Ëtre fiancée à Hélios, je ne l’imaginais pas encore il y a quelques mois, et c’est pourtant bien réel. J’eus d’ailleurs la magnifique surprise que l’on m’annonce cette merveilleuse nouvelle le jour de mon anniversaire, devant tous mes invités. Mon père a le sens des détails et du timing on dirait… On dénote l’ironie de mon propos j’espère, car s’il y avait bien un qualificatif à propos de ces fiançailles, c’était loin des mots heureux ou joyeux. J’avais été surprise. Mais ce n’était pas une bonne surprise. Certes, je savais que cela ne traînerait plus, j’avais beau faire l’honneur de ma famille à l’université et en passe de devenir une grande médicomage dans mon domaine, maîtrisant les autopsies comme personne, je devais me marier, et assurer la descendance des Lacroix. Et il était évident qu’il fallait en face un fils de bonne famille. Je ne pensais pas que ce serait un Muller, pas suite aux scandales de leur famille, et encore moins à l’un des gamins de cette famille. Je me serais davantage attendu à être fiancé à Caliban, l’ainé d’une des trois branches, ou même pourquoi pas un Blackthorn, mais pas à Hélios Muller. Quand je le croisais en cours, j’avais l’impression d’être devant un petit chiot qui venait de quitter la mamelle de sa mère et qui était loin d’avoir ce qu’il fallait pour me satisfaire. Pourtant, les Muller, je les avais testés, notamment les trois aînés. Mais ce Hélios tenait-il davantage de son rebelle de frère, de son fertile cousin ou de son autre froid cousin ? J’espérais du dernier, mais j’avais peu d’espoir. J’allais devoir le dresser, et mettre rapidement les points sur les i, j’avais beau être une femme, je sais ce que je veux, et il m’en faut beaucoup pour me satisfaire. Pourtant, il me faudrait attendre quelques mois avant de pouvoir le faire, car je passais cet été loin du Royaume-Uni, profitant du soleil, et il aura fallu attendre le mois de novembre pour que je puisse enfin avoir l’occasion de le voir en tête à tête.

C’était le premier repas qui réunissait nos deux familles. Pour ce dîner, ce sont mes parents qui recevaient, dans leur demeure dans les Alpes françaises, non loin de là où vivait ma grand-mère, même si celle-ci était obligée de rester en Suisse pour des raisons politiques. Mon père avait convié les parents d’Hélios ainsi que ce dernier. Beaucoup d’échanges de banalités au début du repas, alors que l’on nous avait placé côte à côte sur la grande table, comme pour nous pousser à faire connaissance, mais comment parler discrètement quand votre père ou votre future-belle-mère peut vous entendre ? Nous osions à peine nous regarder, enfin lui surtout, car moi je ne m’étais pas gêné pour le toiser de haut en bas. Il avait bien du sang de Muller, c’était entendu, mais il semblait vraiment innocent, naïf. Le repas était long et m’ennuyait, alors même que le temps s’écoulait. Nous venions de terminer le plat, et allions bientôt passer au fromage. Et c’est le moment que choisirent nos parents pour nous intimer de sortir prendre l’air tous les deux. Pour faire connaissance. J’avais compris le message, ils voulaient parler entre eux sans que nous ne les écoutions. Etant chez moi, j’emmenais donc Hélios à ma suite à l’extérieur du manoir des Lacroix, dans ce jardin à la française en plein dans les Alpes, sous l’arche étoilée de la nuit. J’avais mis une veste en fourrure autour de mes épaules, une belle fourrure d’hermine blanche, car ma robe était un peu légère, même si elle était épaisse. Je m’assis sur un banc, adressant enfin la parole à Hélios qui semblait traîner des pieds, ou ne pas savoir comment m’aborder.

Nous voici seuls. Enfin. Mais viens t’asseoir, je pense que nous avons pas mal de choses à nous dire, mon fiancé.

