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The weight of legacy
Ven 15 Nov 2019 - 13:23
La salle du cours de potion avait cette atmosphère sinistre typique des espaces sous terrains. Les grands volumes mal ventilés, les plafonds bas soutenus par de multiples piliers aux arches entrecroisées, en pierre de taille, rongée par la mousse et au sein desquels la multiplication des chandelles étirait les ombres plus qu'elle n'éclairait : il allait sans dire que sans les chaudrons et les bocaux pour rappeler de quoi on parlait, l'on se serait cru au sépulcre bien davantage que dans la plus prestigieuse université du monde sorcier.
Levius se laissait volontiers happer par cette ambiance inquiétante, lorsqu'il se retrouvait seul à ranger les dernière commandes d'Agrippa Skinner. L'atout des âmes romanesques, c'est cette capacité à se laisser emmener du monde extérieur vers le monde intérieur. Alors qu'il était seul dans la pénombre à ordonner ses plantes, Levius imaginait quelque fiction douceâtre et absurde élaborée à partir de ses souvenirs.
Ainsi, il songeait à ses années d'études qui, bien qu'encore proches dans les faits, lui semblaient extraordinairement lointaines. Tant d'événements s'interposèrent entre la personne qu'il était aujourd'hui et le jeune étudiant tout juste sorti de Poudlard : car dix ans, entre la fin de l'adolescence et l'âge adulte, c'est immense. Levius avait bien changé dans l'intervalle. Le contraste était tel qu'il n'était plus à même d'affirmer que tout ceci avait bien eu lieu.
Quand il était plus jeune, le monde lui paraissait un océan d'eau trouble. Il vivait dans une bulle, intéressé seulement par les cours et les choses de son propre esprit. Levius savait qu'il existait et cela lui suffisait. Il se nourrissait dans les livres, le contact de ses pairs représentant alors un danger bien trop grand pour qu'il n'ose s'y confronter. Mais comme il n'essayait pas, il n'avait pas peur.
A dire vrai, il manquait de conscience sur bien des choses. Levius ne concevait pas l'existence des autres autrement que dans leur aspect romanesque : des personnages évoluant au sein du décors de sa propre vie, mais dépourvus de profondeur réelle. Comme il avait compris que ses actions avaient des conséquences sur eux, il en faisait le moins possible. Il se faisait tout petit : une bille minuscule et imperméable, mais contenant un univers entier. C'était son existence alors et il s'en contentait.
Cependant, il changea, Levius. Les années passèrent sur lui jusqu'à (enfin) éroder la carapace. Peu à peu, il se laissait gagner par l'extérieur et commença à ressentir les craintes ordinaires : peur, honte, fierté, espoir... Il comprit que son existence n'était pas indépendante de celle des autres et que ce qu'il faisait avait un impact sur son entourage.
Quand sa romance débuta avec Abigail, Levius comprit enfin qu'il faisait parti d'un tout. Ce qui s'était produit par le passé avait bien eu lieu. Il comptait dans la vie des autres autant que les autres comptaient dans sa vie. Par dessus tout, il n'était pas seul et même s'il chérissait son indépendance comme le poisson chéri l'océan, il avait besoin des autres. Des réalisations évidentes pour le commun, mais pas pour Levius. Observer la terre depuis les auteurs d'un esprit bien fait, ça ne donne pas l'expérience de la marche. Même s'il comprenait comment tourne le monde, de le vivre dans sa chair avait changé sa vie. Alors, il se perdait moins en songeries et vivait plus.
Aujourd'hui, c'était à peine une exception. Levius considérait cette salle plongée dans le silence avec un respect presque cérémonieux. Il repensait à tout ce qui lui était arrivé et à toutes ces choses qu'il aurait pu faire autrement, s'il s'était ouvert davantage. Des rencontres avortées, des amorces de dialogue : rien de bien épais, rien de bien nourrissant. Il fallait être bien doux envers soi-même pour ne pas tourner ces réalisations en regrets aigres.
Levius se rassurait en se disant qu'il avait fait ce qu'il pouvait, qu'à l'époque, les choses étaient ainsi et qu'on n'y pouvait rien. Il pensait aussi au chemin parcouru : l'étudiant silencieux du premier rang qui ordonnait à présent la réserve. Était-ce là un bel accomplissement ? N'importe qui en serait fier, sans doute. L'entreprise Bird distribuait ses produits à travers toute la Grande Bretagne. Pourtant il peinait à vivre cela comme un succès personnel. Un succès familial, sans aucun doute, mais un succès personnel, il n'en était pas sûr. Levius avait toujours eu une ambition trouble. Il s'était essayé à beaucoup de choses, mais sans parvenir à trancher sur ce qui était le mieux pour lui. Probablement parce-qu'il ne cherchait pas à trancher, au fond.
Levius se laissait vivre.
Alors, on le voyait manipuler les plantes d'une infinie délicatesse. Il y avait une cagette avec des plantes en pot, mais la plupart des cartons contenaient des boites, des bocaux et des sachets pour les ingrédients préparés. Le jeune homme avait mis au point certains procédés de conservation lui-même (même si on devait la plupart au génie de Charles Bird, son grand-père). Certaines variétés, à ce titre, étaient des croisements uniques (le cœur de la réputation de la marque).
En définitive, c'était toujours émouvant pour Levius d'abandonner ses préparations aux étagères d'un potionniste. Il s'en était occupé du germe à l'emballage. A présent, il achevait sa livraison en rangeant méticuleusement tout ce qu'il avait dans la réserve. Un tri convenu avec la professeure, bien entendu, mais dont Levius détenait les secrets de la logique (il savait quelle plante s'entendait mieux avec telle autre). La dernière étape du travail pour le producteur de plantes magiques qu'il était. Ce qui adviendrait après cela, il ne pouvait que l'imaginer.
Levius se laissait volontiers happer par cette ambiance inquiétante, lorsqu'il se retrouvait seul à ranger les dernière commandes d'Agrippa Skinner. L'atout des âmes romanesques, c'est cette capacité à se laisser emmener du monde extérieur vers le monde intérieur. Alors qu'il était seul dans la pénombre à ordonner ses plantes, Levius imaginait quelque fiction douceâtre et absurde élaborée à partir de ses souvenirs.
Ainsi, il songeait à ses années d'études qui, bien qu'encore proches dans les faits, lui semblaient extraordinairement lointaines. Tant d'événements s'interposèrent entre la personne qu'il était aujourd'hui et le jeune étudiant tout juste sorti de Poudlard : car dix ans, entre la fin de l'adolescence et l'âge adulte, c'est immense. Levius avait bien changé dans l'intervalle. Le contraste était tel qu'il n'était plus à même d'affirmer que tout ceci avait bien eu lieu.
Quand il était plus jeune, le monde lui paraissait un océan d'eau trouble. Il vivait dans une bulle, intéressé seulement par les cours et les choses de son propre esprit. Levius savait qu'il existait et cela lui suffisait. Il se nourrissait dans les livres, le contact de ses pairs représentant alors un danger bien trop grand pour qu'il n'ose s'y confronter. Mais comme il n'essayait pas, il n'avait pas peur.
A dire vrai, il manquait de conscience sur bien des choses. Levius ne concevait pas l'existence des autres autrement que dans leur aspect romanesque : des personnages évoluant au sein du décors de sa propre vie, mais dépourvus de profondeur réelle. Comme il avait compris que ses actions avaient des conséquences sur eux, il en faisait le moins possible. Il se faisait tout petit : une bille minuscule et imperméable, mais contenant un univers entier. C'était son existence alors et il s'en contentait.
Cependant, il changea, Levius. Les années passèrent sur lui jusqu'à (enfin) éroder la carapace. Peu à peu, il se laissait gagner par l'extérieur et commença à ressentir les craintes ordinaires : peur, honte, fierté, espoir... Il comprit que son existence n'était pas indépendante de celle des autres et que ce qu'il faisait avait un impact sur son entourage.
Quand sa romance débuta avec Abigail, Levius comprit enfin qu'il faisait parti d'un tout. Ce qui s'était produit par le passé avait bien eu lieu. Il comptait dans la vie des autres autant que les autres comptaient dans sa vie. Par dessus tout, il n'était pas seul et même s'il chérissait son indépendance comme le poisson chéri l'océan, il avait besoin des autres. Des réalisations évidentes pour le commun, mais pas pour Levius. Observer la terre depuis les auteurs d'un esprit bien fait, ça ne donne pas l'expérience de la marche. Même s'il comprenait comment tourne le monde, de le vivre dans sa chair avait changé sa vie. Alors, il se perdait moins en songeries et vivait plus.
Aujourd'hui, c'était à peine une exception. Levius considérait cette salle plongée dans le silence avec un respect presque cérémonieux. Il repensait à tout ce qui lui était arrivé et à toutes ces choses qu'il aurait pu faire autrement, s'il s'était ouvert davantage. Des rencontres avortées, des amorces de dialogue : rien de bien épais, rien de bien nourrissant. Il fallait être bien doux envers soi-même pour ne pas tourner ces réalisations en regrets aigres.
Levius se rassurait en se disant qu'il avait fait ce qu'il pouvait, qu'à l'époque, les choses étaient ainsi et qu'on n'y pouvait rien. Il pensait aussi au chemin parcouru : l'étudiant silencieux du premier rang qui ordonnait à présent la réserve. Était-ce là un bel accomplissement ? N'importe qui en serait fier, sans doute. L'entreprise Bird distribuait ses produits à travers toute la Grande Bretagne. Pourtant il peinait à vivre cela comme un succès personnel. Un succès familial, sans aucun doute, mais un succès personnel, il n'en était pas sûr. Levius avait toujours eu une ambition trouble. Il s'était essayé à beaucoup de choses, mais sans parvenir à trancher sur ce qui était le mieux pour lui. Probablement parce-qu'il ne cherchait pas à trancher, au fond.
Levius se laissait vivre.
Alors, on le voyait manipuler les plantes d'une infinie délicatesse. Il y avait une cagette avec des plantes en pot, mais la plupart des cartons contenaient des boites, des bocaux et des sachets pour les ingrédients préparés. Le jeune homme avait mis au point certains procédés de conservation lui-même (même si on devait la plupart au génie de Charles Bird, son grand-père). Certaines variétés, à ce titre, étaient des croisements uniques (le cœur de la réputation de la marque).
En définitive, c'était toujours émouvant pour Levius d'abandonner ses préparations aux étagères d'un potionniste. Il s'en était occupé du germe à l'emballage. A présent, il achevait sa livraison en rangeant méticuleusement tout ce qu'il avait dans la réserve. Un tri convenu avec la professeure, bien entendu, mais dont Levius détenait les secrets de la logique (il savait quelle plante s'entendait mieux avec telle autre). La dernière étape du travail pour le producteur de plantes magiques qu'il était. Ce qui adviendrait après cela, il ne pouvait que l'imaginer.
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Ven 15 Nov 2019 - 19:33
La monotonie du quotidien avait le talent de vous faire oublier, de vous garder concentré sur les instants que le jour apportait, se renouvelant dès que l’horloge sonnait les minuits. Il en devenait facile de reléguer en arrière-plan ces sentiments et ressentis qui nouaient les entrailles, d’en oublier les particularités qui faisaient de cette année, une année particulièrement unique en son essence. Mais toute règle devait posséder son exception et le jeune Delgado en vivait les échos, se dirigeant lentement vers la salle de potion de l’université, les mains perdues dans les poches de son pantalon bien pressé. Bien qu’il oeuvrait dans les habitudes, son esprit vagabondait dans les souvenirs de ses années étudiantes, rapportant au-devant ces souvenirs qui avaient la capacité de vous tenir éveillé des heures durant. Il avait vécu tant de choses, d’expériences entre les murs de cette école ; et bien que la majorité de ces dits souvenirs comportaient les nuances d’un positivisme assuré, certains soupiraient les résonances du regret amer. Car cette dernière année possédait la lourdeur de l’inébranlable finalité. Elle était la dernière d’une longue lignée passée lors de ses études à Hungcalf, accueillant les au revoir douloureux d’une époque alliant découvertes, joies et regrets d’une fusion complexe.
