Cours de potion. Le sujet du jour est difficile, et pour cause, nous apprenons enfin la difficile recette du Felix Felicis. Imaginez, passer des heures et des heures au-dessus d’un chaudron, une préparation dont les différentes étapes se répartissent sur plusieurs mois, tout cela pour aboutir à une minuscule fiole de chance liquide, dont nous n’aurons même pas le droit d’en faire usage, tant notre professeur de potions nous le déconseille. Encore faudrait-il que certains d’entre nous parviennent à réussir cette potion. Une invention du potionniste Zygmunt Budge au XVIème siècle et qui nécessitait de nombreux ingrédients tous plus rares les uns que les autres, sur la table de travail on pouvait trouver pêle-mêle des œufs de serpencendre, extrêmement fragiles car inflammables si on les approchait trop près d’une flamme ou d’une étincelle, ou encore un œuf d’occamy, un bien si précieux que ces créatures avaient longtemps été la cible du braconnage le plus atroce. Et pour une potion aussi difficile à préparer, nous avions été répartis en binôme. Dans d’autres circonstances, j’aurais essayé de me mettre avec Octave. Non pas que notre « relation » ou ce qui semblait exister soit officielle, mais nous comptions parmi les meilleurs étudiants en potions, cela aurait été logique. Mais le professeur avait composé lui-même les binômes, et je me retrouvais avec une camarade que je connaissais à peine, @Raven Stone , une pokeby. Pourquoi pas, l’essentiel était de réussir la potion, alors j’espérais qu’elle se débrouillait bien même si elle n’avait pris la matière qu’en option.

Pour l’heure, et alors que le cours avait déjà commencé depuis plus d’une heure, notre potion mijotait à feu doux sur un feu violet du fait de son origine magique et des poudres que l’on y avait glissait dedans pour une très faible température, et j’étais occupé à piler des coquilles d’œuf d’occamy, une tâche sportive et assez difficile car ces coquilles étaient faites de l’argent le plus pur. Les étapes étaient fastidieuses, et j’avais appliqué quelques gouttes de potion de dispersion pour permettre une atomisation plus rapide des coquilles d’œuf. Mais cela restait difficile, et je suais à grosse goutte, j’avais tellement chaud que malgré les températures peu élevées dans la pièce, j’étais en teeshirt, et je sentais que celui commençait à me coller à la peau tellement je suais. Raven, de son côté, était en train de s’occuper des tentacules de murlap, tout en surveillant la potion et les étapes notés sur un parchemin entre nous. Je fis une pause, histoire de boire un peu d’eau et de m’enquérir de l’avancée des opérations.

Alors Raven, tu t’en sors ? Les tentacules de murlap ne sont pas trop élastiques ?

J’éponge mon front du revers de la main (ce qui est terriblement sexy, mais je ne m’en rends pas compte, oups)

je transpirais à grosses gouttes. J’étais pourtant assez sportif malgré mon profil d’érudit et de rat de bibliothèque, et pourtant je ne pratiquais pas ce sport phare chez les sorciers qu’est le quidditch à cause d’un vertige important en hauteur. Non, mais j’étais un fils de l’eau, et j’adorais nager, ce qui m’avait permis de gagner en force. Et il en fallait pour réduire en poudre ces coquilles d’occamy. Certains auraient pu pensé qu’un sortilège aurait été suffisant, mais tout bon potionniste sait bien qu’un sortilège altère les propriétés magiques des ingrédients, surtout ce type d’ingrédient. J’observais du coin de l’œil Raven, en train de hacher les tentacules de murlap. Et elle avait l’air de bien galérer aussi tant ces tentacules étaient gluantes et élastiques. Il fallait la mériter cette potion, je n’étais pas étonné qu’elle soit si rare. Et en même temps vu ses effets… Je voyais ses efforts aux grimaces qu’elle faisait. Naturellement, et par gentillesse pour ma binôme du jour, je lui demandai comment elle s’en sortait. Elle semblait avoir trouver la bonne manière de le faire, et je lui faisais entièrement confiance, elle ne serait pas arrivée en neuvième année si elle n’était pas douée ! Nous n’étions plus au collège, l’université exigeait un niveau bien plus élevé. Mais Raven avait quand même l’air d’être rescapé d’une bataille avec une créature marine, tant sa chemise à carreaux était tâchée de liquide jaunâtre dont on peinait à identifier la provenance sans avoir le contexte.

