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shadow wind (jude)
Dim 1 Mar 2020 - 19:18
Aucun endroit ne m’est aussi familier que celui-ci. Tous les jours, deux fois par jour, minimum, depuis que je suis devenu attrapeur, à treize ans. Par beau temps, tempête, grisaille, flocons, je m'élance dans le ciel, éternellement déterminé à y tracer des arcs, des pirouettes et des pics. On croirait, après toutes ces années, avec la discipline d'un forcené, d'un militaire, que je ne trouverais plus rien pour me mettre au défi, mais il existe toujours une figure plus complexe à exécuter, une situation plus difficile (douze cognards...) dans laquelle me placer pour me mettre au défi. Je ne souffre pas d'arrogance, mais il s'agit désormais pour moi d'un état de fait : un simple entraînement ne me suffit plus. J'ai besoin de plus, de me pousser davantage et, bien que je trouve un plaisir évident et non feint à jouer avec mes coéquipiers gris, j'ai soif de plus, depuis que j’ai fait le saut vers le quidditch professionnel. D'où les douze cognards - bien que j'ai juré que je ne le ferais plus sans supervision. Traçant figure sur figure dans le ciel d'encre, tonneau sur remontée en chandelle sur pics acérés, j'attends patiemment la venue de l’assistante du professeur de vol. Apercevant son air caractéristique de faucon au sol, ses traits aigus reflétés par la lumière pâle de l'astre lunaire, j'entame une descente éclair pour me laisser gracieusement choir au sol à ses côtés. « Bonsoir ». Le salut bref, ce mal à gagner de saluer mes supérieurs par leur titre – dans cet univers de sons au sein duquel je fais tout pour limiter les syllabes prononcées, ponctuer chaque phrase d’un « professeur » ou d’un « miss Thorne » me semble constituer un obstacle de plus à mes cordes vocales cruelles et capricieuses.
Avec une certaine nervosité, je n’ose pas entièrement la regarder, prunelles noisettes s’obstinant à se fixer à la hauteur de ses sourcils – juste assez près du regard pour que la moyenne des gens n’y voient que du feu, mais le confort dans cette absence de contact visuel réel avec ceux que je ne connais pas. But she’s a seeker – et les attrapeurs voient toujours ces détails qui échappent aux autres, n’est-ce pas? J’ai fait le choix de lui annoncer que j’abandonnerais son cours ici, alors même que la logique défie cet abandon : je ne me fais pas d’illusion en la matière, je connais ma valeur dans les airs, consacrée par une propension naturelle et des milliers d’heures d’entraînement … et, plus récemment, par mon nouveau statut d’attrapeur professionnel, si mal vécu. L’horreur des flashs et des entrevues, l’attention des médias vécue comme une malédiction nécessaire alors même que tout ce que je souhaite faire, c’est exister dans les cieux et pourchasser des éclats d’or. « Merci d’être venue », que je souffle d’un murmure, silhouette effacée sur terre tranchant avec l’allégresse de mon aisance en vol. Être de coins et de fuites parmi les hommes, Éole parmi les étoiles. « J-j-j-j’aim-m-merais … » ma voix meurt dans ma gorge, condamnée par mes bégaiements qui reviennent toujours me hanter au mauvais moment. Adressant un regard d’excuse à la jeune femme, dont j’ai suivi la carrière (et qui m’impressionne plus que je ne serais capable de le verbaliser), j’inspire à nouveau, l’implorant presque du regard de lancer la conversation.
