). Mains qui s'attardent sur le rebord du toit de la voiture. Tu laissais échapper un soupir court, avant d'y laisser choir ton front.
Difficile, difficile moment.
Mais tu te redressais néanmoins, avant d'adresser un regard à ta fille et de forcer un sourire. Tu n'osais même pas imaginer ce à quoi devait ressembler le ranch, après toutes ces années : probablement quelques poutres carbonisées mangées par la végétation ? A l'évidence. Mais s'il fallait cela pour t'aider à réaliser que dix ans venaient de passer.
« Alright. Dis-tu. Let's go.
Jolene et toi vous parlez à peine depuis que le scandale a éclaté, depuis qu'elle s'en est allée vivre à l'université. Il y eut bien quelques tentatives, quelques rencontres froides, mais le fond du problème resta le même. Aucune conversation sérieuse ne se produisit : conséquence probable d'un égal entêtement des deux bords.
Les semaines passèrent cependant et ta colère ne cessa de s'effriter au profit du regret et d'une profonde tristesse. Si tu t'es longtemps accommodé de la distance, du temps où elle était à l'école et toi en Russie, cela ne signifia jamais garder le silence. Ta fille et toi avez toujours été proches. De savoir qu'elle te déteste est la pire chose qui puisse t'arriver, quoiqu'en dise ta fierté, quoiqu'en disent tes actions.
Même si tu n'en as rien montré et que tu n'as pas démordu de ta position initiale, c'est quelque chose qui saigne au fond de toi. Une plaie qui t'épuise, au point de te rendre de plus en plus inconséquent. Tu as manqué l'incident dernièrement et cela ne t'étonnerait pas que quelque chose arrive, si la situation devait s'éterniser. Quelque chose de mauvais.
Tu ne veux pas y penser.
D'avoir passé les fêtes sans elle fut probablement le coup de grâce nécessaire à ta mise en mouvement. Noël est la fête familiale par excellence : ce soir là, tu compris vraiment ce que risquait de devenir ta vie, à persévérer dans ton entêtement.
Car en dépit de toute l'affection que tu portes à Laelia, tu ne peux pas imaginer un Noël sans ta fille. Non, tu ne veux pas que l'une chasse l'autre et c'est pourquoi tu compris, finalement, qu'il fallait trouver une solution.
Seulement, cet aspect là n'était que la première pierre.
La seconde, ce fut de comprendre d'où vous veniez, elle et toi. Pourquoi est-ce que tout ceci tourna si mal ? Qu'est-ce qu'elle voulu te dire et qu'est ce que toi, tu voulais lui dire ? Il était temps, Mirko, d'aborder les vieilles blessures. Vous avez tant attendu, tant prétendu. Mais maintenant, il est temps, en effet. Les choses ne pourraient pas être pires, de toute façon. Forcé à l'action par une conscience forcée, c'était mieux que rien, sans doute.
Le projet de retourner sur les lieux de votre bonheur existe depuis longtemps dans ton esprit. Cependant, tu ne trouvas jamais le bon moment pour concrétiser cela. Il y avait toujours plus urgent, plus important à gérer. Pas assez de courage, pas assez d'honnêteté auto-administrée.
Une fois de plus, le caractère critique de votre situation précipita tout ça.
Tu persuadais Jolene de se joindre à toi pour le nouvel an. Tu lui assurais qu'il n'y aurait que vous deux et tu lui parlais de ton souhait de retourner chez vous : au ranch. Celui qui l'avait vu grandir et dont il ne restait désormais plus que des cendres. Voyage à caractère hautement symbolique, presque spirituel.
A ce titre, le voyage se déroula sans encombres. Atmosphère silencieuse, moins hostile que tu aurais pu l'imaginer : tu n'avais plus le cœur aux batailles, pour tout dire. Tu voulais juste retrouver ta fille. C'est tout.
Qui plus est, l'idée de retourner là bas t'angoissait énormément. Cela faisait si longtemps que tu repoussais le moment d'attaquer cette douleur que de la voir venir enfin te dissuadais (presque) d'y résister. Tu étais juste fatigué, Mirko. Fatigué de fonctionner de cette façon si dysfonctionnelle. Cela t'avais trop coûté récemment. Beaucoup trop.
Au volant de ton pick-up (amené avec vous par magie), tu conduisais donc ta petite famille à travers le désert du Colorado. Les senteurs et les paysages familiers te frappaient d'une intensité inouïe à mesure que vous approchiez de la propriété. Toute une histoire qui se ravive, comme une braise jamais éteinte sous la cendre. Tu étais proprement bouleversé et, de fait, ne disais rien. Il régnait un silence cérémonieux (presque lourd) dans la voiture, les deux chiens dormant paisiblement sur la banquette arrière.
