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it's been a while ... | Sullya
Sam 4 Avr 2020 - 14:42
J’suis peut-être pas prête pour ça ? Peut-être que si ? Peut-être que pas ? Bordel, j’en sais rien… J’ai hésité. Longtemps hésité. Quelque chose à changé en moi depuis que son genou s’est posé à terre, depuis que mon tibia à brutalement percuté son visage pour l’envoyer valdinguer dans le décor. Chaque coup étaient plantés en ma mémoire, à chaque impact, mon for intérieur détruisait un pan du mur que j’avais rigidement érigé entre mes émotions et moi-même.
Et aujourd’hui, je la ressens, je la ressens pour de vrai. La peur. La peur de perdre un ami, les mots de son message m’ont blessée et j’ai presque pu percevoir l’inquiétude, la tristesse et la colère que je lui ai infligée. Comment lui dire… ? « j’étais une coquille vide, mais maintenant je tiens bien plus à toi qu’à ce que tu m’apporte »
Une bouffée de ma cigarette, jouant nerveusement avec les plis de mon t-shirt noir trop long, assise sur une chaise de la terrasse, les bulbes de mes cuisses forment de minuscules boules, dessinant les frissons du froid. Je n’ai pas besoin de lui mentir… Mais je n’ai pas non plus besoin de tout lui dire. Je crois que c’est une sorte de vérité universelle. Personne n’a jamais su, à part lui, personne d’autre n’a besoin de savoir. Il emportera le secret dans la tombe. Bientôt.
L’appartement a été entièrement réorganisé depuis mon retour, par mes soins, au plus grand damne de mes voisins. Lumineux, malgré le soleil s’écrasant petit à petit, haut de plafond, il y avait un peu plus de lumières, plus de miroirs. Je l’accepte plus facilement, me confronter à moi-même m’est moins difficile depuis que j’ai collé une gigantesque branlée au vieillard.
« Y’a pas moyen Talya. Pas moyen que tu perdes un de tes amis les plus chers. »
Je me redressais, écrasant ma cigarette dans l’un des multiples cendriers pour m’étirer, mes cheveux humides timidement portés par le vent alors que je passais la baie vitrée du balcon vers le salon pour gagner ma chambre et enfiler une robe tant sobre qu’élégante, dégainer plusieurs bouteilles de vin et m’affairer en cuisine.
Pour une bouche à sucre comme Sullivan, je mise plus sur un dessert de qualité que sur un plan trop élaboré. Un café ramené tout droit d’une plantation artisanale kenyane ayant fait l’objet d’un de mes détours avant que je ne revienne fouler les terres d’Ecosse, des œufs, du sucre roux, vanillé… La liste des ingrédients s’accumule sur la table pour mener à bien un tiramisu, une crème brûlée, cafetière prête à l’usage, alors que dans le four l’odeur des épices vient contraster avec les préparations sucrées placées au frigo.
Je m’affaire et le temps passe, sursautant au bruit de la sonnette, regardant l’heure en jurant de mon plus beau…
« Bordel de merde ! »
Le temps de resserrer un chignon fait à la va-vite, je me ruais vers la porte, prenant une grande inspiration pour l’ouvrir à mon grand ami, d’un sourire crispé, gêné. Une Talya gênée, mal à l’aise, une grande nouveauté, pour moi aussi d’ailleurs.
« Chaton ! Entre, je t’en prie. »
Hésitante, ma moue se crispait, légèrement, habituellement tactile, un poil invasive avec mes amis, je me contentais de me décaler contre la porte en m’appuyant sur le mur pour lui laisser l’espace nécessaire pour entrer.
Et aujourd’hui, je la ressens, je la ressens pour de vrai. La peur. La peur de perdre un ami, les mots de son message m’ont blessée et j’ai presque pu percevoir l’inquiétude, la tristesse et la colère que je lui ai infligée. Comment lui dire… ? « j’étais une coquille vide, mais maintenant je tiens bien plus à toi qu’à ce que tu m’apporte »
Une bouffée de ma cigarette, jouant nerveusement avec les plis de mon t-shirt noir trop long, assise sur une chaise de la terrasse, les bulbes de mes cuisses forment de minuscules boules, dessinant les frissons du froid. Je n’ai pas besoin de lui mentir… Mais je n’ai pas non plus besoin de tout lui dire. Je crois que c’est une sorte de vérité universelle. Personne n’a jamais su, à part lui, personne d’autre n’a besoin de savoir. Il emportera le secret dans la tombe. Bientôt.
L’appartement a été entièrement réorganisé depuis mon retour, par mes soins, au plus grand damne de mes voisins. Lumineux, malgré le soleil s’écrasant petit à petit, haut de plafond, il y avait un peu plus de lumières, plus de miroirs. Je l’accepte plus facilement, me confronter à moi-même m’est moins difficile depuis que j’ai collé une gigantesque branlée au vieillard.
