06 octobre 2023

Je suis en avance, pour une fois. J’ai rendez-vous avec Arthur dans ce merveilleux musée qu’est le Bristish Museum mais avant tout, je suis venue déposer un cv. Parce que même si je n’ai pas de loyer à payer en vivant chez Sasha pendant son absence, il me faut tout de même des sous pour répondre à mes autres besoins vitaux, mais aussi pour pouvoir me payer ce genre de sortie. Pour le moment, je ne peux vivre de mon métier d’Egyptologue et je ne souhaite pas retourner travailler dans les bars, alors je cherche d’autres possibilités.
Un poste de guide touristique, même pour les moldus, tant que c’est pour la partie Egyptienne, cela m’irait très bien.
Je tente de passer au-delà de l’accueil. Je ne veux pas que ma demande se retrouve perdue dans une pile. Mais la dame ne souhaite pas me laisser passer pour déposer directement au secrétariat de la direction. J’ai beau tenter de l’amadouer, elle est têtue comme un éruptif.

« Madame, si vous souhaitez déposer votre cv, je le prends et le transmettrai au secrétariat. Maintenant, veuillez m’excuser, mais j’ai des personnes qui sont en train de patienter depuis trop longtemps.»

A l’entendre au ton de sa voix, l’agent d’accueil commence à s’impatienter.

« Je ne vais certainement pas vous laisser mes papiers. Votre premier ministre se plaint du chômage, mais c’est ce genre de comportement qui ne permet pas d’y remédier...madame ! »

La personne derrière le comptoir arque un sourcil, le visage fermé. Pas la peine de continuer avec cette grognasse, je perds mon temps.
Je fais demi-tour, ignorant les touristes insatisfaits d’avoir attendu autant de temps, tout en rangeant mes papiers dans mon sac à main.
Et en relevant la tête, je vois Arthur. Je le rejoins, encore énervée avec ce qui venait de se passer, et en même temps ravie de le voir.

« Bonjour Arthur. Tu es là depuis longtemps ? »

Je lui fait la bise contre sa joue. Il est toujours sexy cet homme, c’est incroyable. J’espère que je suis tout aussi présentable. Aujourd’hui, malgré la pluie, je porte une jupe courte en velours de couleur verte bouteille accordée à un haut à manche longues près du corps de couleur orange foncé. et vu qu’il fait doux encore, je n’ai mis que des collants teintés classiques, et une veste en cuir marron.
Quand à mes cheveux, je n’ai pas fait de coiffure particulière.

Tout comme les touristes présents autour de lui, Arthur regarde avec curiosité et étonnement le manège de la rouquine au bout de la file. Il est possible que ceux qui ne la connaissent pas ne puissent pas le voir, mais il discerne sans mal son énervement. Peu importe ce qu’elle est venue faire à l’accueil du British Museum, la pauvre secrétaire doit regretter de s’être levée ce matin après son passage ! Sagement, Arthur attend qu’elle ait fini de martyriser cette pauvre femme qui suit les règles, avant de signaler sa présence. Difficile de ne pas le remarquer dans cette foule de touristes, lui qui ressemble trait pour trait à une porte de prison russe : froide, solide et impénétrable. Il se penche en avant pour lui rendre sa bise et jette malgré lui un regard sur sa tenue du jour. La constance de la beauté d’Emmy n’est pas à réfuter. Bien que cela ne fasse qu’un an qu’ils ne se sont pas vus, le temps ne semble pas avoir d’emprise sur la jeune femme. Lui sait avoir perdu de sa jeunesse et le constate chaque matin en regardant le reflet dans le miroir de sa salle de bain. Son regard s’est durci, ses rides creusées et son visage perd peu à peu de son élasticité naturelle. Il n’est pourtant pas à plaindre et n’envisage pas de le faire.

« Bonjour Emmy. Suffisamment longtemps pour voir le sort que tu as réservé à cette employée. » Il s’abstient d’user du mot “pauvre”, au risque qu’elle ne le prenne pour une attaque personnelle. Sûrement s’estime-t-elle la victime de cette discussion, et non le bourreau. Ne pas afficher d’opinion est parfois salvateur… « Quelle affaire avais-tu à régler avec elle pour que tu en finisses ainsi ? » Il fait mention sans le dire de la ride sur son front marquant son énervement ; et si ce n’est que ça, tout son être qui est encore sous le joug de l’émotion. Elle n’est pas apaisée et cela se remarque.

« Tu n’es pas forcée de m’en parler, ceci dit » ajoute-t-il en faisant quelques pas sur le côté pour éviter la file grossissante des étrangers. « J’imagine que tu connais déjà le British Museum comme l’intérieur de ta poche ? » Pour sa part, il n’y a pas été tant de fois que cela et il n’a fait que se renseigner sommairement sur les expositions en cours, sans vraiment s’y attarder.