Je relevais la tête tandis qu’elle me livrait une information sûrement essentielle : les effets secondaires d’une ingestion massive de tentacules de murlap, à savoir l’apparition de poils violets dans les oreilles. Je rigolais avec un éclat de rire franc, dévoilant mon sourire.

Figure-toi que je l’ignorais ! Et comment as-tu eu cette information ? ne me dis pas que tu as déjà été victime d’un tel incident, ou t’imaginer avec des poils violets dans les oreilles va définitivement me déconcentrer ! mais qui ingère des tentacules de murlap de toute manière ? Ca se mange ?

Peut-être en Grande-Bretagne, car en France on préférait les escargots et les cuisses de grenouilles aux tentacules de murlap.

Les tentacules de murlap, qui pouvait croire que certains en mangeaient ? Pas moi en tout cas, je les utilise uniquement pour les potions, et jamais je ne les mangerai cru ou même cuit. Même si cela me donne des idées, moi qui m’improvise mixologue quand je fais des soirées avec mes amis, je pourrais très bien créer un nouveau cocktail violet et essayer de faire en sorte que cela fasse apparaître ces fameux poils violets dans les oreilles, ça pourrait être très marrant, à condition que ce soit temporaire et que l’on puisse en guérir les effets facilement. Je sens que Raven s’affole à moitié quand je sous-entends sur le ton de l’humour qu’elle aurait pu expérimenter la chose. Elle m’explique alors que cela est arrivé à sa mère, et pourquoi certains en mangent. Il est vrai que j’avais lu des articles sur le sujet, mais j’avais alors estimé que de tels rumeurs contribuaient à la chasse aux murlaps et soient à l’origine de leur disparition des écosystèmes classiques. Un peu comme la corne de l’éruptif en son temps, les créatures fantastiques sont encore trop souvent chassées et braconnées pour les propriétés magiques qu’ils présentent : les œufs d’occamy, les tentacules de murlap, le sang de licorne, les cornes d’éruptif… leur exploitation n’avait rien de choquant si cela était respectueux du bien-être animal, mais parfois j’en doutais. Je vérifiais toujours l’origine des ingrédients provenant d’une créature fantastique. J’espérais qu’Hungcalf aussi. Je ris sincèrement à cette anecdote, j’imagine bien la scène.

Ecoute, ça peut être une expérience à l’occasion, je suis étonné qu’aucun sorcier ne se soit penché sur une solution de résistance à base de tentacules de murlap si ça marche si bien.

Je souris face à l’idée de manger de telles tentacules.

Allez, même si on te met au défi tu ne le ferais pas ? J’avoue que cru, ça donne assez peu envie, mais grillé comme du poulpe ou en carpaccio, why not.

J’insiste bien sur l’imaginaire de mes idées, car je vois les grimaces de Raven en train de découper ces tentacules. C’est vrai que ces appendices sont spongieux et élastiques, on dirait vraiment des tentacules de poulpe ou de calamar, mais en moins sexy et plus dégoûtant. Mais toujours plus simple que de réduire en poudre ces œufs d’occamy, je m’évertuais dessus et le résultat était loin d’être celui que j’espérais.

Je souris franchement, la scène devait vraiment être comique, si je voyais demain ma mère avec des poils violets sortant des oreilles, pour sûr que je ne pourrais pas m’empêcher de rire, même si je me prendrais immédiatement une réflexion de mon père. J’avais beau être dans une famille aimante, mon père avait reçu une éducation assez dure, et parfois il pouvait se montrer assez pointilleux, c’était peut-être de lui que je tenais mon côté moralisateur face à Octave ou d’autres étudiants lorsqu’ils méprisaient ouvertement les règles ? Je doute tout comme Raven de l’efficacité des tentacules de murlap pour résister aux sortilèges, mais ce dont je ne doute pas c’est qu’une telle pilosité doit suffire à déconcentrer un adversaire moyen pendant quelques secondes, ça doit sûrement jouer lors d’un duel, même si je ne suis pas un expert du domaine. Mais je reprends mon sérieux, Raven soulève une question intéressante. Alors qu’elle réfléchit à voix haute, je m’interromps dans la réduction des coquilles d’œuf d’occamy en poudre. Je ne perçois pas tout de suite l’ironie de ses remarques, mon côte terre-à-terre lukfin sans doute.