« Y’a pas moyen Talya. Pas moyen que tu perdes un de tes amis les plus chers. »
Je me redressais, écrasant ma cigarette dans l’un des multiples cendriers pour m’étirer, mes cheveux humides timidement portés par le vent alors que je passais la baie vitrée du balcon vers le salon pour gagner ma chambre et enfiler une robe tant sobre qu’élégante, dégainer plusieurs bouteilles de vin et m’affairer en cuisine.
Pour une bouche à sucre comme Sullivan, je mise plus sur un dessert de qualité que sur un plan trop élaboré. Un café ramené tout droit d’une plantation artisanale kenyane ayant fait l’objet d’un de mes détours avant que je ne revienne fouler les terres d’Ecosse, des œufs, du sucre roux, vanillé… La liste des ingrédients s’accumule sur la table pour mener à bien un tiramisu, une crème brûlée, cafetière prête à l’usage, alors que dans le four l’odeur des épices vient contraster avec les préparations sucrées placées au frigo.
Je m’affaire et le temps passe, sursautant au bruit de la sonnette, regardant l’heure en jurant de mon plus beau…
« Bordel de merde ! »
Le temps de resserrer un chignon fait à la va-vite, je me ruais vers la porte, prenant une grande inspiration pour l’ouvrir à mon grand ami, d’un sourire crispé, gêné. Une Talya gênée, mal à l’aise, une grande nouveauté, pour moi aussi d’ailleurs.
« Chaton ! Entre, je t’en prie. »
Hésitante, ma moue se crispait, légèrement, habituellement tactile, un poil invasive avec mes amis, je me contentais de me décaler contre la porte en m’appuyant sur le mur pour lui laisser l’espace nécessaire pour entrer.
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Re: it's been a while ... | Sullya
Jeu 7 Mai 2020 - 19:35
ENFIN! Enfin, des nouvelles de Talya! Le jour où j'avais reçu son message, c'était comme si le destin avait décidé de me faire une fleur, de me rendre mon amie. Taly, ça faisait des mois qu'elle avait disparu. Pouf. Du jour au lendemain. Plus aucun mot, plus aucune nouvelle. Ok, la belle avait ses soucis personnels et une vengeance aveugle en guise de gouvernail, mais clairement, ça m'avait fait chier de la perdre. Je pensais que je valais mieux que ça à ses yeux. Merde, quoi. Alors, à son retour, comme une fleur, j'hésitais entre l'envie de l'étrangler et celle de la serrer pour l'étouffer contre moi. Au lieu de céder à ces lubies, mon amie m'invita chez elle pour faire la paix et renouer. Malgré ma colère et ma tristesse, j'avais bien entendu accepter. Déjà parce que je ne refusais jamais une invitation, mais aussi parce que j'avais réellement envie de la voir. Pour vérifier qu'elle était en bonne santé. Qu'elle était bien là, bien réelle. Que ce n'était pas qu'une illusion. A l'heure dite, je me rendais à l'appartement de la jeune femme, je connaissais bien la route. Étrangement, mon noeud à l'estomac se serra davantage alors que mes pas me menaient devant la porte d'entrée. C'était stupide. De l'appréhension alors que c'était elle qui avait quelque chose à se pardonner? Peut-être que j'aurais du la chercher et la protéger? Secouant la tête, mon doigt agit pour moi et appuya sur la sonnette à l'entrée. Même à travers la porte, je pouvais sentir une bonne odeur de pâtisserie et de café. Un peu plus et je me mettais à baver. Putain, elle me connaissait bien la belle. Elle voulait acheter ma colère avec de la bouffe -ce qui n'était pas idiot. Je croisais les bras sur la poitrine en mode "tu ne m'auras pas", mais une fois que la porte fut ouverte, je sentis toute résistance s'effacer peu à peu. La pauvre semblait gênée. Et mon visage crispé sur une moue contrariée eut bien du mal à ne pas afficher un sourire en la voyant. Je rentrais, mes bras toujours croisés. Sauf que l'odeur de sucre associé à mon besoin insatiable de contact eut raison de toutes mes barrières. Sans un mot, je m'approchais d'elle pour la prendre dans mes bras, dans une étreinte qui m'était propre. Pleine de tendresse, d'affection réelle, sans faux-semblants. Elle m'avait manquée. Son odeur, sa voix, même ses conneries et nos moments de folie. Je la relâchais doucement avant de me racler la gorge. La pointant du doigt: "Tu ne me fais plus JAMAIS ça, ok?" que je m'exclamais avec une émotion non dissimulée. A travers mon regard, on pouvait se douter de ce que je pensais. Je n'allais pas lui poser de questions sur l'endroit où elle était, ce qu'elle avait fait. C'était sa vie. La seule chose qui m'importait, c'était de savoir qu'elle allait bien. Même si une question me taraudait toujours. Regardant enfin autour de moi, je remarquais qu'il y avait eu des changements, ce qui était plutôt agréable. Quant aux odeurs de cuisine, c'était une véritable torture pour moi. "J'aime bien ce que tu as fait de l'appart. C'est beaucoup plus lumineux..." Je m'arrêtais quelques secondes avant de reprendre. "Pourquoi tu ne m'as pas envoyé de messages? Je peux tout comprendre et tout entendre, tu sais." Bien sûr qu'elle le savait. Mais elle semblait m'avoir oublié pendant tout ce temps. Et finalement, c'était à qui me faisait le plus mal. Que j'ai disparu de sa vie et qu'elle n'ait pas cherché à m'y inclure. Réaction un peu possessive de ma part, mais avec mes amies et amis, c'était bien souvent le cas. J'étais tellement attaché à eux que je supportais mal qu'ils prennent de la distance. Et mon côté rancunier n'arrangeait rien. Talya faisait partie de ceux que je pouvais pardonner. Les rares.
