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the ministry of truth (nerys)
Jeu 11 Juin 2020 - 23:40
Londres, Londres était l’amour de la vie de January ; et dans toute autre circonstance, son cœur se réjouirait de revenir dans la ville tendrement chérie ; seulement, au lieu de Londres, du Richmond Park et des belles rues qu’elle connaissait sur le bout des doigts, se dressait devant elle l’architecture sombre et majestueuse du Ministère de la Magie. Loin de la routine universitaire, ces lieux nouveaux qu'elle n'avait dû voir qu'une ou deux fois grouillaient d’un déluge permanent de sorciers empressés qui déferlaient sur January immobile au milieu de ce vaste chaos organisé.
Elle qui d’ordinaire ne se troublait pas pour si peu avait des latences ; ses regards se fixaient ; la décision habituelle de ses yeux fermes laissait place à une ombre incertaine que la moindre lumière faisait vaciller. Elle marchait lentement, au milieu des affairés ; se trompa de chemin avant qu’on lui indique du menton un énième guichet d’administration — du papier, des baguettes, de longues lignes d’attente. Une voix grinçante dût s’y reprendre à trois fois pour que January la comprenne. Elle l’avait pourtant donné, ce papier qui lui brûlait les mains et contenait, en substance, l’échec d’une vie. — J’ai besoin de votre procuration, mademoiselle. Trouble. Ces lieux dans lesquels elle se proposait, un jour, d’établir son destin, ces lieux étaient tout empreints d’une présence confuse, invisible silhouette, partout mais nulle part ; celle d’Anthony Scott. (Le Patronus de sa mère lui annonçant que M. Scott en avait fini avec la folie clandestine qui ne menaçait que sa famille (quelqu’un, quelqu’un l’avait vu, senti, prévenu ) ; l’employé modèle qui réservait ses dysfonctionnements à la quiétude du foyer venait d’avoir une crise en plein Ministère ; l’incompréhensible, la disjonction, tout cela devenait public, tout cela avait fini, après plus de quarante-cinq ans, par ronger le domaine sacré du bureau. M. Scott ne parviendrait jamais à la direction de la Police. A vrai dire, il ne parviendrait bientôt plus à se brosser les dents seul, si on le jugeait comme ses prédécesseurs.) — J’ai besoin de votre procuration, mademoiselle. (On l’avait toujours su. La maladie, ou ce que c’était, cette dégénérescence, ne reculait ni ne stagnait. Elle ne pouvait qu’augmenter son emprise. M. Scott, comme les autres, avait tout mis dans le boulot, aimant le sien à la folie, bourreau de travail qui n’avait pas conscience de sa dépossession ; et c’est au boulot que la chose venait désormais le chercher, le trainer, l’humilier. January n’avait aucune idée de l’ampleur des signes qu’il avait montrés au bureau ; mais elle savait que dans les pires délires, dans la paranoïa et la peur qui se saisissaient autrefois de son père, il n’y avait qu’un pas vers la violence et le drame. Et le fait que quelque chose d’infiniment plus grave ne s’était pas produit la laissait dans une sourde hébétude.) — J’ai besoin de votre procuration, mademoiselle. — En effet, pardonnez-moi, murmure-t-elle en glissant sur le marbre une feuille marquée d’encre émeraude. Par ce geste qui n’avait rien de particulier, en ce jour tout à fait banal, devant un secrétaire qui voyait passer des milliers de visages chaque jour, elle mettait fin à la carrière d’Anthony Scott dans la police magique. Il ne le savait pas, mais sa démission était définitive. Le tout était de savoir s’il deviendrait simplement dépendant, dépourvu de conscience de lui-même, ou totalement dangereux pour sa mère. Choix cornélien… prévisible… mais on essaye toujours, pas vrai, d’espérer un petit peu, de gratter aux échéances… comme s’il ne s’agissait que d’une petite dette… une dette de l’esprit, une dette dans les gènes… — C’est transmis, vous pouvez laisser la place. January s’écarte de la file, et ses propres pensées lui paraissent étrangères et froides. Il lui faut une minute avant de se rendre compte qu’elle bloque encore le passage. Le nom lui était revenu sans raison, le nom de la personne qui avait permis à son père de prendre cette pause : Nerys Wynne. A quoi lui servirait ce nom ? Elle avait déjà croisé des milliers d’employés, ne connaissait pas la qualité de cette femme, si elle travaillait avec son père ou non ; la retrouver, pourquoi faire ? Son esprit était ailleurs, elle essayait d'y mettre de l'ordre, elle voulait retrouver sa propre discipline.
