Inspire, expire. Inspire, expire. Encore. Inspire, expire. Voilà la litanie que se répète mentalement Tyom alors qu’iel attend devant la boutique d’Henry Sullivan. Iel s’applique à l’appliquer pendant quelques secondes, son cœur battant la chamade, à tout rompre, avant qu’iel ne pousse finalement la porte, qui s’ouvre dans un tintement crystallin.
« Bonjour… ? » fait-iel en entrant, un pas après l’autre, dans le magasin, et bientôt le propriétaire se dirige vers lui d’une démarche assurée. Il sourit, mais Tyom se sent l’envie de tourner les talons et de s’enfuir, et iel doit se faire violence pour ne pas le faire. Tu as fait tout ce chemin, Tyom. Tu as préparé de quoi faire ton petit exposé. Tu ne peux pas faire demi tour maintenant.  Ainsi donc, iel s’efforce de rendre son sourire à Henry.
« Oui, oui, je… c’est bien ça. Tyom Evans. Enchanté. Henry… Oliver… Monsieur Oliver ? Comment préférez vous que je vous appelle ? » demande-t-il. Lorsque l’artisan lui assure qu’ils auront le temps de passer un véritable entretien, iel hoche la tête.
« Ah, tant mieux. En… En plus, j’ai ramené des… euh… des… » Bon sang, Tyom, ressaisis toi ! Il lève la sacoche qu’il a amenée avec lui. « J’ai amené des choses que j’aimerais vous montrer, sur lesquelles je travaille, pour que vous ayiez un aperçu de mes compétences. » Iel aurait presque envie de s’applaudir, mais son cœur joue déjà du tambour, alors iel décide que c’est inutile.

Il suit la direction que lui indique Henry, non sans regarder curieusement tout autour de lui dans la boutique, un peu partout, aux boites alignées, aux modèles exposés, reniflant un peu l’odeur du bois et de la sciure.
« Si… Si je viens vous voir, c’est parce que… Je sais que vous vendez principalement des créations originales. Et… À vrai dire… Je suis doctorant en sciences occultes, spécialisé en baguettologie. J’aimerais mettre mon expertise et mes idées à votre service, en échange d’expérience professionnelle. Comme… Une sorte de stage, si vous voulez. » Il force un nouveau sourire, et essaie de puiser en lui la même énergie qui l’étreint lorsqu’il se sent comme Eiko ou Chance, sans grand succès. « J’ai également amené un autre exemplaire de mon curriculum vitae, au cas où. » Précaution qui lui a parue nécessaire même si il en avait déjà déposé un exemplaire lorsqu’il était venu solliciter un entretien quelques jours auparavant. « Ainsi que quelques unes de mes créations originales, et une copie de mon mémoire de master. » Il a l’impression de déblatérer, peut être pour combler le vide qui lui fait si peur, aussi il finit par se taire.

Sa peur panique ne lea quitte pas vraiment, bien que toutefois l’attitude de l’homme en face ait de quoi lea rasséréner un peu. Iel lui sourit, maladroitement, timidement, mais un sourire tout de même. « Dé…Désolé, je voulais pas insinuer que vous étiez vieux ou quoi que ce soit… » commence-t-iel, avant de suivre le fabricant un peu plus en avant dans la boutique, son dos douloureux tant il est tendu. Il se force à expirer un peu plus calmement, et hoche la tête. « D’accord, Henry, » finit-il par dire, même s’il ‘interroge un peu sur l’expression ‘un vrai lien de confiance’ Bien sûr, il faut qu’ils se fassent confiance s’ils travaillent ensemble. Ça paraît être la moindre des choses. il l’observe se désinfecter les mains, puis remettre certains objets en place, pas comme s’ils avaient bougé pourtant. Mais quelque part, ça le rassure. Ce genre de choses, il peut s’y adapter. Si Henry voulait parlé des derniers potins de la Plume  à Papote avec lui tous les jours, là, ça poserait plus de souci. Sa phrase suivante, elle… réchauffe un peu l’intérieur de la poitrine de Tyom, l’apaise même un peu. J’ai appris le métier comme toi. Il hoche la tête, pour acquiescer ce que dit le fabricant, puis il cligne un peu, ouvrant de grands yeux lorsqu’il demande à voir sa baguette. Cela le fait rougir, et il hésite endant quelques instants, puis finit par sortir sa baguette de son holster. « Tenez, » dit-il en la posant sur le cuir. « Pin noir, épine de monstre du fleuve blanc, » ajoute-t-il en désignant le long morceau de bois. Il reste ensuite silencieux, levant les yeux vers Hnery. « Vous… vous pouvez la manipuler, si vous voulez, » fait-il un peu timidement.