- InvitéInvité
Re: it's been a while ... | Sullya
Jeu 7 Mai 2020 - 20:27
Le temps de réagir, de comprendre, plus ou moins, je me retrouvais étouffée contre la poitrine du petit bonhomme. Ses bras croisés, ils m’avaient fait peur. Sérieusement peur. S’il n’était pas du genre à décliner des invitations, ça voulait pas dire pour autant qu’il allait me pardonner, ou quoi. Mais ça, ça, c’était… Plus fort. Ça, c’était le signe que mes conneries n’ont pas brisé, ou pas complètement notre amitié.
Il s’éloignait, s’exclamant tout en me pointant du doigt d’un ton accusateur.
"Tu ne me fais plus JAMAIS ça, ok?"
On aurait presque cru un enfant, ou une dispute de couple. C’avait quelque chose d’amusant. Et provoquait une nouveauté chez moi. Je ne baissais pas les yeux, non, mais j’étais désarmée. En temps normal, j’aurais ris aux éclats et fait une mauvaise blague en lui tapant l’épaule en douceur. Mais là, non. Là. C’était moi, qui venait chercher le contact. Et pas le contact d’une Talya à moitié bourrée qui saute sur son pote pour lui faire des déclarations vaseuses parce qu’elle sait plus se tenir en ayant un peu abusé des drogues et des psychotropes.
Non. Mes bras se nichaient lentement sous les siens pour aller chercher son dos, mon minois se plongeant dans son cou.
« Je te le promet. »
Soufflais-je, d’une voix presque éteinte. Si le manque, la douleur de l’absence est une chose que j’ai encore du mal à concevoir… La perte, elle, je l’ai entrevu. Pourquoi, pourquoi ça m’a fait aussi mal, de voir ses bras croisés, cet air mi-triste, mi-contrarié ? Blessé ? Pourquoi, pourquoi ça lui a fait aussi mal ? C’est que moi, bordel ! Le clown de service. Si je me suis toujours bien entendue avec tout le monde, c’est parce que je suis celle… Qui est là, qui ne demande rien d’autre que de voir les gens heureux, s’amuser. J’aurais pu croire que mon amitié avec Sullivan se portait là-dessus, principalement : on se marre bien en soirée, on passe de bons moments en soirée, et voilà.
Eh bha non.
Alors je restais. Je restais là. Refugiée. En sécurité. J’avais l’impression… Qu’en le serrant dans mes bras, il ne pourrait pas m’abandonner. Et ça me fait me sentir mal. Putain. Tellement mal. Combien de fois, il aurait voulu pouvoir me serrer dans ses bras pour que je ne puisse pas partir ? Pour qu’au moins je donne des nouvelles ?
"J'aime bien ce que tu as fait de l'appart. C'est beaucoup plus lumineux..."
Un changement de sujet ? C’était… Bienvenue. C’est dur. De se confronter aux émotions. C’est dur, de ressentir. J’y comprends rien, et je me sens un peu paumée…
"Pourquoi tu ne m'as pas envoyé de messages? Je peux tout comprendre et tout entendre, tu sais."
Complètement paumée, rectification.
Soufflant lentement, je reculais, d’un pas, les yeux rougis. Ce n’était pas la drogue, ni l’alcool, pour une fois. Non. C’est bien une larme, qui perlait le long de ma joue. Probablement la première fois qu’il me voit pleurer. Une. Une seule et unique larme. Détournant le regard, je reniflais en essuyant ma joue, le regard plongé dans le vide.
