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Fille de Zeus
Mer 21 Avr 2021 - 16:44
L’enseignante parcourait les lignes en mâchonnant l’une de ses plumes. C’était un peu brouillon aux entournures, mal formulé dans certains recoins et certaines phrases s’éternisaient en longueur tandis que d’autre manquaient de souplesse. Avec concentration, l’Irlandaise annotait consciencieusement dans la marge, entourant certains mots, fléchant certaines idées qui auraient pu être renvoyées à d’autres, encadrant des passages, corrigeant ça et là quelques erreurs de syntaxes et d’orthographe. Avec patience et minutie, elle décortiqua les idées les plus interessantes, glissa des suggestions, polissant certaines expressions pour gagner en fluidité.
L’intégralité de sa pause déjeunée et une bonne partie de son après-midi filèrent avant qu’Aveleen ne relève enfin les yeux, un intense sentiment niché tout au fond de son ventre, tandis qu’elle regardait le petit amas de papiers qu’elle venait de noircir de toutes ses réflexions. Un peu perplexe et déroutée quant à ce mémoire dont elle venait de récupérer la direction, l’enseignante resta un long moment sans bouger. Seul l’effervescence de sa classe se remplissant la tira de sa réflexion, l’obligeant à récupérer tous les parchemins et les glisser dans le petit tiroir de son bureau. Il lui fallu quelques minutes pour sortir de ses pensées et amorcer son cours sur l’importance de la propriété intellectuelle, dont une récente contrariété personnelle l’avait convaincue d’en aborder le plus tôt possible toutes les subtilités liées au mécénat, pour bien l’ancrer, jusqu’au cerveau reptilien s’il le fallait.(@Oscar Hangbé ).
Mais sans cesse, ses yeux déviaient vers l’étudiante blonde qui avait pris place quelque part au milieu de l’amphithéâtre.
Un petit visage tout en rondeurs doucereuses, angélique au premier abord, démoniaque selon les différents commentaires qu’elle avait pu entendre dans les salles de réunions des professeurs, sous couvert d’éclats de rires étouffés, qui l’avait mise mal à l’aise. Des cheveux d’un blond solaire qui cascadaient, jusqu’à ses épaules, comme un tissu d’or léchant le pupitre de bois lorsqu’elle se penchait sagement pour prendre des notes. Main fine, poignet délicat : ses gestes avaient quelque chose de gracieux et d’envoûtant, mais Aveleen ne savait pas si cela lui sautait aux yeux par évidence, ou parce qu’elle connaissait à présent sa nature semi-vélane. Et puis, il y avait ces yeux aussi clairs que de l’eau de source, nervurés de paillettes dorées à leur surface. Un regard agile et curieux — quand elle voulait bien se concentrer. Mais elle était un peu distraite, aussi, ses yeux papillonnant facilement vers la fenêtre lorsqu’Aveleen s’égarait un peu trop longtemps dans des historiques dépourvus d’intérêt immédiat. Une nature volatile qu’il fallait captiver soigneusement pour ne pas qu’elle s’échappe, mais sans l’enfermer non plus : l’équilibre était précaire, et Aveleen sentait qu’il lui faudrait être une bonne acrobate pour savoir manœuvrer avec tout le talent qui bouillonnait à l’intérieur de son corps.
Aphrodite. La sémantique même de son nom semblait prémonitoire : soit ses parents avaient de l’humour, soit les Parques s’étaient senties d’une humeur particulièrement lyrique en tissant de leurs doigts ingénus les entrelacement de sa vie. Aphrodite, déesse de l’amour, mais surtout de la beauté, de la volupté, toute en formes indolentes et courbes enchantées. Celle qui pouvait encourager les unions où les défaire, provoquer la jalousie jusqu’à l’absurde conflit fraternel, capable de pousser à incendier des villes entières et anéantir des civilisations par contrariété. Aphrodite, dont la beauté vous faisait tomber en émoi, pour le meilleur mais aussi pour le pire, jusqu’aux vices, alimentant les adultères, exacerbant les tentations sous le feu de l’orgueil et des désirs de possession.
