- InvitéInvité
Coffee Break.
Mar 21 Jan 2020 - 5:26
L’amoncellement de légumes pour chacun des plats de grès — ceux-ci s’accumulant eux-même en nombre faramineux autour de lui — semblait continuer de se décupler à chaque regard et pourtant, Sebastian gardait le rythme, ne relevant la tête que pour jeter un oeil de plus en plus embêté en direction de la grande horloge des cuisines. Si les aromates destinées à ses salades du midi n’atterrissaient pas très bientôt sous le tranchant de son couteau, il allait devoir faire appeler un serviteur aux oreilles un peu moins longues que celles de son fidèle sous-chef, qui ne tarda d’ailleurs pas à se matérialiser devant l’âtre, bouquet de feuillages à la main.
— Pardon maître Donovan, Polby est bien aller chercher les herbes comme le maître l’a demandé, mais Polby devait consulter le calendrier avant de revenir, parce que le Maître Deldago était là aussi et que Polby n’avait pas préparé le café.
Comme de coutume lorsque les aléas de son environnement avaient raison de sa concentration et afin de préserver intactes chacune de ses phalanges, Sebastian stoppa net l’élan de sa lame avant d’en poser le flan directement contre sa planche, annonçant ainsi qu’il s’accordait une pause dans son ouvrage. Ses sourcils se froncèrent presque malgré lui, peignant un air plus inquiet que sévère sur son visage.
— What d’you mean Evandro was there ? What was he doing ?
Le Brésilien ne ratant jamais de lui faire suivre un hibou — ou minimalement l’ébauche d’un patronus — lorsque l’une de ses expériences nécessitait un ingrédient cultivé par ses soins, l’aîné Donovan s’interrogeait à savoir s’il n’avait pas bêtement raté un récent mémo. Les parchemins volants avaient après tout la fâcheuse habitude d’atterrir dans la première marmite sur leur route et si l’héritier se trouvait avec un besoin pressant d’une verdure fraîche, peut-être l’en aviserait-il à retardement devant un prochain breuvage ?
— Polby ne sait pas patron, Polby n’a pas demandé et le Maître Delgado ne lui as rien dit, mais il se tenait au grand évier où Polby rince les légumes.
Cette fois, l’air rembruni de l’Irlandais s’accentua, suffisamment du moins pour que la brave créature — quoique décidément trop servile — à ses pieds s’en trouve inquiétée à son tour. Quelque chose clochait.
— Est-ce que Maître Donovan souhaite que Polby prépare quand même la cafetière du samedi ?
Par là, l’elfe de maison entendait qu’il adjoindrait simplement une carafe de crème irlandaise à celle qu’il avait déjà l’habitude de préparer tous les matins, mais le chef cuisinier éleva aussitôt la main dans un geste vague, l’invitant à ne rien en faire. Le trentenaire eut à nouveau un mouvement de tête à l’attention du pendule dont il s’était fait l’esclave en signant un contrat auprès d’Ezechiel McArthur, puis il expira profondément et laissa ses épaules s’affaisser légèrement, trahissant déjà un certain renoncement via-à-vis ses engagements.
— Non, non. Je… I’m gonna go and check on him.
Dans le meilleur des mondes, cette dérogation de l’héritier n’était qu’anecdotique et le cuisinier serait de retour avant même que les herbages de Polby n’aient touché la surface de marbre du comptoir principal. Sinon, if bad come to worst, et bien, il n’y avait sans doute pas de dîner qui tienne de toute façon.
— Take me there. ordonna t-il doucement, dans une formule qui aurait sans doute choqué plus d’un sorcier mais dont il connaissait mieux que quiconque l’efficience et les aboutissements.
Un claquement de doigts plus tard, le chef et son acolyte ouvraient donc tous deux les yeux sur un nouveau décor, malgré que celui-ci leur soit bien connu. Un premier balayage visuel de l’endroit plaça Evandro exactement là où il avait été annoncé, soit face au miroir du grand évier où ses mains — encrassées de terreaux — étaient appuyés à chaque rebords, n’offrant que son dos à la vue des autres. Autour de lui, tout semblait pourtant bien à sa place, plants, outils et autres arbustes s’y alignant comme de coutume, sans la moindre trace d’ouragans invisibles. Still, something was off, way off.
— Hum, Ev’ ? s’annonça L’irlandais, d’abord faiblement.
Non pas qu’il eut été été apte à pratiquer la legilimancie de toute façon, mais considérant les aptitudes d’occlumens de l’héritier Delgado, Sebastian savait bien qu’il n’aurait de réponses que si le Brésilien se décidait à en offrir. Face à cet esprit impénétrable, la patience rivalisait à la confiance.
