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T'es comme le parpaing de la vie sur la tartelette aux fraises de mes illusions
Mar 22 Fév 2022 - 20:47
« Comment c’était, de retourner à Durmstrang ? » Tu demandes, candide, observant les volutes vaporeuses qui flottent au-dessus de ta tasse. Tu ne parviens pas à retrouver le goût du thé du samovar de Timur, celui qu’il t’a laissé lorsque tu as commencé à prendre ton indépendance. Tu ne sais pas où il se trouve actuellement et, tu espères, que quelqu’un un jour mettra la main dessus et lui fera honneur. Le thé local n’a pas le goût de celui des steppes, il n’y a pas l’arrière-goût froid du vent, l’odeur de sable et d’herbes battues par les vents, ici le thé a un goût de meubles trop usés, de la chaleur d’une présence, des vieilles pierres qu’on a écrasé de milliers de pieds. Tu relèves le regard et offre une risette qui monte jusqu’aux yeux, Rosemarie n’est plus la gamine un peu effrayée de première année que tu croisais parfois au détour d’un couloir, que tu as eu du mal à rapprocher de la femme pétillante sur les festivals, il y a quelque chose de plus vieux dans son regard, dans sa posture, dans la courbe de sa mâchoire. « Ah pardon. » Tu lâches d’un ton léger en te redressant ; les politesses d’usage ont été échangées lorsque vous vous êtes retrouvés devant le salon de thé. « J’espère que les choses se passent bien ? » Pendant trois décennies, presque quatre, tu as été direct, droit au but dans tes questions et dans tes affirmations, parce que c’était comme ça qu’on t’avait élevé ; c’est avec les étrangers qu’on détourne le regard, qu’on joue avec les mots et les vérités et pour toi le monde était ta famille. Ici, pourtant, on t’a fait comprendre par des postures crispées, des petits rires gênés, des silences, que les traiter en proche était intrusif, aussi as-tu appris les politesses feutrées, les fausses inquiétudes, les demandes détournées que tu manies tout de même avec une certaine maladresse qui te rend autant mal à l’aise que tes interlocuteurs.
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