Et tandis que la fin approchait, murmurant le dessein d’une histoire qu’on souhaitait découvrir, mais dont la finalité rimait avec l’appréhension accompagnant les dénouements, le jeune homme, quant à lui, tardait à voir la beauté de son nouveau chapitre. La promesse d’une carrière assurée, d’un chemin bien tracé, bien que rassurant au début avait maintenant l’apparence d’une prison dont le lufkin n’en possédait pas les clés. Tant d’espoir, d’attentes étaient posés sur ses épaules et bien que l’optique de diriger l’une des plus grandes compagnies botaniques au monde lui offrait une fierté doucereuse, l’envie de fuir le narguait. Il avait des passions, des désirs, des expériences qui ne demandaient qu’à être vivre, mais dont les possibilités et opportunités semblaient réduire au fil des jours le rapprochant de sa graduation. Il avait des choses à prouver, un caractère à assumer, des fissures à réparer. Il avait changé le brésilien, sa personnalité se raffinant, se forgeant au fil des interactions sociales et bien que le chemin emprunté était le sien, cela n’empêchait pas les pointes de remords de vivre leur propre destin au sein de son être. Il fut un temps où l’arrogance d’un nom, la pureté du sang étaient tout ce qu’il lui fallait pour s’élever au-dessus des autres, regardant d’une hauteur imaginée ceux se retrouvant à ses pieds. Il était facile de se considérer meilleur, de croire que le monde entier lui était dû lorsque la famille revendiquait ces croyances à chaque instant du petit enfant grandissant. Il avait dit de ces phrases qui vous répugnaient qu’à y penser maintenant ; la liste des blessés n’était pas si grande, mais les noms avaient le don de rester ancrés à sa mémoire, rappel incessant des torts qu’il avait causés, des âmes qu’ils avaient torturées.
Et comme souvent, la vie jouait de sa belle ironie, imposant ces situations qui avaient le don d’unifier le malaise à l’opportunité désirée. Une main posée sur une poignée, une porte qui ouvrait lentement, le grincement brisant le silence. Evandro entra dans la classe de potion, dans l’idée de tenter l’une de ses expériences inventées, lorsque la vision d’un humain remplissant les étagères l’arrêta dans ses pas. Malgré l’incongruité de la scène, il ne lui fallut pas plus qu’un instant pour reconnaître l’homme affairé à la tâche. Il était l’une de ces fameuses victimes, l’une de ces belles âmes que le Delgado n’avait pas hésité à reléguer sous son ombre lorsque son outrecuidance avait surplombé tout le reste. Un sourcil grimpé sur son visage et l’étonnement ne se fit pas prier pour s’échapper des lèvres du nouveau venu.
“Bird”, dit-il en guise d’accueil, une trace de surprise colorant le ton de sa voix. “C’est une surprise.” Le silence était maintenant bien brisé, Evandro ayant fait connaître deux fois plutôt qu’une sa présence à Levius.
Evandro possédait la nonchalance d’un homme ayant vu beaucoup plus sans pour autant que l’expérience n’en soit réellement pour quelque chose. Le pantalon gris foncé bien pressé, la chemise bleue royale bien placée et le veston agencé donnaient classe à son apparence. Sa main retrouva le chemin de sa poche tandis que l’élève toisait, incertain, celui qu’il n’avait pas prévu rencontrer de nouveau dans un contexte étudiant. Le malaise pouvait se lire sur sa posture lorsqu’on savait où regarder : les épaules quelque peu tendues ; la mâchoire légèrement serrée ; le regard oscillant, regardant les yeux de son interlocuteur, mais parfois simplement derrière ceux-ci, fuyant. Des petits détails, mais que lorsque mis ensemble, transpiraient sans aucun doute l’hésitation du lufkin. Ce dernier reprit la parole, jouant de ces commentaires triviaux pour masquer la présence d'un malaise grandissant.
“C’est bien vrai", commença-t-il, répondant à une question dont lui seul en connaissait l'essentiel, rester cloîtrée dans son esprit. "Cest la compagnie Bird qui détient le contrat d’approvisionnement en herbes et plantes d’Hungcalf. Un beau contrat que vous avez remporté. Je ne pensais pas, par contre, que tu t’occupais personnellement de la livraison ; n’avez-vous pas des employés pour cette partie du travail ?” Son ton était d’une neutralité forcée, sans émotion. La conversation se voulait civile, honnête dans son intérêt.
Le brésilien fit quelques pas vers l’avant, s’avançant doucement, mais sans brusquerie. La moitié de la pièce avait été traversée, mais sans plus. Une main glissait le long d’une table, touchant la texture du bois sans réelle raison. La retenue se lisait dans ses gestes, incertitude oeuvrait dans son comportement ; il y avait une gentillesse dans son approche que Levius ne lui connaissait probablement pas. Il avait changé le Delgado, mais cela, l’oiseau en avait probablement vu que quelques lueurs, si ce n’est même aucune. Le regard d’Evandro s’attarda sur les boîtes entourant son interlocuteur, notant que la commande n’était pas petite, mais que son rangement était bien amorcé. D’un petit hochement des épaules contrôlé, l’étudiant proposa, la voix toujours aussi nonchalante : “Est-ce que je peux t’offrir une paire de mains supplémentaires pour t’aider à tout ranger ?”
Et tandis que la fin approchait, murmurant le dessein d’une histoire qu’on souhaitait découvrir, mais dont la finalité rimait avec l’appréhension accompagnant les dénouements, le jeune homme, quant à lui, tardait à voir la beauté de son nouveau chapitre. La promesse d’une carrière assurée, d’un chemin bien tracé, bien que rassurant au début avait maintenant l’apparence d’une prison dont le lufkin n’en possédait pas les clés. Tant d’espoir, d’attentes étaient posés sur ses épaules et bien que l’optique de diriger l’une des plus grandes compagnies botaniques au monde lui offrait une fierté doucereuse, l’envie de fuir le narguait. Il avait des passions, des désirs, des expériences qui ne demandaient qu’à être vivre, mais dont les possibilités et opportunités semblaient réduire au fil des jours le rapprochant de sa graduation. Il avait des choses à prouver, un caractère à assumer, des fissures à réparer. Il avait changé le brésilien, sa personnalité se raffinant, se forgeant au fil des interactions sociales et bien que le chemin emprunté était le sien, cela n’empêchait pas les pointes de remords de vivre leur propre destin au sein de son être. Il fut un temps où l’arrogance d’un nom, la pureté du sang étaient tout ce qu’il lui fallait pour s’élever au-dessus des autres, regardant d’une hauteur imaginée ceux se retrouvant à ses pieds. Il était facile de se considérer meilleur, de croire que le monde entier lui était dû lorsque la famille revendiquait ces croyances à chaque instant du petit enfant grandissant. Il avait dit de ces phrases qui vous répugnaient qu’à y penser maintenant ; la liste des blessés n’était pas si grande, mais les noms avaient le don de rester ancrés à sa mémoire, rappel incessant des torts qu’il avait causés, des âmes qu’ils avaient torturées.
Et comme souvent, la vie jouait de sa belle ironie, imposant ces situations qui avaient le don d’unifier le malaise à l’opportunité désirée. Une main posée sur une poignée, une porte qui ouvrait lentement, le grincement brisant le silence. Evandro entra dans la classe de potion, dans l’idée de tenter l’une de ses expériences inventées, lorsque la vision d’un humain remplissant les étagères l’arrêta dans ses pas. Malgré l’incongruité de la scène, il ne lui fallut pas plus qu’un instant pour reconnaître l’homme affairé à la tâche. Il était l’une de ces fameuses victimes, l’une de ces belles âmes que le Delgado n’avait pas hésité à reléguer sous son ombre lorsque son outrecuidance avait surplombé tout le reste. Un sourcil grimpé sur son visage et l’étonnement ne se fit pas prier pour s’échapper des lèvres du nouveau venu.
“Bird”, dit-il en guise d’accueil, une trace de surprise colorant le ton de sa voix. “C’est une surprise.” Le silence était maintenant bien brisé, Evandro ayant fait connaître deux fois plutôt qu’une sa présence à Levius.
Evandro possédait la nonchalance d’un homme ayant vu beaucoup plus sans pour autant que l’expérience n’en soit réellement pour quelque chose. Le pantalon gris foncé bien pressé, la chemise bleue royale bien placée et le veston agencé donnaient classe à son apparence. Sa main retrouva le chemin de sa poche tandis que l’élève toisait, incertain, celui qu’il n’avait pas prévu rencontrer de nouveau dans un contexte étudiant. Le malaise pouvait se lire sur sa posture lorsqu’on savait où regarder : les épaules quelque peu tendues ; la mâchoire légèrement serrée ; le regard oscillant, regardant les yeux de son interlocuteur, mais parfois simplement derrière ceux-ci, fuyant. Des petits détails, mais que lorsque mis ensemble, transpiraient sans aucun doute l’hésitation du lufkin. Ce dernier reprit la parole, jouant de ces commentaires triviaux pour masquer la présence d'un malaise grandissant.
“C’est bien vrai", commença-t-il, répondant à une question dont lui seul en connaissait l'essentiel, rester cloîtrée dans son esprit. "Cest la compagnie Bird qui détient le contrat d’approvisionnement en herbes et plantes d’Hungcalf. Un beau contrat que vous avez remporté. Je ne pensais pas, par contre, que tu t’occupais personnellement de la livraison ; n’avez-vous pas des employés pour cette partie du travail ?” Son ton était d’une neutralité forcée, sans émotion. La conversation se voulait civile, honnête dans son intérêt.
Le brésilien fit quelques pas vers l’avant, s’avançant doucement, mais sans brusquerie. La moitié de la pièce avait été traversée, mais sans plus. Une main glissait le long d’une table, touchant la texture du bois sans réelle raison. La retenue se lisait dans ses gestes, incertitude oeuvrait dans son comportement ; il y avait une gentillesse dans son approche que Levius ne lui connaissait probablement pas. Il avait changé le Delgado, mais cela, l’oiseau en avait probablement vu que quelques lueurs, si ce n’est même aucune. Le regard d’Evandro s’attarda sur les boîtes entourant son interlocuteur, notant que la commande n’était pas petite, mais que son rangement était bien amorcé. D’un petit hochement des épaules contrôlé, l’étudiant proposa, la voix toujours aussi nonchalante : “Est-ce que je peux t’offrir une paire de mains supplémentaires pour t’aider à tout ranger ?”
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Mer 20 Nov 2019 - 15:06
Sans élèves ni chaudrons bouillonnant pour saturer l'atmosphère, l'on entendait le moindre bruit. Ainsi, lorsque la porte de la salle grinça, Levius comprit immédiatement que quelqu'un venait d'entrer. Il suspendit ses gestes un bref instant en réaction, jetant hasardeusement son regard azur dans la pénombre, à la recherche d'une silhouette. Celle qui se découpa, quelques secondes plus tard, était assez familière pour qu'il la reconnaisse aussitôt : c'était celle d'Evandro Delgado.
Levius avait un certain passif avec le brésilien. Ils s'étaient côtoyés quelques temps, à l'époque où Levius étudiait à l'université. Tous les deux répartis chez les Lufkins. Deux élèves tout à fait ordinaires à première vue. Sauf que Levius et Evandro appartenaient respectivement à deux grandes familles de botanistes concurrentes. En effet, quand on en venait aux plantes magiques, deux noms ressortaient dans le monde sorcier : Delgado (à l'internationale) et Bird (en Grande-Bretagne).
Au cours de ses jeunes années, Levius eut maintes fois l'occasion de sentir ce que cela signifiait : le jeune héritier de l'empire brésilien ne s'était pas toujours montré très tendre avec lui. Rien de foncièrement grave ni mauvais, naturellement (il s'agissait plus de postures que d'autre chose), mais assez pour ébranler la sensibilité fragile de Levius. Ce dernier n'avait jamais été à l'aise avec la compétition. Il travaillait et apprenait pour lui-même, mais dès lors qu'il s'agissait de se comparer aux autres, il perdait pied.
A l'époque des faits, Levius ne se destinait d'ailleurs même pas à reprendre l'entreprise familiale. Il étudiait la magizoologie sans trop savoir où cela le mènerait, simplement parce-qu'il en avait envie. L'avenir lui semblait lointain et il n'avait aucune notion de responsabilité. Il allait sans dire qu'avec de telles dispositions, l'état d'esprit dans lequel se trouvait Evandro, à l'époque, lui passa totalement au dessus de la tête. Mais si Levius ne voyait alors en lui qu'un héritier prétentieux et arrogant, c'est probablement parce-que le brésilien souhaitait lui renvoyer une telle image. Docile, Levius se laissa donc écraser sous la superbe de ce jeune homme à l'allure tellement maîtrisée. Il se laissa impressionner par le maintien et les manières, l'intelligence bien faite, la belle réputation et le sang-pur de la vitrine Delgado, car c'est tout ce dont est capable un esprit immature.
Levius manquait d'amour propre et de recul pour se distancier de ce jeu. Il endura donc la chose sans trop la comprendre le temps de son DUC. Indifférent au monde, mais inquiet (parfois) de croiser l'hostile Lufkin. Puis, Levius s'en alla étudier aux États-Unis et il oublia cette affaire avec le reste.