Il a tout vu. Crotte. Bon ce n'est pas grave. Après tout, il me connait un peu et sait que j'ai un tempérament plutôt de feu. Contrairement à lui, j'ai vraiment du mal à intérioriser. D'ailleurs, j'ai chaud. Je retire mon sac et le lui donne tandis que j'enlève ma veste.

"Je suis désolée que tu ais assisté à ça."

Car cela signifie qu'il a dû patienter le temps que je termine cette affaire. Donc, pour une fois que j'étais en avance, finalement je me retrouve encore en retard.
Je reprends mon sac, passe la bandoulière et remet mes cheveux correctement.

"Ne te moque pas. Je cherche du travail. J'en ai marre de bosser dans des night clubs ou des bars. Le British Museum est LE musée phare d'Angleterre alors j'ai voulu tenter ma chance. Mais leur système est bien trop complexe en fait."

Je parle bien évidemment du système des moldus. La dame m'avait demandé une copie de ma carte vitale et carte d'identité. Je n'avais rien de tout ça évidemment. J'aurai peut-être pu passer à travers en allant faire directement du charme au directeur mais madame barrière est indétournable.

Je souffle. Il faut que je passe à autre chose. Maintenant Arthur est là. Il n'a pas à subir mes soucis.
Je fouille dans mon sac et en sort deux billets.

"Mais j'ai au moins les billets d'entrées."

Il n'a aucune idée à quoi s'attendre. Du moins, je ne le crois pas.

"Et je connais par coeur seulement la partie Égyptienne. Je ne connais pas vraiment le reste. Mais aujourd'hui, c'est une exposition temporaire qui m'intéresse et qui devrait aussi t'intéresser."

Sur ce, je lui emboîte le pas et nous passons l'entrée des touristes en donnant nos billets.
Une grande pancarte représente alors un masque Inca avec les dates de l'exposition temporaire.

Tout en prenant la direction de cette salle, je me rapproche de lui et passe mon bras sous le sien. Je lui glisse à l'oreille quelques mots.

"La fouille à laquelle nous avons participé au Pérou : les objets trouvés y sont exposés."

Cette fameuse fouille où nous nous étions rencontrés de manière très intime.
Évidemment, il y avait d'autres objets provenant d'autres sites pour pouvoir faire une exposition digne de ce nom. J'espère que cela lui fera plaisir de voir en vitrine les reliques qu'il avait sorti du sable et de la terre.

L’endroit est agréable, il doit être enrichissant d’y travailler. Il comprend pourquoi Emmy s’y essaye. Mais les moldus ont des façons de complexifier les procédures qui n’appartiennent qu’à eux et il n’est pas toujours évident de les suivre, encore moins de s’acclimater. Néanmoins, ce n’est pas insurmontable et il est persuadé qu’avec un peu plus de préparation - si c’est là que le bât blesse - elle y parviendra sans problème. Mais Arthur n’est pas homme à faire des encouragements verbaux sortis de nulle part. Il préfère se taire et laisser le sujet couler vers la sortie. Ils ne sont pas venus là pour discuter des métiers moldus, mais bien profiter de leurs structures culturelles.

« Je te crois sur parole. » Peu de personnes connaissent son inclinaison pour les découvertes archéologiques mieux qu’Emmy. C’est leur point commun principal, autre le plaisir charnel qu’ils peuvent s’offrir l’un à l’autre. Arthur ne ressent pas le besoin de lui parler d’autres choses que de fouilles, d’art égyptien ou de théories tirées par les cheveux sur les pharaons de l’époque. Il ne s’imagine pas évoquer Absolutum en sa présence, peu certain qu’elle en comprenne réellement l’enjeu même si, il a pu le constater il y a quelques mois, elle aurait pu s’y retrouver mêler par inadvertance. Il est bien content que ça n’ait pas été le cas.

Là où ils sont très différents, c’est en terme de comportement. Emmy est très tactile, il faudrait être un idiot pour ne pas le remarquer. Et Arthur n’est pas un idiot. Au début, il l’évitait, la chassait même parfois un peu ; avec le temps, il a appris à la laisser faire sans broncher, ne trouvant plus si désagréable d’avoir son bras sous le sien. Même s’il ne l’avouera jamais. Ils ont l’air plus “passe-partout” de cette façon, parmi les moldus. On fait à peine attention à eux tant ils semblent ordinaires. Quelle insulte pour le Batthyány, quand on y pense… sauf que, ça aussi, il a appris à faire avec. La discrétion que lui demandent ses missions l’oblige à ravaler sa fierté d’être reconnu partout où il va. Être transparent n’est pas toujours désagréable non plus, tant que c’est contrôlé.