Il fait froid. Je ne peux le dire autrement, l’air de la montagne est souvent froid la nuit, et alors que nous approchons de la fin de l’année, l’humidité ne fait qu’accentuer cette sensation de froid. Heureusement, j’avais sorti mon hermine, dont le tissu était enchanté pour me permettre de ne pas être gelée en quelques minutes, mais tout de même, je sentais l’air glacé attaquer ma peau délicate, mes mains, mon visage, mes lèvres. L’air froid est vivifiant mais il est également révélateur de l’ambiance de la soirée. Tout n’avait été que faux-semblant, illusion. Certes Hélios s’était montré aimable et souriant. Moi de même. Mais pouvait-on dire que nous étions ravis de nous trouver là ? Pas le moins du monde, nous ne faisions que répondre à des conventions sociales depuis longtemps établis. Si mes parents savaient à quel point je faisais fi de telles conventions quand j’étais loin d’eux… Mais ici, le temps semble être arrêté dans un passé lointain où la tradition l’emporte sur la modernité, et où une jeune femme de bonne famille ne peut que rarement se trouver seule avec un homme. Heureusement, mes parents n’auraient jamais eu l’idée de m’imposer un chaperon, et puis, nous allions nous marier, alors quel risque y avait-il à me déshonorer, et encore j’avais quelque honneur dans ce domaine. Hélios s’assit près de moi, bien couvert qu’il est avec son écharpe, ce qui n’empêche pas le son de sa voix se s’élever, même si je remarque son hésitation tout de même. Est-il si difficile de m’aborder, ou d’aborder la question des noces ? Je dis cela, et pourtant, je n’ai moi-même pas provoqué la discussion plus tôt. Par déni peut-être. Pourtant, je sais devoir m’y résoudre, il n’est pas question d’envisager annuler ces fiançailles, ce serait un déshonneur pour ma famille, ou encore faudrait-il une excellente raison, car les bans étaient publics, et chez les Lacroix, la réputation dépasse toute autre valeur.

Tu te doutes bien. Je n’avais aucune idée des plans de mes parents, ou des tiens. Je savais bien qu’un jour on m’annoncerait mes fiançailles à venir, mais je pensais être avisée avant le monde extérieur, mais ils en ont décidé autrement…

Le regard dans le vide, je repense à cette scène presque irréaliste lors de mon anniversaire, où mon père a annoncé la « merveilleuse » nouvelle. Je soupire, gardant toujours ce masque sur le visage, hors de question de lui montrer ma déception.

Si je devais mettre des mots sur la situation, je dirais que je suis résignée. C’est notre devoir que de faire un bon mariage et assurer une descendance fertile et pure. Et tu n’es pas vilain.

Mon côté séductrice reprend le dessus. Certes, c’est un gamin, mais il faut avouer qu’il tient des gênes Muller, et donc de son frère et de ses cousins. Peut-être serais-je agréablement surprise ? Et puis, s’il tient un peu de sa sœur, nous ne pourrions que nous entendre, n’est-ce pas ?

Et toi, quel est ton ressenti ?

Je connais mes devoirs, et je les assumerai sans mot dire, car cela aurait pu être bien pire. Certes, ces fiançailles n’étaient pas vraiment dans mes projets, j’aurais de loin préférer un homme plus âgé, plus mature, un homme à ma mesure, un homme comme Ethan par exemple, ou comme Caliban. Bref, un homme. Pas un gamin. Pourtant, ce gouffre en moi qui me pousse sans cesse à répondre à mes pulsions me montre les avantages que pourrait avoir une telle alliance. Hélios n’est pas moche, il ressemble à son frère aîné, et il est encore assez malléable pour que je puisse en faire un homme à ma mesure. Mais si j’aime la franchise, la sienne me heurte. Pas avec moi ? Soit, je l’entends, mais plutôt que de répondre, je le laisse poursuivre. Que veut-il dire par là ? Je me tends imperceptiblement, je peux être une jeune femme sociable, gentille et souriante, après tout on m’a appris à l’être en toute circonstance, mais j’ai mon caractère, et mon ego, et il est en train de s’y attaquer. Mais il ne sait pas de quelle robe je me chauffe.

Je te remercie de ta « franchise ». Je suis désolée si la perspective de m’épouser te rend malade à ce point-là ! Oui je t’ai connu étant gosse, alors j’espère bien que tu as su devenir un adulte. Je ne compte pas épouser un bébé.

Ca c’est dit. On ne frotte pas à moi sans se blesser. Pour qui se prend-t-il ? Je suis une femme de qualité, et m’épouser est un honneur, je viens d’une bonne famille, je suis intelligente, et sans vouloir m’en vanter, je sais que j’ai du charme. Et en plus je suis gentille. Non franchement, il m’a vexée. Le « petit » Hélios, tsss. Je le vois tourner le regard vers le manoir.