De se trouver face à Evandro aujourd'hui, son nom de famille au bout des lèvres, fit à Levius un effet étrange. Son corps se souvenait de cette sensation désagréable qu'il avait près du jeune homme, à l'époque : les entrailles nouées d'appréhension. Il se surprit à ressentir la même chose, à l'instant où la figure du brésilien apparut nettement dans la lumière. Levius n'avait pas réalisé combien tout ceci l'avait marqué (inconsciemment). D'en prendre ainsi conscience le mit un peu mal à l'aise (et l’étonna).
Levius ne maintint pas longtemps son regard sur Evandro. Il avait déjà du mal à le faire avec les individus qu'il appréciait, alors il allait sans dire que la tâche devenait d'autant plus difficile s'agissant d'un ancien rival (si l'on peut dire). Il saisit néanmoins la perfection du costume dans l'intervalle. Le bleu de la chemise, en outre, avait cette flamboyance typique d'un E majuscule. Manière d'affirmer sa présence au monde par la couleur : Evandro n'imaginait sans doute pas combien ce choix simple faisait sens aux yeux de Levius.
Ainsi, il se sentait déjà vaciller sur ses appuis. Son regard bleu se perdait sur ses propres mains, posées devant lui sur le bureau : les poings bien fermés (mais pas serrés), l'articulation des pouces (cachés sous ses doigts repliés) alignées. Il manquait de remarquer le changement d'attitude du brésilien dans le processus : cette crispation atypique, cette hésitation. Levius oubliait de considérer le fait qu'ils étaient désormais tous les deux adultes (probablement parce qu'en cet instant, il se sentait redevenir un enfant).
« Je... Fit-il, comme Evandro évoquait son contrat avec l'université. Si, mais... Le plus souvent, c'est moi qui m'en occupe.
Levius avait l'impression de se justifier et cela renforça son sentiment de malaise. Il n'y avait pourtant aucun piège dans ce qu'il venait de demander. Seulement, le botaniste était tellement habitué à sentir de l'hostilité venant d'Evandro qu'il imaginait que la question cachait une sorte d'attaque, ou quelque chose de ce genre.
« Diminuer le nombre d'intermédiaires permet de réduire les coûts. Poursuivit-il ensuite d'un ton qui se voulait naturel, en rectifiant la position de ses lunettes sur son nez. C'est l'avantage de la production locale.
Et la raison pour laquelle l'entreprise Bird avait un avantage au Royaume-Unis. En éliminant les transporteurs, Levius pouvait proposer des produits d'une grande qualité et d'une fraîcheur incomparable à des prix réduits (sans pour autant rogner sur sa marge). Il assurait la production, le conditionnement et la livraison sans passer par un tiers. Mais ça, Evandro le savait. C'était une base du commerce et la raison pour laquelle la petite entreprise familiale s'en sortait face à l'empire brésilien.
Levius se raidit un peu, comme Evandro approchait : il se trouva d'ailleurs idiot de réagir de la sorte, mais c'était physique et il ne pouvait pas le contrôler. Sa raison lui répétait de ne pas se laisser impressionner, mais son cœur n'écoutait rien. Il avait l'impression d'avoir vingt ans à nouveau. C'était très désagréable.
Cependant, le jeune homme fut véritablement prit de court lorsque son homologue décida de lui proposer son aide pour le rangement. Levius eut un léger hochement de tête stupéfait, avant de s'enhardir à lui jeter un regard en coin (qui se posa sur les mains et non le visage).
« Pour m'aider ? Répéta-t-il un peu bêtement. Euh, je... Oui. D'accord.
Levius avait accepté sans trop savoir pourquoi (sans doute n'osait-il pas refuser, tout simplement). Il n'était cependant pas certain de bien saisir ce qui se cachait derrière le ton indifférent d'Evandro : avait-il à craindre quelque chose ?
D'un autre côté, le jeune entrepreneur ne cessait de se répéter qu'il était idiot de s'inquiéter à ce point. Quand bien même Evandro aurait-il toujours le caractère arrogant de ses jeunes années, Levius s'était endurcit, lui. Il n'était plus obligé de supporter le mépris, ni quoi que ce soit d'autre. A dire vrai, il n'avait même aucune raison de se laisser atteindre. C'était simplement son hypersensibilité qui lui jouait des tours, une fois de plus, en le rendant farouche.
« Je... M'occupe des plantes en pot. Dit-il après un court instant, le regard rivé sur les sachets portant son propre logo (comme une manière de se rassurer). Tu peux t'occuper de ces boites là, si tu veux.
Il désigna un gros carton d'un signe de tête.
Levius avait un certain passif avec le brésilien. Ils s'étaient côtoyés quelques temps, à l'époque où Levius étudiait à l'université. Tous les deux répartis chez les Lufkins. Deux élèves tout à fait ordinaires à première vue. Sauf que Levius et Evandro appartenaient respectivement à deux grandes familles de botanistes concurrentes. En effet, quand on en venait aux plantes magiques, deux noms ressortaient dans le monde sorcier : Delgado (à l'internationale) et Bird (en Grande-Bretagne).
Au cours de ses jeunes années, Levius eut maintes fois l'occasion de sentir ce que cela signifiait : le jeune héritier de l'empire brésilien ne s'était pas toujours montré très tendre avec lui. Rien de foncièrement grave ni mauvais, naturellement (il s'agissait plus de postures que d'autre chose), mais assez pour ébranler la sensibilité fragile de Levius. Ce dernier n'avait jamais été à l'aise avec la compétition. Il travaillait et apprenait pour lui-même, mais dès lors qu'il s'agissait de se comparer aux autres, il perdait pied.
A l'époque des faits, Levius ne se destinait d'ailleurs même pas à reprendre l'entreprise familiale. Il étudiait la magizoologie sans trop savoir où cela le mènerait, simplement parce-qu'il en avait envie. L'avenir lui semblait lointain et il n'avait aucune notion de responsabilité. Il allait sans dire qu'avec de telles dispositions, l'état d'esprit dans lequel se trouvait Evandro, à l'époque, lui passa totalement au dessus de la tête. Mais si Levius ne voyait alors en lui qu'un héritier prétentieux et arrogant, c'est probablement parce-que le brésilien souhaitait lui renvoyer une telle image. Docile, Levius se laissa donc écraser sous la superbe de ce jeune homme à l'allure tellement maîtrisée. Il se laissa impressionner par le maintien et les manières, l'intelligence bien faite, la belle réputation et le sang-pur de la vitrine Delgado, car c'est tout ce dont est capable un esprit immature.
Levius manquait d'amour propre et de recul pour se distancier de ce jeu. Il endura donc la chose sans trop la comprendre le temps de son DUC. Indifférent au monde, mais inquiet (parfois) de croiser l'hostile Lufkin. Puis, Levius s'en alla étudier aux États-Unis et il oublia cette affaire avec le reste.
De se trouver face à Evandro aujourd'hui, son nom de famille au bout des lèvres, fit à Levius un effet étrange. Son corps se souvenait de cette sensation désagréable qu'il avait près du jeune homme, à l'époque : les entrailles nouées d'appréhension. Il se surprit à ressentir la même chose, à l'instant où la figure du brésilien apparut nettement dans la lumière. Levius n'avait pas réalisé combien tout ceci l'avait marqué (inconsciemment). D'en prendre ainsi conscience le mit un peu mal à l'aise (et l’étonna).
Levius ne maintint pas longtemps son regard sur Evandro. Il avait déjà du mal à le faire avec les individus qu'il appréciait, alors il allait sans dire que la tâche devenait d'autant plus difficile s'agissant d'un ancien rival (si l'on peut dire). Il saisit néanmoins la perfection du costume dans l'intervalle. Le bleu de la chemise, en outre, avait cette flamboyance typique d'un E majuscule. Manière d'affirmer sa présence au monde par la couleur : Evandro n'imaginait sans doute pas combien ce choix simple faisait sens aux yeux de Levius.
Ainsi, il se sentait déjà vaciller sur ses appuis. Son regard bleu se perdait sur ses propres mains, posées devant lui sur le bureau : les poings bien fermés (mais pas serrés), l'articulation des pouces (cachés sous ses doigts repliés) alignées. Il manquait de remarquer le changement d'attitude du brésilien dans le processus : cette crispation atypique, cette hésitation. Levius oubliait de considérer le fait qu'ils étaient désormais tous les deux adultes (probablement parce qu'en cet instant, il se sentait redevenir un enfant).
« Je... Fit-il, comme Evandro évoquait son contrat avec l'université. Si, mais... Le plus souvent, c'est moi qui m'en occupe.
Levius avait l'impression de se justifier et cela renforça son sentiment de malaise. Il n'y avait pourtant aucun piège dans ce qu'il venait de demander. Seulement, le botaniste était tellement habitué à sentir de l'hostilité venant d'Evandro qu'il imaginait que la question cachait une sorte d'attaque, ou quelque chose de ce genre.
« Diminuer le nombre d'intermédiaires permet de réduire les coûts. Poursuivit-il ensuite d'un ton qui se voulait naturel, en rectifiant la position de ses lunettes sur son nez. C'est l'avantage de la production locale.
Et la raison pour laquelle l'entreprise Bird avait un avantage au Royaume-Unis. En éliminant les transporteurs, Levius pouvait proposer des produits d'une grande qualité et d'une fraîcheur incomparable à des prix réduits (sans pour autant rogner sur sa marge). Il assurait la production, le conditionnement et la livraison sans passer par un tiers. Mais ça, Evandro le savait. C'était une base du commerce et la raison pour laquelle la petite entreprise familiale s'en sortait face à l'empire brésilien.
Levius se raidit un peu, comme Evandro approchait : il se trouva d'ailleurs idiot de réagir de la sorte, mais c'était physique et il ne pouvait pas le contrôler. Sa raison lui répétait de ne pas se laisser impressionner, mais son cœur n'écoutait rien. Il avait l'impression d'avoir vingt ans à nouveau. C'était très désagréable.
Cependant, le jeune homme fut véritablement prit de court lorsque son homologue décida de lui proposer son aide pour le rangement. Levius eut un léger hochement de tête stupéfait, avant de s'enhardir à lui jeter un regard en coin (qui se posa sur les mains et non le visage).
« Pour m'aider ? Répéta-t-il un peu bêtement. Euh, je... Oui. D'accord.
Levius avait accepté sans trop savoir pourquoi (sans doute n'osait-il pas refuser, tout simplement). Il n'était cependant pas certain de bien saisir ce qui se cachait derrière le ton indifférent d'Evandro : avait-il à craindre quelque chose ?
D'un autre côté, le jeune entrepreneur ne cessait de se répéter qu'il était idiot de s'inquiéter à ce point. Quand bien même Evandro aurait-il toujours le caractère arrogant de ses jeunes années, Levius s'était endurcit, lui. Il n'était plus obligé de supporter le mépris, ni quoi que ce soit d'autre. A dire vrai, il n'avait même aucune raison de se laisser atteindre. C'était simplement son hypersensibilité qui lui jouait des tours, une fois de plus, en le rendant farouche.
« Je... M'occupe des plantes en pot. Dit-il après un court instant, le regard rivé sur les sachets portant son propre logo (comme une manière de se rassurer). Tu peux t'occuper de ces boites là, si tu veux.
Il désigna un gros carton d'un signe de tête.
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Jeu 21 Nov 2019 - 20:21
Son arrivée avait soufflé un vent froid sur l’atmosphère. À peine le premier mot quittant la barrière de ses lèvres que l’interpellé trouvait rigidité dans sa posture. Au final, cette réaction avait tout de l’habituel, mais ces échos de leur passé provoquaient un goût amer chez le brésilien. Il ne pouvait en vouloir à l’ex-lufkin de se lover dans le familier. Il savait que Bird n’aurait point le courage de lui demander de quitter la salle, mais si ce dernier s’était permis cette fantaisie, l’étudiant n’aurait pu guère lui en vouloir ; il aurait même probablement obtempéré sans un mot donné. Leur passé contenait majoritairement ces moments de pression sociale, d'assujettissement forcé et d’intimidation imposée ; ces moments qui, fut un temps, suscitaient un élan d’orgueil chez le Delgado au détriment inconsidéré de celui de Bird. Evandro en était le seul coupable ; la contenance de son nom, la pression familiale d’une compagnie aux renommées internationales et la pureté d’un sang qui n’importait si peu au final avaient aliéné les origines amiables du garçon. Heureusement, Amelya avait su offrir la rédemption au jeune homme, éduquant le brésilien quant aux vertus d’une âme charitable. Aujourd’hui, la situation était autre, mais le souvenir du passif partagé revenait à la charge, dérangeant les deux parties. Il avait finalement trouvé paix en lui-même. Mais en cet instant, celle-ci semblait si hypocrite alors que son regard retrouvait les traits familiers de Levius, convoitant un pardon qu’il ne méritait sans doute pas.