Pendant que le fabricant observe l’objet, Tyom est en proie à un questionnement intérieur. Et pour… sa petite particularité ? Devrait-il lui dire ? Il n’a aucun moyen de garantir qu’il ne débarquera pas un jour en Eiko, ou en Chance… Ou même avec une apparence encore différente ! Oui, il doit lui dire. Mais quand ? Maintenant, dès l début ? Et si ça changeait l’impression qu’Henry a de lui,  et que finalement il refusait de lui accorder l’entretien ? À la fin de l’entretien ? Mais laisser ça comme conclusion n’est pas idéal… Ou alors le premier jour de travail ? Mais ça serait clairement un peu malhonnête, non ? Se demande-t-il…

« Je suis métamorphomage ! » S’exclame-t-il alors, d’un coup, presque sans le voir venir. Son cœur bat la chamade alors qu’il se retrouve les bras ballants, un peu idiot. « J-je… je… ne contrôle pas toujours… mes… enfin, je maîtrise plutôt bien ! Mais…. si j’ai une forte émotion, ou quelque chose du genre, parfois… Ça m’arrive de changer. D-donc il est possible que… que je n’aie pas toujours la même apparence. » Il baisse le nez, rouge tomate jusqu’à la racine des cheveux, littéralement, puisque ceux ci ont pris une belle teinte vermillon. « J-je préfère… vous le dire avant. J’espère… Que ça ne vous dérange pas. » Sans qu’il s’en rende compte, ses longs doigts fins se sont mis à triturer la bandoulière de son sac, nerveusement.

Libre d’être ce que tu es. Les mots d’Henry rassurent Tyom, mais lea font aussi souffler du nez. « C’est pas comme si j’avais l’choix, de toute façon, » marmonne-t-iel d’un air un peu penaud. « Merci, Monsieur Sul- Henry, » fait-iel, cette fois d’une manière audible, avec une certaine reconnaissance qui, bien qu’un peu mitigée, est sincère. Iel s’autorise à jeter un regard plus curieux à l’homme face à lui, le scrutant de ses yeux noirs comme pour essayer de lire en lui ce que cet homme à traversé, qui il est, etc. Iel penche un peu la tête sur le côté, et lui sourit, un sourire fin mais sincère. « C’est… tout le monde n’est pas aussi tolérant que vous. Mais… je vous promets que cela n’impactera en rien mon travail, ou mon professionnalisme. » Ses cheveux retrouvent peu à peu leur jais habituel, et iel plisse un peu les yeux.

Tyom laisse passer un instant, continuant d’observer l’homme, puis ses yeux retombent sur sa baguette. « Je comprends, » fait-iel, relevant ses yeux en amande sur le fabricant. « Bien sûr, le pin noir tend à indiquer un grand besoin d’indépendance et d’innovation… Pour l’innovation, eh bien, c’est vrai, j’ai d’ailleurs gardé l’option Sortilèges et Enchantement car je m’intéresse non seulement aux baguettes, mais à leur fonction, à comment les rendre non seulement plus performantes, mais aussi plus fexibles dans leur concentration et direction de la magie. » Ses mirettes se sont mises à briller, rutilantes telles deux scarabées noirs couverts de rosée qui auraient établi domicile sur son visage. « À mon niveau, il m’arrive d’accéder à des ateliers de création et d’analyse… Et c’est passionnant ! » Son excitation et sa passion sont clairement visibles dans la manière dont lea lufkin s’exprime, s’étant soudain redressé un peu, son dos jusqu’alors vouté devenant presque droit.  Toutefois, iel fait une brève pause, et se rembrunit un peu.