« Honnêtement, j’crois que je préférerais qu’on graille pendant que tu me racontes des anecdotes sur ce qu’il s’est passé pendant mon absence et qu’on se marre un coup. Mais je crois que pour une fois j’y échapperai pas. On… En discute dans le salon ? Va te poser, je nous ramène le dessert. »
C’était un « truc », j’aime bien faire à manger et je sais qu’il a un faible pour le truc. Alors quand il vient, ça m’arrive de faire des plâtrées de desserts à en faire un repas entier, pour manger ça sous un plaide, devant un film un peu nul ou une bonne discussion. Apportant le tout sur un plateau que je posais sur la table basse, je soupirais en m’asseyant en tailleur sur un fauteuil pour servir le vin.
« Mec, je sais tellement pas comment aborder tout ça… J’suis un peu… Paumée, je crois ? Mais… Dans le bon sens du terme. »
Besoin de fuir. Mais pas complètement. Alléger la confrontation en me défoulant. Mes pieds s’agitent sur le coussin du fauteuil, je me redresse assez brusquement pour attraper une cigarette et ouvrir l’une des baies-vitrées pour lui éviter les odeurs.
« J’aime pas parler de tout ça. Mais je te le dois et… Je crois que j’en ai besoin. En gros… Euh… Bordel. Surtout, pas un mot à ma sœur. A qui que se soit en fait. Y’a QUE toi qui va savoir ce que je vais te dire. Juste euh… Ecoute jusqu’au bout, part pas avant… Et me coupe pas s’il te plait, faut que je me concentre.
Mon maître en Kung-Fu… Eumh… Ce mec a un passé un peu tordu. Il est un peu tordu en fait. Il me battait quand j’étais petite. Salement. Il m’a brusqué, blessé. J’étais hyperactive, il avait aucune patience. Il me menaçait, si j’en parlais à qui que ce soit, en me disant que… Si je parlais de mon entraînement, il menaçait de me congédier, me disait que j’allais devenir la honte de ma famille. Il a… J’ai pas envie d’entrer dans les détails. Il a tout fait pour me briser. Et il a réussi. »
Une latte, je soupirais vaguement, mon regard rivé vers le couchant.
« J’suis restée avec… Une idée en tête. Faire en sorte que les gens soient contents de moi. C’était… Un peu ce qui m’animait, ce qui me maintenait la tête haute. J’avais plus rien. L’amour, l’attachement, la douleur, tout ça, je l’ai… Jamais vraiment ressenti. J’ai toujours fais plus ou moins semblant, ce qui m’attachait aux gens, c’était ma capacité à les rendre heureux. Une seule et simple raison d’être.
Ma voix s’alourdissait, alors que je déglutissais. Sullivan est intelligent, trop pour ne pas comprendre la portée de tout ce que je raconte. Et de nouveau, la peur s’emparait de moi. La peur de le perdre, encore. Avoir peur, ça craint. Vraiment.
« Au mois de décembre, j’ai appris qu’il était malade. Qu’il lui restait plus longtemps. C’était ma seule chance de… De lui prouver qu’il avait tort. Ou de me prouver qu’il avait tort. De pouvoir déconstruire ce mur que j’ai mis entre le monde et moi, depuis que je suis gamine. Je me suis exilée un moment pour me préparer.
Ca a pris… Du temps. Et quand ça a été finis, j’me sentais… Pas prête. Un mur m’a séparé de mes émotions toute ma vie, je comprends rien à tout ce que je ressens, c’est le bordel dans ma tête. Il m’a fallut du temps pour… Mettre de l’ordre dans tout ça, me centrer un peu sur moi-même.
Et… Nous voilà à aujourd’hui, Talya la grande pote qui est toujours là pour soulever ses potes bourrés alors qu’elle l’est autant voir plus ou réconforter dans les moments difficile, qui est même plus foutue de se retenir de pleurer en se rendant compte de ses conneries et d’à quel point elle a eu peur de perdre son meilleur ami. »
Une main proche de mes lèvres, contenant le cylindre, l'autre maintenant mon bras. J'étais sur la défensive, effrayée. Deux grandes nouveautés pour moi. Flipper pour ma relation avec quelqu'un et surtout, me confier sur tout ça.
Il s’éloignait, s’exclamant tout en me pointant du doigt d’un ton accusateur.
"Tu ne me fais plus JAMAIS ça, ok?"
On aurait presque cru un enfant, ou une dispute de couple. C’avait quelque chose d’amusant. Et provoquait une nouveauté chez moi. Je ne baissais pas les yeux, non, mais j’étais désarmée. En temps normal, j’aurais ris aux éclats et fait une mauvaise blague en lui tapant l’épaule en douceur. Mais là, non. Là. C’était moi, qui venait chercher le contact. Et pas le contact d’une Talya à moitié bourrée qui saute sur son pote pour lui faire des déclarations vaseuses parce qu’elle sait plus se tenir en ayant un peu abusé des drogues et des psychotropes.
