Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

Comme chaque jour, Arthur s’efforçait de prendre un chemin différent pour retourner dans son appartement, dans Myrddin Wyllt car on n’était jamais trop prudent, surtout lui. Sa dernière rencontre avec la jeune Blackthorn lui avait fait prendre conscience des risques qu’il encourait chaque jour et de la facilité avec laquelle on pouvait le suivre. Depuis les récents événements avec Absolutum, il faisait de moins en moins attention à ces choses-là, ce qui avait donné ce résultat catastrophique. Jamais auparavant une personne aussi jeune et peu expérimentée, animagus ou non, n’aurait réussi à le pister plusieurs jours d’affilée. La faute ne revenait qu’à lui seul. Arthur avait appris sa leçon et depuis le départ de l’étudiante de son logement, il avait établi une stratégie pour ne plus jamais pouvoir être surpris. La monotonie et le train-train quotidien donnaient aux assaillants des ouvertures d’attaques beaucoup trop grandes, auxquelles le Roumain ne pouvait succomber. Ainsi, que ce soit à l’aller ou au retour, il empruntait une route différente à chaque fois. Pratiquer l’occlumancie était un avantage dans ce type de situation. Personne ne pouvait lire dans son esprit ses différentes tactiques et user de ses souvenirs à des fins peu recommandables.

Après avoir tourné pour la dernière fois au coin d’une rue, il arriva finalement dans le quartier sorcier et plutôt que de marcher vers son appartement et ainsi en donner le chemin à de potentiels suiveurs, il transplana jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment. Sa montée jusqu’à l’étage fut tout aussi rapide. La première chose qu’il sentit en arrivant sur son palier fut l’odeur de brûlé. Elle vint lui chatouiller les narines dès les premières secondes et firent froncer ses sourcils. Il constata bien vite que cette odeur ne venait pas de son appartement, mais bien de celui d’en face. La porte, qui était ouverte, laissait s’échapper des effluves de nourriture brûlée mais là n’était pas le plus étrange. Accompagnant cette odeur de danger, quelques notes de musique s’élevaient depuis l’intérieur du logement. Du violon, reconnut-il, car il le pratiquait lui-même quand l’alto ne lui suffisait plus à satisfaire son besoin musical. Quelques coquilles vinrent s’immiscer ici et là mais le jeu en lui-même témoignait d’une pratique qui se comptait en années. Arthur envisagea de rentrer directement chez lui mais préféra s’assurer que rien n’était en train de prendre feu en face de chez lui. Il poussa donc un peu plus la porte pour s’introduire dans l’appartement de son ou sa voisin.e.

Une femme, blonde, se trouvait là et jouait, entourée d’une fumée qui se dissipait avec les secondes. Il lui sembla même que les mouvements de son archet en chassaient la plupart. Concentrée, elle ne parut pas voir son arrivée et le diplomate se manifesta d’un raclement de gorge.

« Pardonnez mon introduction chez vous, madame. J’ai senti une odeur de brûlé émanant d’ici et je venais voir si tout allait bien. Cela semble être le cas. »

Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

Sa présence n’avait rien de normale et il s’étonna qu’elle ne soit pas plus réactive en le voyant posté là. À sa place, il aurait eu tôt fait de sortir sa baguette pour la menacer d’agir si elle n’expliquait pas rapidement la raison de sa présence. La femme en face de lui - sa voisine donc - paraissait bien calme. Il applaudit mentalement son sang-froid que tous n’aurait pas eu à sa place. Arthur ne tarda pas à justifier son interruption et évoqua la fumée encore présente qui s’échappait par le couloir d’où il venait. Ce n’était qu’une mesure de sécurité. Il semblait agir pour le bien de la mère de famille mais en réalité, cela l’embêterait aussi beaucoup que son appartement soit réduit en cendres à cause d’une voisine distraite lors de sa cuisine quotidienne. Il n’était pas mécontent néanmoins d’avoir pris cette décision car il se trouvait face désormais à une musicienne intriguante, qui ne semblait toujours pas saisir la raison de sa présence. Elle fit mention des fausses notes entendues quelques secondes plus tôt mais le Roumain décida de ne pas rebondir sur ce sujet. Si tel qu’elle le disait, elle n’avait pas joué depuis un certain temps, il était normal que son jeu ne soit pas parfait. Il ne pouvait l’en blâmer. Pour ce qui était de sa catastrophe culinaire, par contre, il ne pouvait plus rien pour elle. La fumée se dissipant, il put avoir un meilleur aperçu de son allure et devina aux éléments se trouvant autour de lui qu’un enfant vivant ici. Pas trop petit, espérait-il, car il ne se sentait pas le courage de dealer avec l’un d’entre eux. À ses yeux, ils n’étaient que crises de nerfs et caprices à tout va. À côté, gérer des politiciens était du gâteau.