Une fois arrivé sur le petit chemin de terre qui faisait la jonction entre la maison et la route, tu arrêtais la voiture. Le reste du trajet se ferait à pied, sous un ciel de jais parsemé d'une multitudes d'étoiles très brillantes (comme on n'en voit que dans le désert). Tu claquais la portière et fis sortir les chiens (qui s'en allèrent aussitôt cavaler dans les broussailles). Mains qui s'attardent sur le rebord du toit de la voiture. Tu laissais échapper un soupir court, avant d'y laisser choir ton front.
Difficile, difficile moment.
Mais tu te redressais néanmoins, avant d'adresser un regard à ta fille et de forcer un sourire. Tu n'osais même pas imaginer ce à quoi devait ressembler le ranch, après toutes ces années : probablement quelques poutres carbonisées mangées par la végétation ? A l'évidence. Mais s'il fallait cela pour t'aider à réaliser que dix ans venaient de passer.
« Alright. Dis-tu. Let's go.
- InvitéInvité
Re: (Colorado) The ashes of us.
Mar 21 Jan 2020 - 10:08
The ashes of us - ft.@mirko volkine31 décembre 2020
Il te manque, ton père. Ce silence, cette distance entre vous t'es insupportable. Pourtant, tu ne cherches pas à la combler. Parce que tu es trop têtue pour ça. Tu tiens de lui, clairement. En même temps, à vivre avec une tête de mule, soit on devient trop conciliant au point de se laisser bouffer tout cru, soit on devient aussi têtu que son vis à vis. Toi, ça a clairement été la deuxième solution. Mais il te manque, terriblement et, même si tu ne peux toujours pas accepter son histoire avec Laeliaet ne le pourras certainement jamaistu n'as été que trop heureuse de son invitation pour le nouvel an. Tu as fait comme si de rien n'était, par contre. Tu n'as pas voulu montrer cette faille, ce besoin que tu ressens de passer du temps avec lui. Il t'étouffe lorsqu'il est là, mais laisse un grand vide dans ton coeur lorsqu'il est absent, ou que vous êtes en froid. S'il t'est arrivé de pleurer de cette absence depuis ton déménagement en fanfare, personne ne s'en est rendu compte. Tu sais être discrète, lorsque tu le veux. Quitte à monter dans les jardins suspendus pour cela, à trois ou quatre heure du matin lorsque tout le monde dort, mêmeet surtoutle gardien des lieux.
Et, présentement, tu es là, dans cette voiture avec lui, à regarder le paysage nocturne défiler sur le côté de la route. Tu ne sais pas réellement pourquoi il a voulu faire ce pèlerinage. C'est la première fois que vous revenez là depuis l'incendie. Ton coeur est serré, tu as presque l'impression que tu vas étouffer. Pourtant, tu ne pipes pas un mot, te contentant de regarder l'horizon, côté passager. Pas une fois tu ne regardes vers lui, même si tu lui sais gré d'avoir tenu sa parole: Laelia n'est pas du voyage. Si elle l'avait été, tu ne serais pas là. Tu aurais fait demi-tour en la voyant. Tu n'es pas prête à la recroiser, encore. Tu la chasses rapidement de tes pensées, même si tu sais qu'elle continuera de s'y inviter. Elle le fait tout le temps. Après tout, elle a été ton amie la plus proche pendant toute ta scolarité à Ilvermorny et presque toute celle à Hungcalf. Et voilà... Elle est déjà de retour dans ta tête... Heureusement, la voiture s'arrête, signe que vous êtes arrivés.
Tu laisses ton père descendre de voiture et ouvrir la portière aux chiens. Toi, tu prends un peu plus de temps pour sortir. Parce que ton regard erre sur les ruines et sur la végétation qui s'est emparée des lieux. Tu as peine à croire que quelques années plus tôt, il y avait une maison, ici. Ta maison. Finalement, tu détaches ta ceinture et descends du véhicule, juste au moment où ton père prend la parole. L'heure de vérité a sonné. Je vais enfin savoir pourquoi il a tenu à ce que nous venions ici, aujourd'hui songes-tu, prête à lui emboîter le pas.
- InvitéInvité
Re: (Colorado) The ashes of us.
Jeu 6 Fév 2020 - 20:47
Cheyenne et Cole galopaient en toute insouciance entre les buisson déshydratés des terres coloradiennes. Dans la pénombre, ils apparaissaient comme des masses noires sur laquelle la lune faisait danser des reflets. Leurs mouvements désordonnés et leurs souffles en saccade évoquaient quelque esprit animiste tout droit sorti d'un récit de natif. Images vivantes des démons psychiques qui vous tournaient autour.