Quel genre d’ironie, donc, fallait-il pour que ses parents lui choisissent un nom aussi difficile à porter que ne l’était également sa nature hybride ? Songeait-elle encore à la fin de son cours en fixant les épaules graciles sur lesquelles reposait dignement un fardeau qu’aucune perfection ne rendait plus facile à supporter. Aphrodite, c’était toute une sémantique enfermée en trois syllabes, une longue succession d’histoires tragiques et de destins brisés, une marée de statut de marbres plus sublimes les unes que les autres. Une perfection hédoniste s’étalant sur des siècles, façonnant les fantasmes et représentations de la femme idéale. Et pour couronner le tout, sa naissance lui avait fait un autre cadeau : elle était la déesse des Grecques par son prénom et sûrement l’une des créatures magiques les plus raffinées du monde par sa condition. A demi, seulement, mais c’était déjà peut-être déjà bien suffisant, puisque même les demi-dieux avaient leur place dans la mythologie.
Le plus curieux, c’était que l’étudiante s’était choisie comme propre sujet de sa rhétorique : c’était un portrait qu’elle faisait, fait de phrases et de mots, entouré de jugement et de réflexion sur sa propre condition. Quel exercice difficile et périlleux. En avait-elle conscience ?
— Miss Iraklidis ? L’ interpella l’enseignante. Puis-je vous voir un instant ? Demanda-t-elle en ouvrant de nouveau le tiroir pour en extirper les parchemins noircis de remarques.
L’Irlandaise attendit que tous les élèves aient quittés la salle de cours, avant de reprendre :
— J’ai lu le début de votre travail et c’est...
Elle hésita un instant, pesant ses phrases, consciente qu’il s’agissait déjà du fruit d’un long labeur, qu’il ne fallait pas plus brusquer que laisser tel quel.
— Le sujet est interessant, débuta-t-elle d’une voix calme. C’est un travail...correct, jugea-t-elle. Dans les clous, avec juste ce qu’il faut d’historique et de références pour le rendre tout à fait passable. Vous validerez sans problème, si vous continuez sur cette voie.
Elle se stoppa, prenant appuie sur son bureau, toujours aussi hésitante sur la façon de poursuivre.
— Mais ça pourrait être tout à fait brillant. Certaines de vos phrases sont incisives et crues. Explosives. Sans aucune pitié pour la société et... encore moins pour vous-même. Surtout pas pour vous-même, en fait, fit-elle d’une voix à la fois pensive et mesurée. Sauf que la phrase d’après, vous vous nuancez, comme s’il fallait mettre du miel sur les plaies pour ne pas qu’elles s’ouvrent trop. C’est... dommage ? Suggéra-t-elle en posant ses yeux clairs sur elle avec tendresse et compassion. Elle chercha un passage un instant, puis la cita : « Certains ne sauront jamais s’ils sont tombés en admiration de la femme à l’intérieur, ou de l’hybride à l’extérieur, et cela peut créer un sentiment de méfiance », lut-elle avant de relever de nouveau vers ses yeux aux lueurs d’arctique, pourtant chaleureux en cet instant. Et après, vous avez avorté l’idée qui faisait pourtant sens : celle ou les vélanes jouent parfois de leurs charmes magiques avec tant de force que le cerveau en face en est presque drogué, jusqu’à en perdre tout raisonnement. Comme plongé dans un songe bien agréable qui le décomplexe... pourquoi avoir été si sage dans vos propos dans cette partie ? La questionna-t-elle subitement, sachant qu’elle risquait d’appuyer sur des peurs à tout instant, mais curieusement trop charmée par tout ce talent pour s’arrêter.
Aphrodite n’était pas juste une élève rayonnante : elle ne demandait qu’à devenir un zénith éblouissant.
Sauf qu’elle ne le savait pas encore.
@Aphrodite Iraklidis
L’intégralité de sa pause déjeunée et une bonne partie de son après-midi filèrent avant qu’Aveleen ne relève enfin les yeux, un intense sentiment niché tout au fond de son ventre, tandis qu’elle regardait le petit amas de papiers qu’elle venait de noircir de toutes ses réflexions. Un peu perplexe et déroutée quant à ce mémoire dont elle venait de récupérer la direction, l’enseignante resta un long moment sans bouger. Seul l’effervescence de sa classe se remplissant la tira de sa réflexion, l’obligeant à récupérer tous les parchemins et les glisser dans le petit tiroir de son bureau. Il lui fallu quelques minutes pour sortir de ses pensées et amorcer son cours sur l’importance de la propriété intellectuelle, dont une récente contrariété personnelle l’avait convaincue d’en aborder le plus tôt possible toutes les subtilités liées au mécénat, pour bien l’ancrer, jusqu’au cerveau reptilien s’il le fallait.(@Oscar Hangbé ).
