Il était tard, et Lloyd n'allait pas traîner avant de quitter l'établissement universitaire pour rejoindre la crèche et récupérer ses enfants. La vie de père célibataire n'était pas des plus faciles, alors il faisait ce qu'il pouvait pour mener cette vie de front : le travail à la bibliothèque, son travail de père, mais également remplacer leur mère. Une tâche qui n'était pas des plus faciles, loin de là, elle avait été essentielle dans sa vie et dans celle de leurs enfants. Thomas, le petit dernier était celui avec lequel c'était le plus facile, il avait à peine connu sa mère, Naomi étant décédée alors qu'il n'avait qu'une seule année, le manque était moins présent. Non, la chose était bien plus compliquée à gérer avec Ellen, mais surtout avec Victoria. La petite fille, la plus vieille, allait avoir 7 ans, et elle se rendait compte que ce n'était pas normal de ne plus avoir de maman. Alors elle parlait beaucoup, une vraie piplette comme était sa mère. Elle ne comprenait pas pourquoi sa maman n'était plus là, elle posait des questions, beaucoup de questions, et Lloyd essayait de lui répondre de la façon la plus imagée possible. Plusieurs scénarios lui étaient venus à l'esprit, mais il ne pouvait pas dire à sa fille que sa mère était morte, le choc aurait été trop brutal selon lui, alors il avait imaginé une histoire. Il avait raconté à Victoria que sa maman était brusquement tombée très malade, et qu'elle avait dû partir se reposer. Dans un endroit très très lointain et qu'elle ne pourrait pas revenir, car son état ne le lui permettait pas. Mais qu'elle pensait souvent à ses enfants. Lloyd avait même écrit de fausses lettres pour que sa fille pense que sa mère lui envoyait des nouvelles. Au final, il ne savait pas si c'était la meilleure des idées, mais il ne voyait pas quoi dire d'autre. Car était-ce sa fille ou lui-même qui n'était pas prêt  d'accepter le décès de Naomi ? Une question terrible et pourtant il aurait pu se la poser. Alors, il devait assumer à la fois le rôle du papa et le rôle de la maman.

Lloyd finissait de ranger certains livres qui traînaient sur les tables d'étude, avant de fermer les dernières lumières d'un coup de baguette dans la bibliothèque. Il aimait ce petit havre de paix, de tranquillité. Son regard balaya une dernière fois la bibliothèque tandis qu'il rejoignait la sortie, sortant finalement son portable pour envoyer un sms à la crèche et prévenir Niamh qu'il allait passer prendre ses enfants. Il avait de la chance d'avoir trouvé cette crèche qui acceptait de garder les enfants avec des horaires aussi larges, c'était une vraie bénédiction, et c'était bien moins cher qu'à Londres. Il referma son portable une fois le message envoyé, et au moment de relever la tête il entraperçut une silhouette dans le couloir qui se dirigeait à pas rapide vers la bibliothèque. Sourcils froncés, il ouvrit la porte et fit teinter ses clés, montrant clairement qu'il allait fermer les lieux pour la nuit. Il faudrait une très bonne excuse à cette personne pour se présenter aussi tard, et malgré le côté paternel de Lloyd, il était aussi un homme ordonné, alors il n'allait pas se mettre en retard pour quelqu'un qui n'avait pas un réel intérêt à une heure si tardive.

Je peux vous aider en quelque chose ? Je m'apprêtais à fermer, il se fait tard...

Lloyd n’était pas un homme sévère, loin de là, mais il pouvait se montrer assez moralisateur à certaines occasions, surtout quand cela touchait à l’ordre dans sa bibliothèque. Il ne cessait de râler après ces étudiants qui rangeaient mal les livres, se retrouvant obligé de sortir les ouvrage d’herbologie du rayon des potions pour les remettre à leur place sur l’étagère dédiée à la botanique et aux plantes. Il avait pourtant instauré une règle simple : un étudiant ne range pas lui-même ses ouvrages, une fois qu’il finit de les consulter, il lui suffit de les mettre sur le portant dédié au rangement, et Lloyd s’en occupera, mais certains veulent rendre service et au final c’est l’effet inverse qui se produit. Et Lloyd est aussi intransigeant sur les horaires, mais peut se montrer souple quand il connait l’étudiant en question ou que la raison est valable. Il pousse souvent les derniers étudiants à sortir de sa salle, mais il est rare qu’un jeune sorcier arrive à l’heure de la fermeture, ou même une jeune sorcière. Le jour se couchait et Lloyd était pressé de récupérer ses enfants à la crèche, pour passer la soirée avec eux, mais voilà qu’une jeune femme, aux joues rougies par son audace, se présentait devant lui. Il lui faudrait une très bonne excuse pour justifier qu’il prenne de précieuses minutes de son temps pour laisser la bibliothèque encore ouverte. Mais la rougeur de ses joues l’attendrissait, cela lui faisait penser à l’une de ses filles qui devenait toute rouge aussi quand elle avait fait une bêtise, pour que son père lui pardonne.