« Déjà ? Ce sera intéressant de s’y replonger. » Il n’a pas oublié mais les détails ne sont plus ancrés dans sa mémoire. Il se souvient de quelques objets mais étant donné qu’aucun d’eux n’a su le faire avancer dans sa mission pour Absolutum, à quoi bon s’attarder dessus ? Leur marche continue sur quelques mètres avant d’entrer dans la salle où débute l’exposition. Certains moldus se baladent avec des machines sur la tête d’où sort une voix qui explique l’histoire et donnes les informations derrière chaque objet, chaque photo prise.

« Par où faut-il commencer ? » demande-t-il, ne comprenant pas le sens de cette exposition. Pourquoi tout le monde ne marche-t-il pas dans la même direction ?

@Emmy Robinson

Arthur n'est pas le genre d'homme expansif. Il n'est pas vraiment démonstratif, et au départ, cela m'avait quelque peu perturbée, surtout lorsque nous avions commencés à nous voir pour la lecture des hiéroglyphes. Mais j'ai appris à le connaître. Néanmoins, je me souviens parfaitement de la dispute que nous avons eu. Je lui avais reproché justement ce trait. Le fait qu'il se ferme à moi, qu'il ne se livre pas plus sur sa personne, m'avait exaspéré. J'avais dépassé la limite à ne pas franchir.  Je ne ferai pas la même erreur. Arthur est un homme mystérieux, point barre. Et je me dois de l'accepter si je veux pouvoir renouer quelque chose avec lui.

Alors quand il me dit "ça sera intéressant de s'y replonger", je prends ça pour un "oh trop bien !".
Nous arrivons à la salle et les touristes déambullent, pour certains lisant les écritaux, pour d'autres écoutant directement les commentaires. Je n'ai jamais compris comment cela fonctionnait mais j'ai essayé une fois et ce fut surprenant. J'avais sursauté à la première parole et m'étais mise à regarder partout autour de moi pour savoir qui me parlait. Bref, je n'étais pas passée inaperçue encore une fois.

"J'ai l'impression qu'il n'y a pas vraiment de sens..."

Nous nous dirigeons vers une vitrine exposant des poteries en tout genre. A côté de nous, des enfants chahuttent en s'amusant à se faire des grimaces et des sons incongrus. La mère les reprend une fois, deux fois, mais ils continuent.
Cela me tend. J'adore les enfants, et rigoler avec eux mais un musée n'est pas un parc de jeu. Je me mords la lèvre. Je meurs d'envie de leur faire une réflexion. Cependant je ne veux pas créer de problème alors je nous emmène un peu plus loin. Pas la peine de gâcher notre sortie pour si peu. Oui, je m'assagis.

Une autre vitrine expose des lames plutôt petites, ressemblant à des couteaux, à l'utilisation quotidienne plutôt que de défense.
"Oh regarde, ceux-ci proviennent de notre site."

Bon je ne me souviens absolument pas avoir déterré des lames pour ma part. Peut-être que de ce fut le cas pour lui ?

Arthur ne peut cacher l’agacement que lui provoque l’indiscipline des moldus, tant dans leur façon de suivre le parcours de l’exposition que dans celle d’éduquer leurs enfants. L’un et l’autre reflète leur manque d’engagement. Ce n’est pourtant pas compliqué de marcher derrière les autres… Il jette un regard noir aux enfants à côté d’eux et l’on pourrait mettre leur brusque silence sur l’énième intervention de leur mère pour les assagir - mais ce serait se voiler la face. Ils ont vu un regard de tueur et leur instinct leur a fait comprendre qu’il vaut mieux la jouer profil bas.

Les sorciers continuent donc leur chemin sans plus se préoccuper des autres, tentant d’en faire abstraction du mieux possible.

« Je me souviens d’eux » dit-il en se penchant sur la vitrine pour observer les coutelas. « Pas les plus belles pièces qu’on ait pu déterrer, cependant. » Il mime un sourire à l’encontre d’Emmy, dans la confidence. Ils en ont trouvé des trésors sur ce site et il est vrai que ces couteaux n’ont rien d’exceptionnel à côté d’autres reliques à l’usage plus symbolique et par extension, plus précieux aux yeux d’archéologues comme eux. Le Roumain fait un pas de côté pour observer la seconde vitrine exposant des outils similaires du quotidien. De vieux plats ébréchés qui témoignent d’une autre époque, sûrement beaucoup plus simple d’ailleurs. La vitrine suivante n’est pas très différente, et ainsi de suite. Bien qu’il trouve de l’intérêt dans tout vestige du passé, il a un faible pour les plus originales, comme tout archéologue qui se respecte (enfin ça, c’est uniquement son avis).