— Care to tell me what’s going on ? insista t-il tout de même avec des mots un peu plus appuyés.
- InvitéInvité
Re: Coffee Break.
Jeu 30 Jan 2020 - 2:42
Le mal courait au travers ses veines, trouble voyageant tel un venin douloureux. La force de combattre le quittait doucement, incertitude qu’il n’arrivait plus à vaincre tandis que les souvenirs fracassaient son esprit. Pris entre les désirs et les compromis, les envies et obligations imposées, il peinait à se retrouver, chemin ténébreux qu’il naviguait sans lumière. Il avait l’impression d’observer une vie qui n’était plus la sienne, marionnette dont il ne contrôlait plus les ficelles ; un simple pantin désarticulé qu’on avait abandonné. Le regard plongé au creux du drain, il pouvait presque voir sa vie dégouliner, disparaître dans la sombritude. Il ne sentait plus ses mains, serrées contre les bords de l’évier, ses jointures blanchâtres sous la force de sa propre emprise. Sur sa peau, la terre ternissait son teint bronzé, saletés aussi envahissantes que son humeur morose. Un soupir franchit ses lèvres, son qui semblait résonner dans ses entrailles. Les solutions lui manquaient aux problèmes qui eux s’accumulaient, s’empilaient ; désordre lourd qu’il sentait jusque sur ses épaules.
Le bruit caractéristique du transplanage le sortit de ses pensées, ses épaules se raidissant sous le fracas de sa surprise. Telle une proie au prise par les griffes d’un prédateur, l'héritier resta immobile, statue figée dans l’espace d’un moment. Ses doigts resserrèrent les pans de l’évier, ses jointures blanchissant un peu plus sous la force de sa poigne tandis qu’il attendait, la nervosité tiraillant son calme habituel. Les êtres s’aventurant dans les serres réservées étaient limités, il le savait. Et pourtant, la logique semblait jouer de son absence, vide complet dans son esprit. Vide, outre l’espoir qu’il ne serait pas remarqué. Désir de solitude, désir d’être oublié ; il ne voulait que anéantir les émotions envahissantes. Le surnom utilisé annonça à lui-seul l’identité du nouvellement arrivé. Ev’. Seul Baz utilisait la première syllabe de son nom pour l’interpeller, saveur qui lui était toute unique. Ses paupières se refermèrent. Ses épaules se relachèrent. Et d’un soupir épuisé, le jeune homme retrouva la posture de l’héritier, redressant le dos qui ne voulait que s'effondrer contre le sol. Le jeune homme puisa dans ses maigres forces pour faire face à son ami, la lenteur de son geste sans exagération forcée ; douloureuse victime d’un épuisement qu’il peinait réellement à combattre. Son regard se perdit quelques instants au sol, observant les feuilles tombées d’un air interdit. Tableau de nature morte dans un environnement débordant de vie ; le jeune homme ne pouvait que sourire à l’ironie, rictus qui s’évanouissa pourtant rapidement. Distrait et perdu, ses yeux s’accrochaient au moindre détail, répit inutile qu’il s’accordait avant d’affronter le regard sombre du cuisinier. Masque nébuleux, le brésilien ne tentait même plus d’anéantir le reflet des émotions que son visage portait. Une main se leva vers son cou, frottant sa nuque sans considération pour la terre qu’il étendait contre sa peau basanée.
“Even if I wanted to… I wouldn’t know where to start”, murmura-t-il, l’accent latino colorant les mots de son anglais habituellement parfait. Tant de choses virevoltaient dans son esprit, débordement incontrôlé d’un trop plein. Deux mois. Deux mois à peine et sa vie se retrouvait chamboulée, basculée. Il peinait à distinguer le familier, à s’accrocher au naturel. Et pourtant. Devant lui se tenait l’un de ses seuls repères, phare lumineux survolant une mer sans pitié. Ou peut-être était-ce une mère sans pitié ? Un rire sans joie s’évada de ses lèvres sans sourire. “Everything went to shit, Baz”, avoua-t-il finalement, le décorum balayé par les paroles rustres. Aux côtés de celui qu’il considérait comme un frère, le naturel reprenait le dessus, les conventions disparaissant sans se soucier des apparences, des parures forcées. “Everything”. Mot qu’il répétait plus pour lui que pour son ami, chaque syllabe lourde. Son regard s’évada de nouveau, retrouvant confort dans la verdure qui entourait les deux hommes ; sentiment réconfortant auquel il tentait de se raccrocher. How did it go so wrong so fast?