3 ans, 4 mois et 22 jours ? A 11h38 un jour de pleine lune ? Mais pourquoi aussi précis, tu as déjà fait les calculs ? Je sais que la lune a de nombreux effets sur les potions et même en alchimie donc peut-être.

Nouvelle grimace de Raven alors que l’on évoque la possibilité d’en manger. D’ailleurs, mes propos imagés la font réagir, et elle arrête de trancher les tentacules pendant quelques instants, me regardant comme si un Grymm venait de sortir quelque chose de gentil et désintéressé.

Tu ne sais pas ce que tu rates, du poulpe préparé en ceviche, ou juste grillé au barbecue avec des herbes de provence, il n’y a rien de meilleur. Surtout les petits poulpes, on peut les faire frire aussi, un délice.

On sent ici toute mon origine française. Surtout quand il s’agit de plats provençaux à base de produits de la mer, la bouillabaisse de Beauxbâtons est réputée pour son fumet inégalable.

Allez chiche ! On prend deux tentacules, une chacun, et on goûte ça après le cours.

Oui oui, « on » et non pas « je ». Autant en rire tous les deux si des poils violets viennent à apparaître. Mon nez me gratte, alors je le gratte (logique n’est-ce pas), ce qui me laisse une trace de poudre d’œuf argenté sur le bout du nez. Toute personne normalement constituée me le signalerait pour l’enlever. Ou alors déciderait de me l’enlever elle-même.

Mon côté Lufkin est plus fort que tout, et même si je fais des efforts pour ne pas finir rat de bibliothèque, j’ai souvent tendance, surtout en potions, à tout prendre au sérieux, et cette fois ne fait pas exception. Raven rigolait, et moi j’y ai cru comme si c’était un fait scientifique avéré. Au fond ça n’était pas si délirant que ça, j’avais déjà eu à faire des expériences alchimiques qui avaient ce genre d’instructions : Faire bouillir l’essence de lune pendant la troisième nuit de pleine lune, pendant 17 minutes, ou 19 minutes en cas de ciel nuageux, puis ajouter 3,24 grammes de minerai réduit en poudre à la lumière du soleil couchant quand le ciel se teinte de rose. Autant dire que j’ai déjà raté cette étape, ce qui m’avait valu une solution explosive à ne pas mettre entre toutes les mains. Je rougis légèrement quand Raven me fait remarquer ma crédulité. Ce que je peux être niais des fois. Mais la gêne ne dure pas longtemps, car elle me tend une perche qui me permet de rire gentiment à ses dépens.

Tu as des origines françaises également ? D’où précisément ? Comment peut-on avoir du sang français et ne pas aimer les produits de la mer ! Calomnies ! Rien ne vaut une bonne sole meunière ou tout simplement un plateau de fruits de mer ! Mais je te rassure, je ne suis pas fan non plus des cuisses de grenouilles, je préfère de loin les escargots.

Conséquence peut-être de ma culture à la fois sorcière et moldue, je parle avec autant de facilités de potions, d’alchimie, mais aussi de mixologie et de cuisine. Ma mère m’a toujours dit que les meilleurs potionnistes étaient forcément de bons cuisiniers, car la technique est assez semblable, même si en effet en cuisine on prépare rarement des tentacules de murlap. A la réponse de Raven, je prends un air taquin.

Alors là c’est déloyal, si j’essaie, tu essaies aussi. Des poils verts ? Je croyais que c’était des poils violets ? Mais allez, c’est mignon au pire. Ne me dis pas que tu as … peur ?