Mais sans cesse, ses yeux déviaient vers l’étudiante blonde qui avait pris place quelque part au milieu de l’amphithéâtre.
Un petit visage tout en rondeurs doucereuses, angélique au premier abord, démoniaque selon les différents commentaires qu’elle avait pu entendre dans les salles de réunions des professeurs, sous couvert d’éclats de rires étouffés, qui l’avait mise mal à l’aise. Des cheveux d’un blond solaire qui cascadaient, jusqu’à ses épaules, comme un tissu d’or léchant le pupitre de bois lorsqu’elle se penchait sagement pour prendre des notes. Main fine, poignet délicat : ses gestes avaient quelque chose de gracieux et d’envoûtant, mais Aveleen ne savait pas si cela lui sautait aux yeux par évidence, ou parce qu’elle connaissait à présent sa nature semi-vélane. Et puis, il y avait ces yeux aussi clairs que de l’eau de source, nervurés de paillettes dorées à leur surface. Un regard agile et curieux — quand elle voulait bien se concentrer. Mais elle était un peu distraite, aussi, ses yeux papillonnant facilement vers la fenêtre lorsqu’Aveleen s’égarait un peu trop longtemps dans des historiques dépourvus d’intérêt immédiat. Une nature volatile qu’il fallait captiver soigneusement pour ne pas qu’elle s’échappe, mais sans l’enfermer non plus : l’équilibre était précaire, et Aveleen sentait qu’il lui faudrait être une bonne acrobate pour savoir manœuvrer avec tout le talent qui bouillonnait à l’intérieur de son corps.
Aphrodite. La sémantique même de son nom semblait prémonitoire : soit ses parents avaient de l’humour, soit les Parques s’étaient senties d’une humeur particulièrement lyrique en tissant de leurs doigts ingénus les entrelacement de sa vie. Aphrodite, déesse de l’amour, mais surtout de la beauté, de la volupté, toute en formes indolentes et courbes enchantées. Celle qui pouvait encourager les unions où les défaire, provoquer la jalousie jusqu’à l’absurde conflit fraternel, capable de pousser à incendier des villes entières et anéantir des civilisations par contrariété. Aphrodite, dont la beauté vous faisait tomber en émoi, pour le meilleur mais aussi pour le pire, jusqu’aux vices, alimentant les adultères, exacerbant les tentations sous le feu de l’orgueil et des désirs de possession.
Quel genre d’ironie, donc, fallait-il pour que ses parents lui choisissent un nom aussi difficile à porter que ne l’était également sa nature hybride ? Songeait-elle encore à la fin de son cours en fixant les épaules graciles sur lesquelles reposait dignement un fardeau qu’aucune perfection ne rendait plus facile à supporter. Aphrodite, c’était toute une sémantique enfermée en trois syllabes, une longue succession d’histoires tragiques et de destins brisés, une marée de statut de marbres plus sublimes les unes que les autres. Une perfection hédoniste s’étalant sur des siècles, façonnant les fantasmes et représentations de la femme idéale. Et pour couronner le tout, sa naissance lui avait fait un autre cadeau : elle était la déesse des Grecques par son prénom et sûrement l’une des créatures magiques les plus raffinées du monde par sa condition. A demi, seulement, mais c’était déjà peut-être déjà bien suffisant, puisque même les demi-dieux avaient leur place dans la mythologie.
Le plus curieux, c’était que l’étudiante s’était choisie comme propre sujet de sa rhétorique : c’était un portrait qu’elle faisait, fait de phrases et de mots, entouré de jugement et de réflexion sur sa propre condition. Quel exercice difficile et périlleux. En avait-elle conscience ?
— Miss Iraklidis ? L’ interpella l’enseignante. Puis-je vous voir un instant ? Demanda-t-elle en ouvrant de nouveau le tiroir pour en extirper les parchemins noircis de remarques.
L’Irlandaise attendit que tous les élèves aient quittés la salle de cours, avant de reprendre :
— J’ai lu le début de votre travail et c’est...
Elle hésita un instant, pesant ses phrases, consciente qu’il s’agissait déjà du fruit d’un long labeur, qu’il ne fallait pas plus brusquer que laisser tel quel.
