J’avais résisté. Il s’en était fallu de peu pour que l’alcool ne gagne contre mon esprit et ma raison, mais je n’avais pas suivi ce garçon dans les couloirs de l’université, où nous aurions sûrement fini par nous retrouver dans les toilettes ou une salle de cours vide pour faire des choses pas très catholiques. Mais j’avais rebroussé chemin en pensant à Niamh et à Liam. J’avais changé, je devais bien me faire une raison et j’avais réussi à me raisonner à temps. Ce genre de risque ne m’était pas encore arrivé depuis que j’étais avec Niamh, j’étais bien trop occupé pour remarquer si on me draguait ou non, il avait fallu d’une seule soirée de relâchement pour que l’accident ne faille d’arriver. Ca m’avait fait réfléchir. En soi je n’ai rien fait de mal avec ce garçon, il me souriait, j’ai répondu à ses sourires et on a juste dansé ensemble. Ni effleurement de mains, ni contact physique et encore moins de baisers. Juste des regards. Mais je me sentais coupable – et c’était relativement nouveau pour moi. J’avais donc décidé de ne pas rentrer immédiatement. Emmy m’avait prévenu qu’elle ne pouvait pas rester plus longtemps au bal d’Halloween car elle travaillait au Rainbow ce soir. Cela faisait bien longtemps que je n’y avais plus mis les pieds, mais cette soirée semblait être synonyme de retour dans les souvenirs et le passé.

Alors que j’approchais des lieux, je reconnaissais la musique qui en sortait, ni trop forte mais juste assez pour qu’on sache qu’on pouvait s’y amuser. Des garçons se tenant par la main en sortaient, des filles aussi. Un couple s’embrassait langoureusement contre un des murs, les deux lascars finiraient sûrement dans le même lit à s’amuser follement. Ils étaient mignons. Cette atmosphère, cette ambiance festive, ça me manquait un peu je devais bien l’avouer. J’entrais dans le bar où tous, clients comme employés, étaient déguisés. Au moins je ne détonais pas dans mon costume d’Indiana Jones, même si je faisais peut-être un peu plus sérieux ou bon enfant que la plupart, certains ayant des cornes de diable le front ou des ailes de fée dans le dos, le tout était très réaliste, Cléopatra serait sûrement impressionnée de tels sortilèges de métamorphose. Je jette un rapide coup d’œil dans la salle mais je ne reconnais pas grand monde. Le temps où j’étais un habitué des lieux a bien changé, désormais il y a davantage de visages inconnus que de connus, je vieillissais. Emmy elle, était au bar, en train de servir des clients. Je me doutais bien qu’elle ne pourrait pas trop me parler, mais j’avais le temps. Oswald, qui avait repris la direction de l’endroit, n’était pas dans mon champ de vision. Je pris alors un siège laissé vide au bar, avant d’interpeller ma pote de toujours.

Emmy, tu me fais un cocktail de ta spécialité s’il te plait ? J’ai besoin de me rappeler ce que c’est de faire la fête.

Oui, car je ne vais pas lui déballer comme ça de but en blanc que j’ai failli craquer et coucher avec un mec au bal d’Halloween. Pas tout de suite, je n’ai pas encore assez d’alcool dans le sang.