Tu demeures un instant comme perdu, égaré dans quelque songe trop épais. Le regard fondu dans le vague, ce sont les images d'un passé longtemps mis de côté qui s'en reviennent, des impressions enterrées. Le plus frappant pour toi, ce sont sans doute les odeurs : on sait que les vampires ont un odorat de clébard et c'est vrai aussi pour toi. Tu reconnais ce mélange de poussière et de résine typique de la région, de cet endroit, cet équilibre tellement propre à votre foyer et auquel tu t'étais habitué au point de ne même plus le remarquer.
Il y a ces arbres que tu avais planté pour lui faire plaisir au printemps et qu'on ne trouve nulle part ailleurs (certains réduits à rien faute de soin), ces plantes aromatiques du fond du jardin, désormais éparpillées en anarchie autour des restes de quelques éclat de tuile carbonisé. L'odeur de fumée, à ce titre, persiste en dépit d'un squelette noir délavé par le passage inarrêtable des saisons. La rareté des pluies dans la région aura épargné cette carcasse : ironie.
Comme vous avancez, les contours de ce qui fut votre foyer se précise. La vieille boite aux lettres s'est décrochée du pieu sur lequel tu l'avais fixé : la faute à la rouille. On distingue encore le porche devant la façade, même si la moitié de la charpente s'est effondrée. Au delà, c'est un enchevêtrement de poutres noircies, d'herbes folles et d'arbustes en pagaille au milieu des tuiles et du carrelage éclaté. Personne n'aurait été en mesure de dire où se trouvaient les choses et c'est bien grâce à tes souvenirs que tu parviens à te rappeler de la limite des pièces.
Arrêtant le pas devant le petit escalier permettant d'accéder à la porte d'entrée, tu demeures immobile, reclus dans ton silence. Un bref sifflement rappelle aux chiens de ne pas s'aventurer dans les décombres. Le silence s'impose ensuite avec une lourdeur presque religieuse. C'est la première fois en dix ans que tu te retrouves face à cette ruine, face à ton geste. La première fois que tu peux concrètement aviser ce que tu as fait. Te rendre compte.
Violence visuelle inouïe. Tu te prends à imaginer ce que c'était avant. Le banc sur lequel aimait s'asseoir Dalia pour admirer le coucher de soleil, cette fenêtre devant laquelle elle aimait se tenir pour regarder la nuit, cette poutre sur laquelle tu gravas vos initiales et cette autres qui servait de toise pour renseigner la croissance de ta fille : il n'en reste rien, de tout ça.
Ta fille, à ce titre, tu n'oses même pas la regarder. Tu sais qu'elle est là : tu la sens, tu l'entends respirer de cette façon qu'elle a quand son cœur est serré, mais tu n'as pas le courage de poser tes yeux sur elle. C'est qu'il y a encore de la honte, dans tout ça. Ça te percute comme une bourrasque qui vous gifle en hurlant, qui vous griffe. Puis, il y a la tristesse, aussi. Une tristesse en forme de désespoir. Quelque chose qui a pourrit longtemps, jusqu'à se dessécher. Tu croyais qu'il n'en restait rien, mais c'est faux. C'est encore là, pourrissant, presque à l'agonie. Le temps s'inverse sur le cadavre au point que tu le verrais presque bouger. C'est vertigineux.
« Je suis désolé.
Finis-tu par dire. C'est idiot, c'est insuffisant, mais c'est tout ce que tu parviens à articuler. T'as la gorge qui se serre de prononcer ces mots, car c'est la preuve que tu admets ce qui s'est passé, que tu reconnais ta faute, que tu le vois. Un énorme pas en avant.
Et de lâcher cette prise là effondre tout l'édifice bâti au cours de la dernière décennie. Tu baisses les yeux, tu t'enfermes, ton expression se froisse. L'accablement fait céder tous tes étais psychiques. Tu te contiens malgré tout, parce-que tu es encore trop fier pour oser laisser couler ne serait-ce qu'une larme devant ta fille. Éducation virile qui pourfend ton envie d'abdiquer. Tellement de choses mériteraient de sortir, pourtant. Tu la mériterais, cette larme libératrice, mauvaise bête que tu es.
Mais non. A défaut, tu te contentes de cette posture, de ce retrait, de cette absence d'éclat, de ce recueillement. Tu es juste là, immobile, le poing serré, la carcasse crispée et des émotions en tumulte plein le cœur qu'il s'agit de contenir à tout prix.
Tu es désolé.
Tu demeures un instant comme perdu, égaré dans quelque songe trop épais. Le regard fondu dans le vague, ce sont les images d'un passé longtemps mis de côté qui s'en reviennent, des impressions enterrées. Le plus frappant pour toi, ce sont sans doute les odeurs : on sait que les vampires ont un odorat de clébard et c'est vrai aussi pour toi. Tu reconnais ce mélange de poussière et de résine typique de la région, de cet endroit, cet équilibre tellement propre à votre foyer et auquel tu t'étais habitué au point de ne même plus le remarquer.