— Le sujet est interessant, débuta-t-elle d’une voix calme. C’est un travail...correct, jugea-t-elle. Dans les clous, avec juste ce qu’il faut d’historique et de références pour le rendre tout à fait passable. Vous validerez sans problème, si vous continuez sur cette voie.
Elle se stoppa, prenant appuie sur son bureau, toujours aussi hésitante sur la façon de poursuivre.
— Mais ça pourrait être tout à fait brillant. Certaines de vos phrases sont incisives et crues. Explosives. Sans aucune pitié pour la société et... encore moins pour vous-même. Surtout pas pour vous-même, en fait, fit-elle d’une voix à la fois pensive et mesurée. Sauf que la phrase d’après, vous vous nuancez, comme s’il fallait mettre du miel sur les plaies pour ne pas qu’elles s’ouvrent trop. C’est... dommage ? Suggéra-t-elle en posant ses yeux clairs sur elle avec tendresse et compassion. Elle chercha un passage un instant, puis la cita : « Certains ne sauront jamais s’ils sont tombés en admiration de la femme à l’intérieur, ou de l’hybride à l’extérieur, et cela peut créer un sentiment de méfiance », lut-elle avant de relever de nouveau vers ses yeux aux lueurs d’arctique, pourtant chaleureux en cet instant. Et après, vous avez avorté l’idée qui faisait pourtant sens : celle ou les vélanes jouent parfois de leurs charmes magiques avec tant de force que le cerveau en face en est presque drogué, jusqu’à en perdre tout raisonnement. Comme plongé dans un songe bien agréable qui le décomplexe... pourquoi avoir été si sage dans vos propos dans cette partie ? La questionna-t-elle subitement, sachant qu’elle risquait d’appuyer sur des peurs à tout instant, mais curieusement trop charmée par tout ce talent pour s’arrêter.
Aphrodite n’était pas juste une élève rayonnante : elle ne demandait qu’à devenir un zénith éblouissant.
Sauf qu’elle ne le savait pas encore.
@Aphrodite Iraklidis
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Re: Fille de Zeus
Mar 4 Mai 2021 - 23:29
Take me to a destination where I can compete
Another way to liberation almost complete
See how I operate now, how I modulate now
Can you feel the vibration waving through me?
Another way to liberation almost complete
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(tenue) Aphrodite avait suivi le cours de médias avec autant d'attention qu'elle le pouvait pour un cours en deuxième partie d'après-midi. La nouvelle enseignante lui plaisait. Elle était intéressante, avec son accent aux sonorités irlandaises et sa manière d'enseigner des concepts théoriques comme si elle leur contait une histoire passionnante. Surtout, la nouvelle professeure représentait un espoir de renouveau pour la Summerbee : pour la première fois depuis le début de ses études, elle avait l'opportunité de montrer sa motivation et son entrain sans se heurter au mur qu'elle avait dressé elle-même en se faisant cataloguer de tire-au-flanc. Mrs O'Donnell ne la connaissait pas, Aphrodite pouvait donc se montrer sous son meilleur jour.
Loin d'être devenue une miss je-sais-tout ou une chieuse interrompant constamment la prof pour poser des questions ayant plus ou moins de rapport avec le contenu du cours, l'Hellène était simplement devenue plus concentrée. Elle avait abandonné sa plume à papotes qui, habituellement, prenait le cours à sa place tandis qu'elle discutait, envoyait des sms, ou traînait sur wizardgram, quand elle ne travaillait pas ostensiblement sur autre chose (sa chronique radio du soir-même, par exemple). A la place, elle prenait des notes elle-même, se baissant doucement sur sa feuille lorsqu'un morceau du discours de la prof était particulièrement utile. Parfois (souvent), ses pensées s'envolèrent vers @Elsbeth Ballarini, suçant le bout de son stylo, le regard tourné vers la fenêtre. Elle se reprenait bien vite, cependant, un changement de ton de la professeure suffisant généralement à rattraper son attention.
Alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la salle, son sac arc-en-ciel sur une épaule, la voix de la professeure s'éleva au dessus des discussions des étudiants. "Miss Iraklidis ? Puis-je vous voir un instant ?" Etonnée, Aphrodite s'arrêta net dans son mouvement et prit congé de ses amis, qui s'éloignaient déjà dans le couloir. Brusquement timide, la jeune femme s'approcha du bureau, d'où elle vit son mémoire sortir. "Oui ?" Les parchemins étaient gribouillés, cela ne pouvait pas être un bon signe.
