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((beauté faussée)) isaac
Mer 15 Juil 2020 - 14:17
Les murmures résonnent, les rires éclatent, les corps se balancent, bougent. Mes iris caressent chaque parcelle de ces visages connus, parfois moins, alors que la conversation ne cesse pas pour autant. Je suis les paroles de mes compagnons de routes, les conneries qu’ils ne cessent de raboter, de balancer, sans explications, sans raisons. Puériles, enfantins, j’en aurais presque envie de rire, de faire taire ces langues qui claquent. La patience, elle me quitte, peu à peu, mais le masque ne tombe pas pour autant. Non, bien ancré, les traits froids, le visage sourd aux émotions. Je me contente de vriller, parfois, mon regard sur eux comme si j’étais d’accord avec eux. Jouer la comédie. Fausser les apparences. Je finis par m’éclipser, prétextant une visite à une personne que je n’identifie pas. Les questions ne fusent pas, elles sont veines, ils le savent. Je ne suis pas du genre à répondre de mes actes, pas à eux. Je me contente de m’éloigner, le dos droit, la posture familiale qui ne me quitte pas, jamais. Cherche un endroit où la solitude sera appréciée, juste quelques instants et c’est vers les jardins suspendus que je finis par prendre place. Un de mes endroits de prédilections, sans aucun doute.
Livre en main, je m’impose dans un coin, glisse mes iris sur les lignes qui s’alignent alors que mon corbeau ne tarde pas à me rejoindre dans un cri aigu. L’animal vient prendre sa place sur mon épaule, colle son plumage contre ma joue. Seul signe d’affection que j’accepte, que je ne rejette pas. Ami depuis des années, il est aussi mon confident, le seul à ne jamais rien dévoiler, à écouter, protéger. Ma part d’humanité qui s’accroche grâce à l’affection que je lui porte, prouvant qu’au fond, le myocarde bat encore un peu, posément, intensément. Tournant les pages, je sens l’oiseau bouger, se déhancher, cherchant à attirer mon attention. Fronçant les sourcils, je lève les yeux, les détourne vers lui, l’interrogeant du regard. Nouveau signe de tête et je le suis, cherche la vision qu’il veut me faire partager. Mes iris, elles accrochent celles d’un jeune homme, crayonnant quelque chose, ou plutôt, quelqu’un. Je n’y prête pas attention, pas de suite, l’observant discrètement alors que, parfois, il m’observe pour reposer son attention sur son acte. Le doute s’immisce, grince en moi et je reclape mon livre avec force, détermination…avant de me lever et d’avancer.
Sans hésitation, je contourne l’inconnu discrètement, a pas de loup. Assez pour avoir un visuel de ce qu’il dessine, trop tard pour qu’il le remarque, assez tôt pour que je vois apparaitre mes traits sur sa feuille de papier. Le Blackthorn en moi réagit, s’avance totalement et attrape la feuille du bout des doigts, lui enlève, observe davantage. « On ne t’a jamais dit que dessiner les gens, sans leur bénédiction, est de mauvaise composition ? » Dis-je avec un calme menaçant, glissant soigneusement mes yeux chocolat sur lui. « Bien que réussit, je trouve ça loin d’être représentatif. » Piquent. La gentillesse n’existe pas, pas vraiment, pas forcément. Aussi joli soit son minois, il ne fera pas exception à cette règle. Et mentalement, je me gifle pour cette dernière pensée. La beauté ne réside pas chez les hommes…que chez les femmes. Je me répète en boucle cette phrase, cherche à l’imprimer, encore une fois, sans y parvenir.
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