« Te souviens-tu du directeur des fouilles ? Cet américain imbu de lui-même qui n’a même jamais touché un fossile de sa vie, à se demander ce qu’il foutait là. » C’est probablement la première fois qu’elle l’entend formuler un avis aussi tranché sur une de leurs connaissances communes. À vrai dire, c’est sorti tout seul. S’il parvient très bien à cacher ses sentiments en temps normal, ceux pour qui il a du mépris finissent toujours par le lire sur son visage. C’est inévitable.

@Emmy Robinson

« C’est vrai. »

Je lui rends son sourire. J’apprécie beaucoup la complicité qu’il m’accorde. Est-ce que cela va durer tout au long de cette visite ? Nous avons déjà passés de bons moments ensemble. Je sais qu’il est possible de le voir ouvert, agréable, voir même drôle. Mais il peut tout aussi bien redevenir froid et distant. Alors autant profiter de cet instant qu’il m’offre.

Je le suis, observant les vitrines, m’arrêtant quelque fois un peu plus longuement pour observer les détails. Chaque objet refaisant surface a sa valeur, car c’est un vestige du passé délivrant un bout de l’Histoire. Mais bien entendu, il y en a qui sont plus exceptionnels que d’autres.
Chaque archéologue rêve de faire une découverte comme celle de Carter en 1922.

Étonnamment, il me fait part de son avis concernant le directeur de fouilles et je retiens un rire.

« Oh mais oui ! A fumer clope sur clope et à suer pour rien. Je me suis, moi aussi, demandée ce qu’il faisait là. Heureusement son assistant était plus intéressant et plus sympathique. »

Je m’arrête un instant pour attacher mes cheveux. C’est qu’il faisait bon entre les murs du musée.

« En plus, il m’a fait des avances. Yerk… »

Je suis plutôt ouverte mais je ne couche pas non plus avec n’importe qui.

« Mais je lui ai vite fait comprendre que je n’étais clairement pas intéressée. Je sais qu’il a fait de même avec la petite Française aussi. Comme si son statut de directeur allait compenser son peu de charme. »

L’étudiante Française avait beau être aussi mignonne, cela ne lui permettait pas ce genre d’approche avec une femme. Heureusement d’ailleurs qu’il n’y avait pas que des femmes dans ce groupe. Il se serait senti comme un roi avec son harem.

« Enfin bon, heureusement il y avait des personnes intéressantes dans le groupe, dont la Française, et puis toi bien sûr. D’ailleurs, je suis curieuse de savoir ce que tu as pensé de moi au début. »

Ok, je lance un sujet un peu épineux. Soit il est franc et me dit cash ce qu’il a pensé de moi, et sa réponse peut me plaire, ou non. Soit il esquive et dans ce cas, ma curiosité ne sera pas assouvie.

@Arthur Batthyány

« Pourquoi n’en suis-je pas surpris… » Il comprend qu’on puisse parfois trouver une personne si attrayante qu’on lui fasse aussitôt des avances, se posant peu la question de l’ouverture de cette dernière. Mais cet homme ne cherchait pas de lien particulier avec chacune de ces femmes, ne souhaitant que satisfaire un ego démesuré par un peu de compagnie. Arthur mentirait s’il disait qu’il ne le faisait pas lui-même parfois, mais jamais sur un lieu de travail ou de recherche. Il trouve cela malsain et inconvenant. De plus, c’est toujours source de problème. Pourtant, un œil extérieur lui dirait que c’est ce qu’il a fait avec Emmy sur ce site et il ne pourrait que grogner face à la vérité. Ou protester que désormais, leur lien est bien plus fort que cela, même s’il n’est pas en mesure d’y mettre un nom. De toute évidence, il n’acceptera pas qu’on le compare à cet homme-là. La grimace sur son visage s’intensifie à cette pensée, balayée par le commentaire de la jeune femme. Arthur la dévisage quelques secondes avant de sourire. Il n’a pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour remonter dans ses souvenirs jusqu’à ce jour-là et il sait exactement ce qu’il a pensé en la voyant la première fois.

« Tu joues à un jeu bien risqué, Emmy. Es-tu sûre de vouloir entendre ce que j’ai à dire ? » Mise en garde ? Oui, mais teintée d’une pointe de taquinerie comme il sait si bien le faire. Elle doit craindre peut-être qu’il ait quelque chose de négatif à dire sur elle, sa prestance, son intellect ou ses capacités d’archéologues… et pour chacun de ses sujets, le diplomate a en effet son mot à dire.