@Judith Thorne
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Re: shadow wind (jude)
Mer 18 Mar 2020 - 6:03
Au bord du Stade de Quidditch, Judith observe le ballet aérien de son élève de loin, laissant les lignes se dessiner devant ses yeux tandis qu’il vole. Il est rapide, c’est certain : précis aussi, ses trajectoires sont incisives bien que toujours perfectibles. Il est doué, c’est indéniable. C’est en partie pour cette raison qu’elle avait accepté de le rencontrer ce soir-là. Parce qu’elle aimait échanger avec des talents, et que cela devenait beaucoup plus intéressant lorsqu’elle échangeait avec quelqu’un qui avait les mêmes valeurs qu’elle. Bien sûr, étant enseignante, elle se devait d’offrir le même enseignement à tous ses élèves, mais ceux qui étaient brillants méritaient toute son attention, ou du moins, le maximum qu’elle pouvait leur offrir à travers le brouillard de ses excès. Ayant suffisamment observé, la brune finit par sortir de l’ombre, traversant les gradins pour se trouver à la lisière du terrain et il ne faut pas longtemps à Finnick pour la rejoindre. « Bonsoir. » Les deux syllabes sifflent sous la pale lumière de la lune alors que le jeune homme atterrit de son vol. « Bonsoir Finnick » S’exclame-t’elle gaiement, déposant ses affaires au sol avant de demander appuyée contre une rambarde de bois qui longeait le terrain : « Tu préfères Finn peut-être ? » Elle avait croisé le jeune attrapeur en cours mais n’avait jamais vraiment eu d’occasion d’échanger avec ce dernier plus que la relation enseignant élève ne l’imposait pendant les sessions d’apprentissage. Le jeune homme était de plus plutôt réservé et s’il n’était pas aussi talentueux sur un balais, elle ne l’aurait certainement jamais remarqué parmi les autres étudiants.
Regard perçant qui accroche le visage du jeune homme, elle tente de croiser le sien, sans succès, ce dernier faisait bien attention à éviter de la regarder dans les yeux. Elle fronce légèrement les sourcils, mais elle ne fait pas de commentaire Jude, préférant attendre de savoir ce qu’il souhaitait obtenir de cette entrevue. « Merci d’être venue » Il semblait mal à l’aise l’étudiant : alors que dans le ciel, lorsqu’il ne s’agissait que de lui et du vif d’or, c’était un virtuose. Il n’avait pas fallu longtemps pour le remarquer, Jude avait croisé suffisamment de talents pour le reconnaitre : il avait un don. Elle savait aussi que les dons avaient parfois des contreparties et que parfois, sortir de sa zone de confort, évoluer parmi les mortels au sol, pouvait être ardu. « C’est toujours un plaisir. » Sourire enjoué, elle était impatiente de savoir la raison de sa présence néanmoins : elle allait toujours trop vite Jude, habituée à la vitesse de ses éclats dans les airs, habituée à bruler la chandelle par les deux bouts aussi. « J-j-j-j’aim-m-merais … » Il se tait, gêné alors que la jeune femme s'appuie un peu plus sur la barrière. Regard implorant lancé à l’ancienne attrapeuse, cette dernière fait une petite moue, engrenages de ses pensées qui s’emballe derrière ses yeux sombre avant qu’elle ne se détende légèrement, avisant le balais que l’Ethelred tenait toujours dans sa main. « Tu as ton balais avec toi, c’est une bonne chose. » Affirme-t’elle d’une voix enjouée, faisant mine de rien. « C’est toujours plus agréable de discuter d’un peu plus haut tu ne penses pas? Ça donne une autre perspective. » C’était un moyen comme un autre de mettre le jeune homme un peu plus à l’aise. « Et comme ça tu pourras m’expliquer ce qu’il t’arrive. » Bien loin des promesses de transgressions et de pirouettes, la brune restait un peu plus terre à terre malgré ses envies de grand air. Elle s’astreignait à un peu plus de sérieux Judith lorsqu’il s’agissait de l’un de ses élèves en face d’elle. Elle restait l’assistante accessible et un peu trop imprévisible certes, elle restait l’enfant qui n’avait jamais vraiment grandit et qui partageaient plus avec les jeunes étudiants qu’avec ses collègues enseignants mais elle tentait de mériter cette place qui lui avait été offerte.