L'étudiante eut l'impression que des heures s'étaient passées lorsqu'enfin, le dernier étudiant quitta la salle. Elle s'imaginait déjà redoubler sa dernière année, ne pas pouvoir trouver d'emploi à cause de sa mauvaise note, de devoir refaire un deuxième mémoire..."J’ai lu le début de votre travail et c’est..." Son coeur s'affolait doucement mais elle tentait toutefois de ne pas le montrer, se rassurant à moitié à coups de pensées pragmatiques. "Le sujet est intéressant. C’est un travail...correct." Quelque part au fond de l'âme de l'étudiante moyenne n'ayant jamais souhaité que d'avoir la moyenne pour passer à l'année suivante, une neurone idéaliste et pleine d'espoir soupira de déception. Correct. La semi-vélane avait fourni dix fois plus de travail sur ce mémoire que sur tous les autres travaux qu'elle avait rendus depuis son entrée à Beauxbâtons. Elle s'était littéralement mise en danger en annonçant en fanfare sa condition d'hybride, afin d'utiliser son cas comme exemple de ses propos théoriques. Elle avait d'ailleurs reçu une vingtaine de menaces sur Wizardgram depuis janvier, toutes venant d'inconnus qui pouvaient arpenter quotidiennement les couloirs de l'université. Tout ceci, pour quelque chose de correct ? "Dans les clous, avec juste ce qu’il faut d’historique et de références pour le rendre tout à fait passable. Vous validerez sans problème, si vous continuez sur cette voie." Essayant tant bien que mal de cacher sa déception, Aphrodite avala sa salive, puis hocha la tête en replaçant la lanière de son sac sur son épaule. "Okay, merci."
Elle s'attendait à recevoir les parchemins corrigés, puis à rentrer chez elle, et panser les blessures de son ego vexé avec un bon verre de vin et des baisers de sa colocataire à la peau argentée, mais Mrs O'Donnell prenait du temps à lui rendre son travail. "Mais ça pourrait être tout à fait brillant. Certaines de vos phrases sont incisives et crues. Explosives. Sans aucune pitié pour la société et... encore moins pour vous-même. Surtout pas pour vous-même, en fait." Etonnée par l'emploi du mot brillant comme qualificatif de son travail, Aphrodite observait son enseignante avec ce qui ressemblait à des yeux de merlan frit tandis qu'elle continuait. "Sauf que la phrase d’après, vous vous nuancez, comme s’il fallait mettre du miel sur les plaies pour ne pas qu’elles s’ouvrent trop. C’est... dommage ?" Mal à l'aise par la conversation, l'Hellène mit du temps à réagir, son poids changeant de jambe. "Heu... D'accord."
L'Irlandaise reprit, citant un passage de la partie traitant des discriminations subies par les vélanes et leurs descendants, principalement causées par de la méfiance des sorciers envers elles. "Et après, vous avez avorté l’idée qui faisait pourtant sens : celle ou les vélanes jouent parfois de leurs charmes magiques avec tant de force que le cerveau en face en est presque drogué, jusqu’à en perdre tout raisonnement. Comme plongé dans un songe bien agréable qui le décomplexe..." Pinçant les lèvres comme un réflexe d'auto-protection, la jeune femme baissa le regard pour observer les chaussures de la sorcière. Les mots de l'enseignante remuaient en elle des sentiments qu'elle tentait la plupart du temps de taire. Elle voyait à nouveau le visage de Finnick lorsqu'il découvrait sa tentative désespérée de le garder près d'elle. Elle entendait encore ses exclamations et ressentait toujours la douleur de le voir s'éloigner d'elle, ainsi et surtout que la culpabilité et le dégoût d'avoir pu faire pareille chose.
"Pourquoi avoir été si sage dans vos propos dans cette partie ?" La photographe était floue derrière l'ouragan d'émotions qui s'était levé derrière les yeux océans de l'apprentie-journaliste. Des larmes avaient pu pointer le bout de leur nez, sans traverser la frontière de ses paupières cependant, rendant son regard de Méditerranée plus vrai que nature. Elle ne pouvait simplement pas le poser sur Mrs O'Donnell, et fit de son mieux pour éviter ses prunelles polaires. Mortifiée, Aphrodite aurait aimé prendre ses jambes à son cou, s'éloigner le plus possible de sa professeure pour reprendre ses esprits, calmement. C'était malheureusement impossible, l'enseignante ayant toujours le manuscrit entre ses doigts. Il lui fallait donc répondre. "Je... je sais pas." Haussement d'épaules, tandis que son regard semblait s'être pris de passion pour la rainure du bois du bureau sur lequel se trouvait la sorcière.