« Ne vous en faites pas, à vrai dire cette excuse m’arrange bien. » Il désigna du menton l’instrument qu’elle tenait encore entre ses mains et reprit presque aussitôt. « J’ai surtout été attiré par le son de votre violon. Je suis un musicien de cordes moi-même et j’étais curieux de voir le vôtre. Vous le possédez depuis longtemps ? » Il se pencha un peu plus en avant pour apercevoir les détails du violon. Il espérait y trouver quelques signes de longue vite, telles que des égratignures ou des marques d’usure. Arthur prenait grand soin de ses instruments mais cela ne l’empêchait pas d’apprécier la beauté d’un violon qui avait fait son chemin à travers le temps. Son alto, précieux, n’en était pas à son premier propriétaire.

« N’hésitez pas à me faire savoir si ma question ou mon comportement vous dérangent. À vrai dire, je prends rarement le temps de connaître mes voisins. » Le diplomate passait son temps à naviguer entre les continents, si bien qu’il vivait partout et nulle part à la fois. Ne restant que rarement plus de quelques mois dans un appartement, il ne faisait pas attention à son voisinage et ne leur accordait pas son attention. Quelques formules de politesses prononcées dans les escaliers suffisaient aux yeux du Roumain. Mais son séjour en Écosse commençait de plus en plus à s’étendre et Holly était l’opportunité, pour lui, de changer un peu ses habitudes et d’être mois austère.

« Arthur Batthyány, j’habite juste en face. »

HRP:

Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

Depuis l’endroit où il se tenait dans l’appartement, Arthur regardait le violon en question avec intérêt. La façon dont la jeune femme le lui présenta laissait entrevoir le caractère précieux de l’instrument à ses yeux et il ne put que comprendre un tel geste, ainsi que le respecter. Dans la famille Batthyány, on avait plus d’égard pour les instruments de musique que pour les elfes de maison et cela donnait le ton de tout un ensemble de générations de violonistes.

Les similitudes ne manquèrent pas d’affluer entre les deux protagonistes, tant par leur amour de la musique que par leur manque de facilité à se faire des amis parmi leurs voisins. Arthur préférait cette réponse à toute autre car elle ne le mettait pas dans la sempiternelle position de l’étranger renfermé et bizarre qui habitait dans l’immeuble. Les apparences étaient trompeuses et le prouvaient encore car il n’aurait jamais imaginé, en la croisant dans les escaliers, qu’il partagerait tant de points communs avec Holly. Sans plus tarder, il se présenta et elle en fit de même. Sa prochaine question le poussa à réfléchir à son tour et en effet, ce nom de famille ne lui était pas étranger. Holly avait ainsi donné l’indice qu’elle appartenait à cette ligue désormais très restreinte des sangs purs européens susceptibles d’avoir croisé les Batthyány à un quelconque moment du passé.

« Fort possible » répondit-il dans un premier temps sans pour autant parvenir à se remettre en mémoire l’un des membres de cette famille. Il en avait croisé tellement au cours de sa courte vie qu’il lui semblait presque impossible de tous se les remémorer un par un en l’espace de quelques secondes. Une seule information venait à son esprit, sur laquelle il ne pensait pas se tromper. Les De Launay faisaient partie de ces familles au sang contesté (du point de vue des Roumains cela dit) au vue de leur vélanité.

« Si tel était le cas, je n’en ai pas grand souvenir, malheureusement. J’évite de me mêler des affaires personnelles de mon père, pour des raisons évidentes. Mais entre grandes familles d’Europe, il est normal que l’on se soutienne et il ne me paraît pas aberrant que les nôtres se soient fréquentées lors de dîners. » Il s’approcha un peu plus non pour détailler Holly, mais bien son instrument de musique. Arthur ne trouvait que peu d’intérêt dans ces conversations de politesse où seule l’indifférence et l’ennui transparaissaient, bien souvent. La musique était plus naturelle, plus vraie…

