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the lady is a tramp [Sidtri]
Lun 1 Fév 2021 - 11:50
D’un geste de la main tu fais signe au serveur de te servir un verre. Il n’y a pas foule encore, il est tôt dans le monde d’en haut. Mais comme dirait l’autre: y’a pas d’heure pour boire. Surtout, t'attends. Tu sais qu’elle va venir, elle vient tous les jours depuis quelque temps. Pourquoi tu viens ? L’empêcher de faire une connerie ? Franchement qu’est ce qu’elle pourrait faire ? Se retourner le cerveau, coucher avec un inconnu, t’aurais presque plus peur pour le pauvre malheureux que pour elle. Nan, sérieux. C’est pas l’genre de fille qui se laisserait faire si on venait à essayer de lui faire faire quelque chose qu’elle voudrait pas. P’t’être quelque chose que tu trouverais intéressant chez elle.
Accoudé au bar, le verre fait poc en posant, et le liquide ambré qui coule dedans est fort. T’y vas tranquille, c’est du bon, pas besoin de le descendre d’un coup, tu peux savourer. T’es là pour rester ce soir, comme un bon chien de garde qui surveille les environs. Tu portes ton verre à tes lèvres, le liquide brûle ta langue, puis ton oesophage, anesthésie de la première gorgée pour permettre aux suivantes de prendre le même chemin sans hésiter. Enfin tu te retournes, scrutant les alentours. Les visages connus qui défilent, se suivent, t’es toujours dans l’ombre, tu t’arranges pour être un éternel inconnu dans la foule, ça t’arrange bien, comme t’es pas bavard, mais charmant quand il le faut, tu sais te faire oublier.
Finalement, tu la vois la rousse. Elle ne semble même pas chercher son chemin, comme si elle savait déjà où tu es. Peut être qu’elle a un radar fixe dans la tête, peut être même que c’est parce que tu es toujours au même endroit, allez savoir. Tu pourrais changer, innover, créer, mais pourquoi changer une équipe qui gagne ? Vous formez évidemment à vous deux une telle équipe, à la morale douteuse, mais efficace sans le moindre doute. Le fait d’être peu scrupuleux amène souvent à de meilleurs rendements quoi qu’en dise les autres. “Pond.” Elle arrive à ta hauteur. Appuyé contre le bar, tu lui accordes un coup d'œil, la laissant selon le rituel récupérer son propre breuvage sans plus de cérémonie. Tu te trompes rarement sur les gens, parfois tu te gausses à toi même de les connaître mieux qu’ils ne se connaissent eux même, c’est sans doute vrai.
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Re: the lady is a tramp [Sidtri]
Mar 11 Mai 2021 - 21:09
Les yeux rivés sur la glace, j’observe mon reflet scrupuleusement, une moue insatisfaite vissée sur les lèvres. J’ai maigri. Je devine aisément mes côtes sous la bande noire de mon soutien-gorge ; mes cuisses semblent tirer la gueule, devenues presque frêles. Déjà que je n’étais pas bien grosse, à présent, même mes muscles se font la malle. Lâchant un soupir désabusé, mes pupilles remontent jusqu’à ma tignasse d’un noir de jais. Déjà deux semaines que ma rousseur légendaire avait foutu le camp, elle aussi, laissant place à une chevelure aussi sombre que mon âme. J’avais bien essayé de raviver ma flamme capillaire, en vain : à chaque fois, la noirceur reprenait le dessus. Pour éviter de me faire griller en tant que métamorphomage, j’ai fini par baisser les bras, laissant mes humeurs dicter ma couleur, quitte à me faire passer pour une gothique aux airs dramatiques.
Les cheveux attachés en une longue natte, je me rapproche du miroir pour, cette fois, examiner mon visage. Concentrée sur mes traits, je fais disparaître mes cernes et ma pâleur, ajoutant un peu de couleur à cette peau d’albâtre que me valent mes origines. Un peu de rose sur les joues, du rouge pétant sur les lèvres, du noir autour des yeux et le tour est joué, plus qu’à m’habiller avant d’aller noyer mon corps tout entier sous l’ivresse et l’extase, comme tous les soirs depuis peu.
Les apparences – ainsi que ma réputation – sont sauves. Toujours avoir l’air forte, après tout, c’était ainsi que j’avais toujours fonctionné. Des artifices derrière lesquels me cacher, mais qui finissent, quelque part, par faire partie de moi.
Par-dessus mes sous-vêtements en dentelle (en prévision de la nuit que je souhaitais passer), j’enfile un gros pull en laine au col roulé, un jean taille haute, mes indémodables bottines à talons et, enfin, mon inséparable blouson de cuir. Fin prête, je me prends un instant pour me constituer une mine déterminée – encore les masques, toujours les masques – avant de me diriger vers le Styx, éternel lieu de mes vices et de mes péchés.
A peine la porte passée, mon regard capte sa silhouette. A son spot habituel, à croire qu’il m’attendait. Evidemment qu’il est là. Mais que cherche-t-il, au juste ? Me surveiller, me raisonner, peut-être ? Non, ce n’est pas comme s’il en avait quelque chose à foutre de mes déboires. Enfin, assez pour rester là plusieurs heures à s’enfiler des verres avec moi, soutien silencieux comme il savait si bien le faire. Mais ça commençait à faire trop, là. Trop de soirs de suite où je sentais ses prunelles observatrices me détailler discrètement, avec peut-être une once d’inquiétude ? Ou alors d’incompréhension ? Après tout, il n’avait certainement pas l’habitude de me voir dans cet état-là. Je peux comprendre qu’il soit déboussolé, le petit.
Quoiqu’il en soit, j’arrive à sa hauteur et il me salue brièvement, ce à quoi je réponds d’un signe de tête avant de poser mon regard sur le barman. Aussitôt repérée, aussitôt servie, c’est qu’il commençait à bien nous connaître, moi et mes habitudes ! Je lève mon verre de Martini blanc à l’attention de Dimitri puis le porte enfin à mes lèvres.
Instantanément, mes muscles se relâchent. Me voilà qui retombe dans le cercle vicieux des addictions, de l’adrénaline, de l’hyperactivité destructrice – toujours occupée, toujours plus, tout et n’importe quoi pour ne pas avoir le temps de penser. Chassant ses idées de mon esprit, je reporte mon attention sur mon camarade de beuverie. A mon tour de le détailler du regard. Sans aucune gêne, ni aucun scrupule. Je l’observe ouvertement, sans mot dire, le visage fermé, si ce n’est un sourcil haussé. Ça m’amuse. Est-ce que ça le fait chier ? J’espère que oui.
Alors dis-moi, ça fait quoi de se faire dévisager comme ça, hein ? Ce n’est pas très agréable, n’est-ce pas ?