Le regard de Levius se réconfortait sur ses propres mains, refusant de regarder celui qui avait imposé, en quelque sorte, sa présence. Il y avait une belle naïveté dans son comportement, une pureté gracieuse ; l'innocence de croire que les yeux fermés, rien de pouvait l’atteindre. Autant qu’avant cette posture aurait arraché un petit rictus contrôlé au visage du brésilien, cette fois-ci, ce fut l’expression grimaçante qui couvrit ce dernier, reflet honteux. Cette sensible simplicité de laquelle il avait tant abusé soufflait maintenant les résonances d’une âme délicate. La neutralité de la question ouvrit quelque peu la conversation entre les deux âmes incertaines, l’homme d’affaires répondant d’un ton hésitant avant de reprendre confiance, doucement, lentement. À la conclusion de son argument, Evandro ne put que hocher de la tête gracieusement, en accord avec les dires de l’héritier Bird. “En effet, c’est un avantage concurrentiel qui est très difficile à battre. Le prix plus abordable, sans oublier le sentiment de communauté de vos clients lorsqu’ils font affaire avec une entreprise locale sont tous de beaux avantages que vous détenez”, répondit-il, ajoutant un peu plus aux termes de l’homme d’affaires, donnant raison à cette évidence que tous deux connaissaient.
Son approche renforça la posture aux allures défensives de l’oiseau, la situation comportant certaines similitudes à une cage se refermant sur sa proie. Le prédateur fané s’arrêta dans son avancée, allouant un espace plus grand que nécessaire entre eux deux. Evandro était incertain quant à la raison de son offre. Était-ce la nervosité ou encore son désir inavoué pour l’absolution qui le guidait ? Peut-être était-ce un peu des deux. Mais, quel qu’il en fût, l’assistance proposée avait quitté ses lèvres, naturelle. Il n’avait point réalisé l’appréhension que son offre cachait, mais lorsque cette dernière fut acceptée, malgré l’hésitation initiale, ses épaules se relâchèrent quelque peu. “Avec plaisir”, répondit-il, simplement, sans artifices. Il ne savait pourquoi l’envie de prouver à Levius qu’il avait changé lui importait tant, mais le désir restait le même, puissant. Peut-être était-ce que, faisant exception à la majorité, l’oiseau n’avait jamais réellement répliqué, trouvant réconfort, aussi petit soit-il, dans le silence acculé. Le regret prenait des propositions remarquables lorsque la victime d’un tort n’avait jamais riposté, se laissant imposer ces situations inexorables. Et lorsque le bourreau se trouvait repentant, l’effet des paroles passées paraissait décuplé.
Lentement, Delgado retira son veston, le pliant minutieusement avant de le déposer sur un bureau inoccupé, bien replié. Les boutons de ses manches se retrouvèrent défaits et d’un mouvement soigné, le brésilien remonta sur ses avant-bras les manches de sa chemise bien pressée. S’accroupissant devant la boîte désignée, Evandro ouvrit les pans de cette dernière, jeta un coup d’oeil aux ingrédients contenus. Il reconnut rapidement les racines d’Asphodèle et l’Armoise, prenant un sachet de chacun avant de se diriger vers les étagères, silencieux. Malgré leur similarité alphabétique, les deux ingrédients n’étaient point classés dans cet ordre, se retrouvant, au contraire, presque opposés dans leur rangement respectif. Evandro connaissait l’emplacement de la majorité des ingrédients, possédant pratiquement le titre d’abonné à cette pièce tant il la visitait souvent. Mais il devait avouer que la logique derrière le classement n’avait jamais réellement eu de sens à ses yeux. Du coin de l’oeil, Levius, quant à lui, disposait des plants avec la certitude de l’habitude, déplaçant même, parfois, les ingrédients pour les réarranger à sa façon. Plusieurs minutes s’étaient écoulées, jouant de son temps pour apaiser la tension du duo incongru. L’ambiance n’avait pas la tranquillité caractéristique d’amis travaillant de pair, mais la lourdeur semblait avoir diminuée, si ce n’était que d’un soupçon seulement. Le silence régnait, lourd des ressentis propres à chacun. Le brésilien, quant à lui, tentait d’enfouir son agitation mentale, portant son attention sur la tâche plutôt qu’à l’émoi intérieur.
Attrapant un bocal, le brésilien regarda le nom indiqué d’un oeil étonné, relisant à quelques reprises ce dernier pour s’assurer que son esprit ne lui jouait aucun tour ; de la sève de Wollemia nobilis, un ingrédient botanique des plus rares. Il en savait quelque chose ; ayant tenté de trouver cette même plante pendant des années pour une expérience de son cru. Il se releva doucement, le regard fixé sur le trésor que comportait le contenant en verre, stupéfait, n’ayant jamais réellement aperçu celui-ci sur les étagères de la classe auparavant. Toisant la sève, le jeune Delgado s’approcha de Levius, s’arrêtant, sans réellement s’en apercevoir, plus près qu’à l’habitude de son interlocuteur. “C’est toute une perle que tu détiens-là”, commenta le plus jeune, la voix trahissant sa passion, les yeux toujours rivés sur le bocal. “Par respect pour la compétition, je ne te demanderai pas où tu as trouvé ce trésor botanique, pas que l’envie ne me manque”, continua-t-il, la dernière partie murmurée plus pour son propre bénéfice que celui de son interlocuteur. Secouant légèrement la tête, l’héritier Delgado leva finalement les yeux vers ce dernier, un petit sourire flottant sur ses lèvres, l’effet d’une si belle découverte jouant sur son humeur aux allures normalement nonchalantes. “Bref, je ne suis pas certain de comprendre la logique de rangement des ingrédients. Ça fait des années que je tente d’y trouver un sens, sans aucun succès. Sais-tu, par tout hasard, où cette sève doit se retrouver parmi tout le reste ?”
Le regard de Levius se réconfortait sur ses propres mains, refusant de regarder celui qui avait imposé, en quelque sorte, sa présence. Il y avait une belle naïveté dans son comportement, une pureté gracieuse ; l'innocence de croire que les yeux fermés, rien de pouvait l’atteindre. Autant qu’avant cette posture aurait arraché un petit rictus contrôlé au visage du brésilien, cette fois-ci, ce fut l’expression grimaçante qui couvrit ce dernier, reflet honteux. Cette sensible simplicité de laquelle il avait tant abusé soufflait maintenant les résonances d’une âme délicate. La neutralité de la question ouvrit quelque peu la conversation entre les deux âmes incertaines, l’homme d’affaires répondant d’un ton hésitant avant de reprendre confiance, doucement, lentement. À la conclusion de son argument, Evandro ne put que hocher de la tête gracieusement, en accord avec les dires de l’héritier Bird. “En effet, c’est un avantage concurrentiel qui est très difficile à battre. Le prix plus abordable, sans oublier le sentiment de communauté de vos clients lorsqu’ils font affaire avec une entreprise locale sont tous de beaux avantages que vous détenez”, répondit-il, ajoutant un peu plus aux termes de l’homme d’affaires, donnant raison à cette évidence que tous deux connaissaient.
Son approche renforça la posture aux allures défensives de l’oiseau, la situation comportant certaines similitudes à une cage se refermant sur sa proie. Le prédateur fané s’arrêta dans son avancée, allouant un espace plus grand que nécessaire entre eux deux. Evandro était incertain quant à la raison de son offre. Était-ce la nervosité ou encore son désir inavoué pour l’absolution qui le guidait ? Peut-être était-ce un peu des deux. Mais, quel qu’il en fût, l’assistance proposée avait quitté ses lèvres, naturelle. Il n’avait point réalisé l’appréhension que son offre cachait, mais lorsque cette dernière fut acceptée, malgré l’hésitation initiale, ses épaules se relâchèrent quelque peu. “Avec plaisir”, répondit-il, simplement, sans artifices. Il ne savait pourquoi l’envie de prouver à Levius qu’il avait changé lui importait tant, mais le désir restait le même, puissant. Peut-être était-ce que, faisant exception à la majorité, l’oiseau n’avait jamais réellement répliqué, trouvant réconfort, aussi petit soit-il, dans le silence acculé. Le regret prenait des propositions remarquables lorsque la victime d’un tort n’avait jamais riposté, se laissant imposer ces situations inexorables. Et lorsque le bourreau se trouvait repentant, l’effet des paroles passées paraissait décuplé.
Lentement, Delgado retira son veston, le pliant minutieusement avant de le déposer sur un bureau inoccupé, bien replié. Les boutons de ses manches se retrouvèrent défaits et d’un mouvement soigné, le brésilien remonta sur ses avant-bras les manches de sa chemise bien pressée. S’accroupissant devant la boîte désignée, Evandro ouvrit les pans de cette dernière, jeta un coup d’oeil aux ingrédients contenus. Il reconnut rapidement les racines d’Asphodèle et l’Armoise, prenant un sachet de chacun avant de se diriger vers les étagères, silencieux. Malgré leur similarité alphabétique, les deux ingrédients n’étaient point classés dans cet ordre, se retrouvant, au contraire, presque opposés dans leur rangement respectif. Evandro connaissait l’emplacement de la majorité des ingrédients, possédant pratiquement le titre d’abonné à cette pièce tant il la visitait souvent. Mais il devait avouer que la logique derrière le classement n’avait jamais réellement eu de sens à ses yeux. Du coin de l’oeil, Levius, quant à lui, disposait des plants avec la certitude de l’habitude, déplaçant même, parfois, les ingrédients pour les réarranger à sa façon. Plusieurs minutes s’étaient écoulées, jouant de son temps pour apaiser la tension du duo incongru. L’ambiance n’avait pas la tranquillité caractéristique d’amis travaillant de pair, mais la lourdeur semblait avoir diminuée, si ce n’était que d’un soupçon seulement. Le silence régnait, lourd des ressentis propres à chacun. Le brésilien, quant à lui, tentait d’enfouir son agitation mentale, portant son attention sur la tâche plutôt qu’à l’émoi intérieur.
Attrapant un bocal, le brésilien regarda le nom indiqué d’un oeil étonné, relisant à quelques reprises ce dernier pour s’assurer que son esprit ne lui jouait aucun tour ; de la sève de Wollemia nobilis, un ingrédient botanique des plus rares. Il en savait quelque chose ; ayant tenté de trouver cette même plante pendant des années pour une expérience de son cru. Il se releva doucement, le regard fixé sur le trésor que comportait le contenant en verre, stupéfait, n’ayant jamais réellement aperçu celui-ci sur les étagères de la classe auparavant. Toisant la sève, le jeune Delgado s’approcha de Levius, s’arrêtant, sans réellement s’en apercevoir, plus près qu’à l’habitude de son interlocuteur. “C’est toute une perle que tu détiens-là”, commenta le plus jeune, la voix trahissant sa passion, les yeux toujours rivés sur le bocal. “Par respect pour la compétition, je ne te demanderai pas où tu as trouvé ce trésor botanique, pas que l’envie ne me manque”, continua-t-il, la dernière partie murmurée plus pour son propre bénéfice que celui de son interlocuteur. Secouant légèrement la tête, l’héritier Delgado leva finalement les yeux vers ce dernier, un petit sourire flottant sur ses lèvres, l’effet d’une si belle découverte jouant sur son humeur aux allures normalement nonchalantes. “Bref, je ne suis pas certain de comprendre la logique de rangement des ingrédients. Ça fait des années que je tente d’y trouver un sens, sans aucun succès. Sais-tu, par tout hasard, où cette sève doit se retrouver parmi tout le reste ?”
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Ven 22 Nov 2019 - 12:00
Levius n'ajouta rien après l'intervention d'Evandro au sujet de l'avantage circonstanciel de son entreprise au Royaume-Unis. Il se contenta d'acquiescer d'un lent signe de tête, jetant à son interlocuteur un bref regard qui n'atteignit guère plus haut que le col. Ce qui importait n'étaient pas tant les évidences énoncées tour à tour que l'intention cachée derrière. Levius ne savait pas s'il devait voir dans cette simple constatation une forme de rancune ou si c'était une nouvelle manière de l'antagoniser. Cependant, il y avait dans les manière d'Evandro une approbation subtile, et qui ne concordait pas avec ces deux hypothèses. Levius ne savait pas comment l'expliquer, car c'était principalement du ressenti : quelque chose de fugace et de trop abstrait pour s'en saisir. Toujours est-il qu'au milieu de son malaise fleurissait l'insaisissable intuition d'une dissonance.
Impression renforcée au moment où Evandro se plia sans broncher à ses directives, un simple « avec plaisir » offert en guise de réponse. Suite à quoi Levius demeura immobile, (presque) interdit, pendant quelques secondes. Il suivait les faits et gestes d'Evandro du coin de l’œil, à la manière d'une biche qui, tapie dans un buisson, aurait repéré un loup. Prunelles bleues scrutant la gestuelle bien mesurée de l'héritier, veston replié, manches retroussées : il passait de l'homme d'affaire à l'assistant sans se départir d'une once d'élégance. Cet éclat tellement caractéristique et qui avait tant impressionné Levius par le passé.