« Je tiens aussi mon alto de mon aïeul, qui en a fait grand usage. À tel point qu’il n’est plus vraiment de prime jeunesse. Mais l’œuvre du temps en fait un objet inestimable à mes yeux. Est-ce votre grand-père qui l’a acheté ou est-ce un bijou de famille qui se transmet de génération en génération, chez vous ? »

Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

La similitude de leurs passés ne manquait pas de lui sauter aux yeux, autant qu’à elle. Il regarda l’instrument et l’admiration teintait ses iris froides. Le violon de la voisine était marqué par le temps, à l’image de son alto qu’il aimait tant. Une affinité dont il ne parlait qu’à peu de personnes, à bien y songer. Il pouvait aisément dire qu’Holly ne mentait pas puisque sa manière de désigner l’instrument témoignait d’une grande sensibilité et d’un dévouement exemplaire envers lui. Elle en prenait soin, nul doute possible, et posait sur lui un regard similaire au sien, sur son alto. De l’admiration, de la dévotion et une pointe de fierté de posséder un tel bijou.

« Il y a du vrai. Le temps leur donne une nouvelle forme, qui influe sur le son produit. Des êtres vivants, on pourrait les voir ainsi. » Leur jeu les faisait vivre mais Arthur pensait qu’il ne s’agissait là que du sommet de la montagne. Lorsque l’on s’attardait sur le reste, on en venait au dénouement suivant : un instrument vit même lorsqu’on n’est pas là pour s’en servir. Oui, un être vivant à part entière. Une vision un peu loufoque des joueurs de son pays qui avait fortement imprégné le jeune homme qu’il était à l’époque. Arthur ne regrettait pas une telle pensée. Elle le rendait unique, même s’il ne se hâtait pas pour la partager.

« J’aurais bien du mal moi-même à ne pas me souvenir d’un tel jour, si important dans la vie d’un enfant. Des événements pareils forgent toute une personnalité, tout un passé. Des sentiments qu’il ne tient qu’à nous de transmettre à la génération suivante. L’amour de la musique. » Arthur se surprit à parler ainsi, sans verrouiller la moindre de ses pensées et de manière presque… tendre. Mais il lui était ardu de parler en mal de la musique ou de s’énerver dessus. Bien sûr, il avait déjà assisté à des débats houleux sur l’instrument le plus émérite, mais elles n’avaient jamais eu le dessus sur lui. Il s'étonna d’un tel revirement de situation mais ne s’en inquiéta pas davantage. Pour une fois qu’il pouvait se laisser aller…

« Quelques fois, lorsque j’en ai le temps mais je dois bien avouer qu’il se fait rare, dernièrement. D’ordinaire, j’utilise un sort pour ne pas déranger mes voisins lors de mes pratiques. Il arrive que des oreilles voisines n’aient pas les mêmes affinités que nous pour la musique et le bruit les ennuie. » Nullement embarrassé par sa question, il ne tarde pas à y répondre et même doublé d’un sourire presque naturel. Il jeta un nouvel œil au violon d’Holly et il lui vint une idée saugrenue.

« Voudrez-vous jouer ensemble un jour futur ? Je sais bien que ma demande paraît étrange mais j’ai rarement l’opportunité de pratiquer en duo et je pense que l’essai pourrait nous être à tous deux profitable. Qu’en pensez-vous ? » Il s’était déjà introduit dans son appartement sans son aval et voilà qu’il lui faisait une telle proposition ! Son attitude n’était définitivement plus la même.

Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

Il arrivait à Arthur de se demander s’il saurait transmettre sa passion de la musique à un potentiel enfant, qu’il soit mâle ou femelle. Il n’avait pas choisi cette voie dans son enfance, bien qu’elle lui ait parfaitement convenue en fin de compte. Les Batthyány étaient tous - ou presque - de grands et/ou bons joueurs d’instruments, notamment dans la famille des cordes frottées. Alto, violons, violoncelles, contrebasses… certains s’égaraient parfois dans la famille des cordes pincées ou à clavier, mais la majorité restait dans le frotté. Une sorte de tradition qui avait pesé sur ses épaules d’enfant et qui, aujourd’hui, remplissait son quotidien solitaire. Il ne regrettait rien, à part le fait de ne pas avoir compris plus tôt.