Car un Lufkin, lui, n’a jamais peur, ni du ridicule ni de l’échec, car ce qui compte c’est l’expérience. Combien de fois j’ai eu des résultats hasardeux suite à un expérience qui avait eu des effets drôles et autant d’histoires drôles à raconter ! Alors je ne suis plus à une expérience près, surtout avec les tentacules de murlap, mais je ne mangerai jamais ça cru, ça a l’air trop visqueux. Tout l’inverse des coquilles d’occamy qui sont durs comme la pierre. D’ailleurs, je n’avais pas remarqué mais apparemment j’ai une poussière sur le coin du nez, et je vois le gros doigt de Raven se rapprocher de mon visage. Mais ça prenait un peu trop de temps, elle semblait ne pas réussir à retirer la poussière. Mais je sentais surtout quelque chose de visqueux et froid sur mon nez. Mon esprit ne met pas longtemps à faire le lien.

Et mais tu me mets du murlap partout ! Avoue, tu le fais exprès, tu trouves que je n’avais pas encore assez de poussières d’écaille sur le visage c’est ça ?  Tu t’en sors ?

Le fou rire est contagieux, et même si le professeur va nous entendre, je pouffe à mon tour.

De France ou d’ailleurs, une chose est sûre, j’ai mis le doigt sur un semblant d’explication. Ou pas au final. Je suis un peu surpris, étant moi-même français, j’ai été habitué très jeune à manger du poisson, notamment à Beauxbâtons où la spécialité reste la bouillabaisse, et je ne suis pas trop d’accord sur l’odeur du poisson, mais je ne vais pas la contredire, les goûts et les couleurs, il en faut pour tout le monde !

Ah je peux comprendre, il faut avouer que l’odeur du poisson est tenace, d’ailleurs, concernant ces murlap, je pourrais dire la même chose, l’odeur est peu attirante et c’est bien pire que l’odeur des encornets ! Je dois t’avouer, tant qu’on en est aux confidences, que j’aime beaucoup le poisson de mon côté, ça me rappelle la mer, et comme j’aime beaucoup nager, je le vois de manière positive. Et pour revenir sur ta dernière phrase, je peux te citer plein de mets qui sont délicieux malgré leur odeur, ne serait-ce que le fromage !

Non pas que Jules soit moqueur, mais la réaction de Raven à la mention des escargots ne pouvait que faire rire le garçon. Décidément, la jeune femme était bien difficile. Lui, comme tout bon lufkin, était prêt à tout tester, il n’était gère étonnant que ce soit un Lufkin qui se soit fait connaître pour avoir porter une méduse comme couvre-chef. Nous étions de vrais explorateurs. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

Dis-moi, si ce truc te dégoûte tant que ça, pourquoi tu ne m’as pas demandé d’inverser nos tâches ? J’aurais pu m’occuper des tentacules de murlap et tu aurais pu faire les coquilles d’œuf d’occamy, de base je l’ai fait car il faut plus de force mais on aurait pu inverser !  

En homme galant, à la française, jamais Jules n’aurait sous-entendu qu’il fallait être un homme pour écraser des coquilles d’œufs durs comme du diamant, mais il ne s’était même pas posé la question, les tâches s’étaient réparties naturellement, et il n’avait pas du tout demandé à Raven si elle préférait l’une ou l’autre des corvées. Maintenant, il s’en voulait.

La viscosité de ces tentacules ne me fait pas peur !

Ignorant la texture gélatineuse de l’ingrédient et tout en surveillant que le professeur ne soit pas dans les parages, j’attrapais quelques tentacules pour les mettre dans la poche de ma veste. J’espérais juste au fond que les tentacules ne tâcheraient pas le tissu irrémédiablement, j’aimais bien cette veste moi, ça m’allait bien le jean. Mais ce n’était pas ce qui devait l’inquiéter le plus, car désormais, il était face à une jeune fille morte de rire après qu’elle lui ait collé de la morve de murlap sur le nez. Oui bon, ça ne s’appelle sûrement pas comme ça, mais ça en a la texture, et c’est assez désagréable.

On est d’accord que tu l’as fait exprès !

Non sans rire également, je sortais finalement un mouchoir en tissu de ma poche et je me nettoyais rapidement le nez, comme je pouvais, mais il me manquait un miroir pour faire ça proprement.  Je la regarde, et j’essaie de capter son attention entre deux quintes de rire.

Alors, c’est mieux miss ?