Le bruit caractéristique du transplanage le sortit de ses pensées, ses épaules se raidissant sous le fracas de sa surprise. Telle une proie au prise par les griffes d’un prédateur, l'héritier resta immobile, statue figée dans l’espace d’un moment. Ses doigts resserrèrent les pans de l’évier, ses jointures blanchissant un peu plus sous la force de sa poigne tandis qu’il attendait, la nervosité tiraillant son calme habituel. Les êtres s’aventurant dans les serres réservées étaient limités, il le savait. Et pourtant, la logique semblait jouer de son absence, vide complet dans son esprit. Vide, outre l’espoir qu’il ne serait pas remarqué. Désir de solitude, désir d’être oublié ; il ne voulait que anéantir les émotions envahissantes. Le surnom utilisé annonça à lui-seul l’identité du nouvellement arrivé. Ev’. Seul Baz utilisait la première syllabe de son nom pour l’interpeller, saveur qui lui était toute unique. Ses paupières se refermèrent. Ses épaules se relachèrent. Et d’un soupir épuisé, le jeune homme retrouva la posture de l’héritier, redressant le dos qui ne voulait que s'effondrer contre le sol. Le jeune homme puisa dans ses maigres forces pour faire face à son ami, la lenteur de son geste sans exagération forcée ; douloureuse victime d’un épuisement qu’il peinait réellement à combattre. Son regard se perdit quelques instants au sol, observant les feuilles tombées d’un air interdit. Tableau de nature morte dans un environnement débordant de vie ; le jeune homme ne pouvait que sourire à l’ironie, rictus qui s’évanouissa pourtant rapidement. Distrait et perdu, ses yeux s’accrochaient au moindre détail, répit inutile qu’il s’accordait avant d’affronter le regard sombre du cuisinier. Masque nébuleux, le brésilien ne tentait même plus d’anéantir le reflet des émotions que son visage portait. Une main se leva vers son cou, frottant sa nuque sans considération pour la terre qu’il étendait contre sa peau basanée.
“Even if I wanted to… I wouldn’t know where to start”, murmura-t-il, l’accent latino colorant les mots de son anglais habituellement parfait. Tant de choses virevoltaient dans son esprit, débordement incontrôlé d’un trop plein. Deux mois. Deux mois à peine et sa vie se retrouvait chamboulée, basculée. Il peinait à distinguer le familier, à s’accrocher au naturel. Et pourtant. Devant lui se tenait l’un de ses seuls repères, phare lumineux survolant une mer sans pitié. Ou peut-être était-ce une mère sans pitié ? Un rire sans joie s’évada de ses lèvres sans sourire. “Everything went to shit, Baz”, avoua-t-il finalement, le décorum balayé par les paroles rustres. Aux côtés de celui qu’il considérait comme un frère, le naturel reprenait le dessus, les conventions disparaissant sans se soucier des apparences, des parures forcées. “Everything”. Mot qu’il répétait plus pour lui que pour son ami, chaque syllabe lourde. Son regard s’évada de nouveau, retrouvant confort dans la verdure qui entourait les deux hommes ; sentiment réconfortant auquel il tentait de se raccrocher. How did it go so wrong so fast?
- InvitéInvité
Re: Coffee Break.
Lun 17 Fév 2020 - 7:56
Rare était les âmes qui trouvaient réconfort dans l’atmosphère toujours un peu humide et étouffante d’une serre, qu’importe que la vocation particulière de celle-ci soit tropicale ou bien simplement jardinière. D’ailleurs, on croyait bien souvent — et en partie à tort — que c’était simplement pour leur capacité à transformer le dioxyde de carbone en oxygène que les plantes — concentrées ici en un même lieu — étaient profitables à notre santé, qu’on pouvait dès lors venir s’y ressourcer par grandes bolées d’air pur.
“Even if I wanted to… I wouldn’t know where to start”
Pour d’autres, l’attrait de ces agglomérations de verdures tenait à un tout autre alignement, celui de plusieurs billets de banque et autres pièces de monnaies tintantes. C’est d’ailleurs à cette seconde catégorie qu’on avait relégué Evandro, le prédestinant à considérer chaque feuille, arbuste et autre feuillage présents sur sa route comme la donnée chiffrable d’un tableau de revenu, comme d’un bénéfice net ou bien d’une perte calculée, qu’importe qu’il lui fut donné ou non d’entendre l’appel de la botanique. À lui, on avait imposé une vision sans ne jamais se douter que les plantes cachaient encore un pouvoir au-delà de la photosynthèse ; la capacité d’éveiller en leur bienfaiteur une profonde sympathie.
“Everything went to shit, Baz”
Ainsi, qu’importe que vous soyez un simple jardinier du dimanche ou un maître potionniste accompli, prendre soin d’un autre organisme vivant éveillera forcément en vous de la compassion et un certain sens de responsabilité, des qualités qui s’étaient imposées elles aussi au caractère d’Evandro au fil des ans. Si le Lufkin n’en était pas déjà pleinement conscient aujourd’hui, l’aîné Donovan lui, avait été aux premières loges de leur épanouissement.