Non. Mes bras se nichaient lentement sous les siens pour aller chercher son dos, mon minois se plongeant dans son cou.
« Je te le promet. »
Soufflais-je, d’une voix presque éteinte. Si le manque, la douleur de l’absence est une chose que j’ai encore du mal à concevoir… La perte, elle, je l’ai entrevu. Pourquoi, pourquoi ça m’a fait aussi mal, de voir ses bras croisés, cet air mi-triste, mi-contrarié ? Blessé ? Pourquoi, pourquoi ça lui a fait aussi mal ? C’est que moi, bordel ! Le clown de service. Si je me suis toujours bien entendue avec tout le monde, c’est parce que je suis celle… Qui est là, qui ne demande rien d’autre que de voir les gens heureux, s’amuser. J’aurais pu croire que mon amitié avec Sullivan se portait là-dessus, principalement : on se marre bien en soirée, on passe de bons moments en soirée, et voilà.
Eh bha non.
Alors je restais. Je restais là. Refugiée. En sécurité. J’avais l’impression… Qu’en le serrant dans mes bras, il ne pourrait pas m’abandonner. Et ça me fait me sentir mal. Putain. Tellement mal. Combien de fois, il aurait voulu pouvoir me serrer dans ses bras pour que je ne puisse pas partir ? Pour qu’au moins je donne des nouvelles ?
"J'aime bien ce que tu as fait de l'appart. C'est beaucoup plus lumineux..."
Un changement de sujet ? C’était… Bienvenue. C’est dur. De se confronter aux émotions. C’est dur, de ressentir. J’y comprends rien, et je me sens un peu paumée…
"Pourquoi tu ne m'as pas envoyé de messages? Je peux tout comprendre et tout entendre, tu sais."
Complètement paumée, rectification.
Soufflant lentement, je reculais, d’un pas, les yeux rougis. Ce n’était pas la drogue, ni l’alcool, pour une fois. Non. C’est bien une larme, qui perlait le long de ma joue. Probablement la première fois qu’il me voit pleurer. Une. Une seule et unique larme. Détournant le regard, je reniflais en essuyant ma joue, le regard plongé dans le vide.
« Honnêtement, j’crois que je préférerais qu’on graille pendant que tu me racontes des anecdotes sur ce qu’il s’est passé pendant mon absence et qu’on se marre un coup. Mais je crois que pour une fois j’y échapperai pas. On… En discute dans le salon ? Va te poser, je nous ramène le dessert. »
C’était un « truc », j’aime bien faire à manger et je sais qu’il a un faible pour le truc. Alors quand il vient, ça m’arrive de faire des plâtrées de desserts à en faire un repas entier, pour manger ça sous un plaide, devant un film un peu nul ou une bonne discussion. Apportant le tout sur un plateau que je posais sur la table basse, je soupirais en m’asseyant en tailleur sur un fauteuil pour servir le vin.
« Mec, je sais tellement pas comment aborder tout ça… J’suis un peu… Paumée, je crois ? Mais… Dans le bon sens du terme. »
Besoin de fuir. Mais pas complètement. Alléger la confrontation en me défoulant. Mes pieds s’agitent sur le coussin du fauteuil, je me redresse assez brusquement pour attraper une cigarette et ouvrir l’une des baies-vitrées pour lui éviter les odeurs.
« J’aime pas parler de tout ça. Mais je te le dois et… Je crois que j’en ai besoin. En gros… Euh… Bordel. Surtout, pas un mot à ma sœur. A qui que se soit en fait. Y’a QUE toi qui va savoir ce que je vais te dire. Juste euh… Ecoute jusqu’au bout, part pas avant… Et me coupe pas s’il te plait, faut que je me concentre.
Mon maître en Kung-Fu… Eumh… Ce mec a un passé un peu tordu. Il est un peu tordu en fait. Il me battait quand j’étais petite. Salement. Il m’a brusqué, blessé. J’étais hyperactive, il avait aucune patience. Il me menaçait, si j’en parlais à qui que ce soit, en me disant que… Si je parlais de mon entraînement, il menaçait de me congédier, me disait que j’allais devenir la honte de ma famille. Il a… J’ai pas envie d’entrer dans les détails. Il a tout fait pour me briser. Et il a réussi. »
Une latte, je soupirais vaguement, mon regard rivé vers le couchant.
« J’suis restée avec… Une idée en tête. Faire en sorte que les gens soient contents de moi. C’était… Un peu ce qui m’animait, ce qui me maintenait la tête haute. J’avais plus rien. L’amour, l’attachement, la douleur, tout ça, je l’ai… Jamais vraiment ressenti. J’ai toujours fais plus ou moins semblant, ce qui m’attachait aux gens, c’était ma capacité à les rendre heureux. Une seule et simple raison d’être.