Emmy a changé de tenue pour le coup, mais je ne peux que la reconnaître, on a fait les 400 coups ensemble, et bien plus d’ailleurs, même si aujourd’hui on en rit, toute gêne ayant disparu depuis des années lumière. Elle a gardé ses cheveux en noir et blanc mais sa robe a perdu du tissu, comme si travailler dans un bar imposait un certain uniforme où le tissu n’était pas très valorisé. Je ne sais pas si j’aurais pu travailler dans un tel endroit, non que l’endroit me gêne, au contraire j’y ai passé de sacrées soirées par le passé, mais j’étais davantage habitué à y boire pour finir par y servir à boire. Ma pote est affairée, et même s’il me tarde de lui parler avant de rentrer – car oui je vais bien devoir finir par rentrer – je la laisse finir ce qu’elle est en train de faire, me contentant de l’interpeler. Elle a l’air surprise de me voir. Elle m’avait pourtant invité à passer après le bal, mais elle devait sûrement penser que l’invitation était vaine. J’avais déjà eu l’autorisation de sortie pour aller au bal, pas sûr que Niamh aurait approuvé que je vienne ici au Rainbow après. Mais je ne le lui cacherai pas, je lui expliquerai que j’avais besoin de voir Emmy, rien d’alarmant. Mais je ne voulais pas commencer à lui cacher ce que je faisais, car au fond même si je pouvais donner l’air d’être devenu un canard, j’étais bien heureux de ma situation, et Niamh ne m’imposait rien. Elle me laissait libre et j’avais appris comme un grand à assumer certaines responsabilités, dont le poids s’était alourdi depuis la naissance de notre fils. C’est peut-être ce poids des responsabilités qui avait failli me faire craquer ce soir au bal, à moins que ça ne soit cette responsabilité qui fasse de moi un adulte et non plus un adolescent imbu de lui-même en chasse constante après une compagnie pour la nuit. J’avais bien changé depuis la fin de mes études, je devenais – enfin diraient les mauvaises langues – adulte. Et Emmy semblait parfois peinée, on ne se voyait plus aussi souvent qu’avant et on faisait bien moins la fête. Mais ce soir, je dérogeais à la règle et j’avais envie de passer un peu de temps en dehors de cette vie d’adulte. En tout bien tout honneur bien sûr.

Une fois qu’Emmy est revenue, elle me fait la bise, signe de sa joie de me voir présent. J’ignore si Sasha nous suivra aussi, ce n’est pas trop son univers, mais qui sait ? Je suis loin de me douter que le rouge à lèvre de la jeune femme a marqué ma joue, il serait de bon aloi que je m’en aperçoive avant de rentrer au domicile conjugal si je ne veux pas dormir dehors ou sur le canapé.

Ecoute c’est gentil, et d’une certaine façon on peut dire que c’est ma fouille archéologique de la nuit cette soirée. Ca faisait des lustres que je n’étais pas venu ici.

Combien de temps à vrai dire ? Plus d’un an, voire même un peu plus, je me suis calmé lorsque je me suis rapproché de Niamh et après la naissance de Malachi, mon aîné. Oui facilement un an et demi, et entre temps le propriétaire a changé et désormais c’est Oswald qui tient la boutique. Encore d’autres souvenirs, mais c’est une autre histoire.

Ne t’inquiète pas, je suis habitué à te voir la tête en l’air. Comme je te disais, je prendrais bien un cocktail de ta spécialité. Fais moi des merveilles, j’ai envie d’être surpris. Et de boire, mais ça, ça ne change pas ! Je t’avoue que c’est pile ce à quoi je pensais : on a tellement passé de temps ici à boire des coups que te voir y servir m’a surpris au début. Mais tu t’y plais ? Oz n’est pas un trop mauvais patron ? Avec un pote comme patron, c’est quitte ou double, soit c’est l’éclat’ soit c’est l’horreur.

Je dis tout cela sur le ton de la plaisanterie bien entendu. Cela fait du bien de revenir aux sources parfois : pas de tracasserie, on profite de l’instant présent et c’est tout.

Emmy et moi, c’est une vieille amitié, une de ces amitiés qui fait que l’on connait si bien que l’on peut facilement pointer du doigt avec humour nos petits défauts sans qu’on le prenne mal, même si on peut faire penser le contraire. Ainsi, si je la taquine et qu’elle plisse le nez légèrement, je me sens à nouveau jeune comme quand on se taquinait en cours à Poudlard ce qui nous valait des remontrances des professeurs. Je suis content de la voir ici, derrière ce comptoir, on a finalement tellement fréquenté de bars que j’ai toute confiance en ses capacités à gérer ici, et puis elle travaille pour Oswald, il peut être dur mais il est juste et sympa. Même si l’on s’est un peu éloignés depuis qu’il s’est marié.