Il n'y avait pourtant rien de suspect dans la conduite du jeune homme. Au contraire, il était aimable, veillant même à garantir l'espace vital de Levius (lui qui s'inquiétait tant de la proximité). Aucune tergiversation superflue : il se mit simplement à la tâche en s'appliquant à ranger les boites et les sachets à leur emplacement habituel. Levius s'autorisa donc à reporter son attention sur les plantes en pot.
Quoique toujours pensif, il reprit tranquillement le cours de ce qu'il était en train de faire avant l'arrivée d'Evandro. Quelques minutes s'écoulèrent ainsi en silence. Les deux jeunes hommes multipliaient les aller retour dans la réserve avec l'efficacité de deux connaisseurs. Il semblait même que la tension s'abaissait peu à peu. Levius veillait à se concentrer sur ce qu'il avait à faire et, après un moment, ses pensées finirent simplement par s'envoler ailleurs. Il était toujours un brin hésitant et confus, mais cela s'était tout de même considérablement calmé.
Cependant, il finit par remarquer l'attitude de son assistant improvisé, au moment où celui-ci sorti un bocal de Wollemia du carton. Levius s'interrompit pour le regarder (profitant du fait qu'Evandro avait les yeux rivés sur la sève). Mais comme il approchait d'un air véritablement intéressé, le jeune homme recula. Son dos finit néanmoins par rencontrer une étagère et il s'immobilisa au moment où l'héritier lui faisait part de ses impressions.
« En trouver ce n'est pas le plus dur... Murmura Levius dans un souffle et l'air visiblement tendu. C'est... C'est d'arriver à en cultiver qui l'est bien davantage.
Par cette simple réflexion, le jeune homme s'autorisait à briller sans même s'en rendre compte. Car le génie de la famille Bird s'étendait bien au delà du commerce et des expéditions de recherche à travers le monde. Les Bird avaient su développer des techniques extrêmement pointues pour parvenir à cultiver toute une variété de plantes au sein d'une unique serre perdue dans les Highlands. Ils étaient des inventeurs extraordinaires, des passionnés dont le feu avait accouché de merveilles. A dire vrai, il y avait dans les techniques développées par les Bird une valeur (en terme de brevet) largement supérieure à cent années de production.
Tout cela pour garantir le bien être d'une petite famille de la campagne. Un joyau caché dans le foin et la boue, en somme. Car chez les Bird, l'éclat n'était pas visible. Ils avaient tout à la fois une mentalité de ruraux et un coffre fort bien rempli. Leur définition de la valeur et de la réussite se situait ailleurs, tant et si bien que cela créait cet espèce de paradoxe de l'apparence et de l'attitude qu'incarnait Levius.
Cependant, comme Evandro relevait les yeux vers lui, il détourna son regard. Levius avait néanmoins remarqué cette ombre de sourire qui planait sur l'expression du jeune homme, devinant quelque intérêt sincère pour le sujet. La chose n'en demeurait pas moins toujours ambiguë pour lui. Il n'avait toujours pas compris ce qu'essayait de faire son ancien rival en se montrant courtois avec lui : les limites de l'animal malmené, c'est de s'effrayer de toutes les mains. A force, il ne distingue plus celles qui caressent de celles qui frappent et se soumet au moindre geste.
Levius avisa néanmoins le bocal, tandis qu'Evandro faisait part de sa confusion en terme de rangement. Sa question suscita une réaction presque immédiate.
« Wollemia, avec le blanc.
Dit-il à voix basse. Il fit un pas en direction d'Evandro, lui prit délicatement le bocal des mains, et s'en alla le poser sur un point de l'étagère qui semblait aléatoire. Pour Levius, cependant, cela avait du sens (et peut-être que quelqu'un d'assez proche de lui, comme Abigail par exemple, aurait comprit). Wollemia nobilis étaient deux mots blancs. Il y avait un « O » éclatant comme un zéro, bien au centre, entouré de lettres sombres et neutres. Impossible d'ignorer une telle brillance (par contraste), même avec une fin de mot aussi colorée. Ce qui ressortait avant tout, c'était le blanc du « O ». Levius l'avait donc naturellement placé avec les autres mots blancs : ceux qui ont des beaux « O » ostentatoires. Et pour la rigueur, la sève était plus proche des mots oranges que des autres mots, car le « N » de nobilis était orange et cela ressortait beaucoup sur le blanc.
Abandonnant doucement le bocal des mains (comme s'il s'agissait d'une chose très belle et précieuse), Levius se sentit peu à peu saisi par une impression vague et désagréable. Il savait que sa réplique risquait, au mieux de susciter la curiosité d'Evandro, au pire son jugement. Sa règle de classement était à ce point étrange qu'on ne pouvait la comprendre sans explications précises. Le jeune homme avait pourtant l'habitude de n'être pas compris à ce sujet, mais il n'était pas dans une situation d'indifférence. L'idée d'être regardé, en cet instant, le rendait nerveux.
Finalement, après quelques secondes d'hésitation, il se décida à faire volte face en direction d'Evandro. La main toujours accrochée au bois de l'étagère (presque crispée), il essayait de garder contenance. Cela dit, la tourmente se lisait clairement sur son visage.
« Pourquoi tu fais ça ?
Finit-il par articuler piteusement. Son regard bleu fixait toujours le sol, car après tant d'audace, il n'imaginait même pas river ne serait-ce que les chaussures de l'héritier Delgado. C'était cependant une prise de risque assez conforme à la personnalité de Levius : sensible, facilement dépassé par ses propres émotions, il se retrouvait souvent à exposer franchement les raisons de sa tourmente, ses interrogations secrètes, comme une dernière tentative contre l'effondrement intérieur. Cependant, dans le présent contexte, c'était peut-être cela qu'il convenait de faire.
Impression renforcée au moment où Evandro se plia sans broncher à ses directives, un simple « avec plaisir » offert en guise de réponse. Suite à quoi Levius demeura immobile, (presque) interdit, pendant quelques secondes. Il suivait les faits et gestes d'Evandro du coin de l’œil, à la manière d'une biche qui, tapie dans un buisson, aurait repéré un loup. Prunelles bleues scrutant la gestuelle bien mesurée de l'héritier, veston replié, manches retroussées : il passait de l'homme d'affaire à l'assistant sans se départir d'une once d'élégance. Cet éclat tellement caractéristique et qui avait tant impressionné Levius par le passé.
Il n'y avait pourtant rien de suspect dans la conduite du jeune homme. Au contraire, il était aimable, veillant même à garantir l'espace vital de Levius (lui qui s'inquiétait tant de la proximité). Aucune tergiversation superflue : il se mit simplement à la tâche en s'appliquant à ranger les boites et les sachets à leur emplacement habituel. Levius s'autorisa donc à reporter son attention sur les plantes en pot.
Quoique toujours pensif, il reprit tranquillement le cours de ce qu'il était en train de faire avant l'arrivée d'Evandro. Quelques minutes s'écoulèrent ainsi en silence. Les deux jeunes hommes multipliaient les aller retour dans la réserve avec l'efficacité de deux connaisseurs. Il semblait même que la tension s'abaissait peu à peu. Levius veillait à se concentrer sur ce qu'il avait à faire et, après un moment, ses pensées finirent simplement par s'envoler ailleurs. Il était toujours un brin hésitant et confus, mais cela s'était tout de même considérablement calmé.
Cependant, il finit par remarquer l'attitude de son assistant improvisé, au moment où celui-ci sorti un bocal de Wollemia du carton. Levius s'interrompit pour le regarder (profitant du fait qu'Evandro avait les yeux rivés sur la sève). Mais comme il approchait d'un air véritablement intéressé, le jeune homme recula. Son dos finit néanmoins par rencontrer une étagère et il s'immobilisa au moment où l'héritier lui faisait part de ses impressions.
« En trouver ce n'est pas le plus dur... Murmura Levius dans un souffle et l'air visiblement tendu. C'est... C'est d'arriver à en cultiver qui l'est bien davantage.
Par cette simple réflexion, le jeune homme s'autorisait à briller sans même s'en rendre compte. Car le génie de la famille Bird s'étendait bien au delà du commerce et des expéditions de recherche à travers le monde. Les Bird avaient su développer des techniques extrêmement pointues pour parvenir à cultiver toute une variété de plantes au sein d'une unique serre perdue dans les Highlands. Ils étaient des inventeurs extraordinaires, des passionnés dont le feu avait accouché de merveilles. A dire vrai, il y avait dans les techniques développées par les Bird une valeur (en terme de brevet) largement supérieure à cent années de production.
Tout cela pour garantir le bien être d'une petite famille de la campagne. Un joyau caché dans le foin et la boue, en somme. Car chez les Bird, l'éclat n'était pas visible. Ils avaient tout à la fois une mentalité de ruraux et un coffre fort bien rempli. Leur définition de la valeur et de la réussite se situait ailleurs, tant et si bien que cela créait cet espèce de paradoxe de l'apparence et de l'attitude qu'incarnait Levius.
Cependant, comme Evandro relevait les yeux vers lui, il détourna son regard. Levius avait néanmoins remarqué cette ombre de sourire qui planait sur l'expression du jeune homme, devinant quelque intérêt sincère pour le sujet. La chose n'en demeurait pas moins toujours ambiguë pour lui. Il n'avait toujours pas compris ce qu'essayait de faire son ancien rival en se montrant courtois avec lui : les limites de l'animal malmené, c'est de s'effrayer de toutes les mains. A force, il ne distingue plus celles qui caressent de celles qui frappent et se soumet au moindre geste.
Levius avisa néanmoins le bocal, tandis qu'Evandro faisait part de sa confusion en terme de rangement. Sa question suscita une réaction presque immédiate.
« Wollemia, avec le blanc.
Dit-il à voix basse. Il fit un pas en direction d'Evandro, lui prit délicatement le bocal des mains, et s'en alla le poser sur un point de l'étagère qui semblait aléatoire. Pour Levius, cependant, cela avait du sens (et peut-être que quelqu'un d'assez proche de lui, comme Abigail par exemple, aurait comprit). Wollemia nobilis étaient deux mots blancs. Il y avait un « O » éclatant comme un zéro, bien au centre, entouré de lettres sombres et neutres. Impossible d'ignorer une telle brillance (par contraste), même avec une fin de mot aussi colorée. Ce qui ressortait avant tout, c'était le blanc du « O ». Levius l'avait donc naturellement placé avec les autres mots blancs : ceux qui ont des beaux « O » ostentatoires. Et pour la rigueur, la sève était plus proche des mots oranges que des autres mots, car le « N » de nobilis était orange et cela ressortait beaucoup sur le blanc.
Abandonnant doucement le bocal des mains (comme s'il s'agissait d'une chose très belle et précieuse), Levius se sentit peu à peu saisi par une impression vague et désagréable. Il savait que sa réplique risquait, au mieux de susciter la curiosité d'Evandro, au pire son jugement. Sa règle de classement était à ce point étrange qu'on ne pouvait la comprendre sans explications précises. Le jeune homme avait pourtant l'habitude de n'être pas compris à ce sujet, mais il n'était pas dans une situation d'indifférence. L'idée d'être regardé, en cet instant, le rendait nerveux.
Finalement, après quelques secondes d'hésitation, il se décida à faire volte face en direction d'Evandro. La main toujours accrochée au bois de l'étagère (presque crispée), il essayait de garder contenance. Cela dit, la tourmente se lisait clairement sur son visage.
« Pourquoi tu fais ça ?
Finit-il par articuler piteusement. Son regard bleu fixait toujours le sol, car après tant d'audace, il n'imaginait même pas river ne serait-ce que les chaussures de l'héritier Delgado. C'était cependant une prise de risque assez conforme à la personnalité de Levius : sensible, facilement dépassé par ses propres émotions, il se retrouvait souvent à exposer franchement les raisons de sa tourmente, ses interrogations secrètes, comme une dernière tentative contre l'effondrement intérieur. Cependant, dans le présent contexte, c'était peut-être cela qu'il convenait de faire.
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Sam 23 Nov 2019 - 6:48
Son approbation demeura sans réponse, rien qui ne pouvait cependant offusquer le lufkin. Son commentaire se voulait une confirmation seulement et non le début d’une longue discussion navigant les concepts commerciaux de leur entreprise respective. Si l’échange s’était avérée prolongée, l’étudiant aurait gracieusement participé à la discussion, mais la relation entre les deux hommes n’était point amicale. Sans pour oublier qu’Evandro connaissait assez, du moins cette facette bien précise de l’héritier Bird pour savoir que prendre la parole n’était que rarement chose courante pour l'anglais. Et donc, reléguant sa voix au mutisme, le brésilien riva son attention sur la tâche, tentant, si ce n’était par la parole, d’exubérer sa personnalité nouvelle.