Il y a ces arbres que tu avais planté pour lui faire plaisir au printemps et qu'on ne trouve nulle part ailleurs (certains réduits à rien faute de soin), ces plantes aromatiques du fond du jardin, désormais éparpillées en anarchie autour des restes de quelques éclat de tuile carbonisé. L'odeur de fumée, à ce titre, persiste en dépit d'un squelette noir délavé par le passage inarrêtable des saisons. La rareté des pluies dans la région aura épargné cette carcasse : ironie.
Comme vous avancez, les contours de ce qui fut votre foyer se précise. La vieille boite aux lettres s'est décrochée du pieu sur lequel tu l'avais fixé : la faute à la rouille. On distingue encore le porche devant la façade, même si la moitié de la charpente s'est effondrée. Au delà, c'est un enchevêtrement de poutres noircies, d'herbes folles et d'arbustes en pagaille au milieu des tuiles et du carrelage éclaté. Personne n'aurait été en mesure de dire où se trouvaient les choses et c'est bien grâce à tes souvenirs que tu parviens à te rappeler de la limite des pièces.
Arrêtant le pas devant le petit escalier permettant d'accéder à la porte d'entrée, tu demeures immobile, reclus dans ton silence. Un bref sifflement rappelle aux chiens de ne pas s'aventurer dans les décombres. Le silence s'impose ensuite avec une lourdeur presque religieuse. C'est la première fois en dix ans que tu te retrouves face à cette ruine, face à ton geste. La première fois que tu peux concrètement aviser ce que tu as fait. Te rendre compte.
Violence visuelle inouïe. Tu te prends à imaginer ce que c'était avant. Le banc sur lequel aimait s'asseoir Dalia pour admirer le coucher de soleil, cette fenêtre devant laquelle elle aimait se tenir pour regarder la nuit, cette poutre sur laquelle tu gravas vos initiales et cette autres qui servait de toise pour renseigner la croissance de ta fille : il n'en reste rien, de tout ça.
Ta fille, à ce titre, tu n'oses même pas la regarder. Tu sais qu'elle est là : tu la sens, tu l'entends respirer de cette façon qu'elle a quand son cœur est serré, mais tu n'as pas le courage de poser tes yeux sur elle. C'est qu'il y a encore de la honte, dans tout ça. Ça te percute comme une bourrasque qui vous gifle en hurlant, qui vous griffe. Puis, il y a la tristesse, aussi. Une tristesse en forme de désespoir. Quelque chose qui a pourrit longtemps, jusqu'à se dessécher. Tu croyais qu'il n'en restait rien, mais c'est faux. C'est encore là, pourrissant, presque à l'agonie. Le temps s'inverse sur le cadavre au point que tu le verrais presque bouger. C'est vertigineux.
« Je suis désolé.
Finis-tu par dire. C'est idiot, c'est insuffisant, mais c'est tout ce que tu parviens à articuler. T'as la gorge qui se serre de prononcer ces mots, car c'est la preuve que tu admets ce qui s'est passé, que tu reconnais ta faute, que tu le vois. Un énorme pas en avant.
Et de lâcher cette prise là effondre tout l'édifice bâti au cours de la dernière décennie. Tu baisses les yeux, tu t'enfermes, ton expression se froisse. L'accablement fait céder tous tes étais psychiques. Tu te contiens malgré tout, parce-que tu es encore trop fier pour oser laisser couler ne serait-ce qu'une larme devant ta fille. Éducation virile qui pourfend ton envie d'abdiquer. Tellement de choses mériteraient de sortir, pourtant. Tu la mériterais, cette larme libératrice, mauvaise bête que tu es.
Mais non. A défaut, tu te contentes de cette posture, de ce retrait, de cette absence d'éclat, de ce recueillement. Tu es juste là, immobile, le poing serré, la carcasse crispée et des émotions en tumulte plein le cœur qu'il s'agit de contenir à tout prix.
Tu es désolé.
- InvitéInvité
Re: (Colorado) The ashes of us.
Mar 10 Mar 2020 - 22:20
The ashes of us - ft.@mirko volkine31 décembre 2020
Ton coeur est serré avant même que tu ne t'éloignes de la voiture. Parce que même sans encore rien voir, les souvenirs remontent, effleurent la surface. Tu as mal parce que c'est toute ton enfance envolée qui t'attend devant toi. Tu sais que tout va remonter. Ces larmes que tu retiens depuis toutes ces années, tu sais qu'elles vont jaillir, sans que tu ne puisses les retenir. Tu anticipes déjà ce moment et tes poings se serrent. C'est plus fort que toi. Tu as envie de faire demi-tour. De partir en courant. De ne pas voir ce que le clair de lune a à vous offrir.