Ca ne peut être que ton sourire ravageur je ne vois pas quoi d’autre ! Mais vas-y impressionne-moi.

Je la regarde préparer mon cocktail avec attention, je vais avoir le droit à un cocktail spécial Caël, la classe. J’aperçois une bouteille de rhum, je sens que je vais l’apprécier. J’espère juste qu’il ne soit pas trop fort, Niamh risque de me faire une remarque si je sens l’alcool en rentrant. Ca a l’air d’une petite danse, quand elle me présente mon verre d’où s’échappe une légère fumée. Sympa ! Je goûte, une lueur de malice dans les yeux.

Pas mal pas mal, on sent bien le rhum et le sirop de violette donne une sucrosité sympa mais un peu traître. Non vraiment, chapeau. Et il a un petit nom ce cocktail ?

Tandis que je goûte et donne mon avis, d’autres clients réclament l’attention d’Emmy. C’est qu’elle est demandée ! Ou alors c’est mon cocktail qui attire les curieux.

Non franchement, très bon ! Et pour répondre à ta précédente question, ça va bien, même si j’avais besoin un peu de parler après le bal. J’y suis allé sans Niamh et pour être honnête, si je viens venu ici c’est pour éviter de faire une grosse bêtise…

Je reprends une gorgée, j’ai encore la silhouette du jeune homme en mémoire, et ses clins d’œil insistant pour que je le rejoigne à l’extérieur. A une époque, j’y serai allé sans hésiter. Mais aujourd’hui, tout était différent.

Il y avait un petit mec bien mignon au bal et il m’a fait du rentre-dedans. A une époque, je l’aurais rejoint, mais là c’est un peu différent tu vois ?

Le cocktail est vraiment bon, je ne suis pas un expert en mixologie, me contentant d’ordinaire d’une biérraubeurre (ou de dix) ou de whisky pur feu, comme on a l’habitude d’en boire ici en Ecosse, mais je dois avouer que j’aime plutôt bien la création totalement impromptue que vient de me préparer Emmy. Je lui demande si ce cocktail a un nom et je ris de bon cœur quand elle me donne sa réponse, un nom en lien avec mon propre prénom c’est flatteur, à voir s’il convient à tous les goûts maintenant. A une époque un peu plus folle, quand j’avais moins de 30 ans (oui ça fait mal), j’aurais facilement payé une tournée entière de ce cocktail pour tous les clients afin de tester leurs goûts sur le Caëlilo. Tout cela me replonge dans ce qui a failli se passer ce soir. Je le sais, au fond de moi, que je n’ai rien fait de grave, je n’ai pas consommé, je n’ai pas suivi ce jeune homme pour aller plus loin, il n’y a eu qu’un contact visuel et quelques sourires, rien de plus, aucun contact réel au final, mais je ne peux me départir d’un certain sentiment de culpabilité que je n’arrive pas à quitter. J’ai tout le temps pour cela, pendant qu’Emmy sert d’autres clients. J’espère que je ne vais pas lui attirer d’ennuis, à lui parler pendant qu’elle travaille. Au pire, je m’arrangerai avec Oz, on se connait tellement. Une fois revenue, Emmy a l’art de tout dédramatiser. Heureusement qu’elle est là.

Je sais bien que je suis sexy (je rigole) mais ça m’a rappelé à mes vieux démons. En effet, je ne l’ai pas rejoint, mais il y a encore une petite part en moi qui aurais voulu le rejoindre, et j’ai peur qu’un soir si je bois un peu trop je laisse cette part sombre en moi s’exprimer… J’ai tellement de chance d’être avec Niamh tu sais, bon je sais que depuis qu’on est ensemble, on fait moins la fête, mais tout est tellement différent. Je me sens coupable d’avoir répondu au regard de ce mec.