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Re: shadow wind (jude)
Dim 22 Mar 2020 - 14:31
Le mot simple, le plus difficile à prononcer, peut-être – ouvrant la conversation. « Bonsoir Finnick! Tu préfères Finn peut-être ? » Plutôt que de répondre, je me contente de hocher la tête – en soi, les noms qu’on utilise pour me désigner m’importent peu, même si j’ai moi-même tendance à escamoter les mots. Éternel souci d’économies de bouts de phrases – là où certains ne songent même pas à ce qu’ils disent, chaque syllabe est pour moi une traîtresse en puissance capable de me faire trébucher et d’étouffer ma conversation. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’apprécie autant signer avec ma cousine : là où mes cordes vocales ne me trahiront pas, j’ai l’esprit libéré et je suis capable de m’exprimer sans craindre les représailles des mots capricieux. « Merci d’être venue ». Le souffle à peine audible. Les yeux qui n’osent pas (encore) croiser les siens, obstinés – besoin d’apprivoiser la situation, d’abord. Rencontrer de nouvelles personnes provoque des angoisses viscérales en moi, et bien que l’assistante ne soit pas réellement une étrangère, nous n’avons que bien peu interagi ensemble jusqu’à présent. « C’est toujours un plaisir. » Il semble y avoir de la bonté dans son regard – son sourire me rassure assez pour tenter de lui faire ma demande directement – « J-j-j-j’aim-m-merais … » Échec lamentable : elle va croire que je suis un idiot. Tant de professeurs sont passés par cette étape : Fraser, je m’explique mal vos résultats. Après avoir parlé avec moi, certains étaient même convaincus que je trichais aux examens. La dureté d’évoluer dans un monde fait pour les extrovertis lorsqu’on est soi-même tellement sensible à la présence d’autres êtres humains.
J’adresse un regard implorant à la sorcière, qui fait la moue. Ça y est, j’ai déjà tout ruiné avant même de commencer, bravo Finn, 10/10 pour l’intelligence. « Tu as ton balais avec toi, c’est une bonne chose » Instinctivement, mes doigts se serrent autour de mon éclair de feu – un nouveau modèle offert par le club. Je me suis toujours limité à des balais de moins haute gamme – il est moins frustrant de rater une expérience sur un Brossdur que sur un Nimbus 2001. Je jette un regard au ciel, dont la vue me rassure toujours instantanément. « C’est toujours plus agréable de discuter d’un peu plus haut tu ne penses pas? Ça donne une autre perspective ». Mes pieds s’ancrent dans le sol en entendant ses paroles. « Et comme ça tu pourras m’expliquer ce qu’il t’arrive ». Sans mot, le balai entre mes doigts, je prends mon élan, le corps suivant l’engin, qui s’envole avant d’être enfourché d’un geste fluide.
Tous les jours, plus de deux fois par jour, depuis que j’ai huit ans. Sans eux, je ne suis qu’un oiseau aux ailes coupées, semble-t-il. Les vibrations légères du bois entre mes doigts, le vent dans les cheveux, et, sans penser, j’accélère, les yeux fermés. La disposition du terrain connue par cœur, les gradins dessinés derrière mes paupières, les anneaux. Cette sensation sans voir – mais loin d’être aveugle. Rapidement, en ignorant l’assistante, je trace des arcs de cercle dans les anneaux du but. Les comptant. Fixations sur les plus petites choses du monde, qui me semblent parfois constituer un univers à elles seules – depuis le temps, j’ai accepté que c’est ainsi que mon esprit fonctionne. Trop spécialisé, trop habile dans certains domaines, compensant par de lourds handicaps ailleurs. And yet … nobody does what I do, avais-je expliqué à un étudiant en médicomagie jadis, après m’être blessé au cours d’une expérience. Les avant-bras tachés des cicatrices de mes potions ratées qui ne portent pas les traces de toutes celles qui ont réussi, testées à répétition avec la discipline d’un militaire. Observer chaque mouvement, chaque courbe d’accélération, voir les tangentes là où un œil profane ne distinguerait qu’un chaos de lignes. M’arrêtant en plein cœur du but du centre, j’ouvre à nouveau les yeux, fixés sur ceux de l’ancienne joueuse professionnelle. « Je pense abandonner le cours », finis-je par dire. La voix douce, mais qui ne murmure pas. « Je manque de temps, avec … tout ». La carrière professionnelle, le sujet de thèse, mes inquiétudes familiales, ma relation de couple … J’ai dû laisser tomber mes cours d’astronomie et de botanique, déjà, malgré une application et des résultats exemplaires au cours des sept dernières années. Ne reste que le vol – mais les cours de groupe ne sont plus de mon niveau. Lorsque j’y participais par plaisir, ce n’était pas un souci réel, mais à présent, je dois me rendre à l’évidence : dans un horaire trop chargé, certains sacrifices doivent être faits.