Ma voix s’alourdissait, alors que je déglutissais. Sullivan est intelligent, trop pour ne pas comprendre la portée de tout ce que je raconte. Et de nouveau, la peur s’emparait de moi. La peur de le perdre, encore. Avoir peur, ça craint. Vraiment.
« Au mois de décembre, j’ai appris qu’il était malade. Qu’il lui restait plus longtemps. C’était ma seule chance de… De lui prouver qu’il avait tort. Ou de me prouver qu’il avait tort. De pouvoir déconstruire ce mur que j’ai mis entre le monde et moi, depuis que je suis gamine. Je me suis exilée un moment pour me préparer.
Ca a pris… Du temps. Et quand ça a été finis, j’me sentais… Pas prête. Un mur m’a séparé de mes émotions toute ma vie, je comprends rien à tout ce que je ressens, c’est le bordel dans ma tête. Il m’a fallut du temps pour… Mettre de l’ordre dans tout ça, me centrer un peu sur moi-même.
Et… Nous voilà à aujourd’hui, Talya la grande pote qui est toujours là pour soulever ses potes bourrés alors qu’elle l’est autant voir plus ou réconforter dans les moments difficile, qui est même plus foutue de se retenir de pleurer en se rendant compte de ses conneries et d’à quel point elle a eu peur de perdre son meilleur ami. »
Une main proche de mes lèvres, contenant le cylindre, l'autre maintenant mon bras. J'étais sur la défensive, effrayée. Deux grandes nouveautés pour moi. Flipper pour ma relation avec quelqu'un et surtout, me confier sur tout ça.
- InvitéInvité
Re: it's been a while ... | Sullya
Jeu 14 Mai 2020 - 23:06
Preuve que tout ne tournait pas rond avec mon amie, là voilà qui accueillait mon étreinte avec une attitude très étrange de sa part. Pas de traits d'humour, pas de tentative de me repousser en riant aux éclats. Non, c'était limite si elle ne réclamait pas son pesant de câlins. Peu habitué à cette facette de mon amie, je la serrais contre moi. Instinct de protecteur inné qui se mettait en place dès lors qu'on cherchait mon affection. La chaleur de sa peau contre la mienne. Son odeur si particulière qui m'avait manquée malgré tout. Une promesse qui me fit sourire, car elle savait que je la lui ferai tenir. Éternel rancunier, je me targuais de toujours tenir les miennes et en attendais autant des autres. Exigence uniquement dans le but de me protéger. Elle semblait perdue la fêtarde, presque perturbée. Pourquoi donc? Pensait-elle que je me contenterai d'être heureux qu'elle soit de retour? Ne se rendait-elle pas compte que l'amitié était sacrée à mes yeux? Je m'étais attaché à elle, à la manière d'un frère pour une soeur, et c'était évident que sa disparition me pèserait. Je la berçais presque dans mes bras, lui offrant ce soutien qui semblait tant lui manquer. Heureux qu'elle me laisse lui montrer combien elle était importante à mes yeux. Je finissais par la lâcher, avant d'essayer de comprendre pourquoi elle m'avait laissé sans nouvelles pendant tout ce temps. La question était lancée sur un ton qui se voulait presque léger, mais il n'en était rien. J'avais besoin de savoir. Mon regard clair se posa sur elle, pression silencieuse. Lorsqu'elle se recula, mon coeur manqua un battement. Est-ce que c'est une larme sur sa joue? Soudain, je crus que j'avais dit quelque chose de mal. Ne pleurs pas s'il te plaît. Horrifié, je fis un pas vers elle alors qu'elle me répondait. "Ah euh... Ok. Je t'attends." Soudain, j'eus l'impression qu'il ne fallait pas la contredire. Alors j'allais me poser sur le canapé, lieu de souvenirs. Des films, des repas, des débats... Le plateau une fois placé devant moi, la bonne odeur du dessert me fit dresser les narines et je ne résistais pas à l'envie de m'emparer d'un morceau tandis que Talya reprenait la parole. "Là, tu m'intrigues, j'vois pas comment on peut être paumé dans le bon sens du terme!" Haussement de sourcils étonné. Mon attention toute entière était tournée vers elle, même si la moitié de la part de gâteaux avait déjà disparu dans mon estomac -on ne se refaisait pas. Autre addiction, la cigarette rappela à l'ordre mon amie qui partit à la fenêtre pour m'éviter la fumée. J'avais l'habitude avec elle, cela ne m'avait jamais vraiment dérangé. Je ne faisais pas partie de ceux qui pestaient contre ceux qui fumaient. Quand elle recommença à parler, je me sentais comme ces psychomages qui écoutaient leurs patients, attentif