La découverte du petit trésor dissimulé sortit le Lufkin de son mutisme volontaire, la passion colorant ses dires d'une chaleur rayonnante. La réponse de Bird suivit doucement, peinant à trouver contenance. Et pourtant, ce qu'il avouait aurait pu être dit avec la plus grande des fiertés. Ne réalisait-il pas la prouesse que sa famille avait réalisée ? L'avancement en matière de cultivation que sa maîtrise avouée pouvait détenir ? “À cultiver ?”, répéta le plus jeune, le souffle de l’admiration faisant doucement vibrer sa voix. ”Je ne pensais même pas que cela était possible surtout avec les conditions de la Grande-Bretagne”. Si le début de sa phrase avait débuté sous les notes élevées de la passion, les derniers mots terminaient, quant à eux, au ralenti, la dernière syllabe mourant dans le fond de sa gorge. Car les yeux du lufkin avait remonté sur l’homme à ses côtés, apercevant finalement la tension émanant de ce dernier. Acculé à l’étagère, l’oiseau semblait vouloir se glisser entre les bocaux, disparaître entre les ingrédients. Statuesque, son corps adoptait la tension de l’âme, rigide. Il jouait le mort à l’horizontal, espérant que le prédateur si près en oublie son existence. Ça avait le don de vous frapper l'apparence du trouble, le dévoilement du malaise ; surtout lorsque vous en étiez la raison, bien involontaire cette fois-ci, mais la raison tout de même. Evandro s’en retrouva perplexe, effaré par l’effet que sa présence inoffensive causait chez l’autre. C’était étrange comment l’oubli pouvait vous bénir de sa virtue pour ensuite jouer tout aussi rapidement de son absence, ramenant au-devant ses stigmates du passé délaissé. Comment avait-il pu oublier l'effet que sa simple présence avait su causer par le passé ? Comment pouvait-il en être réellement surpris tandis que la fierté avait auparavant joué si facilement sur ses lèvres à cette exacte vision ? Le noeud qui noua ses entrailles était douloureux, dérangeant, des éclats de ses propres paroles prononcées revenant frapper cette fois-ci l’esprit incommodé du bourreau. L'idée qu'il ait pu un jour se complaire dans cette réaction avait l'effet d'un coup de massue. L'ombre omniprésente des souvenirs savaient envahir ce qu'il y avait de lumineux, torturant par leur retour fracassant. Mais si les souvenirs avaient l'acidité d'un poison, il n'en était pas moins que de se réveiller béni par l'amnésie était faire vœu de lâcheté ; la voie que celui qui fuyait empruntait, le chemin du faible. Et ce chemin, ce n'était pas celui d'Evandro. Réparer ses torts, vivre les regrets d'une vie imparfaite, là était le trajet qu'il s'imposait, sachant que le pardon n'en serait que plus savouré. Et bien qu'en cet instant, les remords avaient le goût de la cendre brûlée, le cadet ne redoublait que de volonté.
La culture brésilienne jouait souvent du tactile, une main posée sur un bras, une tape amicale et Evandro n’en faisait pas exception. Le réflexe avait la particularité d’agir sous la rapidité de l’émotion ; la main du jeune Delgado se leva sous la prémisse de venir se déposer sur l’épaule de la bête effrayée, rassurante, mais elle s’arrêta nette, flottant dans les airs avant de venir rejoindre la nuque du brésilien, victime de sa propre défaite. Si Levius adoptait une position aussi raidie qu'à la proximité d'une autre personne, Evandro ne pouvait qu’imaginer ce qu'une main posée sur son épaule causerait comme réaction. Et s'il était parfaitement honnête envers lui-même, il n'avait point envie de le découvrir. Heureusement, l'absence de réactions semblait avoir été la bonne réponse, l'aîné se dérobant finalement de son coin pour venir le rejoindre, lentement. Et ce fut au tour d'Evandro de se retrouver immobilisé. Figé, il regarda l'homme s'approcher, doucement, prenant le bocal de sève de ses mains. Delgado retena son souffle, victime de sa propre incertitude. Sans combat, il abandonna le pot aux mains de son propriétaire, le suivant des yeux tandis qu'il déposait ce dernier à un endroit semblant des plus aléatoires. Mais pour l'oiseau, rien n'était laissé au hasard, accompagnant son rangement d'une explication dont seul lui semblait y trouver sens. Interdit, mais la curiosité piquée, le lufkin relâcha légèrement les muscles de ses bras tendus, se dégourdissant des noeuds ayant pris résidence sur son corps. Avec le blanc ? L'esprit logique peinait à comprendre, cherchant un lien entre les différents ingrédients où la couleur blanche comporterait une pertinence quelconque, mais sans succès. Sa lèvre se perdit quelques instants entre ses dents, abandonnant son habituelle contenance avant de reprendre la simplicité de la nonchalance. D'une voix qu'il voulut claire, mais dont les échos de l'incertitude faisaient légèrement vibrer, l'homme demanda : "Je ne suis pas certain de comprendre. Aucun de ses ingrédients ne possède un élément blanc, ou même une signification quelconque liée à la couleur… que veux-tu dire exactement ?". Malgré le côté anodin d'une telle phrase, l'aveu de son incompréhension était une première dans la relation unissant les deux hommes. Une réalisation qui, de nouveau, ébranla l'étudiant de sa doucereuse sensation.
Et bien que le latino acceptait la tendre incertitude avec la grâce de sa lignée, l'affrontement qui suivit s'accompagna du malaise nauséeux. La question prit Evandro de court, retrouvant une nouvelle fois l'homme figé par la surprise. Si l'inquiétude ne lui faisait pas bien, cela valait de même pour l'étonnement. Depuis le début de leur rencontre, la surprise prenait un malin plaisir à le retrouver, le contrôle quittant à chaque reprise celui qui trouvait réconfort à tout diriger. La posture défaite de son interlocuteur n'ajouta qu'une couche nouvelle à son malaise grandissant. La nonchalance le quittait doucement, s'éclipsant de ses gestes tandis qu'une main venait se perdre dans ses cheveux ; ce geste qu'il peinait à contrôler depuis toujours, trahissant infailliblement l'incertitude ressentie. Un soupir vint rejoindre le mouvement, ses yeux accueillant la noirceur quelques instants avant que son visage ne reprenne sa contenance. La question, pourtant si simple, relevait d'une complexité inimaginable. Arriverait-il même à mettre les bons mots ? À exprimer avec clarté les changements que lui-même ne comprenait pas encore parfaitement ? Mais même si ses pensées se perdaient dans les détours, l'heure n'était pas aux lamentements, ni à l'apitoiement. Et donc, sans plus attendre, les épaules se relevèrent, la posture se redressa et d'un dernier clignement des paupières, l'étudiant posa ses yeux sur l'homme devant lui. "Parce que... ", débuta-t-il, l'hésitation l'arrêtant dans son explication à peine commencée, trahissant les sentiments que sa contenance peinait à masquer. "Est-ce que cela a vraiment de l'importance ?". Son tâtonnement l'iritait, l'épuisait. "Évidement que cela en a", repondit-il à lui-même. Un nouveau soupir s'évada. Chutar o pau da barraca ; il n'avait rien à perdre. "Parce que je t'ai causé du tort par le passé et que… je le regrette. Je sais que t'aider aujourd'hui n'est rien comparé à tout ce qu'il s'est passé, mais je devais au moins commencer quelque part."
La découverte du petit trésor dissimulé sortit le Lufkin de son mutisme volontaire, la passion colorant ses dires d'une chaleur rayonnante. La réponse de Bird suivit doucement, peinant à trouver contenance. Et pourtant, ce qu'il avouait aurait pu être dit avec la plus grande des fiertés. Ne réalisait-il pas la prouesse que sa famille avait réalisée ? L'avancement en matière de cultivation que sa maîtrise avouée pouvait détenir ? “À cultiver ?”, répéta le plus jeune, le souffle de l’admiration faisant doucement vibrer sa voix. ”Je ne pensais même pas que cela était possible surtout avec les conditions de la Grande-Bretagne”. Si le début de sa phrase avait débuté sous les notes élevées de la passion, les derniers mots terminaient, quant à eux, au ralenti, la dernière syllabe mourant dans le fond de sa gorge. Car les yeux du lufkin avait remonté sur l’homme à ses côtés, apercevant finalement la tension émanant de ce dernier. Acculé à l’étagère, l’oiseau semblait vouloir se glisser entre les bocaux, disparaître entre les ingrédients. Statuesque, son corps adoptait la tension de l’âme, rigide. Il jouait le mort à l’horizontal, espérant que le prédateur si près en oublie son existence. Ça avait le don de vous frapper l'apparence du trouble, le dévoilement du malaise ; surtout lorsque vous en étiez la raison, bien involontaire cette fois-ci, mais la raison tout de même. Evandro s’en retrouva perplexe, effaré par l’effet que sa présence inoffensive causait chez l’autre. C’était étrange comment l’oubli pouvait vous bénir de sa virtue pour ensuite jouer tout aussi rapidement de son absence, ramenant au-devant ses stigmates du passé délaissé. Comment avait-il pu oublier l'effet que sa simple présence avait su causer par le passé ? Comment pouvait-il en être réellement surpris tandis que la fierté avait auparavant joué si facilement sur ses lèvres à cette exacte vision ? Le noeud qui noua ses entrailles était douloureux, dérangeant, des éclats de ses propres paroles prononcées revenant frapper cette fois-ci l’esprit incommodé du bourreau. L'idée qu'il ait pu un jour se complaire dans cette réaction avait l'effet d'un coup de massue. L'ombre omniprésente des souvenirs savaient envahir ce qu'il y avait de lumineux, torturant par leur retour fracassant. Mais si les souvenirs avaient l'acidité d'un poison, il n'en était pas moins que de se réveiller béni par l'amnésie était faire vœu de lâcheté ; la voie que celui qui fuyait empruntait, le chemin du faible. Et ce chemin, ce n'était pas celui d'Evandro. Réparer ses torts, vivre les regrets d'une vie imparfaite, là était le trajet qu'il s'imposait, sachant que le pardon n'en serait que plus savouré. Et bien qu'en cet instant, les remords avaient le goût de la cendre brûlée, le cadet ne redoublait que de volonté.
La culture brésilienne jouait souvent du tactile, une main posée sur un bras, une tape amicale et Evandro n’en faisait pas exception. Le réflexe avait la particularité d’agir sous la rapidité de l’émotion ; la main du jeune Delgado se leva sous la prémisse de venir se déposer sur l’épaule de la bête effrayée, rassurante, mais elle s’arrêta nette, flottant dans les airs avant de venir rejoindre la nuque du brésilien, victime de sa propre défaite. Si Levius adoptait une position aussi raidie qu'à la proximité d'une autre personne, Evandro ne pouvait qu’imaginer ce qu'une main posée sur son épaule causerait comme réaction. Et s'il était parfaitement honnête envers lui-même, il n'avait point envie de le découvrir. Heureusement, l'absence de réactions semblait avoir été la bonne réponse, l'aîné se dérobant finalement de son coin pour venir le rejoindre, lentement. Et ce fut au tour d'Evandro de se retrouver immobilisé. Figé, il regarda l'homme s'approcher, doucement, prenant le bocal de sève de ses mains. Delgado retena son souffle, victime de sa propre incertitude. Sans combat, il abandonna le pot aux mains de son propriétaire, le suivant des yeux tandis qu'il déposait ce dernier à un endroit semblant des plus aléatoires. Mais pour l'oiseau, rien n'était laissé au hasard, accompagnant son rangement d'une explication dont seul lui semblait y trouver sens. Interdit, mais la curiosité piquée, le lufkin relâcha légèrement les muscles de ses bras tendus, se dégourdissant des noeuds ayant pris résidence sur son corps. Avec le blanc ? L'esprit logique peinait à comprendre, cherchant un lien entre les différents ingrédients où la couleur blanche comporterait une pertinence quelconque, mais sans succès. Sa lèvre se perdit quelques instants entre ses dents, abandonnant son habituelle contenance avant de reprendre la simplicité de la nonchalance. D'une voix qu'il voulut claire, mais dont les échos de l'incertitude faisaient légèrement vibrer, l'homme demanda : "Je ne suis pas certain de comprendre. Aucun de ses ingrédients ne possède un élément blanc, ou même une signification quelconque liée à la couleur… que veux-tu dire exactement ?". Malgré le côté anodin d'une telle phrase, l'aveu de son incompréhension était une première dans la relation unissant les deux hommes. Une réalisation qui, de nouveau, ébranla l'étudiant de sa doucereuse sensation.