D’ascenseur en ascenseur, de couloir en couloir, tous bondés, tous dédaliques ; absorbée dans une pensée obsédante, elle ne fait que s’éloigner de son point de départ — de la même manière qu’Anthony Scott ne faisait, année après année, que s’éloigner de ce qu’il était, au fur et à mesure que sa raison s’autodétruisait sans remède possible. Lève les yeux ; des lettres d’or indiquent le département de la justice magique. (Hasard douloureux.) Confondue dans la masse mobile des employés, elle laisse ses pas la guider vaguement, peut-être dans l’espoir que l’irrésistible mouvement la conduirait auprès d’un bureau, d’une porte sur laquelle elle verrait son nom. (Son nom à elle ? Ou pourquoi pas l’autre… Wynne…) Mais rapidement horrifiée par sa propre irrésolution, la jeune femme finit par se détourner de ces portes qui la dénoncent comme intruse — à peine s’exécute-t-elle qu’elle manque de se heurter frontalement à une sorcière qui devait sans doute attendre qu’elle daigne s’écarter du chemin… January ne savait même plus ce qu’elle faisait là. Cependant, le presque impact contre l’employée fait l’effet d’un électrochoc qui ramène subitement l’étudiante à sa préoccupation immédiate. — Excusez-moi, j’ai failli vous renverser, souffle-t-elle, main sur le cœur, en regardant l’inconnue droit dans les yeux. Elle n’a peut-être pas les idées très claires, Jane, mais elle sait deux choses ; être courtois est un devoir quasi-religieux ; et la densité de circulation s’est bien trop affaiblie pour que sa présence ici soit normale. (Autant marché...?) Elle résout de s’adresser à cette femme avant d’aller plus loin dans sa lente dérive qui ne menait que plus loin dans les profondeurs du ministère dont elle cherchait à s’échapper. — Je ne voudrais pas vous déranger, seulement, pourriez-vous m’indiquer la sortie ? Elle regarde autour d’elle, un léger sourire gêné s’esquissant sur sa figure. — A vrai dire, je ne sais même pas ce que je fais ici, qu’elle ajoute doucement, avec la seule pensée de s’esquiver en silence de ces lieux qui lui faisaient l’effet de sables mouvants.
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Re: the ministry of truth (nerys)
Sam 20 Juin 2020 - 18:10
Tes talons claquent sur le sol alors que tu accélères le pas en direction de la rangée d'ascenseurs. Tu parviens finalement à te glisser dans l'un d'eux juste avant que les portes ne se referment derrière toi. L'ascension commence, et c'est avec un soulagement à peine dissimulé que tu t'éloignes progressivement du quartier général des Oubliators après avoir passé dix minutes à t'entretenir avec l'un d'eux pour régler un problème qu'un simple courrier aurait dû suffire à résoudre. Malheureusement, la mauvaise communication au sein du personnel ministériel était un fléau qui n'épargnait aucun service, et surtout pas le sien. Une jeune moldue témoin d'une arrestation réalisée par une de tes équipes avait semble t-il pu regagner son foyer sans être oubliettée. Mettre ainsi en danger le code international du secret magique était de loin la pire des erreurs que l'on puisse commettre, ainsi sans surprise aucune Aurors et Oubliators se renvoyaient la balle et la responsabilité de l'incident ; un jeu de ping-pong par hiboux interposés entre vos deux services qui ne faisait absolument pas progresser la situation. Dans le calme de ton bureau personnel, tu étais à l'abri des bavardages sans intérêt de tes collègues mais visiblement pas de leur stupidité. Il avait donc fallu que tu t'arraches à ton travail, décidant de mettre fin à cette incompétence en te rendant directement au Département des accidents et catastrophes magiques, perdant par là même un temps précieux qui aurait pu être consacré à consulter ton courrier ou à plancher sur des dossiers. Par chance, la présence surprise de la directrice adjointe du Bureau des Aurors au sein de leurs locaux semble avoir l'effet d'un électrochoc. Au bout de dix minutes, tu quittes les lieux avec la satisfaction d'avoir pu résoudre le problème.