à chacun de ses mots. Prêt à l'épauler si elle en avait besoin. Et je m'apprêtais à la rassurer de quelques mots qu'elle me coupa le sifflet en m'incitant à garder le silence jusqu'au bout. Damn. Poisson hors de l'eau, moue ennuyée sur le visage. Mais je me calais dans le canapé en l'écoutant - et en grignotant. Sur le cul. Chacun de ses mots était une surprise, une découverte de plus. Et une profonde envie de tuer ce fameux maître qui la fit tant souffrir naquit au fond de mes entrailles. Oser la toucher, oser lui faire du mal, c'était comme s'il me faisait du mal aussi. Colère sourde. Ce mec ne méritait pas même pas de la regarder. Coeur du problème, la belle expliqua son comportement vis-à-vis des autres. Tout faisait sens finalement... Hochant la tête doucement, j'affichais un doux sourire compréhensif. Il n'y avait rien de mal à ne pas faire corps avec des émotions. D'une personne à l'autre, nos coeurs et nos esprits divergeaient tant qu'on ne pouvait reprocher à l'autre de ne pas ressentir les mêmes choses. Si j'étais hyper expressif et ressentait mes émotions au centuple, je n'en attendais pas tant des autres. Et ce qui était vrai, c'était qu'elle avait toujours été là pour moi, pour son entourage. Le récit continuait, et je voyais la chute arriver. Pas étonnant qu'elle soit paumée, la pauvre, à sa place je n'en mènerais pas large. Cet afflux soudain d'émotions avait du la submerger complètement, voire la noyer par moment. Et le pire? Je n'étais pas là pour l'aider. Et ça, à me faisait chier. Elle n'aurait jamais du avoir à affronter tout ça toute seule, et ses derniers mots achevèrent de me convaincre que j'avais raison. Je me levais alors, me saisissant sans gêne de sa clope pour l'envoyer valser dans un cendrier tout proche de la fenêtre. Mes mains vinrent se loger le long de ses joues pour encadrer son visage. "T'avais pas à vivre ça toute seule. Combien de fois j'devrais te dire que c'est inutile d'essayer de me repousser? Tu peux pas te débarrasser de moi aussi facilement." que je lui soufflais avec un sourire taquin. Je vins déposer un baiser sur son front avant de rajouter doucement, avec un peu trop d'émotions dans la voix: "T'es comme ma soeur, Taly. Et les frère et soeur se soutiennent, non? Je suis content que tu sois là, c'est tout. Je promets de garder tout ce que tu m'as dit, ce sera notre secret." Ma main rencontra la sienne et je l'entraînais jusqu'au canapé pour que nos fesses finissent par rencontrer les coussins moelleux. Une fois bien installés, je lui offrais mon plus beau sourire ravi, pensant déjà à ce que j'allais lui dire. Elle en avait raté des choses la Wright. Ton de connivence, je passais une main presque gênée dans mes cheveux. "Oh sinon, t'as peut-être bien raté deux ou trois choses pendant ton absence..." que je commençais, laissant planer un suspense qui, je le savais, serait insupportable pour la jeune femme qui arrivait toujours à m'arracher les vers du nez.
- InvitéInvité
Re: it's been a while ... | Sullya
Lun 27 Juil 2020 - 13:38
Un instant, égarée, un autre, je sentais les volutes de fumée se disperser. Il venait de jeter ma clope. En temps normal j’aurais pesté en ricanant, ne serait-ce que pour la pollution de la rue en bas, mais là il n’en était rien. Ses mains s’emparaient de moi et je me sentais en un sens prisonnière, ou… Accueillie. Je ne sais pas trop.
"T'avais pas à vivre ça toute seule. Combien de fois j'devrais te dire que c'est inutile d'essayer de me repousser? Tu peux pas te débarrasser de moi aussi facilement."
Je frémissais en sentant ses mains s’emparer de mes joues tièdes, hésitant à lâcher prise. C’est toujours un atroce dilemme, d’accepter de lâcher prise, songeais-je en m’approchant pour chercher le contact, un instant, mes mains s’agrippant à son dos. Par réflexe, peut-être, je le tapotais doucement, comme si la douleur était pleinement partagée. Elle ne l’est pas. Elle est présente pour nous deux, mais extrêmement différente. C’est l’impuissance qui l’anime. Une amie qui est supposée constamment présente, mais qui est finalement inaccessible à terme.
"T'es comme ma soeur, Taly. Et les frère et soeur se soutiennent, non? Je suis content que tu sois là, c'est tout. Je promets de garder tout ce que tu m'as dit, ce sera notre secret."