Aux yeux de l’Irlandais, l’héritier Delgado pouvait presque être ce que Chaplin qualifiait d’acteur merveilleux ; l’équilibre parfait de l’intelligence et de la sensibilité, puis le trentenaire se plaisait alors à croire qu’une part de cette harmonie — dans sa seconde moitié du moins — tenait à cette proposition qu’il lui avait fait d’entretenir leur relation comme l’on s’occupe d’une plante, avec cette confiance pas si aveugle que l’exercice en viendrait à leur procurer ce même sentiment d’apaisement.
“Everything”
Il était donc difficile de voir l’occlumens se flétrir ainsi, lentement, sans qu’il ne fut donné au cuisinier de comprendre pourquoi. Maître dans l’art de projeter invariablement ce reflet d’une confiance plus adroite qu’orgueilleuse, le sorcier au sang-pur ne lui avait jamais laissé l’impression de porter de masque superflus en sa présence ; il se présentait chaque fois avec les mêmes égards, les mêmes ambitions et les mêmes habits, sans simulacres quoi. Et pourtant.
— Ok.
Les prunelles sombres du cuisto n’avaient pas quittés le Brésilien un seul instant et son expression était demeuré la même, sans dissimulation pour l’inquiétude modéré qui l’habitait. Sinon peut-être à l’instant même de leur première rencontre, Baz n’avait jamais proprement douté que ses dispositions et intentions soient limpides aux yeux de l’étudiant en sciences occultes, aussi il ne prit point le temps de se justifier avant d’empoigner la seule chaise de toute la serre qui ne soit dotée d’accoudoirs et d’un petit dosseret. L’ex-représentant rouge et or n’eut au final besoin que de quelques secondes pour venir déposer le siège de bois vernis aux pieds du latino.
— Assis-toi. commanda t-il d’un ton lent, avec l’intention bienveillante de ne pas imposer de paroles explétives.
Puis, dans l’attente de son ami ne s’exécute, Baz se dirigea à son tour vers le grand évier de la serre où il prit soin de verser un peu d’eau fraîche dans la première tasse émaillée — mais surtout propre — qu’il eut la possibilité de trouver. De retour auprès de l’héritier que l’agitation secouait encore, il tendit simplement le contenant droit devant lui, invitant son compagnon à s’en saisir.
— How about you start from the beginning ?
Si la question semblait aussi ouverte que dérisoirement facile dans son contexte, elle ne couvait évidemment aucune moquerie, plutôt un trouble manifeste face à la perte de cette imperméabilité qui avait toujours habillé la vulnérabilité de l’héritier. Soucieux de rejoindre le même horizon que celui de son homologue, Sebastian renversa une large bûche qui bordait l’allée des plantes herbacées avant de s’installer plus ou moins confortablement au sommet de celle-ci. Sans appréhensions particulières pour ce qu’il s’apprêtait à entendre, son regard demeurait planté sur ce visage où un débordement imminent semblait s'annoncer.
- InvitéInvité
Re: Coffee Break.
Sam 28 Mar 2020 - 14:11
Il avait envie de s'effondrer, de se laisser couler au sol. Épuisé, il se sentait dépassé par la situation. Tout avait commencé par ses aveux, instigatrices d’une dispute aux répercussions immenses. Elle s’était fâchée contre lui la belle, emportée par le courant de sa trahison. Et si au premier abord, le lufkin avait gardé une pointe d’espoir, une minuscule espérance qu’elle reviendrait un jour, son optimisme s’était amoindri. De jour en jour, il l’avait regardé de loin, espérant. Et de jour en jour, elle s’était éloignée un peu plus, le délaissant. Il ne pouvait pas lui en vouloir à sa beauté sauvage, oh good god, non. Mais il ne pouvait pas non plus faire taire la douleur de ses entrailles, la torture de son coeur. Tout lui manquait d’elle ; son rire, sa posture, même son petit regard hautain qu’elle lançait aux plus ignorants de son monde. Et maintenant, chaque fois qu'elle le regardait, c'était avec un dédain qui dépassait même ceux qu'elle offrait aux plus sots de ce monde.
"Ok."
Un mot. Un simple mot. C'était la réponse qu'il avait obtenue. Une réponse sans prétendu, sans fausses intentions. Et pourtant, il n'aurait pas pu souhaiter mieux. Face à lui se tenait un visage inchangé, la douceur du familier, le confort du connu. Dans un monde où tout semblait s'être effondré, changé par des forces dévastatrices, Baz, lui, demeurait sa constance, la variable immuable. Si quelques heures auparavant le brésilien ne savait plus vers qui se tourner, abandonné dans les ténèbres de son incertitude, il se demandait maintenant comment il avait pu oublier que dans les conforts des cuisines, se cachait cet homme à la place toute particulière dans son coeur. Enfin, un fond de lui ne l’avait très certainement pas oublié, petite voix soufflant à son oreille que dans tous les refuges choisis, c’est bien la serre dédiée aux cuisines qui fut son choix ultime.