« Comme tout le monde, j’ai mes aprioris. Je t’ai trouvé physiquement frêle pour la tâche - avant de réaliser que tu pouvais faire preuve d’une grande force couplée à de la résilience. Tu ne rechignais pas à la tâche et je l’ai remarqué dès le premier jour. Commentaire positif venant de moi car je répugne les feignants. » Mais ça, elle doit s’en douter. « J’ai craint que tu ne deviennes aussi rouge qu’une tomate sous le soleil vu la carnation de ta peau et ça n’a pas manqué. Pour cela, je t’ai trouvé peu avisée. D’aucun sait que s’il va travailler à l’extérieur dans un tel climat avec une peau claire, il prend toutes les précautions nécessaires. » Il ne peut pas non plus que la complimenter, non ? « Je t’ai également trouvé avenante, qualité qui me fait clairement défaut et qui m’a soulagé car cela signifiait que je n’aurais pas à divertir les autres vu que tu étais là pour le faire. Ta personnalité solaire fait que tu éclipses toute personne plus réservée et cela m’allait très bien. Je n’aime pas qu’on me pose des questions. » Voilà l’homme bourru qui refait surface. « Et, bien sûr, je t’ai trouvé attrayante, sinon nous n’en serions pas là. Osé-je te retourner la question ? »

@Emmy Robinson

Est-ce que je suis certaine de vouloir l’entendre ? Vu que je n’ai pas vraiment de tabous, que je suis une adepte de l’auto-dérision, je pense que je suis prête en effet. Et nous sommes dans un lieu public, je le sens plutôt à l’aise, alors je ne pense pas me faire démonter en lui demandant cela.

« Absolument. Bon, sauf si tu dois dire que je sens des pieds, parce que ce n’est pas vrai. »

J’ai bien des défauts mais pas celui-ci. Et je lui souris, l’air taquin. Je l’écoute, tout en observant de temps en temps une vitrine par-ci, une vitrine par là. Je ne suis absolument plus concentrée sur ce qu’elle contiennent, mais sur les paroles du Roumain.
« Je t’ai trouvé physiquement frêle pour la tâche »
Ouai, ok, je suis une fille menue. Mais de là, à dire frêle...Je ne suis pas non plus une brindille prête à m’envoler au premier coup de vent. Ah mais ça va, il se rattrape.
"Commentaire positif venant de moi car je répugne les feignants."  
Sans blague. Mon regard s’exprime de lui-même. Je commence à le connaître et cela ne m’étonne pas.
Bon, jusqu’ici c’est plutôt positif. Il s’était fait un avis très macho en voyant la jeune femme frêle à creuser dans le sable, mais il faut croire qu’il avait rapidement changer d’avis. Il est vrai que je ne rechigne pas à la tâche lorsqu’il s’agit d’archéologie. C’est une autre histoire lorsque je dois me m’occuper de tout ce qui est administratif.

Ensuite, il me juge très ouvertement sur mon manque de précaution concernant la protection solaire.
Au lieu de prendre la mouche, je laisse échapper un pouffement de rire. Il est clair, que le concernant, il n’avait pas ce souci, lui qui était complètement bronzé à ce moment là. C’est à se demander s’il est bien un Roumain de pur souche. Ou alors, je me fais une mauvaise idée du climat en Roumanie.
En tout cas, me concernant, je ne peux renier mes origines anglaises, voir celtes.  

Je le laisse continuer sans l’interrompre, de peur qu’il ne s’arrête en si bon chemin. « Avenante » ? Vraiment ? C’est bien la première fois que l’on me qualifie de personne avenante.
Ah « divertir les autres », voilà qui me parle davantage. J’aime faire rire les gens, alors je ne peux m’empêcher de faire la pitre, même si parfois je me prends de gros bides.
« Personnalité solaire » ? Cherches-tu à rechauffer mon coeur Arthur ?
Il est vrai que ma personnalité peut éclipser celles des personnes plus réservées. Ce n’est pas un but en soit. Je suis comme ça. Mais les personnes réservées, je les repères, et généralement, je les laisse rarement de côté.
« Et, bien sûr, je t’ai trouvé attrayante ». Evidemment, Monsieur Batthyany ! Mais où en sommes-nous exactement Arthur ?

C’est un premier portrait plutôt satisfaisant. En gros, si je résume : je lui ai tapé dans l’oeil direct.

« Mais je t’en prie, ose Arthur, ose. »

Je lui souris malicieusement.

« Merci pour ta franchise. Je vais en faire de même. »

Je me rapproche et me retrouve face à lui, parce que ce que j’ai à lui dire, n’appartient qu’à lui.

« Tout d’abord, je t’ai trouvé incroyablement sexy, avec ta chemise (quand tu n’étais pas torse-nu) jaunie par le sable, ta barbe de plusieurs jours... »

Je pose ma main sur sa joue pour la caresser avant de la poser contre son torse.