Le silence était la meilleure des réponses pour une fois. Au moins un moment. J’étais ailleurs, et si en temps normal je pouvais reprendre le contrôle d’une facilité déconcertante, fermer les yeux, se concentrer sur un point précis, méditer, trier, mettre de côté… Tout ça ne m’a toujours pris que quelques secondes. C’est si simple, de tout mettre de côté quand… Il n’y a rien à mettre de côté. Mais est-ce que ça en vaut la peine ? Pouvoir être malheureuse me rends paradoxalement heureuse. Et au contact de sa main, un souffle du nez et un sourire vient m’animer, malgré un regard trop perdu.
« J’ai jamais cherché à te repousser, juste… A t’éloigner de moi. J’étais pas en mesure de te donner un dixième de ce que tu pouvais ressentir, j’me sentais pas légitime. Mais t’inquiète. Maintenant je me sens prête à t’aimer comme un frère. »
Main dans la main, nous regagnons le canapé, me laissant vaguement choir dedans pour souffler longuement. C’était… Beaucoup d’un coup. Peut-être trop. Et il l’avait remarqué, détourner la conversation tombait à point nommé. J’étais experte en la matière. Ne jamais mentir, mais tout faire pour ne pas dire ce que j’ai sur le cœur. Peut-être parce que jusqu’à lors, il n’y avait rien.
"Oh sinon, t'as peut-être bien raté deux ou trois choses pendant ton absence..."
Je souriais, malicieusement, tant bien que mal en chassant ces vieux démons, si ce n’est en les balayant du regard. On peut détruire un mur facilement, mais les vestiges et les souvenirs demeurent. Longtemps. Si je ressentais et que j’avais plus de mal à reprendre le contrôle qu’avant, je restais tout de même douer pour tout balayer en un instant.
Attrapant un gâteau du bout des doigts, je reprenais avant de croquer dedans.
« Commence par le commencement chaton, on a toute la soirée. Et ne t’avise même pas de vouloir rentrer chez toi ce soir, sauf si t’as une excellente raison. »
"T'avais pas à vivre ça toute seule. Combien de fois j'devrais te dire que c'est inutile d'essayer de me repousser? Tu peux pas te débarrasser de moi aussi facilement."
Je frémissais en sentant ses mains s’emparer de mes joues tièdes, hésitant à lâcher prise. C’est toujours un atroce dilemme, d’accepter de lâcher prise, songeais-je en m’approchant pour chercher le contact, un instant, mes mains s’agrippant à son dos. Par réflexe, peut-être, je le tapotais doucement, comme si la douleur était pleinement partagée. Elle ne l’est pas. Elle est présente pour nous deux, mais extrêmement différente. C’est l’impuissance qui l’anime. Une amie qui est supposée constamment présente, mais qui est finalement inaccessible à terme.
"T'es comme ma soeur, Taly. Et les frère et soeur se soutiennent, non? Je suis content que tu sois là, c'est tout. Je promets de garder tout ce que tu m'as dit, ce sera notre secret."
Le silence était la meilleure des réponses pour une fois. Au moins un moment. J’étais ailleurs, et si en temps normal je pouvais reprendre le contrôle d’une facilité déconcertante, fermer les yeux, se concentrer sur un point précis, méditer, trier, mettre de côté… Tout ça ne m’a toujours pris que quelques secondes. C’est si simple, de tout mettre de côté quand… Il n’y a rien à mettre de côté. Mais est-ce que ça en vaut la peine ? Pouvoir être malheureuse me rends paradoxalement heureuse. Et au contact de sa main, un souffle du nez et un sourire vient m’animer, malgré un regard trop perdu.
« J’ai jamais cherché à te repousser, juste… A t’éloigner de moi. J’étais pas en mesure de te donner un dixième de ce que tu pouvais ressentir, j’me sentais pas légitime. Mais t’inquiète. Maintenant je me sens prête à t’aimer comme un frère. »
Main dans la main, nous regagnons le canapé, me laissant vaguement choir dedans pour souffler longuement. C’était… Beaucoup d’un coup. Peut-être trop. Et il l’avait remarqué, détourner la conversation tombait à point nommé. J’étais experte en la matière. Ne jamais mentir, mais tout faire pour ne pas dire ce que j’ai sur le cœur. Peut-être parce que jusqu’à lors, il n’y avait rien.
"Oh sinon, t'as peut-être bien raté deux ou trois choses pendant ton absence..."
Je souriais, malicieusement, tant bien que mal en chassant ces vieux démons, si ce n’est en les balayant du regard. On peut détruire un mur facilement, mais les vestiges et les souvenirs demeurent. Longtemps. Si je ressentais et que j’avais plus de mal à reprendre le contrôle qu’avant, je restais tout de même douer pour tout balayer en un instant.
Attrapant un gâteau du bout des doigts, je reprenais avant de croquer dedans.
« Commence par le commencement chaton, on a toute la soirée. Et ne t’avise même pas de vouloir rentrer chez toi ce soir, sauf si t’as une excellente raison. »
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