"Assis-toi."
Il jouait d'automatisme. Un petit hochement de tête et le latino attrapait la chaise par son dossier, la replaçant derrière lui avant de s'affaisser contre celle-ci. Élégance amoindrie, l'héritier se sentait imposteur, irréel ; complètement perdu dans un océan où chaque vague semblait venir d'une direction différente. Coudes appuyés contre ses cuisses, son visage vint trouver refuge contre ses paumes ouvertes. Noirceur libératrice, l'homme s'abandonnait lentement. Il avait oublié que le stoïcisme de ses traits était un travail constant de vouloir, un réflexe qui lorsque tout s'effondrait, devenait une lourde tâche. Alors il laissait les traits s'effondrer, doucement, lentement. Changement dans la lumière, il releva le menton, posant ses yeux sur la tasse remplie d'eau qui lui était proposée. Il l'attrapa d'une main, remerciant lui cuistot d'un “merci” murmuré, un léger sourire sans réel éclat rejoignant ses lèvres.
"How about you start from the beginning ?"
Un nouveau hochement de tête, accord muet, et le cadet callait le verre d'eau avec autant d'entrain que si le contenant possédait la couleur ambrée d'un breuvage beaucoup plus alcoolisé. Une main vint passer au travers sa chevelure quelque peu en bataille, main dénonciatrice de sa nervosité bouillonnante. Si l’héritier Delgado avait accepté de commencer par le début, il trouvait malgré tout la tâche beaucoup plus difficile qu’espérée. Par où commencer ? Devait-il s’élancer dans les détails de sa relation avec Adalia ? Aborder le secret qu’il avait osé révélé, brisant par le fait même cette relation si importante à ses yeux ? Ou bien le bal, où l’espoir lui était revenu, doucement, sournoisement avant que leur discussion ne soit interrompue par la meute Blackthorn ? Ou bien… devait-il lui annoncer à brûle-pourpoint le changement de son statut marital ? Les pensées virevoltaient dans son esprit, se fracassant l’une contre l’autre. Lorsque Evandro croyait enfin détenir une piste, celle-ci se retrouvait remplacée par un ressenti nouveau, un souvenir imposé. Son esprit détenait si souvent l’organisation d’une bibliothèque bien rangée que lorsque ses pensées s’hasardaient à déroger de leur ordre calculé, le lufkin perdait tous ses moyens, égaré. Il prit de ces grandes respirations qui vous laissait plus essoufflé que rafraichi, l’air agité navigant rapidement. Il releva le regard qu'il n'avait pas réalisé avoir baissé, croisant le regard inquisiteur de son meilleur ami, et de lui, s’évada de ces aveux qui était impossible de planifier. Voix à peine plus haute qu’un murmure, Evandro laissa cette phrase prendre vie. Ce secret qu’il s’était refusé de s’avouer, même à lui-même. Ce secret qui le déchirait plus encore que la promesse faite au patriarche Villanueva. Ce secret qui, au final, possédait tout le poids, mais aussi tout l’or du monde.
"Baz… I think I'm in love."
"Ok."
Un mot. Un simple mot. C'était la réponse qu'il avait obtenue. Une réponse sans prétendu, sans fausses intentions. Et pourtant, il n'aurait pas pu souhaiter mieux. Face à lui se tenait un visage inchangé, la douceur du familier, le confort du connu. Dans un monde où tout semblait s'être effondré, changé par des forces dévastatrices, Baz, lui, demeurait sa constance, la variable immuable. Si quelques heures auparavant le brésilien ne savait plus vers qui se tourner, abandonné dans les ténèbres de son incertitude, il se demandait maintenant comment il avait pu oublier que dans les conforts des cuisines, se cachait cet homme à la place toute particulière dans son coeur. Enfin, un fond de lui ne l’avait très certainement pas oublié, petite voix soufflant à son oreille que dans tous les refuges choisis, c’est bien la serre dédiée aux cuisines qui fut son choix ultime.
"Assis-toi."