Son regard malicieux rencontre le mien. Un regard que j’évite d’avoir devant ma fiancée pour éviter de la rendre jalouse, sachant qu’il n’y a rien qu’une profonde amitié entre Emmy et moi.

Mais bien sûr que je suis venu te voir personnellement, tu le sais bien ! Je sais que je peux me confier à toi, tu sais tout de moi après tout. Comme cul et chemise.

Je rigole, je ne peux que rire, car il n’y a qu’Emmy pour avoir ce genre de répartie. Je ne m’étais pas trompé en venant ici, je savais qu’elle me changerait les idées, sans que j’ai besoin de dépenser ma semaine de salaire en biérraubeurre (ce qui était tout de même pas mal, qu’on se le dise).

J’aurais bien dit que j’étais le cul, mais vu le lieu si des oreilles indiscrètes traînent je risque d’avoir des mains aux fesses avant de partir, on va éviter.

Je continue de boire mon cocktail pendant qu’Emmy s’occupe des autres clients. Je suis surpris de ne pas voir Oswald ce soir, je le trouve assez tourmenté aussi ces derniers temps, comme si tout n’allait pas pour le mieux dans sa vie. On a tous nos problèmes, et je dois sûrement me plaindre d’aise en me plaignant d’avoir souri à un jeune homme qui me draguait. Après tout ,Emmy avait raison, je n’avais rien fait de mal, je n’avais pas trompé Niamh. Mais je pense qu’au fond de moi je manquais encore de confiance, non pas en elle ni en notre couple mais en moi : j’avais peur un jour de refaire le con et de la décevoir, détruisant tout ce que l’on avait construit ensemble. Je rigole légèrement.

Mon petit doigt me dit qu’elle ne serait pas vraiment ouverte à ce genre d’ouverture, et je ne sais même pas si je prendrais du plaisir, après tout il y a toujours ce goût de l’interdit qui me reste. Alors oui, je n’ai rien fait de grave, mais je n’ai pas envie de tout gâcher. C’est tout.

La dernière phrase d’Emmy m’intrigue.

Ecoute, elle ne m’a rien dit en ce sens …. Tu sais des choses que j’ignore ?

C’est marrant de voir Emmy travailler et évoluer ici. On a toujours été des piliers de barre avec nos potes, mais aujourd’hui, elle est de l’autre côté, et elle doit bien s’apercevoir à quel point la mission du barman est intéressante mais aussi prenante. Et heureusement, elle ne semble pas avoir de table comme celles que l’on composait ensemble à l’époque. Même si je prends sur son temps de travail et qu’on ne peut pas être totalement posés et à l’écart, j’apprécie ce moment passé avec elle. Ca me rappelle ma jeunesse. Je sais qu’elle me comprend, je sais que l’on parle le même langage pour avoir expérimenter de nombreux moments de vie à deux ou avec Sha et Oswald. Les quatre terribles. Je rigole alors que je continue de déguster mon verre, elle a raison, à quel moment je pourrais imaginer Niamh se confier à Emmy sur notre relation ? Non si je devais aller voir quelqu’un ce serait sûrement Fiona ou même Dhan, mais ni l’un ni l’autre ne me dirait la vérité je pense, la seule à qui je devais de toute manière en parler, c’est bel et bien Niamh, surtout quand notre mariage approche. Nous ne sommes qu’à Samain, mais Ostara sera là avant même que l’on s’en aperçoive. C’est peut-être cette proximité qui commence à me faire peur. Le mariage m’a toujours fait peur.

Oui, tu as raison. Je dois sûrement devenir un peu parano, les fiançailles, le mariage, tout ça, ça me travaille.

Et plus que je ne le pensais apparemment. Nouvelle gorgée, il est vraiment bon ce cocktail. On change de sujet, plutôt que de s’inquiéter autant parler du garçon en question.

Oh un petit minet. Il était déguisé, donc je n’ai pas pu bien voir son visage, mais plus jeune, un étudiant, pas plus que la 5ème année je pense, mignon, châtain on aurait dit, et un regard très intense. J’ai clairement senti ce qu’il cherchait. Et tu sais bien que j’aime ce genre d’audace.