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Re: shadow wind (jude)
Mar 21 Avr 2020 - 19:27
Si le comportement du jeune homme l’avait prise de court, timidité certaine qu’elle n’avait pas prévue et qui compensait allègrement avec l’expressivité de l’ancienne Wright elle ne pouvait néanmoins pas juger ce caractère qui semblait bien commun aux génies de leur art. Elle savait que parfois, des dons exceptionnels allaient avec des manques dans d’autres parts de l’être, elle-même avait souvent été cible des remarques acerbes de ses professeurs qui ne la pensaient pas capable d’atteindre les études supérieures. Trop indisciplinée, trop flamboyantes, incapable de rester assise, cul vissé sur une chaise pendant plus de dix minutes et encore moins d’écouter le palabre monotone de ses enseignants pendant de longues et ennuyeuses minutes. Visiblement, le revers de la médaille de Finnick n’était pas le même mais elle tenta de se montrer compréhensive, effaçant les onces de jugement qu’elle pouvait donner l’impression d’avoir tandis qu’elle lui proposait de s’envoler quelques instants pour pouvoir discuter de manière plus détendue.
Et elle avait certainement bien fait de lui proposer de s’évader de la terre ferme, il suffisait de le voir voler pour comprendre qu’il se sentait bien plus à l’aise sur un balais que sur ses deux jambes, élevée à hauteur raisonnable, perchée sur son propre balais, elle l’observe attentivement enchainer les arcs de cercle autours des anneaux du terrain. Elle attend patiemment Jude, bien que la patience n’ait jamais été son fort, que le jeune homme revienne près d’elle. Ce qu'il finit évidemment par faire, plus apaisé avait-elle l’impression alors qu’il finit par expliquer, d’une voix douce la raison de leur présence à tous les deux : « Je pense abandonner le cours » L’assistante hausse un sourcil, ne s’attendant pas réellement à ce genre de nouvelle de la part de l’un de ses élèves les plus prometteurs, voire même, sans pour autant glisser dans la subjectivité, le plus prometteur. Néanmoins dans un premier temps elle ne dit rien, le laissant reprendre, justification qui tombait sous le sens pour un jeune adulte qui vivait les affres professionnels, estudiantins et sociaux de son âge. « Je manque de temps avec… tout »
C’est au tours de l’assistante de dessiner quelques arcs de cercles autour du terrain, trajectoire millimétré qu’elle voyait se dessiner devant ses yeux tandis qu’elle volait, liberté chérie de pouvoir parcourir ainsi le terrain sans se préoccuper d’autre chose que de la perfection des courbes. Pourtant, sous ses airs impassibles, il y avait des tas de questions qui se posaient, ainsi, elle ne tarda pas à terminer ses voltes autours du jeune étudiant pour demander, sourire immuable aux lèvres : « Tu as bien réfléchis ? » Question tout à fait rhétorique, la manière de voler du sorcier laissait aisément imaginer qu’il n’était pas du genre à prendre quelconque décision à la légère. Elle se devait néanmoins de le demander, lui offrant la possibilité d’un retrait si finalement il se rendait compte que ce n’était pas ce qu’il cherchait. « Tu sais, si tu penses que c’est le mieux pour toi je ne vais pas te forcer à conserver cette option, t’es un adulte qui doit être totalement capable de se gérer et je pense que ce n’est pas gâcher ton talent que d’arrêter les cours vu que… » Elle hausse doucement les épaules : « Well, tu t’entraines d'autre part. » Elle ne serait jamais le type de professeur prêt à tout pour conserver ses élèves, même les plus brillants. Si