« ...et avec ton chapeau d’aventurier. »

Je l’assume clairement. C’est son physique qui m’a avant tout interpelé. Ma température monte légèrement en me retrouvant de nouveau aussi proche de lui, face à ce menton carré, ces lèvres invitant au baiser, ces yeux bleus qui feraient fondre n’importe quelle femme. Je recule légèrement pour que je puisse continuer sans avoir la tentation de l’embrasser. Je regarde une vitrine, les yeux dans le vague, me concentrant sur la première impression que j’ai pu avoir de lui.

« J’ai d’abord cru que tu faisais parti de ces hommes bourrus et machos. Alors bourru, tu l’es. Mais machiste, j’ai très vite révisé mon opinion lorsqu’à plusieurs reprises tu as été avenant envers la gente féminine, notamment lorsque j’ai glissé sur une échelle et que tu m’as rattrapé. Et non, je te jure, je ne l’ai pas fait exprès. »

Mademoiselle gaffe, c’est moi aussi.

« Tu as toujours été poli, même si tu partageais peu avec les autres. Alors tu es très vite devenu un homme énigmatique. »

Mon regard se tourne de nouveau vers lui.

« Je savais que tu étais un homme intelligent, même si tu n’en faisais pas la démonstration devant tout le monde. Je te voyais te crisper face à la bêtise ou à l’ignorance. Tu as donc un certain sang froid, et maintenant que je connais ton métier, je comprends mieux. Je t’ai trouvé comme quelqu’un de déterminé. A quoi ? Je ne sais pas vraiment. »

Je fais une pause, en revoyant l’image d’Arthur de cette époque, qui me semble maintenant lointaine, et qui pourtant ne l’est pas. Nous nous connaissons mieux maintenant mais il y a toujours cette frontière infranchissable avec lui. Il reste toujours cet homme énigmatique.

« Je n’étais pas trop à côté de la plaque je crois. »

@Arthur Batthyány

Il ne s’attend pas à autre chose que de la franchise de sa part, bien évidemment. C’est Emmy, elle l’a toujours été et il y a fort à parier que ça ne changera jamais. Arthur reste inflexible lorsqu’elle se met à vanter son physique. Non pas qu’il ait l’habitude de ce type de parade, ou qu’il ne prend pas plaisir à l’entendre, mais parce que le lieu lui impose de se tenir correctement et qu’il ne souhaite pas se donner en spectacle. D’autant plus que tout cela n’est pas une surprise pour le Roumain. Il a remarqué l’œil brillant d’Emmy ce jour-là et il savait que cela n’était pas dû au sable ou au soleil qui tapait trop fort sur sa tête. Il lui plaisait et n’avait rien accepté d’elle que ce qu’elle était prête à offrir.

Elle se détourne et il la suit du regard, tout simplement. Ne bouge pas, ne copie pas ses mouvements. Gardant son mutisme et son immobilisme, il attend, écoute. Patient. Une qualité qu’on ne peut que lui donner, qu’on l’aime ou non. On ne le traite que rarement de non-machiste et souvent, on interprète mal ses intentions. Ce qu’elle a prit pour de la prévenance, certaines le qualifieraient de fausse chevalerie masculine. Arthur ne cherchait pas à coller à un modèle précis. Il suivait son éducation, ses intuitions en priorité. Aucun geste irréfléchi cependant, bien que parfois surprenant.

Énigmatique. Encore une fois, il n’est pas surpris. C’est ce qui revient le plus souvent dans les descriptions des autres. On ne sait pas ce qu’il pense. Ses phrases sont souvent trop courtes. Ses expressions insondables. Ses décisions irréversibles. Arthur ne regrette pas son caractère. C’est lui qui l’a mené si loin, qui l’a fait supporter une éducation pour beaucoup trop stricte. Il n’en parle jamais. C’est son passé, pas celui des autres. Qu’est-ce que cela avancerait d’en parler ?

« Non, tu ne l’étais pas. Il serait sûrement vaniteux de ma part de dire que je me reconnais dans cette description donc je ne m’attarderai pas là-dessus. Ton portrait est plutôt élogieux. N’oses-tu pas mentionner les traits que tu détestes chez moi ? Je sais que tu les vois. » Il l’invite à parler franchement, ce n’est pas si souvent qu’il s’autorise une conversation aussi ouverte et franche. Elle devrait en profiter, pense-t-il. D’autres paieraient cher pour être à sa place.

« Je ne me fâcherai pas. » Il s’approche d’elle à son tour, observe les vitrines puis tourne vers Emmy un sourire provocateur. Un des rares qu’il ait en stock, à bien noter.