Et pourtant, tu suis ton père, tu marches dans ses traces comme tu le faisais quand tu étais petite et que vous alliez chasser. L'émotion te prend aux tripes rien qu'à ce souvenir doux amer. Tu repenses à la simplicité de cette vie. Ton père t'a appris à chasser, tu n'étais pas encore entrée à Ilvermorny. Oh! Tu ne tirais pas, à l'époque! Tu te contentais de le suivre, d'apprendre à traquer! Tu avais droit à un petit lance-pierre, pour faire un peu comme lui, mais c'était tout. Mais c'était le bon temps. Il n'y avait pas de disputes, alors. Ton père était ton tout, ton modèle, l'homme de ta vie, celui à qui tu voulais toujours faire plaisir, le seul qui était digne à tes yeux, celui qui incarnait la perfection... Comme ce temps à changé, songes-tu. Pas en tout point, bien sûr. Mais aujourd'hui, tu sais qu'il n'est pas parfait. Même si, pour le reste, il incarne encore cet idéal, même si tu ne le montres pas. A cet instant, tu as envie de lui prendre la main, mais tu n'en fais rien. Trop fière, trop orgueilleuse. Non... C'est vraiment plus par fierté que par orgueil que tu te retiens. Parce que vous avez beaucoup de choses à régler, encore.
Tu ne prêtes, pour l'heure, aucune attention aux odeurs qui persistent après toutes ces années. Peut-être parce qu'alors que tu refais ce trajet, tu es à nouveau l'enfant que tu étais alors. Tu as l'impression que ta mère vous attend sous le porche de la maison. Qu'elle va vous accueillir avec ses étreintes habituelles et que de la maison vont s'élever des odeurs de pain chaud, de viande et de légumes. Un bon repas pour les guerriers.
Mais le retour à la réalité est dur, lorsque ton père s'arrête, te ramenant au présent et à l'odeur qui agresse tes narines. Tu fronces le nez. Tu n'es pas prête à ça.Tu te décales sur le côté, pour voir également la scène, les images du passé se superposant encore à celles du présent, bien que s'évanouissant de plus en plus. Ta respiration devient superficielle. Bloquée. Celle que tu prends lorsque tu retiens tes émotions mais que celles-ci veulent jaillir. Et ta main, mue d'une volonté propre, vient se glisser dans celle de ton père alors qu'il prend la parole, glissant trois petits mots. Mais des mots que tu as attendu depuis dix longues années. Tu te tournes vers lui, cherchant tes mots à ton tour, ouvrant la bouche pour parler, mais rien ne sort. Alors, à la place, tu te contentes de le prendre dans tes bras. Tu sais qu'il est désolé. De quelle partie il s'excuse exactement, tu ne sais pas. Et à ce moment là, ça n'a que peu d'intérêt. Mais ce qui compte, c'est que vous êtes là, tous les deux, pour la première fois depuis le drame.
- Spoiler:
- si tu as besoin de plus, hésite pas! et désolée pour le retard
- InvitéInvité
Re: (Colorado) The ashes of us.
Ven 3 Avr 2020 - 14:33
Dans cet état de crispation, les secondes semblent gelées. Il faut que Jolene te prenne la main pour que tu réalises qu'elles s'égrainent encore. Premier geste attestant d'une émotion partagée. Tu réagis peu. Puis, elle te prend dans ses bras et c'est alors que la tension cède. Tu l'étreins à la manière d'un aigle rabattant ses ailes sur sa progéniture. Puissance intemporelle. Ta joue échoue sur sa tête, dans un geste de tendresse mêlée de force protectrice. Pendant ce bref instant, tu sens qu'elle accepte de te voir redevenir le gardien de sa vie : celui qui la guida dans l'existence jusqu'à l'heure d'indépendance. Celui qui l'aima le premier et le plus fort. Une réalité immarcescible, en dépit des aléas de l'existence et des rencontres nouvelles.
Cependant, comme tu accueilles sa silhouette chétive (par comparaison) contre ta poitrine (qui, par intermittence, se soulève en profondes respirations), des images du passé affluent. Tu te rappelles combien elle ressemble à Dalia et, par extension, combien le souvenir de cette vie te manqua. Néanmoins, tu réalises bien, maintenant, qu'il n'en reste plus que des cendres et qu'il faut continuer à aller de l'avant. Laisser tout ceci derrière, une bonne fois pour toute. Oui, tu es là pour achever ce deuil, car tu as de nouveaux projets. Telles sont les exigences de l'existence.
D'ici là, il vous reste encore des choses à voir. Tu caresses l'épaule de Jolene de cette façon paternelle que tu as, avant de lui embrasser le front (comme si elle était toujours petite fille). Ton regard cherche le sien, car tu as des choses à dire (cette étreinte t'aura visiblement aidé à reprendre contenance).
« Si tu te rappelles bien, il y avait un sous-sol, dans la maison. Dis-tu. Quand ta mère est partie, j'y ai entreposé tout un tas de vieilleries. Pas mal de ses affaires, pour... Faire le tri et éviter d'avoir à y penser, on va dire.