ces derniers pensaient qu’il était mieux pour eux d’abandonner la matière, elle se faisait une oreille attentive. Maturité inhabituelle pour l’ancienne attrapeuse qui était plus habituée aux caprices et à cette envie de collectionner les joyaux dans ses fréquentations. « Mais je pense que les cours de vol de l’université peuvent être… une pause si tu vois ce que je veux dire ? » Alors que son élève faisait de chaque mots une richesse, avare des paroles , Jude était à l’inverse, grande amatrice des mots, elle en usait à tord et à travers, joyeuse fantaisiste qui aimait attirer l’attention. Néanmoins, elle tentait de faire valoir ses idées avec précision ce jour là : « Je sais ce que c’est, les débuts de carrière professionnelle, il y a beaucoup de choses à prendre en compte et clairement le fait que tu continues tes études force déjà l’admiration. » Elle même n’avait guère fait de vieux os à Hungcalf une fois son contrat signé, de toute façon ses parents ne pouvaient se permettre la scolarisation de leur deux enfants et l'ainée y avait vu une trop belle opportunité de quitter à jamais, croyait-elle, les bancs de l'université. « Mais faut pas que tu oublies non plus de… souffler un peu ? De continuer à voir le Quidditch aussi comme un moyen de renouer avec toi même sans pour autant ressentir la pression de la compétition. »
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Re: shadow wind (jude)
Mar 9 Juin 2020 - 13:42
La précision acérée de l’ex attrapeuse ferait pâlir d’envie la plupart des aspirants qui égrenaient le temps sur le terrain devenu son royaume de régence. Si elle a fait partie des rangs des pies, il voit plutôt en elle une buse, alors qu’elle virevolte en arcs de cercle, précise, affutée comme la lame d’un rasoir tranchant avec élégance à travers l’éther. Pause bienvenue entre son aveu et ses conseils, éole savoure le silence et la liberté de l’observer, elle. Aspire à atteindre ce degré de précision, et, bien que l’attrapeur soit humble, il est également réaliste – sait qu’il ne lui manque que bien peu de degrés d’habileté pour la rejoindre.
Sans croiser son regard, ses prunelles noisette se posent plutôt sur la courbe presque trop prononcée du sourire de l’assistante – un faciès de chat rieur. « Tu as bien réfléchis ? » Il est presque pris d’un sursaut de défi, l’ancien serdaigle, et ça ne lui ressemble pas. Les nouvelles situations dans lesquelles on le plonge depuis quelques mois semblent le forcer à mûrir plus rapidement qu’il ne l’aurait voulu – ou à rattraper un retard largement périmé. Je ne fais que ça, réfléchir, se dit-il sans répliquer à la question de la jeune femme, davantage par manque de témérité que par compréhension du caractère rhétorique de son interrogation bienveillante. Un pli léger tracé par ses lèvres serrées, il l’écoute, voyant en elle le trait double d’un être plus expérimenté que lui en ce qui concerne les affaires du monde : d’une part, pour son aisance sociale, et d’autre, pour la conscience aigue que l’attrapeur a que l’assistante a dû affronter les mêmes chimères que lui. Il lui semble pourtant, en regardant son allure de minuscule matamore, que le public n’a probablement jamais été une source d’angoisses pour elle.
Et il en rêve, le prodige effacé – jouer sans qu’on le regarde, échapper aux questions intrusives, aux interrogations. Exister sans le poids du jugement d’autrui –
(quelle étrange force de caractère, que de ne pas être susceptible à la pression des attentes
et la laisser le clouer au pilori de l’opinion publique du même geste.)