"Peut-être..." Sa voix menaça de craquer, alors elle se racla la gorge, puis reprit, avec hésitation, se grattant le sourcil. "Peut-être parce que... je voulais pas trop... rouvrir la plaie ?" Elle avait une boule au fond de la gorge, Aphrodite. Elle avait le coeur au bord des yeux, flottant dans un équilibre précaire au dessus des larmes qui menaçaient de se déverser en tsunami sur ses joues, renversant le radeau cardiaque par la même occasion. Dans un effort inconscient de protection, sa main gauche vint se poser sur sa hanche droite, son bras agissant comme un bouclier sur son corps. De sa main droite, elle fit un geste vague pour souligner ses mots, tandis qu'elle finit de s'exprimer. "Comme... vous avez dit."
- InvitéInvité
Re: Fille de Zeus
Sam 8 Mai 2021 - 23:39
Il était beau, ce visage. Si beau que les prémices de l’angoisse le parèrent tout juste d’un surplus d’émotion qui en accentua chaque trait, comme si un peintre reprenait soudain son pinceau pour venir éparpiller ci et là quelques lignes supplémentaires, sublimant l’intégralité de son œuvre en parsemant le marbre de sa peau de tout le panel des émotions de la déception. La bouche intima une crispation qui ne faisait qu’en révéler les courbes harmonieuses, même en pleine tumulte, et ses grands yeux s’embuèrent peu à peu, brouillant les prunelles azuréennes, alors que l’étudiante acceptait la critique avec toute la dignité dont elle était capable. Le coeur de l’Irlandaise se pinça à mesure qu’elle poursuivait son argumentaire : elle était consciente de s’approcher de plaies longtemps ignorées, camouflées sous des bandages qui se détendaient peu à peu, révélant que toute cette perfection se trouvait gangrénée par le doute et peut-être des monticules de manque de confiance en elle. Sa tenue tout en couleur tranchait cruellement avec la soudaine émotion dont Aphrodite s’entourait, comme un linceul qui ne faisait que souligner la finale jeunesse de toute sa personne, la pâleur d’une beauté qui était peut être encore plus cruelle à porter que les bienfaits qu’elle apportait, s’assortissant soudain à l’ombre que les critiques faisaient peser sur elle. Et plus l’enseignante poursuivait, plus elle pouvait contempler quelque chose qui s’apparentait soit à une particulière susceptibilité quant à son travail, soit à quelque chose prenant racine ailleurs. Elle tenait bon, cependant, avec ses épaules menues qui s’arrondissaient pour garder un dos droit : une colonne vertébrale comme pilier, pour ne pas s’écrouler. Néanmoins, Aveleen lui trouvait soudain un air frêle et égaré, comme un animal perdu au milieu d’un territoire inconnu.
— Peut-être, hasarda la jeune fille avec une émotion palpable, serrant le coeur de l’enseignante, peut-être parce que je ne voulais pas trop... rouvrir la plaie ? Questionna-t-elle. Plus pour elle-même que pour la photographe, laquelle la couva d’un regard pourtant beaucoup plus compatissant que ne l’avaient été ses mots. Comme vous avez dit, conclut-elle dans un mouvement ample du poignet.
Un peu perdu. Un peu tremblant. Comme tout le reste. L’étudiante lui évoqua soudain un grand vide, raisonnant, duquel ne s’exhalait qu’une très grande dépréciation. Comme si la sirène n’arrivait plus à nager ni à rayonner. Petit soleil qui ignorait qu’elle serait un éternel zénith. Elle exhalait le charme de ceux qui sont fragiles mais essayent obstinément de ne pas craquer : on aurait dit une poupée cassée, toujours assise dans la vitrine, mais dont le mécanisme en aurait été rouillé...
