Les premières année allaient finir par avoir sa peau. Vraiment. Elle avait l'impression à chaque séance qu'ils creusaient avec une énorme pelle dans le terreau de sa patience et de sa pédagogie, épuisant ses ressources, sans conscience qu'un jour ils allaient arriver à une lave incandescente... Elle avait beau être pédagogue, parfois elle les trouvait particulièrement stupides et feignants.

Heureusement, les doctorants trouvaient grâce à ses yeux ce jour alors qu'elle relisait une nouvelle fois les avancements de la thèse d'une étudiante d'avant dernière année. Elle avait choisit une matière que Calliope connaissait peu et c'était un véritable plaisir de s'attarder sur ses recherches, de questionner ses mécaniques et ses schémas de pensée. Elle interrogeait la jurisprudence récente en matière de droit des obligations de façon tout à fait pertinente.

Calliope s'était installée dans le bureau du Professeur de Droit puisque la salle des Professeur était animée d'un débat sur l'histoire de la magie qui ne l'interessait guère et qui, surtout, ne lui permettait pas de travailler dans le calme en cette fin de journée. Il était presque 18 heures quand elle acheva le parchemin, satisfaite du travail de cette étudiante. Parfois, elle se disait qu'elle aimerait bien être Professeur pour elle aussi devenir Directrice de thèse. C'était enrichissant. Mais elle avait choisit une autre voix.

Il ne restait plus que quelques semaines avant que les résultats de son concours ne finissent par tomber et elle appréhendait autant qu'elle attendait ce moment. L'ignorance était terrible, d'autant plus qu'on lui avait soufflé que son nom était sur la liste des admis... Elle l'esperait mais elle ne pouvait y croire formellement sous peine d'être déçue si le soviétique, encore un, c'était moqué d'elle. Quoi qu'il en soit, si elle était admise, il y avait même peu de chances qu'elle puisse continuer cet assistanat auprès des étudiants de droit l'année prochaine...

- Entrez...

On venait de toquer à la porte. Enfin... Il y a au moins une minute de cela mais elle était tellement absorbée dans ses pensées qu'elle avait vraiment tardé à répondre...

Un carnet sous la main, la Muller terminait de prendre quelques notes sur le projet de thèse qu’elle était entrain de lire, consciente que c’était la meilleure façon pour aider l’étudiante de neuvième année qui lui avait confié son projet pour une relecture. Les mots s’alignaient sur le parchemin, tiret après tiret, point après point. Chaque remarque faisait référence à une page et proposait une alternative ou une piste de recherche à envisager.

Elle était entrain de rouler soigneusement le parchemin en question pour le confier à la chouette des terriers qui attendait patiemment, pate tendue vers elle, alors que l’on toqua à la porte. L’animal comme la chargée de T.D. tournèrent la tête vers l’origine du bruit avant que Calliope ne se rende compte que c’était à elle de répondre, perdue dans ses pensées.

Vêtu comme un clown ou presque mais affichant un sourire fort reconnaissable, Jefferson Gold venait de pénétrer dans le bureau presque comme s’il était chez lui. Cet étudiant semblait à l’aise dans toutes les situations qui se présentaient à lui ou qu’il provoquait sciemment. Il ne semblait connaitre ni la gêne, ni le doute.

- C’est bien présomptueux de penser que votre visite puisse justifier que je reporte un cours. Installez vous Mister Gold.

Sa voix est sévère, son visage est fermé et pourtant elle ne peut s’empêcher de dévisager le Gold d’un regard rieur. Il n’est pas toujours évident de garder ses distances avec son étudiant préféré. D’un sortilèges, elle repousse la chaise face à elle pour inviter le jeune homme à s’y assoir mais celui-ci s’est déjà lancée dans une tirade visiblement bien préparée. Elle repose sa baguette et pose son menton sur le dos de sa main le temps de l’écouter sans l’interrompre.

- Dévoué, brillant et surtout humble. N’oubliez pas de bien les noter sur votre C.V., ça m’ennuierait que de telles qualités ne soient pas envisagées en lisant votre candidature.