Il jouait d'automatisme. Un petit hochement de tête et le latino attrapait la chaise par son dossier, la replaçant derrière lui avant de s'affaisser contre celle-ci. Élégance amoindrie, l'héritier se sentait imposteur, irréel ; complètement perdu dans un océan où chaque vague semblait venir d'une direction différente. Coudes appuyés contre ses cuisses, son visage vint trouver refuge contre ses paumes ouvertes. Noirceur libératrice, l'homme s'abandonnait lentement. Il avait oublié que le stoïcisme de ses traits était un travail constant de vouloir, un réflexe qui lorsque tout s'effondrait, devenait une lourde tâche. Alors il laissait les traits s'effondrer, doucement, lentement. Changement dans la lumière, il releva le menton, posant ses yeux sur la tasse remplie d'eau qui lui était proposée. Il l'attrapa d'une main, remerciant lui cuistot d'un “merci” murmuré, un léger sourire sans réel éclat rejoignant ses lèvres.
"How about you start from the beginning ?"
Un nouveau hochement de tête, accord muet, et le cadet callait le verre d'eau avec autant d'entrain que si le contenant possédait la couleur ambrée d'un breuvage beaucoup plus alcoolisé. Une main vint passer au travers sa chevelure quelque peu en bataille, main dénonciatrice de sa nervosité bouillonnante. Si l’héritier Delgado avait accepté de commencer par le début, il trouvait malgré tout la tâche beaucoup plus difficile qu’espérée. Par où commencer ? Devait-il s’élancer dans les détails de sa relation avec Adalia ? Aborder le secret qu’il avait osé révélé, brisant par le fait même cette relation si importante à ses yeux ? Ou bien le bal, où l’espoir lui était revenu, doucement, sournoisement avant que leur discussion ne soit interrompue par la meute Blackthorn ? Ou bien… devait-il lui annoncer à brûle-pourpoint le changement de son statut marital ? Les pensées virevoltaient dans son esprit, se fracassant l’une contre l’autre. Lorsque Evandro croyait enfin détenir une piste, celle-ci se retrouvait remplacée par un ressenti nouveau, un souvenir imposé. Son esprit détenait si souvent l’organisation d’une bibliothèque bien rangée que lorsque ses pensées s’hasardaient à déroger de leur ordre calculé, le lufkin perdait tous ses moyens, égaré. Il prit de ces grandes respirations qui vous laissait plus essoufflé que rafraichi, l’air agité navigant rapidement. Il releva le regard qu'il n'avait pas réalisé avoir baissé, croisant le regard inquisiteur de son meilleur ami, et de lui, s’évada de ces aveux qui était impossible de planifier. Voix à peine plus haute qu’un murmure, Evandro laissa cette phrase prendre vie. Ce secret qu’il s’était refusé de s’avouer, même à lui-même. Ce secret qui le déchirait plus encore que la promesse faite au patriarche Villanueva. Ce secret qui, au final, possédait tout le poids, mais aussi tout l’or du monde.
"Baz… I think I'm in love."
- InvitéInvité
Re: Coffee Break.
Ven 24 Avr 2020 - 7:15
C’était chaque fois une scène étrange que celle d’assister à l’effondrement des barrières d’un coeur, entre autre pour ce que ces représentations avaient de commun aussi bien que d’antagonique. Parce que la nourriture et les sentiments allaient bien souvent de pairs, il avait été donné à Sebastian d’être le spectateur invité d’un grand nombre d’entre elles ces dernières années, plus souvent qu’autrement contre son gré et même parfois installé au premier rang, à son plus grand découragement. Combien de fois l’avait-on imploré — dans les limites déraisonnable de son emploi du temps — de produire un gâteau si riche en cacao que celui-ci aurait eu la capacité d’apaiser toutes les peines du monde par le seul pouvoir de quelques bouchées dopées d’endorphines chocolatés ? L’Irlandais n’avait sans doute pas assez d’elfes à disposition pour tenir un tel décompte. C’était d’ailleurs souvent à sa brigade courte sur pattes qu’il confiait la mission d’opérer auprès des âmes en peine, ses membres ne rechignant jamais à offrir chantilly et cerises en extra dès qu’un oeil un peu larmoyant venait réclamer un bol de gelato au seul endroit où aucun parfum ne manquait jamais. Cela dit, dans quelques rares cas, le chef acceptait d’enfiler un rôle qui n’avait plus grand chose à voir avec celui de manier un couteau ou simplement de juger du spectacle.
"Baz… I think I'm in love. »
En temps normal, le cuisinier aurait certainement adopté un sourire discrètement flegmatique pour faire réponse à une telle affirmation ; non pas qu’il puisse dévaloriser le sentiment exprimé comme tel, mais il se trouvait avoir suffisamment navigué ces mers de sensibilité pour reconnaître un iceberg à sa pointe ; conscient de ce qui demeurait caché. Contrairement à l’accoutumé donc, l’aveu inspira plutôt une longue et profonde inspiration au trentenaire, témoignant chez-lui d’une surprise au moins aussi importante que l’accablement qu’elle s’adjoignait, le forçant du même coup à se redresser un peu pour laisser la moitié supérieure de son corps encaisser une sorte de recul.
