Charles laissa échapper un petit grognement. C’était leur douche, certes. Mais à partir du moment ou quelqu’un l’utilisait, il était tout naturel que leur douche devienne – le temps de quelques minutes (ou heures) – la douche de celui – ou celle – qui l’utilisait. Mais Wyatt semblait avoir des soucis et ne devait visiblement pas connaître l’idée d’intimité. Charles ne connaissait son colocataire que depuis quelques jours, un mois tout au plus et une chose était sûr, il ne serait pas resté ici s’il avait su que ce genre d’incident pouvait se dérouler. Etait-il tombé sur la pire colocation d’Inverness ? Après les dortoirs à l’université, évidement. Rien ne pouvait détrôner ceux-là ou ce n’était pas une petite maison qui était partagé mais bien une seule pièce. Enfin, d’ici à ce que le Nightingal se glisse dans ses draps, il n’y avait qu’un pas. La douche, ensuite ça. Tout était possible, à présent et Charles allait s’assurer de conserver cette intimité et tranquillité qu’il appréciait tant. Même sa petite n’avait jamais été aussi envahissante, et c’était pourtant sa petite sœur. Une pipelette miss-je-sais-tout, incapable de rester seule, incapable de cesser de parler.. bien moins pire que Wyatt, cela dit. Le Nightingal qui, sans s’inquiéter des mots de Charles, se lavait, l’air innocent. Et le Sweetlove l’observait, essayant tant bien que mal de ne pas quitter son visage des yeux. L’exercice était compliqué, cependant, un peu comme observer une cigarette, sans pouvoir l’allumer. La tentation était bien trop forte, mais il tint bon, se contentant de hausser les sourcils lors que Wyatt le taquinait une énième fois.

Le Londonien n’était pas quelqu’un de fondamentalement désagréable. Il était plutôt neutre, n’allait pas embêter de lui-même les gens et restait un minimum courtois lorsqu’on restait en dehors de ses affaires. Il grondait, lorsque ce n’était pas le cas. Il grognait presque, sortais parfois les griffes, en dernier recours. Et il y pensait, en cette instant, se questionnant sur le fait que ces supplications soient suffisantes pour recouvrer sa solitude – et sa douche. Mais finalement, la délivrance. Wyatt se rinça, laissant couler des tonnes d’eau dans la baignoire accompagnée de mousse parfumée, résidus d’une douche sinon individuel, rapide et efficace. Charles en avait presque oublié qu’il pouvait, lui aussi, se laver, occupé qu’il était à se cacher derrière une licorne au regard coloré. Il avait tout juste eu le temps de râler, finalement. Un petit grognement, un regard assombri et le temps passait bien plus vite. Etait-ce de la magie ? Un soupire s’échappa des lèvres du blondinet, alors qu’il observait Wyatt quitter la baignoire. Il pu remettre le rideau correctement.

- And don’t come back ! And close the door on your way out !

Charles pensa s’arrêter là, avant de se rappeler que l’homme qui venait d’envahir son espace vital sans lui demander son avis était prêt à tout. A tout. Il pouvait très bien revenir, avec ce petit sourire sur son visage et son regard brillant. Et.. Le Sweetlove apprécierait assez de pouvoir terminer sa douche tranquillement. Alors, dans un petit soupire à peine audible pour le Nightingal – du moins c’était ce qu’il espérait – il rajouta quelques formules de politesse, cela faisait toujours bien. Et si cela pouvait lui assurer quelques minutes encore de solitude, il était preneur.

- Please ! Thank you !

Il resta ensuite silencieux quelques secondes, guettant un éventuel retour du Nightingal. Mais rien ne vint, alors il en profita. Il s’arrangea pour que l’eau chaude lui tombe sur le haut de la tête, mouillant ainsi ses boucles blondes, rinçant les restes de shampoing que l’intrusion de son colocataire l’avait fait oublier. Il inspira une grosse bouffée d’air et soupira bruyamment. Les yeux fermés, immobile sous le jet d’eau. Tout ça pour ça. Il coupa finalement l’eau, et sorti à son tour de la baignoire. La buée était partout, humidité chaude et agréable que le londonien appréciait tout particulièrement, plus encore lorsqu’il pleuvait à grosses gouttes à l’extérieur. Il s’enroula une serviette autour de la taille, avant de quitter la salle de bain, laissant entendre à qui cela intéressant, que leur douche était maintenant libre, avant de se réfugier dans sa chambre, décorée à son image.

Les murs étaient peints dans une couleur sombre et la sobriété de la pièce dénotait avec le reste de la maison. Son lit bien que spacieux était tout en simplicité, seuls deux oreillers apportaient un peu d’originalité. Il n’y avait autrement pas grand-chose d’autres, un bureau, une chaise. Une commode et un miroir de plein pied. Pas d’étagère pour ses livres qui restaient tout de même rangé, dans un coin. Une chambre somme toute banale, mais il était en architecture magique et non en décoration et design d’intérieur. Il laissa tomber sa serviette au sol, passa pour la cinquantième fois une main lasse dans ses boucles blondes avant d’enfiler un t-shirt et un pantalon assorti aux couleurs de sa chambre, pyjama de de fin de journée confortable. Maintenant qu’il avait « profiter » de sa douche, il était temps de se mettre au travail. Un travail dur qu’il appréciait, mais ne comprenait pas toujours. Dure fin d’après midi en perspective.

Des heures passèrent, et heureusement que les boucles blondes de Charles étaient bien arrochées à son crâne ou le sorcier serait déjà chauve. Il commençait à perdre patience, ne comprenant décemment pas la logique derrière son cours. Pourtant, il avait eu l’impression de tout comprendre, le matin même. Il n’en était plus si sûr. Il doutait, relisait ses notes, en réécrivait certaines. Il se plongeait également dans un vieux bouquin, emprunté à la bibliothèque. Il savait traduire les runes, avait depuis longtemps appris leurs histoires et leurs origines mais la partie qui reliait les runes et la divination lui faisait toujours défaut. Les arts divinatoires, de manière générale, ne lui plaisait pas. La vie était déjà compliquée, le présent était déjà délicat, pourquoi en rajouter des caisses à l’aide d’une boule magique transparente ? Non-sens. Charles grommela quelques mots inintelligibles avant de ramasser ses piles de cours et d’exercice en un seul tas. Il referma son stylo à bille, préférant de loin sa facilité d’utilisation à une plume sorcière et emportant le tout avec lui, direction, la cuisine. Il posa ses affaires sur la table centrale et se prépara un thé. Il avait besoin d’un petit remontant, et de changer d’air. Qui sait, peut-être que l’odeur du bacon grillé préparé à midi allait l’aider à se concentrer ?