Tu penses vraiment qu’un père qui annonce ces fiançailles en public sans prévenir sa fille en avance l’aurait averti des raisons d’une telle alliance ? Non, en vérité, je l’ignore. Peut-être souhaitent-ils redorer le blason de votre famille, après tout sur les trois aînés, l’un est père célibataire, l’autre a épousé une née-moldue, il n’y a bien que le dernier qui semble prendre le bon chemin. Peut-être tes parents ont-ils peur que tu ne suives le chemin de ton aîné ? Quant à moi, je pense qu’ils souhaitent une alliance avec vous car vous êtes bien implantés en politique, ce qui n’est pas notre cas. En tout cas ça n’est pas une question d’argent, nous avons ce qu’il faut.

A moins que ça soit pour nous racheter une respectabilité … Après tout, notre ancienne allégeance envers Grindelwald ne nous a pas apporté que du bon … peut-être est-ce une tâche que ma famille veut effacer, pour gommer cette mauvaise réputation. La réputation est très importante pour nous, peut-être sommes-nous en passe d’effacer ces points noirs du passé sans pour autant renier nos convictions…

Une femme reste une femme, et je suis parfois susceptible. Que l’on remettre en doute mes compétences ou mon charme, et la charmante jeune femme que je suis peut devenir une femme venimeuse, me tendant imperceptiblement, comme une reine qui se redresse sur son trône. Mais Hélios a-t-il commis un crime de lèse-majesté ? Je me montre peut-être d’ailleurs un peu trop … agressive ? en y regardant de plus près, j’ai davantage l’air d’une lionne en ce moment, malgré l’atmosphère enneigée et le fond alpin derrière nous. Alors mes mots vont … trop loin. Je le regrette presque instantanément. J’ai promis à Calliope de ne pas faire de mal à Hélios. De le protéger, ou en tout cas de rendre cette alliance la moins insupportable possible. Je vois qu’il lève les yeux au ciel, et intérieurement, je me mords les lèvres. Verena, tu dois faire attention à ce que tu dis, il manque encore de confiance en lui a dit C. Tu ne dois pas le brusquer. Mais c’est dur pour moi d’aller à l’encontre de ma nature. Je sais ce que je veux dans la vie. Je suis vexée, et je lui fais sentir. Trop sentir. Je le sens se refermer. Comme une huître. Il faut que je prenne sur moi et que je mette de l’eau dans mon vin, je le sais. Je me ravise.

Ecoute, je suis désolée… Ce n’est pas facile pour moi non plus, mon père m’a fait la surprise de cette alliance sans me le dire avant, et les invités l’ont appris en même temps que moi. Alors je suis un peu tendue aussi. Mais je n’ai rien contre toi, j’aime beaucoup ta sœur, qui est presque comme une sœur pour moi. Je n’ai rien contre Caël ou Sasha non plus, quels que soient leurs choix. Je veux juste que cette union soit la plus agréable possible. Alors désolé si je t’ai blessé, ce n’était pas le but.

Je regarde ailleurs. Je suis sincère, je veux vraiment que cela fonctionne, ou en tout cas que lui comme moi ne souffrions pas. Alors j’allais devoir prendre sur moi, en faire un homme, mais je ne pouvais pas me montrer urticante dès le début. J’avais du caractère, mais il ne fallait pas l’échauder. Il s’intéresse à mes études, sûrement un subtil moyen de passer à un sujet moins tendu.

En effet, j’étudie la médicomagie. Mon but est de travailler dans la médicomagie légale. Etudier la cause des blessures, des plaies et de la mort me passionne. Morbide n’est-ce pas ? Quant à toi je sais que tu aimes la botanique et la magizoologie ? Tu as une idée de ce que tu veux faire après ?

Être une connasse ne m’apportera rien de bon avec Hélios. Même si jamais je n’aurais envisagé l’épouser, c’est un fait, ça va arriver, sauf si peut-être la foudre nous tombe dessus, et encore, je suis persuadée que ma grand-mère trouverait le moyen d’identifier ça comme un signe du destin pour presser les noces. Mais il est avant tout le petit frère de Calliope et il est hors de question que je lui fasse du mal, je l’ai promis à ma meilleure amie. Alors je fais attention à ce que je dis. Au fond, je le pense. Nous sommes deux victimes dans cette histoire, et je ne peux cacher que ça ne me met pas particulièrement à l’aise d’être dans cette situation. Mais Hélios a le tact de ne pas s’appesantir dessus et de passer à autre chose. Nous parlons donc de mes études. Un sujet bien moins anxiogène, après tout, rien de ce que je fais professionnellement ne pourrait le choquer n’est-ce pas ? Enfin, d’accord je passe mes journées avec des morts, mais en soi, c’est un métier comme un autre. J’y mets juste un tout petit peu plus de passion que quiconque, mais c’est un détail. Il hoche la tête, avec un léger sourire. Il n’a pas ce mouvement de recul que j’ai déjà pu percevoir chez certains hommes qui sont bien plus fragiles qu’ils n’y paraissent. Peut-être que finalement Hélios n’est pas que le gamin que je m’évertue à voir en lui ?