Le contraste avec l’étudiante que l’on décriait à couvert en salle des professeurs était plus que saisissant. Il y avait l’Aphrodite exubérante et bavarde, des florilèges de bêtises en embuscades derrières des yeux faussement angéliques. Elle avait été l’élève un peu insupportable, qui prenait trop souvent la parole et rarement aux bons moments, celle qui répondait à ses professeurs mais pas aux questions qu’on lui posait, des lèvres probablement ourlées de sarcasmes et de promesses dangereuses de surenchères. Elle était décrite comme cette élève débordant d’une énergie difficile à canaliser, d’un charme trompeur, qu’un travail trop peu continu avait fini par cimenter dans une réputation d’élèves perturbateurs. Elle était cette étudiante trop belle dont on craignait qu’elle n’use de ses dons pour enchanter les sens, et que l’on avait fini par fuir par facilité pour ne pas y succomber.
Et puis, il y avait l’Aphrodite qu’Aveleen découvrait depuis Janvier. Elle, c’était le visage curieux même après les longues après-midi venteuse enfermée dans l’amphithéâtre, c’était le bruit du parchemin gratté consciencieusement par sa plume au fil des heures, c’était l’air attentif qui lui arrondissait parfois légèrement la bouche. Cette étudiante là, c’était ce petit or liquide dans lequel elle s’était immergée quelques heures plus tôt en la lisant : c’était la justesse déroutante de quelques phrases, la douleur pas assez aboutie du vécu de sa si magnifique malédiction, c’était les ratures qui camouflaient ses éclairs de génies, c’était le mémoire scolaire qui ne demandait qu’à être brillant. C’était un diamant brute, dont le peu d’expérience comme professeur d’Aveleen lui faisait soudain craindre de ne pas savoir correctement l’aider à en tailler les multiples facettes. Elle lui adressa un sourire doux, avant de détourner les yeux pour ne pas faire peser plus que de raison le poids de son regard en plus de celui de ses mots., fixant son regard quelque part tout proche des mains agitées de la jeune femme. Elle le sentait, qu’elle avait versé du sel sur un sujet sensible et que tout était à vif. A phrases précautionneuses, qu’elle pesa consciencieusement, elle reprit néanmoins la parole d’une voix qu’elle espéra aussi caressante que ses mots d’avant n’avaient été trop incisifs sans qu’elle ne l’ait voulu
— La plupart des personnes qui ont écrit sur les Vélanes n’en sont pas. Elles auront beau avoir lui tous les livres parlant du sujet, écumé tous les groupes de paroles, lu tous les rapports à leur disposition, interviewé tous ceux qui auront voulu parler, elles ignoreront toujours ce que c’est. Leurs écrits ne seront qu’une interprétation supplémentaire, un rideau de fumée camouflant l’intégralité de la scène. Mais toi, articula-t-elle lentement, toi tu sais, parce que toi tu as le rôle principal, tu connais tous les actes, tu as déjà les répliques en tête. Si tu censures ton propre ressenti, n’est-ce pas ta propre nature que tu musèles ? Moi, tu vois, je ne connais rien aux Vélanes. Pourtant, pour ton mémoire, j’ai lu quelques célèbres écris sur le sujet. Sur les pouvoirs, le fonctionnement de vos charmes, l’histoire de la condition... est-ce que tu crois que ça suffit à faire de moi une connaisseuse ? Est-ce que tu crois que ça m’a donné la moindre information sur l’intégration des vélanes dans notre société ? Sur les épreuves que tu as traversé ? Fit-elle avant d’agiter doucement les parchemins noircis de pépites encore timides. J’ai appris beaucoup plus en lisant ton mémoire qu’en lisant n’importe quel historique, tu comprends ? Ces plaies que tu ne veux pas rouvrir... elles m’ont pourtant donné envie de les regarder, et tu les as pourtant à peiner esquisser sur le papier. Je ne comprends pas.. Pourquoi avoir choisi ce sujet alors, questionna-t-elle avec tendresse en revenant vers les yeux de l’étudiante, si tu n’as pas envie de parler de toi ?
@Aphrodite Iraklidis
— Peut-être, hasarda la jeune fille avec une émotion palpable, serrant le coeur de l’enseignante, peut-être parce que je ne voulais pas trop... rouvrir la plaie ? Questionna-t-elle. Plus pour elle-même que pour la photographe, laquelle la couva d’un regard pourtant beaucoup plus compatissant que ne l’avaient été ses mots. Comme vous avez dit, conclut-elle dans un mouvement ample du poignet.