Et bien que le latino acceptait la tendre incertitude avec la grâce de sa lignée, l'affrontement qui suivit s'accompagna du malaise nauséeux. La question prit Evandro de court, retrouvant une nouvelle fois l'homme figé par la surprise. Si l'inquiétude ne lui faisait pas bien, cela valait de même pour l'étonnement. Depuis le début de leur rencontre, la surprise prenait un malin plaisir à le retrouver, le contrôle quittant à chaque reprise celui qui trouvait réconfort à tout diriger. La posture défaite de son interlocuteur n'ajouta qu'une couche nouvelle à son malaise grandissant. La nonchalance le quittait doucement, s'éclipsant de ses gestes tandis qu'une main venait se perdre dans ses cheveux ; ce geste qu'il peinait à contrôler depuis toujours, trahissant infailliblement l'incertitude ressentie. Un soupir vint rejoindre le mouvement, ses yeux accueillant la noirceur quelques instants avant que son visage ne reprenne sa contenance. La question, pourtant si simple, relevait d'une complexité inimaginable. Arriverait-il même à mettre les bons mots ? À exprimer avec clarté les changements que lui-même ne comprenait pas encore parfaitement ? Mais même si ses pensées se perdaient dans les détours, l'heure n'était pas aux lamentements, ni à l'apitoiement. Et donc, sans plus attendre, les épaules se relevèrent, la posture se redressa et d'un dernier clignement des paupières, l'étudiant posa ses yeux sur l'homme devant lui. "Parce que... ", débuta-t-il, l'hésitation l'arrêtant dans son explication à peine commencée, trahissant les sentiments que sa contenance peinait à masquer. "Est-ce que cela a vraiment de l'importance ?". Son tâtonnement l'iritait, l'épuisait. "Évidement que cela en a", repondit-il à lui-même. Un nouveau soupir s'évada. Chutar o pau da barraca ; il n'avait rien à perdre. "Parce que je t'ai causé du tort par le passé et que… je le regrette. Je sais que t'aider aujourd'hui n'est rien comparé à tout ce qu'il s'est passé, mais je devais au moins commencer quelque part."
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Jeu 28 Nov 2019 - 19:01
Pour répondre à l'étonnement d'Evandro, Levius s'était contenté d'un simple acquiescement nerveux et mécanique, mais dont le regard affirmait néanmoins qu'en effet, il y était arrivé.
Assurément, il aurait pu parler longuement des moyens employés pour parvenir à cultiver la Wollemia en dépit du climat défavorable des Highlands, mais il était coincé dans cette espèce de posture discrète et qui le poussait à rester coi. Le sujet était pourtant passionnant et il fallu redoubler d'ingéniosité pour aboutir cette prouesse. Constat valable pour des dizaines d'autres espèces végétale d'ailleurs (les spécialistes connaissaient l'étendue du catalogue de la famille Bird).
Il était tout à fait certain qu'une telle conversation aurait probablement de quoi passionner les deux hommes, mais il persistait (encore) entre eux, une tension résiduelle héritée du passé. Levius n'était pas prêt à discuter tranquillement avec Evandro. Même si l'héritier affichait pour lui des manières plus douces, c'était trop tôt. Il fallait d'abord qu'il abaisse sa garde.
Malheureusement, Levius ne cessait de trouver, dans leur échange, matière à renforcer son angoisse. La curiosité d'Evandro à l'endroit de sa logique de rangement en était le parfait exemple. Le jeune homme vivait dans ses habitudes sans penser à ce que cela suscitait chez l'autre. Il s'était habitué à la marge. A dire vrai, c'était même sa nature première : être le garçon à part.
Il savait que la plupart des gens ne le comprenaient pas (et il ne leur en voulait pas pour cela). Son profil neurologique différait un peu de la norme (comme cela arrive parfois), mais il n'avait jamais cherché à dresser des passerelles entre son monde et celui des autres. Aujourd'hui enfin à même de comprendre cette nécessité, il se confrontait à toutes les difficultés d'un apprentissage à l'âge adulte.
Il lui fallait redoubler d'efforts pour rattraper son retard en la matière. Hélas, cela l'amenait souvent dans ce type de situations où il disait quelque chose dont il ne savait plus que faire ensuite. L'incompréhension d'Evandro devenait proportionnelle à la honte de Levius qui n'imaginait pas que l'on puisse simplement accepter ses explications sans le maltraiter ensuite. Il avait ce défaut des introvertis qui consiste à croire que les autres manquent d'indulgence (leur passé commun ne l'aidant pas à reconsidérer cette habitude). Alors, ne sachant que dire, dépourvu, il ne dit rien.
La seule chose qui l'intéressait vraiment, dans le fond, c'était de savoir ce qui poussait Evandro à lui venir en aide. Conformément à son tempérament, Levius avait donc fini par lui poser directement la question. A présent, il observait (par dessus ses lunettes rondes) l'héritier s'en débrouiller, visiblement désarçonné par tant de franchise.
Il voyait la lutte se produire juste sous ses yeux. Assurément, s'il avait été cruel, Levius aurait pu apprécier de le voir en pareille posture (face à face forcé avec ses responsabilités), mais il ne l'était pas et cela l'émut plus qu'autre chose. Alors, il attendit patiemment que son interlocuteur rassemble ses pensées, les mains dans le dos agrippées au bois de l'étagère, cadenassant sa posture pour garder contenance.
Cependant, comme Evandro interrogeait l'importance de cette interrogation simple, Levius s'enhardissait à le regarder dans les yeux (ce qui n'arrivait pratiquement jamais). En cet instant il y avait dans les prunelles azur un « oui » profond et éclatant. Il voulait comprendre ce qui se passait, ce revirement, car pour lui, c'était très important en effet.
Evandro en était bien conscient lui aussi. Malgré cela, l'exercice semblait difficile pour lui et Levius imaginait aisément qu'il n'avait pas l'habitude de se placer ainsi en position de vulnérabilité. Car c'était bien de cela dont il s'agissait : Evandro reconnaissait ses torts et cherchait à se faire pardonner.
« Je comprends.
Fit Levius à voix basse en baissant les yeux. Il demeura ainsi pendant quelques secondes, immobile, l'air de réfléchir. Puis, il se redressa un peu et haussa doucement les épaules.
« Tu n'y étais pas obligé, alors ça me touche. Détournant la tête sur le côté, il ajouta : Merci.
La tension de Levius s'estompa considérablement à partir de ce moment là. Il comprenait ce qui venait de se passer et pouvait attribuer au geste d'Evandro sa signification véritable.
« Ce n'est pas entièrement de ta faute. Fit-il alors, la voix teinté de son ordinaire timidité. Je n'ai jamais cherché à te comprendre.
Curieuse réplique, mais c'était bien le genre de choses que se disait Levius, quand on en venait aux rapports humains. Il n'était pas de l'espèce des impitoyables qui fustigent les coupables, cherchant plutôt à distribuer les responsabilités pour ce qu'elles sont et revenir sur les faits avec un peu d'indulgence.
« Tu as toujours été très fier de qui tu étais et de ta famille. Dit-il encore avec douceur. A l'époque je ne pensais qu'à moi-même, j'étais loin de ça.
Levius se décolla très lentement de l'étagère contre laquelle il s'était acculé à force de recul. Son regard rivait de nouveau le bocal de Wollemia. Il s'en approcha un peu pour expliquer.
« Les lettres me procurent des impressions colorées. Dit-il en effleurant le bocal. Dans un mot il y a souvent une couleur dominante. Wollemia, c'est blanc... Comme l'Onoclea, l'Orontium, l'Osmonde... A cause de la lettre O.
Achevant ses explications, il se tourna vers Evandro et conclu d'une manière qui laissait transparaître (subtilement) le caractère obsessionnel qu'il avait.
« Je sais que c'est un peu étrange, mais c'est important pour moi de ranger les plantes de cette manière.
Assurément, il aurait pu parler longuement des moyens employés pour parvenir à cultiver la Wollemia en dépit du climat défavorable des Highlands, mais il était coincé dans cette espèce de posture discrète et qui le poussait à rester coi. Le sujet était pourtant passionnant et il fallu redoubler d'ingéniosité pour aboutir cette prouesse. Constat valable pour des dizaines d'autres espèces végétale d'ailleurs (les spécialistes connaissaient l'étendue du catalogue de la famille Bird).
Il était tout à fait certain qu'une telle conversation aurait probablement de quoi passionner les deux hommes, mais il persistait (encore) entre eux, une tension résiduelle héritée du passé. Levius n'était pas prêt à discuter tranquillement avec Evandro. Même si l'héritier affichait pour lui des manières plus douces, c'était trop tôt. Il fallait d'abord qu'il abaisse sa garde.
Malheureusement, Levius ne cessait de trouver, dans leur échange, matière à renforcer son angoisse. La curiosité d'Evandro à l'endroit de sa logique de rangement en était le parfait exemple. Le jeune homme vivait dans ses habitudes sans penser à ce que cela suscitait chez l'autre. Il s'était habitué à la marge. A dire vrai, c'était même sa nature première : être le garçon à part.
Il savait que la plupart des gens ne le comprenaient pas (et il ne leur en voulait pas pour cela). Son profil neurologique différait un peu de la norme (comme cela arrive parfois), mais il n'avait jamais cherché à dresser des passerelles entre son monde et celui des autres. Aujourd'hui enfin à même de comprendre cette nécessité, il se confrontait à toutes les difficultés d'un apprentissage à l'âge adulte.
Il lui fallait redoubler d'efforts pour rattraper son retard en la matière. Hélas, cela l'amenait souvent dans ce type de situations où il disait quelque chose dont il ne savait plus que faire ensuite. L'incompréhension d'Evandro devenait proportionnelle à la honte de Levius qui n'imaginait pas que l'on puisse simplement accepter ses explications sans le maltraiter ensuite. Il avait ce défaut des introvertis qui consiste à croire que les autres manquent d'indulgence (leur passé commun ne l'aidant pas à reconsidérer cette habitude). Alors, ne sachant que dire, dépourvu, il ne dit rien.
La seule chose qui l'intéressait vraiment, dans le fond, c'était de savoir ce qui poussait Evandro à lui venir en aide. Conformément à son tempérament, Levius avait donc fini par lui poser directement la question. A présent, il observait (par dessus ses lunettes rondes) l'héritier s'en débrouiller, visiblement désarçonné par tant de franchise.
Il voyait la lutte se produire juste sous ses yeux. Assurément, s'il avait été cruel, Levius aurait pu apprécier de le voir en pareille posture (face à face forcé avec ses responsabilités), mais il ne l'était pas et cela l'émut plus qu'autre chose. Alors, il attendit patiemment que son interlocuteur rassemble ses pensées, les mains dans le dos agrippées au bois de l'étagère, cadenassant sa posture pour garder contenance.
Cependant, comme Evandro interrogeait l'importance de cette interrogation simple, Levius s'enhardissait à le regarder dans les yeux (ce qui n'arrivait pratiquement jamais). En cet instant il y avait dans les prunelles azur un « oui » profond et éclatant. Il voulait comprendre ce qui se passait, ce revirement, car pour lui, c'était très important en effet.
Evandro en était bien conscient lui aussi. Malgré cela, l'exercice semblait difficile pour lui et Levius imaginait aisément qu'il n'avait pas l'habitude de se placer ainsi en position de vulnérabilité. Car c'était bien de cela dont il s'agissait : Evandro reconnaissait ses torts et cherchait à se faire pardonner.
« Je comprends.
Fit Levius à voix basse en baissant les yeux. Il demeura ainsi pendant quelques secondes, immobile, l'air de réfléchir. Puis, il se redressa un peu et haussa doucement les épaules.
« Tu n'y étais pas obligé, alors ça me touche. Détournant la tête sur le côté, il ajouta : Merci.
La tension de Levius s'estompa considérablement à partir de ce moment là. Il comprenait ce qui venait de se passer et pouvait attribuer au geste d'Evandro sa signification véritable.
« Ce n'est pas entièrement de ta faute. Fit-il alors, la voix teinté de son ordinaire timidité. Je n'ai jamais cherché à te comprendre.
Curieuse réplique, mais c'était bien le genre de choses que se disait Levius, quand on en venait aux rapports humains. Il n'était pas de l'espèce des impitoyables qui fustigent les coupables, cherchant plutôt à distribuer les responsabilités pour ce qu'elles sont et revenir sur les faits avec un peu d'indulgence.
« Tu as toujours été très fier de qui tu étais et de ta famille. Dit-il encore avec douceur. A l'époque je ne pensais qu'à moi-même, j'étais loin de ça.
Levius se décolla très lentement de l'étagère contre laquelle il s'était acculé à force de recul. Son regard rivait de nouveau le bocal de Wollemia. Il s'en approcha un peu pour expliquer.