Voila. Deux minutes, et le ton était déjà taquin. Cet étudiant aurait sa peau…

Des étudiants, elle en voyait des centaines défiler chaque année. Certains passaient inaperçus alors qu’ils foulaient le parquet grinçant du château pendant dix années. Pour certains, on se souvenait de leur visage, de leurs mots des années durant. Des fois de manière négative, des fois de manière positive. La Muller pouvait se targuer d’avoir fait parti des étudiants brillants dont on se souvenait…

Mais elle était certaine pourtant qu’on ne se souviendrait pas d’elle comme on se souviendrait de l’étudiant qui s’installait face à elle. Il avait une assurance qui flirtait avec l’arrogance. C’était le genre de profil que l’on détestait ou qu’on adorait. Elle aurait parié sur la première option en ce qui la concernait mais même là il la faisait mentir. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire alors qu’il lui demandait de prendre sa candidature au sérieux. Un sourire s’affiche sur son visage alors que, en parlant trop, il reconnait parler excessivement.

- Ah oui ? Vraiment ?

Le ton, bien qu’ironique, était bienveillant. Malgré tout disposée à discuter avec l’étudiant, elle repousse doucement ce qu’elle lisait de côté pour pouvoir se rapprocher du bureau et se tenir droite. Il semblait déterminer à obtenir le poste la maintenant, il exiger une décision sur le siège mais il semble ne pas connaitre les usages du Magenmagot en la matière.

- Et bien voyez vous, chaque année mon service, la chambre criminelle de l’instruction, ouvre une place de stagiaire à un étudiant d’Hungcalf.

Elle récupère un dossier dans la fine malette qu’elle transporte, trop fine pour le dossier épai qu’elle en ressort et pose lourdement sur le bureau entre elle et l’étudiant.

- Il est en général diffusé auprès des dixième années uniquement et comme vous pouvez le constater les candidatures sont nombreuses…

Voila de quoi décourager même le plus courageux des Wright…

Décourager le Wright ? Elle n’y croyait pas vraiment. N’importe quel autre étudiant de huitième année, sûrement. Mais Jefferson Gold avait ce petit quelque-chose, cette étincelle, cet espoir en lui même qui le rendait exceptionnel d’une certaine manière. Il croyait tellement en lui qu’il n’avait pas de mal à convaincre les autres de faire de même. Ce n’était pas de l’ambition pure. C’était de l’estime de soi. Et même si elle ne le montrait pas, Calliope était admirative. Elle, elle avait fondé son estime d’elle même en travaillant inlassablement. Elle l’avait nourrit chaque minute qu’elle avait pu y consacrer. Pour l’étudiant face à elle, ça avait l’air inné.

Il y a une place ouverte dans son service, une place de stagiaire auprès de la chambre criminelle du Magenmagot laquelle contenait 5 juges et elle même. Avec un peu de chance, celui ou celle qui obtiendrait ce stage pourrais prétendre à son propre poste. Cela voudrait dire que l’assistante de justice aurait réussit son concours et serait devenue auditrice de justice. Une aubaine pour elle et comme pour l’étudiant en question. Et quand il demande si elle veut bien l’aider, la jeune femme lui répond d’abord par un sourire.

- C’est envisageable.

Elle ne pouvait pas guère refuser une telle demande de la part de l’un de ses étudiant préféré. Elle ouvre son dossier et en extrait la première page qu’elle glisse face à l’étudiant qui lui demandait déjà ce qu’il devait faire.

- Lisez déjà la fiche de poste et dîtes moi si celui-ci vous conviendrait.

Elle lui laisse plusieurs minutes pour s’imprégner du parchemin qui lui a été confié. Les exigences hautes ne sont pas dissimulées. La rémunération est faible pour ce qui est réclamé. Mais le poste est intéressant. En substance, il ressemble au sien. Assister les magistrats du siège de la chambre criminelle dans l’ensemble de leurs fonctions. De l’instruction à la rédaction des décisions. Il y a évidemment une partie de secrétariat et de veille juridique et il faudra sûrement ponctuellement apporter un jus de citrouille au Président de la chambre… mais tout le reste est si intéressant que cela occulte les tâches ingrates explicites ou implicites.

- Si le poste vous intéresse, je peux appuyer votre candidature. Mais vous serez seul face au Président du Magenmagot lors d’un entretien pour la défendre.

