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Pour ton dix-septième anniversaire
Sam 17 Aoû 2019 - 17:14
Aeth Clifford, 17 ans
Le silence du couloir dans lequel ils patientaient lui perçait les tympans.
Aeth était né le deux Février. Pourtant, l'on fêtait toujours son anniversaire le premier jour d'été. Il n'avait jamais reçu des montagnes et des montagnes de cadeaux pour ses anniversaires et n'en avait jamais réclamé autant. A vrai dire, il recevait toujours deux présents : celui que sa grand-mère emballait avec le plus grand soin et qu'elle déposait toujours sur la table de la cuisine, face à la chaise qui était attribuée à son petit-garçon ; et celui que ses parents lui envoyaient depuis l'endroit du monde où ils étaient, car ils voyageait chaque début été, pour lui envoyer un cadeau digne de ce nom, qui arrivait parfois avec plusieurs longs jours de retard, mais qui touchait toujours le petit au plus profond de lui-même.
Les bruits de pas faisaient échos à ceux des battements de son cœur.
Pour ses un an, Aeth avait reçu une énorme peluche en forme d'ours polaire qui pouvait, à l'époque, la serrer toute entière à l'intérieur ses bras et une photo encadrée de ses parents qui lui envoyaient des baisers de leurs mains, devant le Taj Mahal.
L'un et l'autre de ces cadeaux étaient longtemps restés dans sa chambre. Nourrissant une passion dévorante pour les peluches, qui perdurait encore aujourd'hui, le petit Aeth de un an souhaitait emmener partout où il allait son énorme ours, il avait fini par se détériorer et c'est à l'année de ses six ans qu'il avait dû s'en séparer, à force de grosses larmes. Le cadre avait très vite trouvé une place de choix au-dessus de son lit à barreaux et trônait aujourd'hui au-dessus de sa tête de son lit plus grand.
L'agitation nerveuse de la jambe de son père, assis à côté de lui, l'obsédait.
Pour ses deux ans, Aeth avait reçu un kit de dessin avec de gros feutres pastels et un livre de contes suédois magique.
Sa grand-mère avait très vite compris que le petit Aeth qu'il était s'amusait beaucoup lorsqu'il avait entre les mains un livre ou des crayons. Elle avait donc décidé de lui offrir des gros feutres et un cahier de dessins moldu qu'Aeth avait déjà rempli de gribouillages au bout d'une seule semaine, trop enthousiaste à l'idée de mettre de la couleur aux monstres, aux nains, aux dragons et aux animaux tout blancs qui lui étaient présentés. C'était aussi Moïra, sa grand-mère, qui avait conseillé un livre du soir aux parents d'Aeth, qui lui avaient envoyé une version magiquement animée des contes traditionnels nordiques destinés aux tous petits. Le livre avait encore aujourd'hui sa place dans l'étagère de sa chambre.
Les pleurs douloureux de l'enfant dans la salle d'à côté commençaient sérieusement à l'irriter.
Pour ses trois ans, Aeth avait reçu un lot de circuits de trains et une veilleuse magiques qui avait fait le voyage jusqu'à chez lui depuis la Thaïlande.
Le circuit ne avait été parmi ses premières compagnes de jeu lorsqu'il s'était agit d'aller jouer avec au lac de North Elmsall. Ensemble, ils vivaient d'étonnantes aventures faites de magie, d'animaux, de chasses aux trésors et de rires. La veilleuses, elle, une boule toute duveteuse qui voletait au-dessus de sa tête en projetant dans la chambre une lumière bleutée et tamisée, aujourd'hui rangée dans une malle, l'avait consolé durant ses nuits de cauchemars infantiles et pourtant à l'air si réels.
L'idée que sa grand-mère ne soit pas à ses côté semblait lui enlever tout courage.
Pour ses quatre ans, Aeth avait reçu un petit pommier en pot et une très jolie réédition des contes de Beedle le Barde venue de la Nouvelle Zélande.
Tout comme pour son intérêt pour les livres, Moïra avait également très vite constaté l'amour de son petit-fils pour la nature et son air heureux lorsqu'elle lui proposait de s'occuper avec elle des plantes, bien que ses taches se limitaient à arroser quelques pots et à surtout regarder sa grand-mère faire. Aussi, elle avait eu l'idée de lui offrir ce pommier qui avait fini par être planté dans le jardin l'année des neuf ans d'Aeth. Les contes de Beedle le Barde avaient eux été lus et relus des milliers de fois, jusqu'à en user les pages et reposaient aujourd'hui près des contes suédois.
La porte close devant lui le narguait de manière beaucoup trop ostentatoire.
Pour ses cinq ans, Aeth avait reçu son premier collier en argent gravé à son nom et celui de sa maman et un jeu de construction sorcier envoyé d'Argentine.
Son tout premier bijou avait eu une saveur toute particulière pour Aeth. Il s'était senti comme un grand, ce collier autour de son cou de petit garçon. Il ne pouvait plus le porter car il était trop petit aujourd'hui, mais il l'avait soigneusement transformé en bracelet, toujours présent autour de son poignet. Il n'avait cependant jamais joué avec le jeu de construction, qui avait dû l'amuser une seule et unique fois lorsqu'il avait décidé, quelques semaines plus tard, de le repeindre entièrement.
Les chuchotements, bien qu'incompréhensibles, résonnaient à ses oreilles comme des grésillements.