@Emmy Robinson

Pourquoi faut-il qu'il cherche la petite bête ? Le portrait que je lui ai fait ne lui convient-il pas ?

"Vraiment ?"

Je suis étonnée qu'il me demande une telle chose. Nous avons déjà eu une dispute au sujet de l'un de ses traits de caractère. Dispute qui a mis une distance entre nous. Pourquoi souhaite-t-il revenir vers un terrain aussi glissant ?
Il ne se fâchera pas... Évidemment qu'il ne fera pas un scandale en lieu public.

"J'ai fait ce portrait avec le premier regard que j'ai eu envers toi. Mais si tu souhaites vraiment savoir ce qui m'agace chez toi, d'accord."

"Ton côté mystérieux est à la fois attirant et terriblement frustrant. Mais tu le sais déjà, je ne vais pas m'éterniser sur ce point."

Ne ravivons pas la colère que nous avons pu vivre.

"Tu es trop réfléchi. Quelques fois j'ai envie de te secouer, ou de te provoquer parce que tu manques de spontanéité."

Néanmoins, il ne manque pas d'audace, je l'ai constaté en Italie.
Je fais le tour de la vitrine et me rapproche de lui.

"Je sais que suis un vrai livre ouvert pour qui sait lire. Mais toi, tu es fermé. De temps en temps seulement, tu laisses entrevoir quelques lignes. Quelques fois, j'aimerai savoir ce que tu ressens."

Comme par exemple en cet instant.

"Je sais que j'ai de la folie à revendre, et que tu en as très peu. J'aimerais bien pouvoir t'en donner un peu."

Histoire de le voir complètement détendu, croquant la vie à pleines dents.
Je lui souris et continue mon chemin vers une autre vitrine. De toute façon, je doute fortement qu'il changera. En tout cas, pas pour moi. Donc je dois m'y faire.

« Vraiment. »

Il la regarde droit dans les yeux et, même si cela ne se voit pas au premier coup d’œil, Arthur s’avère être dans un bon mood. Il est prêt à entendre ce qu’on a à dire sur lui, quitte à se sentir vexé à la fin. Mais ça, c’est son problème. La dernière fois qu’ils se sont pris la tête, Emmy l’a pris au dépourvu, sans crier gare. Cette fois, il est prévenu et il pourra réagir plus froidement aux critiques sur sa personnalité. Le Batthyány n’est pas assez idiot pour croire que cette dernière peut plaire à tous. Le commun des mortels le trouve froid et irritant. Il ne voit pas pourquoi ce ne serait pas le cas d’Emmy et s’attend à ces adjectifs.

Bien sûr, elle évoque le mystère l’entourant. Il aimerait bien lui dire qu’il était obligé de garder le silence sur ses activités mais ce serait enfoncer le clou un peu trop loin et éveiller la curiosité d’une femme déjà trop fouineuse. Manque de spontanéité ? Là non plus, il ne peut la contredire. Un reproche souvent évoqué par ses conquêtes. Arthur ne leur proposera pas de partir en voyage du jour au lendemain, sur un coup de tête. S’il choisit d’offrir un cadeau, c’est après de longues heures de réflexion (tant sur l’objet du cadeau que sur ses conséquences sur la relation entretenue) et surtout, il prévoit tout. Absolument tout. Le contrôle empêche les erreurs à ses yeux et dans son métier, une erreur peut vite mettre la pagaille. Alors, pour lui, être réfléchi est plus un compliment qu’une tare. Et puis, elle ne fait qu’enfoncer des portes qu’il a déjà lui-même ouvertes par le passé.

« Tu n’as pas tort » dit-il après quelques secondes de silence, chacun regardant la vitrine devant lui. « Je suis fermé. C’est comme ça. C’est ainsi que l’on m’a élevé, ainsi que je suis. Ce que je ressens n’a souvent pas d’importance, surtout en affaires. Même, parfois, les sentiments peuvent me mettre dans des positions désagréables. Je comprends et il m’arrive d’envier ta folie, tout en sachant que c’est immuable. »

Il ne changera pas, s’estime bien trop vieux pour cela. N’en a pas envie du tout. Sa façon de vivre lui convient et il ne s’attend pas à inclure quelqu’un dans sa vie privée. S’il tombait profondément amoureux, il envisagerait sûrement de s’ouvrir un peu plus mais ce n’est présentement pas le cas. Souvent, Arthur pense à cette rupture, à cette relation passée et en vient à la conclusion qu’il a tant donné qu’aujourd’hui, il ne lui reste plus rien à partager avec d’autres. Isabelle a sûrement tout gardé pour elle.