Il fit mention de ses pratiques silencieuses lorsqu’elle le questionna sur son jeu, et sa réponse laissait connaître son caractère discret. Arthur cherchait toujours à se mêler à la foule. Tout pour ne pas se faire remarquer afin de faire ce qu’il voulait sans qu’on ne puisse l’observer. Il ne souhaitait pas particulièrement que ses voisins prennent connaissance de sa pratique de l’alto ou du violon. C’était un plaisir personnel qu’il ne souhaitait pas partager d’ordinaire. Sauf là, avec Holly, ce qui relevait de l’absurde pour le Roumain. Il lui fit, d’ailleurs, la proposition étonnante de jouer ensemble. Cela n’arrivait jamais. Arthur ne se rapprochait des autres que par obligation ou gain professionnel/personnel. Mais là, il n’y avait rien de tout cela. Pas d’enjeu, pas d’obligation… juste une curiosité étrange qui le titillait. Elle pouvait dire non, il ne le prendrait pas mal. Pourquoi le ferait-il ? Ils ne se devaient rien. Pourtant, elle manifesta elle-même sa curiosité envers cette étrange alliance qu’ils représentaient. Deux voisins que rien ne pouvait rapprocher… à part la musique.

« Vous avez très certainement raison. » En effet, on ne pouvait pas “trop” pratiquer. Pas à leur niveau, probablement. Avec le travail qu’il avait et les responsabilités de mère de famille d’Holly (à ce qu’il comprenait du moins), pratiquer devenait plus rare que désiré. Avec le soutien d’une personne annexe, cela pouvait les aider tous les deux à prendre le temps de jouer, tout simplement. Sans plus de cérémonie.

« Je suis très old school, même si j’essaye d’élargir mes horizons à des compositions plus récentes. Mais pour un premier duo, je préférerais rester dans ce que je connais. Que dites-vous de la sonate en ut majeur op.56, de Sergueï Prokofiev ? » Ami de sa famille (du côté des Batthyány), le compositeur russe est une grande référence du côté de l’Est et le premier auquel Arthur ait pensé pour un duo de violons. « Que dites-vous de trois semaines ? Cela sera-t-il suffisant pour vous ? »

Violin duet ft. @Holly De Launay | 08.10.22

Pratiquant depuis des années, Arthur ne se rendait pas compte de la difficulté du morceau qu’il avait sélectionné mentalement pour cette future rencontre musicale. Mais lorsqu’Holly lui fit remarquer que ce n’était pas là le duo de cordes le plus aisé qui soit dans toute l’histoire de la musique classique, il ravisa son jugement. Bien évidemment, ce qui était simple pour lui ne l’était peut-être pas pour les autres et il n’avait pas un seul instant pensé qu’elle puisse voir dans ce choix un challenge conséquent. Il manqua de lui proposer autre chose, sauf qu’Holly accepta tout de même ce choix avec, néanmoins, une petite condition à laquelle il voulait bien se soustraire.

« Cela me convient tout à fait, bien sûr. Mais si d’aventure, d’ici notre prochain rendez-vous, vous vous rendez compte que l’apprentissage de ce morceau est incompatible avec votre emploi du temps, n’hésitez pas à me solliciter. Nous pourrons tout à fait en changer à ce moment-là. » Il affiche son air le plus compréhensif et le moins condescendant possible afin de ne pas la vexer en lui offrant cette alternative. Il savait ne pas en avoir besoin lui-même mais l’encourageait à en faire usage si elle trouvait là une quelconque nécessité. Arthur fit un rapide tour de mémoire pour se rappeler son emploi du temps futur et hocha quelques fois de la tête.

« Vendredi en 30, c’est parfait pour moi. Je saurai m’arranger pour être présent. Je me présenterai à votre porte aux alentours de quatorze heures trente, si cela vous convient. » C’est un début d’après-midi sans empiéter sur la fin du déjeuner. Cela lui permettra d’ailleurs de prendre son temps pour revenir du Ministère de Londres car Arthur ne sait jamais s’il aura besoin d’y traîner afin de récupérer quelques informations supplémentaires. Bien sûr, il se garda de donner ces détails à Holly.

« Je vous laisse désormais vaquer à vos occupations. Encore désolé d’être entré chez vous sans invitation. Prenez soin de vous, Holly. À la prochaine. » Arthur eut un rare sourire à l’égard de la mère de famille avant de choisir de la quitter. Elle n’avait pas besoin de lui ni lui d’elle, ayant déjà arrangé les circonstances de leur prochaine rencontre, ce qui ne manqua pas de le rassurer. Homme capable d’assumer les imprévus, il préférait tout de même s’en tenir à une belle organisation, un planning étudié.