Ton regard s'intensifie, comme c'est toujours le cas lorsque tu évoques des choses longuement réfléchies.
« J'ai posé un enchantement sur cette pièce. Je voulais éviter que tout le bordel prenne le temps. Ton regard s'élève en direction de la plaine, tu hausses un sourcil d'un air incertain. Je n'y pensais pas quand j'ai... Quand j'ai foutu le feu. Enfin, ça m'est revenu, depuis le temps. Je me dis que ça vaudrait le coup de vérifier.
Tu plonges tes yeux noirs dans les prunelles de ta fille, attentif aux émotions qui pourraient s'y trouver. Après quoi, tu t'écartes doucement d'elle afin d'avancer en direction de la maison.
« Attention où tu mets les pieds.
Dis-tu en montant sur les ruines de la terrasse qui se trouvait sous le porche d'entrée. Les planches noircies tiennent encore en place pour la plupart, mais tu sens qu'elles pourraient céder au moindre faux mouvement. Pour le reste, il faut trouver son chemin au milieu des restes carbonisés. Dans ce qui fut la pièce principale, seules les fondations demeurent (le cœur de l'incendie). Des débris métalliques rouillés parsèment le tout, rendant votre avancée périlleuse (et c'est sans compter sur les buissons d'épine et les arbustes enchevêtrés qui ont pris racine avec le temps). De temps en temps, ton regard accroche un fragment de céramique ou de verre, reste d'un vieil objet à vous. Finalement, il te faut bien cinq minutes pour retrouver ce que tu cherchais, à l'origine.
Un coup de baguette magique repousse tous les décombres accumulés sur l'ancienne trappe permettant d'accéder au sous sol. Sous la poussière et les cendres, on découvre une imposante plaque de bois massif ferrée et cloutée noircie, mais relativement bien préservée (sans doute grâce au tapis qui la recouvrait au moment de l'incendie). Tu passes la main sur la poussière jusqu'à dégager le gros anneau de fer qui permet de l'ouvrir. L'instant d'après, on entend grincer les gonds rouillés, pratiquement soudés ensemble sous l'effet des ans.
Un rayon de lune dévoile le vieil escalier de bois permettant d'accéder au sous-sol. Il semble totalement préservé. Tu sens une odeur de renfermé émaner de la pièce. Odeur identique à l'époque où vous habitiez là et que le ranch tenait encore debout (probablement un effet du sortilège). Cet arrière goût du passé, tellement authentique, tellement frais dans son ancienneté, te fait l'effet d'une claque bien plus bouleversante que l'image de la maison détruite. Tu te revois descendre dans ce même sous-sol pour faire ton bricolage, tes « trucs d'homme », comme aimait le dire ta femme.
Finalement, tu prends les devants de l'exploration, pas tant par volonté de primauté que pour des questions de sécurité. Tu guides votre duo jusqu'au bas des escaliers, dans la pénombre parfaite de cette cave (et qui ne vous permet pas de voir).
Un nouveau coup de baguette magique, comme une expérience destinée à connaître le dénouement de cette affaire : la lueur du sortilège quitte l'extrémité de ton outil pour venir se ficher dans une série de lanterne, éclairant tour à tour les différents recoins de l'espace.
Alors, se dévoile un encombrement formidable d'affaires, de cartons en pagailles, de meubles, des portants débordants de vêtements, des breloques, des bibelots, des livres, des cadres et ainsi de suite. Tout ce que tu chercha à éliminer de ta vue, quand la peine liée à la mort de Dalia fut trop vive : tout était là, intact, parfaitement préservé, comme s'il ne s'était pas écoulé un seul jour depuis dix ans. A peine un grain de poussière, rien. Tout sentait encore le vernis et la cire, tout étincelait, respirait la lessive, la fraîcheur : le passé.
La bulle avait résisté et, avec elle, ce qui fit la vie de Dalia Volkine.
Cependant, comme tu accueilles sa silhouette chétive (par comparaison) contre ta poitrine (qui, par intermittence, se soulève en profondes respirations), des images du passé affluent. Tu te rappelles combien elle ressemble à Dalia et, par extension, combien le souvenir de cette vie te manqua. Néanmoins, tu réalises bien, maintenant, qu'il n'en reste plus que des cendres et qu'il faut continuer à aller de l'avant. Laisser tout ceci derrière, une bonne fois pour toute. Oui, tu es là pour achever ce deuil, car tu as de nouveaux projets. Telles sont les exigences de l'existence.
D'ici là, il vous reste encore des choses à voir. Tu caresses l'épaule de Jolene de cette façon paternelle que tu as, avant de lui embrasser le front (comme si elle était toujours petite fille). Ton regard cherche le sien, car tu as des choses à dire (cette étreinte t'aura visiblement aidé à reprendre contenance).