« Les lettres me procurent des impressions colorées. Dit-il en effleurant le bocal. Dans un mot il y a souvent une couleur dominante. Wollemia, c'est blanc... Comme l'Onoclea, l'Orontium, l'Osmonde... A cause de la lettre O.
Achevant ses explications, il se tourna vers Evandro et conclu d'une manière qui laissait transparaître (subtilement) le caractère obsessionnel qu'il avait.
« Je sais que c'est un peu étrange, mais c'est important pour moi de ranger les plantes de cette manière.
- InvitéInvité
Re: The weight of legacy
Lun 9 Déc 2019 - 16:07
Le passif de leur relation ne portait guère à la discussion joviale, à l’étonnement partagé ou les conversations enflammées par la passion. Et bien que l’héritier Delgado tentait la civilité, les réponses parfois quasi inexistantes de Levius lui rappelaient sans tarder le mal qu’il avait pu provoquer par le passé. Malgré la honte, sinueuse souvenance, le lufkin oeuvrait à garder les traits de son visage sous l’égalité de la nonchalance, refusant d’exposer les émotions qui le tiraillaient. Peut-être était-ce l’orgueil qui jouait de son ardeur ? Ou peut-être était-ce la conviction que son interlocuteur ne méritait pas l’imposition de ses regrets ? Mais, quelle que soit la raison, le brésilien contrôlait son expression, dévoilant que ces sentiments qui flottaient près de la neutralité. Rien de trop positif, rien de trop négatif ; qu’une abstention émotionnelle. Et si sa maîtrise était demeurée constante depuis son arrivée dans la sombre salle, il ne fallut qu’une simple question pour désarçonner le brésilien. Quatre mots. Quatre simples mots, mais qui, dans le contexte actuel, prenaient une lourdeur incomparable. Si la civilité avait été de mise lors des derniers instants, l’interrogation percutante avait, quant à elle, dévoilé sans détour l’évidence des non-dits.
Face au juge et bourreau, qui au final n’était qu’une seule et même personne, le cadet avait hésité, navigant dans ses propres hésitations. L’orgueil et le regret se disputaient, tirant les convictions de l’héritier Delgado dans tous les sens, bataille infernale dont il était la seule victime. Et si la solution n’avait pas été claire à cet instant, un simple geste détrôna les vestiges de son arrogance ; rencontrant pour la première fois le regard déterminé de l’oiseau, Evandro sut, sans aucun doute, qu’il devait au moins la vérité à celui qui affrontait finalement le noisette de ses yeux, audace nouvelle. Des soupirs, des incertitudes, puis une franche honnêteté, sans détour. Sa sincérité l’étourdissait, n’appréciant guère la vulnérabilité qu’il osait prononcer à voix haute, mais connaissant la valeur que celle-ci pouvait détenir.
Puis, deux mots. Deux petits mots qui, malgré la simplicité de la phrase, les paroles laconiques de Levius, détenaient plus de puissances qu’un discours crié haut et fort. La respiration de l’accusé resta prise dans sa gorge, interdit. Il attendait le mais, la conjonction finale, la tombée de la guillotine. Et tandis qu’il regardait l’homme devant lui, les yeux baissés au sol, immobile, Evandro ne put qu’être horrifié par les gestes de son passé : comment avait-il pu causer autant de torts à un être qui transpirait la fragilité même, l'innocence innée ? Le temps semblait s’allonger, jouant de la paresse pour torturer de sa lenteur. Le brésilien n'osa point bouger, fixé à son tour, patientant malgré l'impatience. Puis l'homme devant lui s'épanouissait légèrement, retrouvant hauteur dans sa posture pour finalement prononcer les syllabes de la reconnaissance sous sa forme la plus pure. Bien que l’oiseau était des plus sincères, Evandro ne pouvait que se sentir imposteur. Les remerciements n’étaient point nécessaires, même qu’au contraire : comment pouvait-il mériter cette reconnaissance pour un acte qui n’était que la peine de ses propres infractions ? Et pour ajouter insulte à l’injure, Levius reprenait la parole, fleur timide qui offrait tout de la fragilité en murmurant qu'une part de torts lui appartenait, présentant la fierté des Delgado comme une raison valable pour les paroles que la latino avait pu prononcer par le passé. Et si jusqu'à maintenant l'étudiant avait réussi à adopter le silence, cette dernière phrase causa le retour de sa voix. Figé, le lufkin fixa l’héritier Bird, interdit. “Don't... please don’t…", commença-t-il, secouant doucement la tête, les yeux fixés sur son interlocuteur. "Comment peux-tu croire que tu étais en faute ? Tu n'as jamais cherché à faire mal à qui que ce soit”, poursuivit le brésilien, les sourcils froncés par son étonnement, avouant d'un détour que son comportement, quant à lui, avait été volontaire. "Rien ne peut donner validité à ce que j'ai dit et fait. Même si tu avais compris d'où mon comportement venait, cela ne l'excuse pas. "
Et bien que pour le brésilien, l'absolution rapide de son passé continuait de caresser son incompréhension, pour l'oiseau, cela semblait suffire pour lui donner envie d'élucider l'un de ses propres mystères. S'approchant du bocal qu'ils avaient abandonné quelques instants plus tôt, Levius débuta de ses explications qui vous fascinaient par leur singularité. Lettres et couleurs s'unissaient, se peignaient dans l'esprit de l'aîné, seule âme sachant décoder les rouages de l'énigme sibylline. Et si pour Bird le sens de ses paroles était d'une clarté sans pareil, pour Evandro, l'incongruité de l'explication continuait de le mystifier. Un coin de son esprit s'amusa de sadisme, rappelant au lufkin qu'il y a quelques années seulement, il aurait abusé de cette vulnérabilité présentée pour dominer l'être sensible. Se faisant violence, le brésilien écrasa ladite pensée sous la barrière mentale de son esprit, l'intestin noué par les échos de ses fautes passées. Et comme pour démentir la tortureuse idée, l’héritier agissait dans la douceur. "Nous sommes tous étranges à notre façon", débuta le jeune homme avec neutralité, sachant pertinemment que lui-même possédait des particularités qui dérogeaient des normes.
"Le Wollemia est blanc, car la lettre O est blanche pour toi, c’est bien ça ? Chaque lettre possède une couleur donc ?”, commença-t-il, le ton coloré par la sincérité de son intérêt, intrigué malgré lui par l'extravagance, tentant de garder son ton neutre. Bien qu'une certaine rigidité s'était brisée entre les deux lufkins, le cadet ne pouvait s'empêcher de mesurer ses paroles et gestes ; une impression le narguant qu'il œuvrait dans la fragilité d'un moment des plus particuliers. L'aveu de l'aîné générait plusieurs questions que le plus jeune retenait pour l'instant, censurant sa curiosité.
Il se détourna légèrement, s'accroupissant de nouveau pour prendre un bocal hardi, cette fois-ci, contenant les feuilles d'un Voltiflor. Incertain, il se redressa, le pot sécurisé entre ses mains. Tandis qu'il penchait la tête légèrement vers le côté, Evandro demanda : "Et celle-ci ? Elle est de quelle couleur ?" Ses yeux dévièrent lentement, navigant les étagères de la salle pour tenter de trouver consœurs de sa nouvelle trouvaille sans succès. Il n'avait point nommé la plante qu'il tenait, sachant pertinemment que son interlocuteur, aussi bien que lui-même, savait reconnaître le feuillu d'un coup d'oeil.
Face au juge et bourreau, qui au final n’était qu’une seule et même personne, le cadet avait hésité, navigant dans ses propres hésitations. L’orgueil et le regret se disputaient, tirant les convictions de l’héritier Delgado dans tous les sens, bataille infernale dont il était la seule victime. Et si la solution n’avait pas été claire à cet instant, un simple geste détrôna les vestiges de son arrogance ; rencontrant pour la première fois le regard déterminé de l’oiseau, Evandro sut, sans aucun doute, qu’il devait au moins la vérité à celui qui affrontait finalement le noisette de ses yeux, audace nouvelle. Des soupirs, des incertitudes, puis une franche honnêteté, sans détour. Sa sincérité l’étourdissait, n’appréciant guère la vulnérabilité qu’il osait prononcer à voix haute, mais connaissant la valeur que celle-ci pouvait détenir.
Puis, deux mots. Deux petits mots qui, malgré la simplicité de la phrase, les paroles laconiques de Levius, détenaient plus de puissances qu’un discours crié haut et fort. La respiration de l’accusé resta prise dans sa gorge, interdit. Il attendait le mais, la conjonction finale, la tombée de la guillotine. Et tandis qu’il regardait l’homme devant lui, les yeux baissés au sol, immobile, Evandro ne put qu’être horrifié par les gestes de son passé : comment avait-il pu causer autant de torts à un être qui transpirait la fragilité même, l'innocence innée ? Le temps semblait s’allonger, jouant de la paresse pour torturer de sa lenteur. Le brésilien n'osa point bouger, fixé à son tour, patientant malgré l'impatience. Puis l'homme devant lui s'épanouissait légèrement, retrouvant hauteur dans sa posture pour finalement prononcer les syllabes de la reconnaissance sous sa forme la plus pure. Bien que l’oiseau était des plus sincères, Evandro ne pouvait que se sentir imposteur. Les remerciements n’étaient point nécessaires, même qu’au contraire : comment pouvait-il mériter cette reconnaissance pour un acte qui n’était que la peine de ses propres infractions ? Et pour ajouter insulte à l’injure, Levius reprenait la parole, fleur timide qui offrait tout de la fragilité en murmurant qu'une part de torts lui appartenait, présentant la fierté des Delgado comme une raison valable pour les paroles que la latino avait pu prononcer par le passé. Et si jusqu'à maintenant l'étudiant avait réussi à adopter le silence, cette dernière phrase causa le retour de sa voix. Figé, le lufkin fixa l’héritier Bird, interdit. “Don't... please don’t…", commença-t-il, secouant doucement la tête, les yeux fixés sur son interlocuteur. "Comment peux-tu croire que tu étais en faute ? Tu n'as jamais cherché à faire mal à qui que ce soit”, poursuivit le brésilien, les sourcils froncés par son étonnement, avouant d'un détour que son comportement, quant à lui, avait été volontaire. "Rien ne peut donner validité à ce que j'ai dit et fait. Même si tu avais compris d'où mon comportement venait, cela ne l'excuse pas. "
Et bien que pour le brésilien, l'absolution rapide de son passé continuait de caresser son incompréhension, pour l'oiseau, cela semblait suffire pour lui donner envie d'élucider l'un de ses propres mystères. S'approchant du bocal qu'ils avaient abandonné quelques instants plus tôt, Levius débuta de ses explications qui vous fascinaient par leur singularité. Lettres et couleurs s'unissaient, se peignaient dans l'esprit de l'aîné, seule âme sachant décoder les rouages de l'énigme sibylline. Et si pour Bird le sens de ses paroles était d'une clarté sans pareil, pour Evandro, l'incongruité de l'explication continuait de le mystifier. Un coin de son esprit s'amusa de sadisme, rappelant au lufkin qu'il y a quelques années seulement, il aurait abusé de cette vulnérabilité présentée pour dominer l'être sensible. Se faisant violence, le brésilien écrasa ladite pensée sous la barrière mentale de son esprit, l'intestin noué par les échos de ses fautes passées. Et comme pour démentir la tortureuse idée, l’héritier agissait dans la douceur. "Nous sommes tous étranges à notre façon", débuta le jeune homme avec neutralité, sachant pertinemment que lui-même possédait des particularités qui dérogeaient des normes.
"Le Wollemia est blanc, car la lettre O est blanche pour toi, c’est bien ça ? Chaque lettre possède une couleur donc ?”, commença-t-il, le ton coloré par la sincérité de son intérêt, intrigué malgré lui par l'extravagance, tentant de garder son ton neutre. Bien qu'une certaine rigidité s'était brisée entre les deux lufkins, le cadet ne pouvait s'empêcher de mesurer ses paroles et gestes ; une impression le narguant qu'il œuvrait dans la fragilité d'un moment des plus particuliers. L'aveu de l'aîné générait plusieurs questions que le plus jeune retenait pour l'instant, censurant sa curiosité.
Il se détourna légèrement, s'accroupissant de nouveau pour prendre un bocal hardi, cette fois-ci, contenant les feuilles d'un Voltiflor. Incertain, il se redressa, le pot sécurisé entre ses mains. Tandis qu'il penchait la tête légèrement vers le côté, Evandro demanda : "Et celle-ci ? Elle est de quelle couleur ?" Ses yeux dévièrent lentement, navigant les étagères de la salle pour tenter de trouver consœurs de sa nouvelle trouvaille sans succès. Il n'avait point nommé la plante qu'il tenait, sachant pertinemment que son interlocuteur, aussi bien que lui-même, savait reconnaître le feuillu d'un coup d'oeil.