Un sourire en coin s’affiche sur son visage et elle ne peut s’empêcher de commencer à le tester :

- Qui est-il d’ailleurs ?

Silencieuse, la Muller observe son protégé lire la fiche de poste qu’elle lui a confié. Poste qu’elle a elle même occupé il n’y avait pas si longtemps que cela alors qu’elle était en dixième et dernière année. Elle ignorait si en huitième année elle aurait été capable d’assumer ce stage exigeant mais quelque-chose lui soufflait que le Gold, lui, en serait capable. Si elle ne croyait pas en lui, ils n’en seraient pas là à cet instant.

- Je n’en doute pas.

Pensez vous vraiment qu’elle recommanderait un étudiant trop jeune si elle pensait qu’il n’était pas capable de subir un de ces entretien de stage devant le président du magenmagot himself ? Calliope n’avait pas vraiment l’habitude de faire des recommandations, elle ne le faisait que quand elle était sûre d’elle. La preuve en était… Elle avait recommandé le jeune De Launey qui avait été un assistant greffier de qualité, même sans magie. Quel dommage qu’il ait tout abandonné pour suivre sa petite copine… De Launey sénior n’avait donc pas tort. Il n’y avait sans doute plus grand chose à faire de Victor.

Et puisqu’elle entend glisser le C.V. du Gold sur le haut de la pile du Président du Magenmagot, elle entend également le préparer à cet entretien. Quitte a ce qu’il fasse bonne impression, autant qu’il ait toutes ses chances d’obtenir ce stage. Parce que même si elle ne participait pas au processus de recrutement, elle serait sûrement amené à travailler avec le stagiaire en question et elle serait contente de collaborer avec le jeune homme qui venait de répondre à sa question.

- Très juste. A ceci prêt que le président est élu et non pas nommé. Je sais que vous le savez, mais j’en profite pour vous rappeler que les mots ont leur importance et qu’il faudra les choisir avec soir.

Sourire indulgent de l’Assistante de Justice.

- Bien. Dîtes moi quels atouts vous pouvez mettre en avant lors de votre candidature afin de donner envie à votre interlocuteur de vous recruter sur ce poste. Pensez savoir-être, savoir faire et connaissances.

L’oeil brillant mais le regard sérieux, il hoche la tête à la reprise faite par la Muller mais ne se rebiffe pas. Son attitude est parfaite. Il ne se cherche pas de fausses excuses, reconnait son erreur et accepte d’être corrigé. Elle n’est pas inquiète. Elle sait qu’il sait. Elle se souvient parfaitement du semestre sur le droit constitutionnel britannique. Elle se souvient même du O qu’il avait obtenu lors d’un galop d’essai relatif à la séparation des pouvoirs, une note qu’elle attribuait rarement mais l’analyse avait été si fine qu’elle n’avait pas hésité longtemps pour la tracer de sa plume intransigeante.

Elle l’écoute donc se présenter, se vendre même. Pas de doute, il est doué pour ça. Est ce qu’il simulait cette aura de confiance comme elle avait pu le faire à son âge ou était-ce réel ? Elle ne saurait le dire avec précision. Il commence par ses aptitudes et lui adresse un sourire un peu trop éblouissant pour ne pas chambouler légèrement la future auditrice de justice. elle déglutit, ne laissant rien paraitre si ce n’est un léger froncement de sourcil pour l’encourager à continuer et s’empêcher de lui sourire en retour.

Il continue en parlant de son choix de matières, ou plutôt de ce qu’il retire de ces enseignements. Il a bien comprit la démarche mais il ouvre une porte que la jeune femme s’empressera bien de prendre. Elle note sa question sur un parchemin et le laisse poursuivre dans son discours. Elle roucoulerait presque de joie en l’entendant mettre en avant ses activités extrascolaire avec soin.

- Tout ceci est fort pertinent. Vraiment. Je n’ai rien a y redire.

Quitte a le préparer, autant lui dire explicitement ce qui est bon ou pas.

- Pourriez vous me parler de vos choix de matières optionnelle ? Avez vous d’autres activités para-universitaires ? Que vous apportent-elle ?

L’idée d’une autre question lui vient, mais elle prend soin de la noter et d’attendre la réponse du Wright à celle précédemment posée.