Un enterrement de vie de garçon. C’est pour ça que j’aime passer du temps avec Emmy, et je regrette parfois qu’elle et Niamh ne s’entendent pas un peu mieux, après tout nous pourrions faire de supers soirées faites de biérraubeurres et de bons petits plats (je devais bien avouer que mon régime alimentaire avait bien changé depuis que j’habitais avec Niamh, c’était un vrai cordon bleu, là où mon alimentation se composait auparavant essentiellement de plats à emporter, la bourse aidant à ne pas mourir de faim). Mais elles ne s’entendaient pas, alors c’était un peu délicat. Mais Emmy avait cette faculté de me faire rire de tout, et de détendre l’atmosphère. Je n’étais pas surpris qu’elle travaille ici, avec Oz. Elle avait l’esprit suffisamment léger pour gérer les situations de crise et les clients passablement éméchés. Cet enterrement de vie de garçon sera exceptionnel, je n’en doute pas, même si parfois je devrais me méfier un peu plus, laisser Sasha et Emmy aux commandes pouvait donner un résultat détonnant. La dernière grosse soirée de folie avant de rentrer dans une vie plus calme et plus sereine. Même si je ne comptais abandonner sur les soirées de beuverie, que je sois un père de famille responsable ou non. Mais j’en aurais besoin, moi qui ai toujours eu peur de l’engagement, je m’apprêtais à faire la chose la plus difficile pour moi : franchir le pas. Il serait sans retour, je le savais. Mais je me sentais prêt, car Niamh savait faire ressortir le meilleur en moi.

J’espère que vous avez commencé à passer commande pour les tonneaux de biérraubeurre car ça va couler à flot à cet enterrement de vie de garçon. Ne t’inquiète pas, j’ai les potions parfaites contre la gueule de bois, c’est toujours très utile. Faire la fête avec vous me manque tu sais.

Son sourire est limpide, on pense à la même chose. A toutes ces soirées où je disparaissais sans mot dire, pour rejoindre un jeune homme aux toilettes, ou pour en choper un autre dans un coin de la boîte. J’étais assez gourmand en ce temps-là, heureusement, je m’étais calmé. Emmy me laisse un moment, juste assez pour que je pense à envoyer un message à Niamh pour la rassurer malgré l’heure tardive. Elle doit sûrement dormir, mais au moins elle sait que tout va bien. Je finis mon verre alors qu’Emmy revient vers moi.

Tu as raison, il devait sûrement être un mauvais coup, on va dire ça en tout cas. Et bien écoute, vas-y resserre-moi un verre, Niamh sait que je vais rentrer tard de toute façon. Et toi quelles sont les nouvelles ? je ne vais pas parler que de moi !

Alors qu’Emmy me ressert un autre cocktail spécial moi, et que je tends la main pour l’attraper et le boire, je la vois m’en voler une gorgée. Je la reconnais bien là, combien de fois on perdait nos verres en soirée et où l’on se retrouvait à boire dans le verre des autres ? c’était la belle époque, celle où l’on ne songeait pas trop à notre avenir et où l’on profitait de l’instant présent. Son sourire semble signifier que je peux le boire sans risque. Ce que je fais immédiatement. Je sens davantage le rhum que lors du premier cocktail, mais ce n’est pas pour me déplaire. Je fronce les sourcils alors qu’elle se penche vers moi, comme pour me confier un secret, avant de rire de bon cœur.

Mais je ne vois absolument pas de quoi vous parlez, que suis-je censé ne pas avoir vu ? Il ne s’est rien passé voyons, j’ai demandé un cocktail et il est très bon, voilà ce que je dirai au patron !