Un peu perdu. Un peu tremblant. Comme tout le reste. L’étudiante lui évoqua soudain un grand vide, raisonnant, duquel ne s’exhalait qu’une très grande dépréciation. Comme si la sirène n’arrivait plus à nager ni à rayonner. Petit soleil qui ignorait qu’elle serait un éternel zénith. Elle exhalait le charme de ceux qui sont fragiles mais essayent obstinément de ne pas craquer : on aurait dit une poupée cassée, toujours assise dans la vitrine, mais dont le mécanisme en aurait été rouillé...
Le contraste avec l’étudiante que l’on décriait à couvert en salle des professeurs était plus que saisissant. Il y avait l’Aphrodite exubérante et bavarde, des florilèges de bêtises en embuscades derrières des yeux faussement angéliques. Elle avait été l’élève un peu insupportable, qui prenait trop souvent la parole et rarement aux bons moments, celle qui répondait à ses professeurs mais pas aux questions qu’on lui posait, des lèvres probablement ourlées de sarcasmes et de promesses dangereuses de surenchères. Elle était décrite comme cette élève débordant d’une énergie difficile à canaliser, d’un charme trompeur, qu’un travail trop peu continu avait fini par cimenter dans une réputation d’élèves perturbateurs. Elle était cette étudiante trop belle dont on craignait qu’elle n’use de ses dons pour enchanter les sens, et que l’on avait fini par fuir par facilité pour ne pas y succomber.
Et puis, il y avait l’Aphrodite qu’Aveleen découvrait depuis Janvier. Elle, c’était le visage curieux même après les longues après-midi venteuse enfermée dans l’amphithéâtre, c’était le bruit du parchemin gratté consciencieusement par sa plume au fil des heures, c’était l’air attentif qui lui arrondissait parfois légèrement la bouche. Cette étudiante là, c’était ce petit or liquide dans lequel elle s’était immergée quelques heures plus tôt en la lisant : c’était la justesse déroutante de quelques phrases, la douleur pas assez aboutie du vécu de sa si magnifique malédiction, c’était les ratures qui camouflaient ses éclairs de génies, c’était le mémoire scolaire qui ne demandait qu’à être brillant. C’était un diamant brute, dont le peu d’expérience comme professeur d’Aveleen lui faisait soudain craindre de ne pas savoir correctement l’aider à en tailler les multiples facettes. Elle lui adressa un sourire doux, avant de détourner les yeux pour ne pas faire peser plus que de raison le poids de son regard en plus de celui de ses mots., fixant son regard quelque part tout proche des mains agitées de la jeune femme. Elle le sentait, qu’elle avait versé du sel sur un sujet sensible et que tout était à vif. A phrases précautionneuses, qu’elle pesa consciencieusement, elle reprit néanmoins la parole d’une voix qu’elle espéra aussi caressante que ses mots d’avant n’avaient été trop incisifs sans qu’elle ne l’ait voulu
— La plupart des personnes qui ont écrit sur les Vélanes n’en sont pas. Elles auront beau avoir lui tous les livres parlant du sujet, écumé tous les groupes de paroles, lu tous les rapports à leur disposition, interviewé tous ceux qui auront voulu parler, elles ignoreront toujours ce que c’est. Leurs écrits ne seront qu’une interprétation supplémentaire, un rideau de fumée camouflant l’intégralité de la scène. Mais toi, articula-t-elle lentement, toi tu sais, parce que toi tu as le rôle principal, tu connais tous les actes, tu as déjà les répliques en tête. Si tu censures ton propre ressenti, n’est-ce pas ta propre nature que tu musèles ? Moi, tu vois, je ne connais rien aux Vélanes. Pourtant, pour ton mémoire, j’ai lu quelques célèbres écris sur le sujet. Sur les pouvoirs, le fonctionnement de vos charmes, l’histoire de la condition... est-ce que tu crois que ça suffit à faire de moi une connaisseuse ? Est-ce que tu crois que ça m’a donné la moindre information sur l’intégration des vélanes dans notre société ? Sur les épreuves que tu as traversé ? Fit-elle avant d’agiter doucement les parchemins noircis de pépites encore timides. J’ai appris beaucoup plus en lisant ton mémoire qu’en lisant n’importe quel historique, tu comprends ? Ces plaies que tu ne veux pas rouvrir... elles m’ont pourtant donné envie de les regarder, et tu les as pourtant à peiner esquisser sur le papier. Je ne comprends pas.. Pourquoi avoir choisi ce sujet alors, questionna-t-elle avec tendresse en revenant vers les yeux de l’étudiante, si tu n’as pas envie de parler de toi ?
@Aphrodite Iraklidis
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