Pourquoi es-tu désolé ? Tu penses vraiment que j’attends de mon futur mari qu’il soit là pour subvenir à mes besoins ? Certes, si tu avais étudié la médicomagie, nous aurions eu de nombreux sujets de conversation je pense, mais tant que tu fais ce qui te passionne, pourquoi aurais-je mon mot à dire ? Et vu nos familles, ce n’est pas l’argent qui nous manquera.

Je ne comprendrais jamais ce besoin qu’ont les hommes de penser devoir nous entretenir. Comme médicomage légiste, je sais que je pourrais compter sur une bonne paye, et comme dit avant, nous sommes tous deux de deux grandes familles de sang-pur aux moyens largement suffisants pour que nous ne soyons pas de simples bourgeois mais de vrais aristocrates. Ma grand-mère en tout cas ne permettra pas que je vive en dessous de ma condition, je la connais trop pour ça, notre réputation compte trop pour qu’elle puisse laisser une personne lambda imaginer que nous n’avons pas de larges moyens.

Je ne m’y connais pas plus que cela en plantes je t’avoue, enfin j’ai des bases bien entendu, mais surtout les plantes vénéneuses ou dont les parties peuvent être mortels ou servir à la confection des poisons. Mon travail consiste à identifier la cause de la mort alors c’est assez utile de savoir que trois gouttes d’essence de belladone suffisent pour ralentir un cœur, et que la quatrième l’arrête définitivement…

Est-ce qu’une telle phrase peut faire peur ? peut-être, pourtant je n’ai jamais empoisonné personne. Enfin, pas jusqu’à la mort en tout cas. Tout au plus par vengeance personnelle quand j’étais plus jeune. Mais la question d’Hélios me surprend, et me voici en train de le dévisager avec de grands yeux ronds.

Je… Oui, bien entendu, tu pourras venir me voir sur mon lieu de travail. Il te faudra juste une autorisation administrative, mais il n’y a aucune raison pour que tu ne puisses pas venir, tant que tu ne touches à rien. Ca t’intéresserait vraiment ?

C’est bien la première fois qu’un homme s’intéresse à mon métier.

Et je serais ravie que tu me fasses découvrir ta serre, et même ta plante préférée…

Il faut bien que nous fassions un pas chacun vers l’autre n’est-ce pas ? Je ne pense pas pouvoir l’aimer un jour, sauf surprise, mais à défaut de s’aimer au moins pouvons-nous être des amis et des partenaires ? C’est ainsi que cela se passe dans les mariages arrangés heureux, quand ces couples ne tournent pas au pugilat.

Mon franc-parler peut en choquer certains, mais si j’ai tenu à avoir cette discussion sous les étoiles avec Hélios, c’est pour une très bonne raison : je veux qu’il me voit sous mon vrai jour, ou en tout cas le visage que j’ai lorsque l’on retire l’apparat, les faux-semblants et les rumeurs. Je ne dis pas que je suis parfaite, loin de là, j’ai conscience, parfois, d’être légèrement hautaine, un peu trop entreprenante ou même d’être capable du meilleur comme du pire pour avoir ce que je veux. Mais je suis une Lacroix après tout, il ne faut pas s’attendre à autre chose. Pourtant, je sais aussi raisonner, et si je me plie sans aucune protestation à ce mariage arrangé, ce n’est pas pour autant que j’adhère à l’idée des mariages traditionnelles où je devrais me contenter de l’emploi de mon mari pour vivre. Nous sommes des femmes d’une nouvelle génération, et que ce soit Calliope, Secunda ou moi, nous sommes des femmes fortes et indépendantes, malgré le poids de la tradition sang-pur.  Je surprends peut-être mon fiancé, mais mon métier est une passion, étrange, je l’admets, mais une passion, alors pourquoi lui-même ne pourrait-il pas vivre de sa propre passion ? Je ne comprends d’ailleurs pas ses excuses : il vaut parfois mieux être un chercheur en botanique qu’un simple avocamage. On retient davantage le nom du découvreur d’une plante rare que d’un banal avocamage qui a réussi à obtenir des indemnités de rupture de contrat magique.

