Je suis un Lacroix, l'aîné des enfants de feu-Thomas et Clara Lacroix, l’un des petit-fils de feu le Comte Rudolphe De Lacroix et de son épouse, la très crainte Siegliede. Il se raconte que ma naissance est venue perturbé le mariage de la meilleure amie de ma mère, celle qu’on m’a appris à nommer Lady Catrina. Ma mère était sa demoiselle d’honneur. Et au moment de l’échange de voeux, la poche des eaux se rompit, moment qui arracha un sourire à ma Grand-Mère. D’aucuns prétendent qu’ensuite, ce fut ma naissance et non les mariés qui fut sur toutes les lèvres, que j’avais en quelque sorte voler la vedette. Cela me va très bien. Je n’ai de toute façon jamais porté dans mon cœur Catrina ou son époux.

Est-ce que je suis un privilégié ? Bien sûr que oui. Est-ce que j’en suis conscient ? Bien sur que oui. Et est-ce que cela à un prix ? Bien évidemment. Naître dans une famille comme la mienne, la nôtre, c’est grandir avec des responsabilités. Votre premier pas, votre premier mot,... tout est affaire de jugement, d’évaluation. L’ignorer pourrait même s’avérer fatal. Alors que d’autres enfants de mon âge se rendaient à l’école, j’avais des percepteurs. Alors qu’ils s’amusaient en récréation, j’apprenais l’étiquette. Alors qu’on leur racontait une histoire le soir, je me rendais à mes premiers galas. Je portais mes premiers costumes trois pièces quand ils s'habillaient de guenilles qu’on nomme culotte courte. Est-ce que j’étais effrayé ? Non. Parce qu’elle était là, ma chère mamie. Quand le doute s’installait, elle me rappelait qu’alors que j’étais bébé, elle m’avait une fois prise dans ses bras et s’était rendue devant son miroir. Et là, mon reflet était déjà présent. Et ce détail devait me convaincre comme elle que j’étais déjà quelqu’un. J’étais un Lacroix et son petit-fils. Sa fierté devant ce monde ingrat.

Parce que le monde était ingrat à ses yeux. Et il le serait à jamais. Jamais Siegliede n’accepterait ce que nos pairs avaient pu faire à Gellert Grindelwald. Jamais elle ne pourrait se faire à l’idée que certains se cachent de ce en quoi ils croyaient. Plusieurs familles sont tombés en disgrâce à ses yeux lorsqu’ils ont prétendu avoir été forcés de suivre ce sorcier légendaire aux yeux de la Comtesse. Elle, elle assumait. Au point d’être interdite de séjour dans n’importe quel autre pays que la Suisse.

Septembre 2002. J’intègre l’Académie de Beaubatons, dans la maison des Gevaudan. Les mois qui précédèrent cette rentrée furent marqué par les entretiens. Car nous n’allions pas à un quelconque chemin de traverse, mais c’était bien les marchands qui venait à nous. Il se succédait d’un jour à l’autre : la robe, les livres, la baguette,... tous répondirent à l’appel de Siegliede. Tous vinrent, à la recherche de ses faveurs, comme toujours.

Ces années furent aussi des confirmations. La première : je suivais les traces de mon père, en fier membre de notre famille. Un père qui n’hésitait pas à me mettre en compétition avec ma propre soeur alors qu’elle m’avait suivi dans cette école. Une compétition qui, sans que je ne le veuille réellement, nous sépara tout de même. Mais j’étais le meilleur alors je ne m’en formalisais pas non plus. La seconde : je ne suis pas fait pour le Quidditch. Je l’acceptais parfaitement. Un accident en seconde année vint le confirmer. Le genre d’accident où votre bras est dans le platre et où votre mère met alors un halte là clair et précis. L’avantage ? Je fus dispensé de cours de vol pour le reste de ma vie.

Lors des vacances précédant mon 17e anniversaire, celui de ma majorité donc, Siegliede décida qu’il était temps pour moi d’apprendre l’art de la Légilimencie. Je passais donc l’été loin des miens et de mes amis, chez des amis de la famille : les Tamaharu. Leur réputation dans cet art n’était plus à faire, mais ces mois je l’avoue furent éprouvant. Très. Je n’eus même que peu l’impression de progresser. Mais j’acquis les bases d’un pouvoir que je devrais ensuite entraîner par moi-même. Bien que je le sache cependant, cette expérience me permit également de mesurer que nous n'étions pas les seuls à penser que notre monde souffre d'un mal que l'on veut innommable. Sortant des sentiers tracés pour moi, et découvrant la vie d'une autre famille conservatrice au sein même de leur foyer, j'entendais d'autres souffrir de l'ingérence des non magiques dans notre société. Le doyen Tamaharu m'emmena alors dans l'un de ses caveaux, pour m'expliquer un pan de leur histoire, et ceux que les moldus avaient pu leur faire au cours de l'histoire, à leurs ancêtres. Ce n'est pas pour rien que certains vivent cachés. D'aucuns disent qu'on les protège, ces êtres inférieurs, mais n'est-ce-pas l'inverse ? Ne protège t-on pas plutôt nos enfants de leur intolérance ? Avait-il senti le doute en moi face à ses questions ? Avait-il ressenti que mes yeux s'ouvraient d'une nouvelle façon ? Peut-être. Ou peut-être n'était-ce la qu'un des nombreux jeux de Siegliede. Mais dans ce caveau, mon hôte avait amené deux moldus. Ce jour-là, alors que j'entrais dans leur esprit, je vis de quoi ce peuple était capable s' il n'était pas contrôlé. Et sous l'égide de mon percepteur asiatique, j'appris également les premières bases de la torture. Cet instant fut, je le reconnais, grisant.