— Okay.
À nouveau, il n’avait fait que réaffirmer sa présence aux côtés du Lufkin, sans trop savoir d’ailleurs si une forme d’assistance s’avérait être à sa portée ou même simplement attendue. Le ton de l’héritier Delgado s’était drapé d’un désespoir qui ne lui ressemblait pas, d’une affliction qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec l’allégresse légère qu’une confidence comme-là aurait dû inspirer au départ. Baz frotta ses paumes ouvertes tout au long de ses cuisses, comme s’il y essuyait une tension résiduelle, la faute peut-être aux deux iris qui continuaient de le fixer sans trop savoir vers où — ni vers qui et même quoi — se tourner désormais.
— Well, maybe now you could tell me what prevent you to be more… Hochant imperceptiblement la tête tout en haussant les épaules légèrement, l'aîné Donovan hésita un instant avant de poursuivre. … carefree about this ?
S’il semblait déjà trop tard pour que la collision et le naufrage furent évités, il devait pourtant bien rester quelques canots de sauvetage quelque part et il n’était pas impossible que l’esprit méthodique d’Evandro erre encore à leur recherche. En digne Occlumens de sa condition, il demeurait après tout — et en tout temps — le seul capitaine et navigateur aux commandes du fil de ses pensées.
— … or perhaps I could ask for something à little stronger than water ?
Quelque chose d’ambré et tourbé, quelque chose qui puisse apaiser et saisir tout à la fois, une forme de confiance liquide.
- InvitéInvité
Re: Coffee Break.
Mar 17 Nov 2020 - 1:34
La réaction fut presque instantanée. Son meilleur ami prit une grande respiration, le son étrangement bruyant dans les serres silencieuses. Le brésilien eut un léger sourire triste, l’étincelle bien absente de son regard toujours fixé sur l’irlandais. Malgré le ridicule de son aveu, la lourdeur de ses épaules ; il sentait une vague de confort s'immiscer en lui, la présence familière détenant de ces douceurs qui vous calmaient tranquillement. “Okay”. C’était le deuxième, déjà ; petite note que le lufkin se prenait mentalement sans réellement s’en apercevoir. “Well, maybe now you could tell me what prevents you to be more… carefree about this ?”. Un petit haussement des épaules appuya le choix du mot et en contrepartie, l’héritier Delgado hésita. Longuement. Les mots semblaient s'enchaîner dans son esprit sans réellement faire de sens, peinant à trouver une façon, n’importe quelle façon, de présenter les faits sous une logique quelconque. La réalité était lourde, pleine de conséquences, d’interrelations et de dépendances, de décorum familial et de prétentieuses traditions. Et puis il y avait ces visages. Ces échos qui naviguaient au travers ce chaos : cette beauté à la chevelure espagnole et au regard bleuté ; cette face dénaturée d’une mère dépouillée de chaleurosité ; la silhouette fine d’une inconnue qu’on avait menottée ; et le visage flou d’une brésilienne maintenant méconnaissable. Comment pouvait-il étaler l’étendu de ces maux quand il fatiguait encore à en faire sens ?
“...or perhaps I could ask for something à little stronger than water ?”, demanda le cuisinier, brisant le flux des pensées du plus jeune. Ce dernier releva la tête qu'il n'avait pas réalisé avoir baissée, plongea de nouveau son regard dans celui de son ami. Il hocha doucement de la tête, accueillant simplement et efficacement cette proposition des plus alléchantes. Si l’alcool n’était normalement pas recommandé pour régler les maux du coeur, en ce moment précis, Evandro se faisait un plaisir savant de taire la petite voix morale qui s’offusquait crûment. “That would be great”, ajouta-t-il finalement, son accent brésilien curieusement plus perceptible qu’il lui était accoutumé. “Perhaps your signature coffee would be well fitted as well”, ajouta-t-il, petite référence sans subtilité au tout premier breuvage que les deux amis avaient partagé, il y a plusieurs années déjà. Le cuistot avait du talent, beaucoup de talent ; dès que cela concernait un aliment qui se consommait, Evandro savait que la qualité et la satisfaction seraient de la partie. Digne des plus grands hôtes, Sebastian œuvra de sa magie, le breuvage ne tardant pas à rejoindre les mains agitées de l’héritier. Un remerciement quitta les lèvres du cadet, le silence s’étirant que quelques instants avant qu’il ne reprenne la parole. “You know how they say that home is where the heart is?”, demanda-t-il, sa voix d’une douceur dolente, la question s’envolant. Son regard plongea vers le verre qu’il balançait insensiblement, attiré par les petites vagues qui s’y mouvaient. Il prit finalement une gorgée rapide, le mouvement surprenant tant il contrastait avec la routine des derniers moments. La moitié du breuvage disparut le long de sa gorge, brûlant sa peau au passage sans que l’occlumens n’en laisse transparaître quoi que ce soit. “Well I guess I’m homeless now.”