Mais le répit de ce petit interlude dans l'ascenseur n'est que de courte durée, et déjà une voix dans l'habitacle annonce le Département de la justice magique. Tu sors de l'ascenseur, plusieurs autres employés t'emboîtant le pas avant de rejoindre leurs bureaux respectifs. Le Bureau des Aurors n'était pas le service le plus évident et rapide à atteindre. Situé en face des locaux de la Brigade de police magique, il fallait pour y parvenir parcourir de nombreux couloirs et surtout ne pas manquer de tourner au moment opportun, mais tout ça n'était pas un problème pour une habituée des lieux comme toi. Les couloirs se font progressivement plus vides à mesure que tu te rapproches de ta destination. Si tu as hâte de retrouver le silence de ton bureau, tu n'es pas franchement ravie à l'idée de devoir à nouveau t'atteler à la montagne de paperasse qui l'encombre continuellement depuis quelques semaines. Du temps où tu n'étais que simple chef d'équipe, tu appréciais encore de rédiger tes rapports et de t'adonner aux rares tâches administrative propres à ta fonction. Maintenant que l'administratif domine ton quotidien, l'enthousiasme est quelque peu retombé. Nul doute que pendant ton absence, aussi courte soit-elle, de nouveaux documents se soient ajoutés à ta pile déjà conséquente. Tu espères au moins pouvoir poursuivre ton travail sans être de nouveau interrompue.
Trop préoccupée par la perspective d'une nouvelle démonstration d'incompétence qui viendrait encore bousculer ton programme, tu ne fais pas vraiment attention à la femme devant toi jusqu'à ce que celle-ci manque de te heurter frontalement. Légèrement agacée sur le moment, ton impatience est cependant vite cajolée par les manières impeccables exhibées par cette jeune inconnue. Tu croises son regard, et il t'apparait vite évident qu'elle s'est perdue, chose qu'elle confirme d'ailleurs peu après en te demandant son chemin. Tu la gratifies d'un sourire compréhensif qui se veut rassurant. Tu as eu tout le loisir de te familiariser avec les lieux, si bien que tu pourrais probablement naviguer ses couloirs dans ton sommeil. Mais tu te souviens également de l'angoisse, bien dissimulée par une assurance de surface, qui t'avait saisi en pénétrant ces murs pour la première fois il y a de cela presque quatorze ans. Le labyrinthe de salles et de couloirs interminables, la foule d'employés qui passent devant toi sans te voir. Maintenant que tu es devenue un personnage respecté et relativement important au sein du ministère, cette époque parait bien lointaine et tu es désormais beaucoup plus rarement ignorée par le reste du personnel. « Bien entendu. Il suffit de faire demi-tour et de continuer tout droit jusqu'aux services administratifs du Magenmagot. Après ça vous n'avez qu'à tourner à gauche vers... » Un détail - ou plutôt son absence - attire ton attention et tu t'interromps brusquement. En examinant avec plus d'attention la jeune femme, tu remarques qu'aucun badge argenté n'est épinglé à ses vêtements alors que tu sais qu'aucun visiteur n'est autorisé à accéder aux étages sans ce signe distinctif. Pour autant, il t'apparaît évident que la demoiselle ne fait pas non plus partie des employés. Trop jeune, trop hésitante. Il pourrait s'agir d'une stagiaire, mais son visage t'es complètement inconnu. En dix ans, tu as appris à mémoriser de nombreux visages. Tu es certaine de n'avoir jamais croisé cette femme avant. Le doute s'installe dans ton esprit, et tu n'as jamais beaucoup aimé ne pas savoir. Avec la délicatesse de celle qui maîtrise son art à la perfection, et sans la lâcher des yeux, tu décides d'aller puiser l'information directement à la source. Tu fais évidemment en sorte de rester indétectable, ne souhaitant pas révéler ta présence dans l'esprit de la jeune femme. Ce n'est l'affaire que de quelques secondes. Très vite t'apparait l'image d'un homme au visage familier, progressivement rongé par un mal plus envahissant que bien des afflictions physiques. Et finalement, un nom qui vient mettre fin au mystère. « ... mademoiselle Scott ? » Une multitude d'expressions passent sur ton visage sans que tu parviennes à les masquer. La confusion et la surprise sont brièvement visibles dans le froncement de tes sourcils et le mouvement de tes lèvres ; avant de disparaitre derrière une expression neutre et affable. Tu ne t'attendais pas rencontrer la fille d'Anthony Scott au détour d'un couloir. En fait, tu n'avais pas vraiment eu de nouvelle de l'homme depuis la crise dont tu avais été témoin et que tu avais tenté tant bien que mal de contenir. Tu peux lire une confusion réciproque dans le regard de la jeune femme. Tu réalises alors que tu as négligé de te présenter. « Pardonnez-moi. Nerys Wynne, du Bureau des Aurors. Je suis une collègue de votre père. » Tu décides à ce moment-là que la paperasse peut attendre et que tes employés sauront probablement survivre encore quelques minutes en ton absence. Exceptée votre présence à toutes les deux, le couloir est désert. « J'espère qu'il se porte bien. Êtes-vous venue pour récupérer certaines de ses affaires ? Ce n'est pas mon service mais je me ferais une joie de vous aider si vous en avez besoin.»
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