« Ah, je… pour ce qui et de la communication… C’est vrai que j’ai plutôt l’habitude de travailler seul, m-mais… je crois que…. nous avons un intérêt commun, alors… je… je ferai de mon mieux pour communiquer ! J’ai… j’ai envie d’apprendre, je suis très motivé ! » Ses mains se sont resserrées sur la bandoulière de son sac sans qu’iel ne le réalise. « Je vous promets de donner le meilleur de moi même, d’être à l’écoute, et de faire de mon mieux pour ce qui est de la communication ! Je suis sûr qu’ensemble nous pourrions faire du bon travail ! Et puis… Je… Je suis quelqu’un d’assidu et de travailleur, j’ai de l’énergie à revendre ! Je ferai de mon mieux pour vous faciliter la tâche ! Je saurai m’adapter ! » Iel  s’interrompt alors, presque essoufflé, ses yeux pleins d’espoir fixés sur Henry alors que son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine. Iel réalise alors… qu’iel en a un peu trop fait, et que tant d’enthousiasme pourrait, au contraire, déplaire à son potentiel employeur.

Y a-t-il meilleure sensation, lorsqu’on angoisse depuis des heures, des jours voire des semaines, de réaliser qu’on avait tort de se cuire la rate au court-bouillon pour si peu, une fois que tout s’est bien passé ? En tout cas, c’est ce qu’il vient d’arriver à Tyom. Lea lufkin lève les yeux vers son (potentiel ?) futur employeur dans un regard empreint de gratitude, et hoche la tête. Iel est à ça de s’incliner dans un réflexe conditionné, mais ne le fait pas, se contentant d’un fin sourire soulagé. « Merci, » dit-iel sans oser nommer le fabricant par son prénom. « Je ferai de mon mieux pour ne pas vous décevoir. » C’est une fois ainsi rasséréné.e que l’étudiant.e se voit proposer l’occasion de parler travail… Autant dire que c’est l’ouverture des vannes, et que luiel si timide d’ordinaire se voit pousser de proverbiales ailes, son discours fluide et plein d’enthousiasme. Iel a du mal à s’arrêter de parler, mais finit toutefois par s’interrompre, soudain inquiet.e que sa logorrhée ait rebuté son interlocuteur, qu’iel scrute avec des yeux de biche aux abois.

Toutefois, le soulagement lea prend lorsqu’Henry semble, au contraire, avoir apprécié, et se lance dans une tirade de longueur similaire, à laquelle Tyom montre son attention avec force hochements de têtes et « hm » sérieux. Iel hésite à lui dire qu’iel s’est évidemment renseigné sur son travail, une forme de timidité lea prenant aux trippes, alors qu’iel se retrouve à danser d’un pied sur l’autre. « Oui, je… » commence-t-iel, d’une voix trop basse pour que Henry l’entende, l’homme reprenant donc, et semblant… Oui, on dirait qu’il… lui donne une réponse positive ? Tyom a envie de sauter en l’air en faisant des pirouettes, mais s’en retient évidemment, toutefois un immense sourire solaire vient gracier sa face rosie, dévoilant ses dents un peu tordues, mais ses yeux roses comme ceux d’un lapin albinos ne laissent aucun doute sur son moral qui crève soudainement le plafond. « Merci beaucoup pour cette opportunité, » souffle-t-iel. « En fait je… Je peux commencer tout de suite, » dit-iel un peu plus fort, porté.e par son enthousiasme.