Il se leva, déposant son verre sur la table. Une main vint se glisser vivement au travers sa chevelure noire tandis qu’il pinçait ses lèvres en une fine ligne. Puis, motivé par les élans d’un coeur déboussolé, il fit quelques pas vers le premier plan à sa portée, une main retrouvant la douceur des pétales d’une fleur naissante. Naviguant le brouillard de son esprit dévasté, les réflexes prenaient le contrôle, guidant l’héritier d’une source de consolation à une autre. Sans se tourner, il reprit la parole. “She doesn’t know… Well, she might have had a doubt, but it’s too late now”, élucida-t-il finalement le mystère de ses paroles cryptées. “My family...”, continua-t-il, sa voix trouvant un ton aussi coupant qu’un couteau aiguisé, "...betrothed me to someone else. I have to follow their wishes, take the head of the company, leave my dreams behind or else...”. Il ne termina pas sa phrase, le sous-entendu tout aussi indubitable que lorsque son oncle lui avait fait l’annonce. Et puis, aussi rapidement que la dureté s'était logée dans son ton qu'elle disparaissait de nouveau, laissant place à une douleur qu'il ne masquait plus. "I don't get why they would do that to me". Rebellion insignifiante, ces mots dérogeaient du langage posée que la pureté de son sang dictait.
“...or perhaps I could ask for something à little stronger than water ?”, demanda le cuisinier, brisant le flux des pensées du plus jeune. Ce dernier releva la tête qu'il n'avait pas réalisé avoir baissée, plongea de nouveau son regard dans celui de son ami. Il hocha doucement de la tête, accueillant simplement et efficacement cette proposition des plus alléchantes. Si l’alcool n’était normalement pas recommandé pour régler les maux du coeur, en ce moment précis, Evandro se faisait un plaisir savant de taire la petite voix morale qui s’offusquait crûment. “That would be great”, ajouta-t-il finalement, son accent brésilien curieusement plus perceptible qu’il lui était accoutumé. “Perhaps your signature coffee would be well fitted as well”, ajouta-t-il, petite référence sans subtilité au tout premier breuvage que les deux amis avaient partagé, il y a plusieurs années déjà. Le cuistot avait du talent, beaucoup de talent ; dès que cela concernait un aliment qui se consommait, Evandro savait que la qualité et la satisfaction seraient de la partie. Digne des plus grands hôtes, Sebastian œuvra de sa magie, le breuvage ne tardant pas à rejoindre les mains agitées de l’héritier. Un remerciement quitta les lèvres du cadet, le silence s’étirant que quelques instants avant qu’il ne reprenne la parole. “You know how they say that home is where the heart is?”, demanda-t-il, sa voix d’une douceur dolente, la question s’envolant. Son regard plongea vers le verre qu’il balançait insensiblement, attiré par les petites vagues qui s’y mouvaient. Il prit finalement une gorgée rapide, le mouvement surprenant tant il contrastait avec la routine des derniers moments. La moitié du breuvage disparut le long de sa gorge, brûlant sa peau au passage sans que l’occlumens n’en laisse transparaître quoi que ce soit. “Well I guess I’m homeless now.”
Il se leva, déposant son verre sur la table. Une main vint se glisser vivement au travers sa chevelure noire tandis qu’il pinçait ses lèvres en une fine ligne. Puis, motivé par les élans d’un coeur déboussolé, il fit quelques pas vers le premier plan à sa portée, une main retrouvant la douceur des pétales d’une fleur naissante. Naviguant le brouillard de son esprit dévasté, les réflexes prenaient le contrôle, guidant l’héritier d’une source de consolation à une autre. Sans se tourner, il reprit la parole. “She doesn’t know… Well, she might have had a doubt, but it’s too late now”, élucida-t-il finalement le mystère de ses paroles cryptées. “My family...”, continua-t-il, sa voix trouvant un ton aussi coupant qu’un couteau aiguisé, "...betrothed me to someone else. I have to follow their wishes, take the head of the company, leave my dreams behind or else...”. Il ne termina pas sa phrase, le sous-entendu tout aussi indubitable que lorsque son oncle lui avait fait l’annonce. Et puis, aussi rapidement que la dureté s'était logée dans son ton qu'elle disparaissait de nouveau, laissant place à une douleur qu'il ne masquait plus. "I don't get why they would do that to me". Rebellion insignifiante, ces mots dérogeaient du langage posée que la pureté de son sang dictait.
|
|