« Je trouve au contraire le contraste entre nos personnalités très intéressant. Cela ne nous empêche pas de nous entendre, la plupart du temps. Et d’avoir les mêmes passions. De les partager. Tous les hommes que tu fréquentes sont-ils à ce point plus ouverts que moi ? »

@Emmy Robinson

Je comprends parfaitement l’éducation qu’il a pu avoir. Ne pas faire de débordements, maîtriser ses émotions, ne pas faire un pas de travers. Tout ceci, j’ai connu. Mais il ne peut reposer sa personnalité sur son éducation. Évidemment qu’il a été façonné d’une certaine manière, comme chez bon nombre de familles sang pur où la liberté d’expression est proscrite. Il s’en est accommodé. Cela lui sert même pour son métier, et je ne peux que comprendre qu’en tant que diplomate, le contrôle de soi est primordial.
Il est ainsi, comme il le dit, et n’a pas l’air d’en souffrir. C'est ce qui compte après tout ? Que les autres ne s’y fassent pas, peu importe si lui le vit bien.

Et je ne peux que le rejoindre sur le constat qu'il fait nous concernant. Nous sommes très différents, et pourtant nous avons des choses en commun.
La question est : éprouve-t-il toujours une attirance envers moi, comme je peux le ressentir pour lui ?

Je ne sais pas si je dois être outrée ou rire de sa question. Tous les hommes que je fréquente ?
Il n’a pas tort cela dit. Mais je ne change pas de mec chaque nuit non plus !

“Tu peux préciser ta question ?”

Étant proche de lui, je pose mon regard sur lui. Tant bien que mal, j’essaye de sonder ce regard indéchiffrable.

“Tu parles des personnes que je fréquente en général ou seulement celles avec qui je couche ?”

J’emploi le mot “personne” puisque je ne couche pas qu’avec des hommes…

“La réponse t’importe-t-elle vraiment ?”

C’est la première fois qu’il pose une question sur mes autres relations. Simple curiosité ? Je ne vois pas où il veut en venir.

“Tu sais, tu es le seul homme avec lequel je peux réellement partager tout ceci, sans qu’il n’ait besoin de faire semblant de s’y intéresser, tout ça pour me mettre dans son lit.”

D’une main, je lui montre ce qui nous entoure.

“Nous partageons cette passion, et concernant ce point, tu es bien plus ouvert que n’importe qui d’autre.”

Et mine de rien, ça compte pour moi.

Il ne voit pas quoi dire pour préciser. Elle voulait de la curiosité, il en montre. Il lui pose des questions, tente de connaître son entourage. C’est lié aux commentaires faits sur sa personnalité, également. Elle le trouve fermé mais il ne doit pas être le seul autour d’elle dans ce cas, non ? Peut-être cherche-t-il une âme sensiblement semblable à la sienne à laquelle se raccrocher. Une preuve qu’il n’est ni bizarre ni à éviter.

« Des personnes qui gravitent autour de toi. Tout n’est pas question de sexe. »

Elle est là sa précision. Arthur est bien loin de se soucier de ces choses-là. Emmy a bien le droit de fréquenter qui elle le souhaite, il n’a aucun avis à donner en la matière et ne s’y risquera jamais. Il la sait ouverte aux expériences, demandeuse en la matière et bienheureuse de cette façon. Contrairement aux apparences, il ne sera pas celui qui lui dira comment dicter sa vie. Ils ont largement dépassé ce stade dans leur relation.

« La question est-elle si dérangeante ? »

Il ne comprend pas pourquoi elle en fait tout un foin, de cette question. Une réponse n’est pas essentielle à sa vie, en effet, mais aucune ne l’est jamais. Pourquoi ce mystère ? Pourquoi ne pas simplement dire oui ou non ? Emmy a toujours été à l’aise avec sa façon de vivre et cette réaction jure avec ce qu’il sait d’elle.

« Si tu ne veux pas répondre, soit. Je ne le prendrai pas mal. »

Il regarde ce qu’elle pointe autour d’eux et fronce les sourcils. C’est rare que cela arrive mais elle a réussi à le perdre dans sa réflexion. Comme il est direct et ne perd rien à dire ce qu’il pense, c’est ce qu’il fait.

« Je ne vois pas le rapport avec l’archéologie. Je t’ai simplement demandé si je suis le seul dans ton entourage que tu qualifies de fermé ou si c’est une habitude chez toi de t’entourer de personnes moins expansives que toi. Tu ne devrais pas tout ramener au sexe. Il y a des questions simples qui appellent des réponses simples. »

Et c’est l’une d’elles. Pas de double lecture, pas d’intention cachée ou de sous-entendus. Pour une fois, il se montre un peu moins énigmatique et il a la désagréable sensation que cela lui est… reproché ? Aurait-il dû se taire ?

@Emmy Robinson