Lloyd connaissait l’étudiante, une jeune lufkin habituée de la bibliothèque, bien qu’il ne l’ait pas encore vue aujourd’hui. Les lufkins sont parmi les plus assidus de la bibliothèque. Il écouta son excuse avec un haussement de sourcil désapprobateur, regardant une fois de plus sa montre qui indiquait déjà deux minutes de retard sur l’heure de fermeture habituelle des lieux. Soupir de renoncement.Bien, je veux bien vous croire, je vous vois suffisamment à la bibliothèque pour savoir que vous êtes une travailleuse. Encore un regard sur la montre, trois minutes désormais. Trois minutes vous dites ? Vous connaissez l’emplacement de votre ouvrage ? Ou voulez-vous de l’aide pour aller plus vite ? Sans le dire, c’était bien un oui qu’il venait de lui donner, il resterait encore quelques minutes pour qu’elle puisse récupérer l’ouvrage qu’elle cherchait tant. Sa bonté le perdra, mais son côté paternel était impossible à oublier.

Lloyd n’était pas un mauvais bougre, il avait beau râler quand il le fallait lors des bavardages trop bruyants des étudiants, il savait se montrer compréhensif, malgré son air toujours un peu sévère, surtout du fait de son métier, la contrariété semblant s’être marquée sur son visage de manière durable depuis le décès de son épouse. Si la jeune fille était assez rapide, il ne serait pas trop en retard pour récupérer ses enfants à la crèche. Il tiqua à l’accent islandais de la jeune femme, ce qui rendait la compréhension plus difficile. Bien, alors si vous savez ce que vous cherchez, allez-y.

Lloyd s’effaça devant la jeune femme pour qu’elle puisse rentrer dans la bibliothèque, plongée dans la pénombre. D’un coup de baguette, l’homme avait rallumé les luminaires suspendues, donnant cet aspect chaleureux à la bibliothèque. Il accompagna l’étudiante pour l’aider à trouver malgré tout l’ouvrage, il avait un sens aigu de l’organisation, nécessaire dans son domaine, et savait précisément où se trouver le moindre de ses ouvrages, même si l’ouvrage dont parlait la jeune femme concernait un domaine qu’il ne connaissait pas. La botanique n’était pas son fort, à part les bases qu’il avait acquis à Poudlard bien entendu. Il fut surpris par la question de l’étudiante. En effet, j’ai trois enfants, j’essaie de les faire rêver, ils sont particulièrement friands des contes de Beedle le Barde, notamment le conte du Sorcier et de la Marmite Sauteuse. Je leur conte également des histoires moldues, comme Cendrillon. J’essaie de faire de mon mieux. Lloyd avait répondu en faisant face à la jeune femme, mais s’était retourné à la fin de son propos, ses yeux devenant brillants dès qu’il pensait à sa femme, elle leur racontait si bien des histoires … Trouvez-vous votre ouvrage ? S’il n’y est pas, il a peut-être été emprunté ou alors se trouve dans la pile d’ouvrages que je dois ranger demain.

Le bibliothécaire aimait son métier pour la richesse des mots d’encre sur les temples de papier, des émotions qu’il a appris à ressentir avec le temps. Même si les archives qu’il classait au ministère pouvaient paraître rébarbatives, il y avait toujours une histoire derrière chaque dossier. Il en était de même pour les livres. Il ne remercierait jamais assez son épouse pour lui avoir appris à aller au-delà de ses échecs pour se réinventer, toujours, pour découvrir de nouvelles passions. Lui qui se voyait poursuivre une carrière de joueur de quidditch avait dû se recycler, et il y était parvenu au final. Il ne connaissait pas cette étudiante, arrivée à peine après la fermeture des lieux, mais il voyait à son appréhension des livres qu’elle aimait elle aussi la sensation qu’ils pouvaient faire ressentir. Lloyd était un homme d’une infinie bonté, et cette bonté naturelle s’était développé depuis qu’il était devenu père. Il ne percevait peut-être pas cette douceur qui émanait de lui, mais il n’imaginait pas laisser la jeune femme se débrouiller toute seule dans la bibliothèque pendant qu’il aurait été en train de l’attendre à l’entrée du lieu en surveillant sa montre. Il était ordonné, peut-être même trop, mais il savait faire preuve de largesse, ce qui lui était toujours bien rendu jusque maintenant. Il n’était pas un bibliothécaire grincheux, juste renfermé et discret. Mais bon et tolérant.

Alors qu’il se dévoilait en quelques mots, la jeune femme semblait avoir trouvé son bonheur. Elle faisait attention aux livres qu’elle empruntait, ce que le bibliothécaire ne pouvait qu’apprécier. Finalement, elle en prit même deux, qu’elle plaça dans le creux de son bras. L’homme sortit le registre des emprunts et une plume, dans lequel il inscrivit la sortie des deux ouvrages de sa bibliothèque. Il conservait toujours ce registre avec lui, n’ayant confiance qu’en lui-même. Ainsi, il savait toujours où était un ouvrage. Mais de rien mademoiselle, vous m’avez l’air d’une élève studieuse, c’est le moins que je puisse faire. Prenez-en soin, c’est tout ce que je vous demande. Tenez, je vous laisse signer le registre ici, dans la case. Une signature qui faisait office de prêt, afin que la demoiselle puisse étudier les deux ouvrages. La bibliothèque s’assombrissait, l’atmosphère était calme, le soir arrivait et le silence les enveloppait.  Quand elle reprit la parole, ce fut comme un carillon effleuré par le vent. Un sourire doux et reconnaissant naquit sur les lèvres de Lloyd. Je ne peux qu’accueillir avec plaisir votre proposition mademoiselle. Je suis sûr que mes enfants apprécieront une nouvelle histoire. Je ne suis que bibliothécaire, et non conteur. Cela doit être particulièrement enchanteur d’avoir des parents aussi inventifs ? La fille et la baleine blanche… Je retiens, c’est un beau titre.