Je ne lui cache pas ma surprise quand il exprime son désir de venir me voir sur mon lieu de travail. Il s’explique, et je m’aperçois qu’il est peut-être un peu plus qu’un gamin finalement.

Alors dans ce cas, ce sera un plaisir de te faire visiter la morgue. Désolé si je t’ai parue surprise, mais les morts font peur à la plupart des sorciers, alors j’ai naïvement pensé que toi aussi tu trouverais cela trop étrange …

Mes connaissances en botanique sont par contre trop maigres pour connaître la Belle-de-nuit. je suis bien plus connaisseuse de la belladonne par exemple. Je sais juste que la Belle-de-nuit produit des pétales empoisonnées, dont l’ingestion peut causer la mort. On reconnaît l’empoisonnement à l’état de l’estomac : il apparaît rouge, inflammé et sanguinolent, avec une paroi qui se déchire, causant troubles digestifs et en cas de surdose, la mort. Même si c’est très rare.

Pourquoi dis-tu cela ? Je n’en connais que les effets toxiques, alors pourquoi penses-tu qu’elle devrait me plaire ? A quoi ressemble-t-elle ? Mais toi, ta plante préférée c’est laquelle ?

Je suis surprise, je pense que c’est le mot le plus proche de la réalité, et agréablement surprise. J’ai toujours su que ma profession ne déclenchait pas l’admiration chez mes pairs, la plupart ayant la mort en horreur et préférant la fuir coûte que coûte. Alors s’occuper de cadavres ne devait pas être une partie de plaisir pour eux, pourtant moi j’aimais mon métier, et à ce que me disait Hélios, il n’a pas cet a priori. Peut-être l’ai-je jugé trop vite ?

Je te remercie, ça me rassure de savoir que tu ne seras pas dégoûté quand je rentrerai à la maison le soir avec une odeur de mort sur moi. Oui, le formol sent extrêmement fort, tu verras.

Parler de cet avenir qu’ils auront en commun sonne étrangement. Pourtant, ils doivent se faire à cette réalité. Mais là où il me surprend sur l’attrait des morts, je le surprends à mon tour avec mes quelques connaissances en botanique, bien pauvres bien sûr, mais suffisamment pour le voir hausser un sourcil.

Qui n’aime pas les belles choses ? Même si nos noces ne sont pas souhaitées, j’ose espérer qu’à tes yeux j’ai quand même un certain attrait. En tout cas, sache que physiquement tu es bel homme. Et cultivé, c’est encore plus intéressant.

Belle et dangereuse, quand il parle de cette fleur j’ai l’impression qu’il parle de moi. C’est intéressant il en parle avec une certaine poésie. Nous ne sommes peut-être pas destinés à vivre malheureux après tout. Sa question suivante me surprend. Il est direct, je ne peux pas le lui reprocher. Je prends le temps de répondre, pour bien peser mes mots.

C’est une question que je me suis souvent posé. Si ta question est : est-ce que je souhaite fonder une famille, éduquer nos enfants dans le respect de nos valeurs pour perpétuer nos sangs, je te dirai oui. Mais si ta question était, est-ce une fin en soi pour moi ? Là je te dirais non. Je pense que se marier a un but noble : la famille, alors dans ce sens, je veux des enfants, mais je ne me vois pas comme une simple reproductrice et je ne veux pas réduire notre mariage à cela. Alors si tu en souhaites aussi, nous ferons en sorte d’en avoir, mais je ne serai pas le genre de femme à exiger ma saillie hebdomadaire parce qu’en période d’ovulation.

Je suis extrêmement franche avec lui. Des enfants ? Oui. Forcer la nature pour y parvenir ? Non. Enfin… sauf si Grand-mère l’exige, alors je n’aurais pas le choix, mais je suis sûre qu’elle connait de nombreuses potions de fertilité pour avoir rapidement une descendance… Un enfant n’est-il pas la preuve d’un mariage fertile et consommé ?

Et toi ? Tu es peut-être un peu jeune pour y songer, mais c’est quelque chose que tu as déjà envisagé ?