« En-En fait je… Je me suis renseigné.e sur votre travail, et… » Sa main se dirige vers sa sacoche, qu’iel ouvre pour en sortir un papier plié en quatre, qu’il pose sur la table par dessus sa propre baguette, le dépliant. « J’avais… Enfin, ça m'a donné une idée, comme… » Sur le papier, un croquis de baguette, longue et légèrement courbe, la queue ourlée et enroulée comme un coquillage. Un copeau de bois collé, du noyer brun, ainsi que des indications. gravure runique, veines du bois mises en valeur, crin de licorne, et au niveau de la partie entortillée, nacre. Tyom se met à montrer différentes parties du dessin, tout en expliquant. « En fait, je… je trouvais que la nacre irait bien avec le crin de licorne et le noyer, et je pensais… Vous voyez, je pensais l’utiliser pour orner l’intérieur de la spirale, qui aurait pour fonction de concentrer l’énergie, ensuite dirigée par les veines du bois, le crin et les gravures runiques… Et… Et on pourrait… du coup… ne pas reboucher entre le crin et la nacre, ainsi ils rentreraient en résonnance directe… Qu’est-ce que… Qu’est-ce que vous en dites ? » demande-t-iel, sortant une branche de noyer débarrassée de son écorce et déjà pas mal rabotée, mais en suivant le fil du bois ainsi que la courbure de la branche qui correspond au croquis.

Tyom écoute avec grande attention la réponse de son dorénavant patron, ses yeux écarquillés fixés sur ce dernier. Iel hoche la tête avec enthousiasme. « Vous… vous voulez bien… ? Ça serait super ! J’ai… j’ai pris mes outils ! Enfin, je, j’imagine que vous avez tout ce qu’il faut mais… j’ai quelques habitudes quand je travaille… même si j’ai hâte de voir ce avec quoi je vais pouvoir j-enfin travailler ! » Ses yeux brillants d’intelligence restent fixés sur le fabricant pendant toute son explication. « Je vais essayer le double traitement comme vous dites ! » fait-iel, ravi.e. Toutefois la mention du crin de Kelpie lea fait grimacer. « Ah… hm… oui, j’en ai déjà utilisé, mais… c’est un cœur qu’on utilise pour former les débutants, non ? Un cœur de… de qualité médiocre, non ? Et… l’associer à la nacre ne risque-t-il pas de… faire un peu double emploi ? Justement je voulais relier la baguette à l’air avec la licorne… » Iel réfléchit à voix haute, à présent, marmonnant dans sa barbe. « mais peut être qu’une plume d’Abraxan ferait mieux l’affaire… mais c’est peut être un peu… grossier, pour aller avec la nacre… »

Ses yeux, qui ont dérivé dans le vague, reviennent sur Sullivan. « Non ? » demande-t-iel avec toute l’innocence du monde et un intérêt candide. Il semblerait que lorsqu’il s’agit du travail, la timidité de Tyom, sa difficulté à dire non s’évaporent et qu’iel deviennent simplement une machine à réfléchir et à émettre des faits et des théories. C’est alors avec des yeux brillants qu’iel s’adresse de nouveau à Henry. « Est-ce que… vous voudriez bien que nous nous mettions au travail ? Je… Je n’ai jamais eu l’occasion de travailler dans un vrai atelier professionnel… En-enfin, pas professionnellement, quoi… » Iel rougit un peu, son anxiété semblant refaire brièvement surface. « M-mais enfin j’ai déjà été dans un atelier ! Et puis… j’ai mon matériel dans mon dortoir et dans le labo, c’est juste que… c’est pas la même chose… »

Ses doigts se resserrent un peu sur l’ébauche de baguette qu’il tient à la main, et iel se tourne de nouveau vers son formateur. « Pour la nacre… vous utilisez quels sorts… ? Ou bien est-ce que vous le faites carrément à la main ? Est-ce que ça pourrait fonctionner sans magie ? » Le torrent de ses questions et théories ne s’arrête pas, et il semble que lea métamorphomage soit hyperfocus sur la tâche qui s’étend devant luiel. « Est-ce que… est-ce qu’on peut s’y mettre ? » demande-t-iel avec un enthousiasme presque enfantin, sa main qui ne tient pas sa baguette resserrée sur sa bandoulière.