« Si tu te rappelles bien, il y avait un sous-sol, dans la maison. Dis-tu. Quand ta mère est partie, j'y ai entreposé tout un tas de vieilleries. Pas mal de ses affaires, pour... Faire le tri et éviter d'avoir à y penser, on va dire.
Ton regard s'intensifie, comme c'est toujours le cas lorsque tu évoques des choses longuement réfléchies.
« J'ai posé un enchantement sur cette pièce. Je voulais éviter que tout le bordel prenne le temps. Ton regard s'élève en direction de la plaine, tu hausses un sourcil d'un air incertain. Je n'y pensais pas quand j'ai... Quand j'ai foutu le feu. Enfin, ça m'est revenu, depuis le temps. Je me dis que ça vaudrait le coup de vérifier.
Tu plonges tes yeux noirs dans les prunelles de ta fille, attentif aux émotions qui pourraient s'y trouver. Après quoi, tu t'écartes doucement d'elle afin d'avancer en direction de la maison.
« Attention où tu mets les pieds.
Dis-tu en montant sur les ruines de la terrasse qui se trouvait sous le porche d'entrée. Les planches noircies tiennent encore en place pour la plupart, mais tu sens qu'elles pourraient céder au moindre faux mouvement. Pour le reste, il faut trouver son chemin au milieu des restes carbonisés. Dans ce qui fut la pièce principale, seules les fondations demeurent (le cœur de l'incendie). Des débris métalliques rouillés parsèment le tout, rendant votre avancée périlleuse (et c'est sans compter sur les buissons d'épine et les arbustes enchevêtrés qui ont pris racine avec le temps). De temps en temps, ton regard accroche un fragment de céramique ou de verre, reste d'un vieil objet à vous. Finalement, il te faut bien cinq minutes pour retrouver ce que tu cherchais, à l'origine.
Un coup de baguette magique repousse tous les décombres accumulés sur l'ancienne trappe permettant d'accéder au sous sol. Sous la poussière et les cendres, on découvre une imposante plaque de bois massif ferrée et cloutée noircie, mais relativement bien préservée (sans doute grâce au tapis qui la recouvrait au moment de l'incendie). Tu passes la main sur la poussière jusqu'à dégager le gros anneau de fer qui permet de l'ouvrir. L'instant d'après, on entend grincer les gonds rouillés, pratiquement soudés ensemble sous l'effet des ans.
Un rayon de lune dévoile le vieil escalier de bois permettant d'accéder au sous-sol. Il semble totalement préservé. Tu sens une odeur de renfermé émaner de la pièce. Odeur identique à l'époque où vous habitiez là et que le ranch tenait encore debout (probablement un effet du sortilège). Cet arrière goût du passé, tellement authentique, tellement frais dans son ancienneté, te fait l'effet d'une claque bien plus bouleversante que l'image de la maison détruite. Tu te revois descendre dans ce même sous-sol pour faire ton bricolage, tes « trucs d'homme », comme aimait le dire ta femme.
Finalement, tu prends les devants de l'exploration, pas tant par volonté de primauté que pour des questions de sécurité. Tu guides votre duo jusqu'au bas des escaliers, dans la pénombre parfaite de cette cave (et qui ne vous permet pas de voir).
Un nouveau coup de baguette magique, comme une expérience destinée à connaître le dénouement de cette affaire : la lueur du sortilège quitte l'extrémité de ton outil pour venir se ficher dans une série de lanterne, éclairant tour à tour les différents recoins de l'espace.
Alors, se dévoile un encombrement formidable d'affaires, de cartons en pagailles, de meubles, des portants débordants de vêtements, des breloques, des bibelots, des livres, des cadres et ainsi de suite. Tout ce que tu chercha à éliminer de ta vue, quand la peine liée à la mort de Dalia fut trop vive : tout était là, intact, parfaitement préservé, comme s'il ne s'était pas écoulé un seul jour depuis dix ans. A peine un grain de poussière, rien. Tout sentait encore le vernis et la cire, tout étincelait, respirait la lessive, la fraîcheur : le passé.
La bulle avait résisté et, avec elle, ce qui fit la vie de Dalia Volkine.
- InvitéInvité
Re: (Colorado) The ashes of us.