S’entraîner ailleurs. Au stade de Kenmare, sous les regards de ses coéquipiers, et des entraîneurs – mais pas que. Il y a aussi les journalistes, les spéculateurs, les sponsors, ceux qui ont des attentes, et quelque part, n’y a-t-il pas une naïveté formidable chez l’attrapeur farouche, qui a cru qu’on le laisserait simplement jouer? « Mais je pense que les cours de vol de l’université peuvent être… une pause si tu vois ce que je veux dire ? » Les sourcils froncés, éole regarde l’ancienne pie, surpris. Il ouvre la bouche, prêt à défendre les cours de vol universitaires, qu’il affectionne davantage que les mots dont il est si avare ne sauraient le décrire correctement, avant de se raviser. Lorsque Judith souligne sa présence sur les bancs estudiantins, il hoche la tête – sa thèse. Celle qui lui donnera un minimum de crédibilité pour ce qu’il souhaite faire, depuis tout jeune – appuyée de sa carrière professionnelle, avec un peu de chance. « Mais faut pas que tu oublies non plus de… souffler un peu ? De continuer à voir le Quidditch aussi comme un moyen de renouer avec toi même sans pour autant ressentir la pression de la compétition ». Le Calédonien offre un pauvre sourire à sa mentor, à la fois soulagé qu’elle ait su mettre des mots si juste sur ses sentiments emmêlés sans qu’il doive se résoudre à se perdre dans un fouillis d’explications désordonnées.
Un soupir léger quittant ses lèvres, il se tient sur son balai, ses doigts ne touchant pas le bois du siège – équilibre précieusement conservé par l’effort silencieux des muscles tellement habitués à cette pose qu’il pourrait probablement écrire sa thèse ainsi, si on lui faisait don d’un plan de travail flottant. « Ils parlent pas de la pression », prononce-t-il finalement, regard fixé sur la ligne d’horizon qui se fond dans le ciel assombri. « je … » ses mots s’étouffent, et l’attrapeur adresse un regard légèrement gêné à la jeune femme – ce que c’est que d’être naïf et d’en prendre douloureusement conscience, sans avoir la sagesse de voir les coups suivants venir. « j’pensais juste pouvoir voler ». Les voyelles aplaties par l’aveu timide, la gêne de sa propre ignorance. « mais ils veulent tout ». Deux cours, déjà sacrifiés, et probablement un troisième, s’il ne parvient pas à trouver une utilité réelle au cours de vol – puisqu’il est déjà dispensé de certains entrainements, en reconnaissance des efforts physiques qu’il met déjà pour les kestrels. Sa thèse, qui ne tient qu’à un fil, tendu des efforts que l’ethelred farouche met – l’absence de vie sociale (comme s’il aimait tellement la compagnie des gens, de toute façon …), sa relation amoureuse qui tangue au gré des humeurs d’Aphrodite, qui lui fait trop bien comprendre qu’il ne lui accorde pas assez de temps … « et y’a les journalistes ». Il ne sait pas les gérer. Ne sait pas réellement ce qu’il attend de Judith – incapable de réellement le formuler. Il veut savoir, il veut apprendre, mais se sait bien moins habile socialement qu’elle, de toute évidence. Exilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
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Re: shadow wind (jude)
Lun 29 Juin 2020 - 12:02
Petit à petit, la conversation migre du sujet du cours de vol, à un sujet beaucoup plus sérieux dans l’esprit de l’assistante. Le début d’une carrière était un moment charnière et les nouveaux joueurs étaient nombreux à souffrir de la pression. « Ils parlent pas de la pression » Il semble ailleurs l’étudiant, perdu dans des pensées bien lointaines du stade, le rêve qui laisse place à la réalité, parfois, toucher du doigt son ambition n’avait pas le goût du nectar divin que l’on imaginait. « Je… » Ne souhaitant pas le mettre plus mal à l’aise qu’il semblait déjà l’être, Jude ne guette pas les inclinaisons de son visage, regarde ailleurs, le laisse s’exprimer. « J’pensais juste pouvoir voler. » Le sourire se fait plus compatissant, un peu moins éclatant aussi car ce mal touchait bien des nouveaux joueurs. Elle ne pouvait pas dire qu’elle avait vécu le même mal qui touchait le jeune prodige car les relations sociales n’avait jamais été un fardeau pour elle. Etoile un peu trop flamboyante qui s’était amusée des journalistes et des supporters, de leurs regards sur sa personne, fanfaronnades et caractère infatué dont elle ne s’était rendue compte qu’à partir du moment où la gloire s’était transformée en cadènes. « Mais ils veulent tout. » Elle n’ose imaginer la situation dans laquelle se trouve le jeune homme. « Et y’a les journalistes » Les fameux, elle en gardait un goût doux amer, vautours qui avaient cherché à la mettre plus bas que terre, starlette résumée soudain à une charogne qui avait chuté.