Je surjoue, mais le cœur y est. D’ailleurs, je jette un coup d’œil aux alentours mais je ne vois pas Oz. On se voit beaucoup moins ces temps-ci, il a sa vie, j’ai la mienne, et c’est peut-être plus simple parfois. Tant que l’on se donne des nouvelles, c’est le principal. C’est ce qui fait un bon ami : ne pas se voir pendant des lustres et quand on se retrouve, avoir l’impression de s’être vu la veille tant la complicité est restée la même. En parlant de nouvelles, je prends celles d’Emmy. Elle fait mine d’être blasée par la fête. La blague oui !

Ha l’Egypte, ça fait un bail que je n’y suis pas allé tiens. Mes missions m’amènent quand même à rester prioritairement sur le sol britannique, les affaires internationales sont rarissimes. Profite tant que tu peux voyager. Et ramène moi un souvenir ! J’ai mémoire qu’ils vont une liqueur de scarabée pas dégueu du tout. Disons une caisse ?

Le sujet dérive ensuite sur l’ancien coloc d’Oz.

Mais non ? Mais attends il faut que tu me racontes tout, comme ça se fait que vous ayez couché ensemble ? Et alors, ça s’est passé comment quand vous vous êtes revus ? Il y a de la tension (sexuelle) dans l’air ? Coquine va ! Il était plutôt beaugosse dans mes souvenirs.

Oh non, je n’ai rien perdu de ma gourmandise. Ce n’est pas parce que je me suis rangé sur le plan sentimental que je suis devenu un moine, l’alcool est toujours un objet de grande importance à mes yeux, et quand je fais une soirée, je mets toujours un point d’honneur à ce que personne ne manque de rien. Et de la liqueur de scarabée ça a toujours du succès, surtout en fin de soirée quand on veut finir sur une touche sucrée mais pour autant forte à en décoller les tympans. Oui car cet alcool a le défaut de rendre sourd quelques heures, mais c’est un détail, où serait le plaisir s’il n’y avait pas d’inconvénient ? Bon, je suis peut-être gourmand avec une caisse, mais qui ne tente rien n’a rien n’est-ce pas ? Manque de pot, Emmy se montre plus coriace que je ne pensais. Elle se montre malicieuse. Alors je le suis sers ma tête de chat potté, avec les grands yeux larmoyants, ce qui doit être assez comique dans ma tenue d’aventurier à la Indiana Jones.

Tu as vraiment intérêt à en faire des aller-retour en Egypte, parce qu’une bouteille, c’est tout juste bon pour une soirée. Ne me force pas à aller en chercher moi-même ! Je risque de revenir avec une momie maudite accrochée aux basques, avec ma chance légendaire.

Je devrais peut-être garder cette tenue d’ailleurs, si je venais à voyager en Egypte. Et qui sait, peut-être que je pourrais y trouver un tapis volant au marché noir, la Grande-Bretagne est très stricte sur le sujet, mais comme déco ça peut être sympa non ? je suis sûr que Niamh serait dure à convaincre, mais une touche orientale, c’est sympa. En parlant de touche d’excentricité, je l’interroge au sujet d’Arthur. Avec Emmy, on se confie tout, il faut dire que dans notre petit groupe, on ne s’est jamais rien caché, et avec Emmy encore moins. Aucune pudeur de gazelle. Elle me taquine, mais elle a très bien compris ma question.

Ha l’excitation de l’aventure, et le sexe sous une tente ensablée ça doit être sympa. Toi timide après une telle aventure ? Tu me surprends, tu m’as habitué à davantage d’audace. Je veux connaître les prochains épisodes, promets-le moi ! Je veux tout savoir. Ma vie est calme à côté de la tienne, alors permets moi de vivre tes aventures par procuration !

Oui, j’en suis réduit à ça. Mais je m’en fiche, ça m’amuse de la voir s’amuser comme j’ai pu le faire par le passé, mais je dois avouer que je ne m’y attendais pas. Arthur, décidément. Une fouille archéologique, c’est d’un exotisme !

Allez, un dernier verre et après je file, il se fait déjà tard. A moins que ça soit bientôt la fin de ton service ?