Mar 28 Avr 2020 - 22:05
The ashes of us - ft.@mirko volkine31 décembre 2020C'est dur pour toi, de te retrouver là. Tu ne peux, toutefois, qu'imaginer que c'est la même douleur pour ton père. Peut-être plus dur, d'une certaine façon. Il a connu plus longtemps ta mère que toi. Tu as l'impression t'en avoir été privée si jeune! A cet instant, alors que vous êtes près de grimper les quelques marches qui mènent à ce qu'il reste du porche, tous tes souvenirs semblent s'envoler. C'est, presque, comme si tu étais amnésique. Presque. Il reste cette douleur, sourde qui engourdit tes membres et ton coeur. Cette douleur qui refuse de s'envoler quand bien même tu souhaiterais tout oublier. Tu as envie de demander à ton père de faire demi-tour, de remonter en voiture et de t'enfuir, loin. Tu n'en fais rien, pourtant, et lorsqu'il commence à te parler de la cave et de ce qu'elle renferme, tu te contentes de hocher la tête. Peut-être songes-tu au sujet de cette pièce cachée. Pourtant, tu es soulagée de savoir qu'il y a un endroit qui renferme les affaires de ta mère. Peut-être que son odeur y est encore enfermée? Cette douce odeur de fleurs, d'épice et de soleil. Peut-être ton père a-t-il gardé certains vêtements comme ce foulard que tu aimais lui piquer... Celui avec les dalias, justement. Et ce collier qu'elle tenait de ses parents que tu mettais quand tu étais petite, dans le dos de tes parents en imaginant qu'en grandissant, tu deviendrais aussi belle que ta mère...
Ton coeur se serre à ses souvenirs et ta main se raffermit sur celle de ton père. Te voilà désormais incapable de le lâcher, comme si c'était la seule chose qui te retenait dans le présent au lieu de t'emmener dans des souvenirs doux-amers. Tu prends une inspiration profonde qui se termine presque dans un sanglot lorsque tu comprends que cette pièce, c'est votre destination. Une plongée dans le passé te tend les bras, et tu ne sais pas si tu y es prête. Malgré ton envie de fuir, tu ne détournes pas les yeux lorsque ton père accroche ton regard du sien. Tu tentes, au contraire, de rester impassible. Comme si tu craignais que le moindre geste, la moindre émotion ne fasse flancher sa résolution et que vous ne repartiez en arrière. Il en a trop dit. Malgré ton angoisse, tu veux retrouver les affaires de ta mère. Aussi, lorsque ton père entame la montée, tu le suis la gorge toujours nouée.
Tu n'as pas dit un mot, encore, la langue toujours plaquée contre ton palais. Tu es, littéralement muette toi qui te vantes, parfois, d'avoir de la répartie. Mais le moment est trop solennel. Rien de ce que tu pourrais dire ne pourrait rendre justice à cet instant. Tu suis les pas de ton père au milieu des restes carbonisés. Malgré le temps qui a passé, tu as l'impression de sentir encore l'odeur de brûlé à la poussière qui remue sous vos pas. Et pourtant, lorsque tu clignes des yeux, tu reviens une fois encore en arrière, les murs se dressent autour de vous, le plafond, le toit reprennent leur place de même que les meubles. Tu entends le bruit de l'horloge dans la salle à manger, le mouvement dans la cuisine: ta mère qui prépare le repas. Tu es à deux doigts de prendre cette direction lorsque vous parvenez à destination: à la trappe que ton père a tôt fait de dégager pour l'ouvrir et livrer le passage jusqu'à la la cave.
Tu avales difficilement ta salive lorsque l'antre noir se dévoile. Pas parce que tu as peur du noir, mais à caude de ce qu'il renferme. Tu inspires à plein poumons, t'attendant à sentir le parfum si familier de ta mère, mais c'est une odeur de renfermé qui t'agresse les narines et te fait éternuer. Et pourtant, cette odeur est vaguement familière. Mais enfant, tu n'es jamais trop allée dans la cave. Pas par peur du monstre, mais parce que tu n'avais rien à y faire. Mais au moins, ce n'est pas une odeur de brûlé qui sort de l'endroit. Et rien que ça, c'est agréable.
Tu laisses ton père descendre d'abord, secrètement soulagée qu'il le fasse. Que ce soit par primauté que pour autre chose. C'est rassurant de ne pas y aller en premier. A ton tour, par unLumos à peine murmuré, tu allumes ta baguette et tu repousses la boule de lumière pour qu'elle aille se loger dans les autres lanternes des lieux, complétant ainsi le geste de ton père.
Ce n'est qu'après que tu prêtes attention à tout ce qui encombre la pièce. des cartons, des meubles, des portants de vêtements. Tout ce qui faisait ta mère est présent ici. Sauf son parfum. Même si tu avises un flacon sur ce qui était sa coiffeuse. Les larmes te montent aux yeux alors que tu t'approches du meubles et que tu prends l'objet. Tu appuies sur la petite boule d'air, mais ce qui es sort est loin de tes souvenirs. Peut-être l'odeur a-t-elle tournée ou était-ce ta mère elle-même qui donnait cette fragrance si subtile... Tu ne le sais pas. Mais tu es déçue, finalement. "Je m'attendais à ce que son parfum soit là, encore..." murmures-tu enfin. Premières paroles qui sortent de ta bouche depuis le début du voyage.
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