Il y a un léger soupir qui s’échappe des lèvres de l’américaine, l’empathie vacillante bien que pleine de bonnes intentions elle cherche ses mots pour ne pas inquiéter outre mesure l’étudiant. « Quand j’ai commencé ma carrière, j’ai quitté l’université, j’ai quitté tout ce qui me prenait du temps, de l’énergie, de la concentration. » Elle n’avait jamais eu l’ambition de briller par de longues et prestigieuses études, arrivée à Hungcalf seulement par la gloire de sa carrière naissante. « Je ne faisais que voler » Et boire, mais ça, cela ne faisait pas partie de ce qu’elle souhaitait transmettre à l’étudiant. « Je volais tout le temps, entraînements en équipe, matchs, même de nuit » Soûle parfois mais encore une fois, les excès de l’ancienne attrapeuse n’avait rien à voir avec sa carrière, ou du moins, pas avec ses performances. « Seule par temps de pluie sur le terrain d’entraînement de Glasgow parce que je voulais devenir la meilleure. » Sans se fendre d’une arrogance déplacée, elle pensait avoir mérité ce titre durant quelques années, lorsque les à côtés n’étaient pas encore trop prenants, lorsqu’elle se concentrait uniquement sur son art. Elle était devenue la meilleure mais la chute avait été d’autant plus douloureuse. « Mais voler ne suffit pas, pas pour devenir le meilleur. » Il y avait l’alignement avec soit même, il y avait le travail d’équipe, il y avait la passion évidemment mais c’était un travail qui continuait après le sol foulé à nouveau. « Tu n’as pas besoin d’être adepte des grands discours, les journalistes, ce ne sont que des rats qui se délectent de tous tes faux pas. » On sentait aisément le dédain pour ces gens dans la voix habituellement si joyeuse de la jeune femme. « Mais tu as besoin de ton équilibre, de ton cocon, tu as besoin d’être toi car cette carrière a tendance à te l’arracher. »
Léger moment de silence, perdue dans des souvenirs qu’elle souhaitait enfermer aussi loin que possible elle finit par redresser la tête, croisant le regard clair du jeune homme : « Tu veux voler ? Juste voler ? » Question une nouvelle fois réthorique à laquelle elle ne laisse aucunement le temps à l’Ethelred de répondre, l’objectif n’était pas de le forcer à se perdre dans des apophtegme auxquels il n’apportait aucune affection. « Alors fais-le : réserve toi une heure, deux heures ou plus, chaque semaine et ne fais que ça. » Une escapade, un moment hors du temps, se recentrer sur lui même et sur ce qu’il aimait faire. « Oublie les matchs, oublie les journalistes, pas de compétition ni de performance, juste toi, ton balais et le vent sur ton visage. » Car avant tout, les passionnés du vol ne cherchaient que ça, du moins, c’était l’opinion de l’américaine. Le vent, la liberté, le ciel pour seule limite et la possibilité de laisser derrière tout le reste. « T’as pas besoin de plus d’entrainement : si les cours de vol deviennent un fardeau, abandonne les, mais garde les horaires réservés pour te recentrer. » Il n’y avait rien d’autoritaire dans son ton, elle n’avait pas la stature de professeur de Zahia ni son charisme naturel qui faisait que tout le monde se taisait lorsqu’elle parlait. Elle avait ce côté joueur et innocent, cette candeur rafraîchissante qui attirait l’attention Jude et dont elle tentait d’user pour faire comprendre ses arguments aux étudiants.
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