En 2009, l’obtention de mon diplome laisse à penser que je vais m’inscrire à l’université. Cela semble autant une évidence que le choix de la dite université : Hungcalf, qui forme l’élite. Et pourtant, ma lettre ne part pas. A la surprise de certains, mais pas d’elle. Elle, elle sourit à nouveau. Elle me donne son approbation tacite et je comprends que je fais le bon choix. La lignée avant la notoriété. Car notre nom vaut plus qu’une situation qu’on a déjà. Et lorsque mon père s’étonne, c’est elle, ma très chère Grand-Mère qui lui dit de m’écouter, de me laisser faire. Tout jeune, des dispositions avaient déjà été prises. Je savais qu’un jour, celle qui m’avait été réservée deviendrait ma femme. Mais Siegliede accepta que je décide quel serait ce jour. Je crois même qu’elle attendait, espérait, que j’impose mon opinion sur la question. Ainsi, la période entre septembre 2009 et juin 2010, qui aurait du être consacrée à ma première année universitaire, le fut à mon mariage avec la jeune Schrubber, à la consommation de celui-ci et à l’épanouissement de notre couple. Que de projets avons-nous fait ? Que de tentatives avons-nous essayées pour la rendre utile ? Cette année et la suivante même. Mais le destin semblait nous refuser cette joie. Le destin, ou l’utérus hostile de cette compagne qu’on m’avait donnée.

C’est en septembre 2011 finalement, qu’un peu résigné, je me rend à Hungcalf pour une première année dantesque. De retour sur des bancs d’école, je savais pourquoi je venais. Je savais ce que je voulais faire, devenir. Le choix de mon cursus n’étonna personne, l’un des plus compliqués et respectés de l’institution : La Médicomagie. En options supplémentaires ? Défense contre les forces du mal et Sciences Politiques Magiques. Le premier voulait que je comprenne l’impact de celui-ci sur le corps, le second servait mes propres aspirations de grandeur. Il me fallait apprendre pour comprendre, et comprendre pour grandir. Je ne voulais pas me contenter de devenir le meilleur, mais bien exceller pour que l’on me reconnaisse comme tel. Et trois ans plus tard, j’obtenais mes DUCs sans mal.

Puis il y eut 2015. Cette année-là, beaucoup pensent que j’ai arrété mes études parce que mon père est décédé. Certains pensent que, parce que je suis le dernier à l’avoir vu, je suis responsable de ce malheur, et appuient leurs déductions sur le fait que je ne semble pas malheureux de cette perte. Pour ce dernier point, ils ont raison : je ne suis pas malheureux. Parce que lorsque mon propre père m’a demandé de mettre un terme à la grossesse si inespérée de Penny, pour l’unique raison qu’elle attendait une fille, nous nous sommes disputés. D’une dispute violente certes, mais pas mortelle. Et les aurors chargés de cette enquête ont méticuleusement fait leur travail pour permettre d’établir clairement les faits : Thomas Lacroix, vicomte, s’était suicidé. Peu m’importe ce que l’on peut lire dans la presse à scandale, la réalité est celle-ci. Quant à moi, 2015 restera toujours l’année de naissance d’Isabelle. Un moment de bonheur.

Ce n’est qu’en Septembre 2016 que, sous les demandes incessantes de notre doyenne familiale, je repris le chemin de l’université. Je le savais parce qu’elle me le répétait sans cesse, j’avais encore des choses à accomplir. Mais à l’instar de ma première 4e année en 2014-2015, ma première cinquième année se vit écourtée pour une autre naissance au printemps 2018, celle de Cassandra. Mes études jouaient peut-être de malchance, mais j’étais heureux de mes deux princesses. J’étais comblé de les savoir en bonne santé. Et pour elles deux, rien, absolument rien n’est de trop.

Malgré tout, l'année suivante, je devais réintégrer Hungcalf. Et la question de cette nouvelle intégration suscita celle du comment. Car concrètement, je ne voulais pas recommencer encore une fois ma 4e année. Aussi, après une épreuve et un passage devant jury, doublé d'une défense conjointe avec ma directrice de maison et l'AESH, je reprenais mon cursus en l'état, comme si je n'étais pas parti. Et tout allait bien. Parfaitement bien. Jusqu'à ce qu'elle décide d'agir autrement. Péneloppe. J'avais pourtant été patient avec elle. Gentil. Protecteur. J'avais fermé les yeux sur ces quelques conquêtes pendant mes absences. Mais aujourd'hui, elle a décidé que notre mariage était une farce à laquelle mettre fin. Ca, je pouvais encore l'accepter. Même si Siegliede jurait de lui faire payer, je pouvais encore l'accepter. Mais aussitot que je reçu la lettre de son avocat, aussitot que je compris qu'elle voulait m'ôter mes enfants...