Pour ses six ans, Aeth avait reçu un bocal avec deux poissons rouges et une très jolie combinaison de soldat tout droit venue du Canada.
Celui-ci était le premier anniversaire dont Aeth se souvienne. Recevoir des poissons, qu'il avait aussitôt nommés Bulle et Myrtille, lui avait donné l'impression d'être responsable, comme si on lui confiait des enfants. Tâche dont il était aussi responsable en raison de la naissance sa petite soeur, Maeva, quelques mois plus tôt. Quant à la combinaison de soldat, elle avait été portée durant tout l'été, Moïra ayant peiné à lui mettre autre chose sur le dos.
L'éclat de rire qui retentit soudainement au bout du couloir lui serra la gorge.
Pour ses sept ans, Aeth avait reçu la peluche d'une énorme panthère qui faisait la même taille que lui et la photo encadrée et animée de ses parents sous la Tour Eiffel.
Le petit Aeth, très attristé par la perte de l'ours polaire en peluche qui l'accompagnait depuis aussi loin qu'il puisse se souvenir avait presque hurler de joie en déballant son premier cadeau et en découvrant au matin ce nouveau compagnon qu'il baptisa aussitôt Noire. Le cadre lui était arrivé dans l'après-midi et avait fait pleuré Aeth, qui avait toujours rêver d'aller à Paris avec ses parents, eux qui parlaient si souvent de cette ville enchanteresse. Mais cela n'avait pas encore été pour cette année-ci et il en avait été très triste.
L'odeur de plastique qui régnait autour de lui lui donnait la nausée.
Pour ses huit ans, Aeth avait reçu son tout premier chevalet et un carnet de dix dessins réalisés par sa mère lui montrant la beauté du désert et des animaux de Namibie.
La découverte du chevalet d'enfant, caché dans un grand carton recouvert de papier cadeau doré et décoré d'un grand nœud jaune, avait tant réjoui Aeth qu'il s'était immédiatement attelé à la réalisation d'une nouvelle toile représentant, du mieux qu'elle le pouvait, la maison de sa grand-mère. Il la lui avait offert le soir-même, extrêmement fier, et le tableau était encore aujourd'hui accroché dans la cuisine, près du frigo. Quant aux dessins de sa mère, aussitôt les avait-il reçus qu'Aeth les avait accrochés au mur de sa chambre, près de l'endroit où il avait choisi d'installer son chevalet trois jours plus tôt.
Le couple qui passa devant eux en sanglotant le fit blêmir.
Pour ses neuf ans, Aeth avait reçu une mallette à peinture et une carte du monde envoyée depuis l'Espagne, qu'il pouvait zoomer et dé-zoomer à loisir.
Si la mallette lui avait grandement fait plaisir, comme tous les cadeaux de sa grand-mère qui savait toujours taper juste, la réception de cette carte du monde lui avait fait tout drôle et Aeth avait passé de nombreuses heures assis en tailleurs sur son lit, les lettres de ses parents sur le matelas et la carte sur ses genoux, à tenter de retracer le parcours de ses parents en fonction des lettres et des colis qu'il avait reçu, bien que sachant qu'en leur demandant de le faire quelques jours plus tard, il allait s'épargner cette peine. Finalement, cette entreprise lui avait apporté plus de joie de savoir ses parents allaient vite revenir, que d'autre chose.
Le bruit d'une porte qui claque le fit sursauter.
Pour ses dix ans, Aeth avait reçu un autre nécessaire à dessin pour plus âgés et une tenue de pirate bleue lagon provenant des Caraïbes.
La mallette qu'il avait reçu pour ses neuf ans avaient été vidée en quelques mois à peine, si bien que Moïra avait décidé de lui en acheter une nouvelle, plus grande, plus lourde, plus complète. Aeth avait donc pu y découvrir des pinceaux, des feuilles, de la peintures, des crayons de couleurs, des feutres, et même deux toiles vierges. La tenue bleue lui avait plu beaucoup plus et il l'avait porté à la fête des lumières que son village organisait chaque année.
Le silence de son père et de sa soeur augmentait son stresse de seconde en seconde.
Pour ses onze ans, Aeth ne reçu pas de cadeaux. Mais se fit plutôt plaisir à voir la présence de deux êtres chers.
Aeth se souviendrait toute sa vie de cet instant. Lorsqu'il avait vu ses parents entrer dans sa chambre, au matin de son onzième anniversaire, pour le réveiller à force de baisers et d'étreintes. C'était, en réalité, le premier de toute sa vie qu'il allait passer avec eux. C'était aussi le pire. Il se souviendrait toute sa vie de cet image. Celle de sa mère, à terre, et de son père, agenouillé près d'elle.
Le tic-tac incessant de l'horloge lui donnait le tournis.
Pendant six ans, Aeth n'avait plus rien reçu, et n'avait plus revu sa mère. Tout ce qu'il avait d'elle, c'était de jolies lettres envoyées tout au long de sa scolarité à Poudlard.
Mais, pour ses dix-sept ans, Aeth avait reçu le droit d'aller à l'hôpital sorcier de Sainte-Mangouste, à Londres, pour rendre visite à sa mère, gravement malade et plongée dans le coma.
Un guérisseur s'approcha d'eux en les interpelant et son ventre se noua.
Le moment était venu. Il allait voir sa maman.
Ce dont il ne se doutait pas, c'était de la colère qui allait l'envahir tout en entier, le faisant hurler de douleur, détruisant toutes ses ambitions.
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