Apsara avait mis un temps monstrueux à comprendre ce qui la tracassait autant ces derniers jours. La célébration de Yule c’était plutôt bien passée malgré le trac horrible qui lui avait empoigné le ventre toute la soirée. Elle n’avait pas pu attendre avant de retranscrire dans un thaïlandais effroyablement soutenu les quelques évènements notables en omettant le plus important à ses yeux. Elle ne mentionna en aucune façon la bouffée d’oxygène que lui avait permis d’avoir [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , sa famille ne pouvant cautionner qu’elle fréquente un sang-pur avec un tel bagage. Peut-être aurait-elle pu fermer les yeux sur sa frasque passée s’ils avaient eu vent du contenu de leur échange ? Nul doute que sa mère aurait été aux anges d’entendre le sorcier glisser l’idée d’une romance avec l’un des fils Blackthorn. Elle prit soin de taire son amitié grandissante avec [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , tout comme cette première danse qu’il était venu lui offrir. Elle avait longuement pesée le pour et le contre, puisqu’il lui avait lui-même suggérer de le leur faire savoir, mais avait fini par le garder pour elle dans un élan protecteur. Sa mère aurait eu tôt fait de la pousser dans ses bras, par monts et par vaux et Merlin sait qu’elle ne supporterait pas un nouveau désastre. Perdre [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] avait déjà été suffisamment difficile, elle ne pouvait permettre qu’une nouvelle catastrophe du genre se produise. Un hibou lui était parvenu quelques jours plus tard, la gratifiant d’une menace à peine camouflée dans un compliment dénué de tendresse. Elle avait tenue sa place, était rentrée dans les rangs. Elle était aussi encouragée à maintenir d’aussi bonne relation, sans en mentionner aucune en particulier. Et merde ! Enfin… C’était toujours moins pire que ce à quoi elle s’attendait. Dans quelques jours, le 27, elle allait avoir l’occasion d’en discuter avec James.

Si le bal n’était pas ce qui la contrariait, ni même sa famille (pas plus qu’à l’accoutumer, cela s’entend), qu’est-ce qui en était à l’origine ? Pour une fois, la sorcière n’avait pas été contrainte de retourner en Thaïlande pour les festivités de fin d’année. Merci Yule ! Se retrouver seule à noël n’était pas ce qu’elle craignait le plus, bien au contraire. Ce serait différent bien sûr, mais au moins elle allait être tranquille. Elle n’avait aucune obligation à remplir, aucune conversation à entrainer des heures durant, ni même à prouver quoique ce soit. Oui, cette année, elle était loin de chez elle et -Oh ! Oui. La divine lumière de la révélation la toucha de ses doux rayons, lui imprimant l’image d’un jeune homme sur ses rétines. Luan ! Si elle savourait la distance, lui digérait assez peu le mal du pays. Ce moment, passé loin de ses proches, loin de son terrifiant jumeau, risquait sans doute de le bouleverser. Et puis c’était aussi son anniversaire ! Voilà ce qui ne cessait de la tracasser. Ni une, ni deux. L’étudiante s’était emparée de son téléphone -merveilleuse technologie moldue- et avait imposé sa présence à l’éthelred. Comment ça, il n’avait rien de prévu pour une date pareille ? Une année de plus, ça se célèbre ! Non, ne la jugez pas. Elle a tout à fait le droit de pratiquer le "faites ce que je dis, pas ce que je fais" quand ça concerne ses êtres chers.  

Voici donc la raison qui l’avait amené à toquer à sa porte, en fin d’après-midi. Elle tanguait, se balançant tantôt d’un côté tantôt de l’autre, et se retenait de trépigner. Il faisait un froid terrible et l’épaisse cape qui l’entourait ne parvenait pas à la réchauffer. A croire que la simple idée d’être en hiver suffisait à la faire grelotter ! Ses doigts délicats étaient rouge vif, tout l’opposé de ses articulations farouchement fermées sur la hanse de sac affreusement lourds. Oui, elle était venue chargée comme un bœuf et se refusait à lâcher sa marchandise. En fait, elle ne le pouvait pas au risque de retrouver une microcirculation sanguine à ses extrémités et Morgane sait que ça ferait un mal de chien ! Heureusement pour elle, le verrou ne tarda pas à sauter et la silhouette de son sauveur, à apparaitre dans l’encadrement.


« Lu' Lulu ! Pousse-toi ! Je vais me métamorphoser en stalagmite si ça continue. »


Son nez s’était légèrement retroussé lorsqu’elle vit l’horrible, le disgracieux, l’innommable sourire qu’il tentait de forcer. Ce sorcier était la bonté incarnée, un cœur construit à base d’or et d’argent, et il était impensable que de la tristesse s’accroche à ses traits. En deux temps trois mouvements, la brune s’était débarrassée de ses sneakers favorites et s’étaient accroupies pour se délester de ses fardeaux. D’ailleurs, elle farfouilla un moment dans l’un des nombreux sacs avant de réussir à en extirper un objet informe recouvert de papier cadeau brillant.


« สุขสันต์วันเกิด » ¹ et ses lèvres vinrent se poser en un tendre baiser sur sa joue.


« Aller ouvre ! Et que ça saute ! On a encore une maison à décorer. »


Et voilà, la pokeby trépignait. Au moins, elle s’abstenait de sauter sur… Ah. Si. Elle sautillait à présent, victime d’une surexcitation enfantine. Elle avait vraiment hâte ! Hâte de le voir découvrir une paire de gants en cuir de dragon pour laquelle elle s’était battue bec et ongles. Hâte de sortir la myriade de décoration de noël qu’elle avait récupérée et rafistolée en prévision de cet évènement. Hâte de dévorer les plats asiatiques pour lesquels elle avait fait fondre ses maigres économies issues du petsitting. Hâte de passer cette soirée magique avec lui ! Un sourire digne d’un enfant de 7 ans illumina son visage alors qu’elle lui sauta dans les bras, se recroquevillant incroyablement bien afin de lui permettre de se mouvoir. Juste un peu. Ouvre, aller !

traduction thaïlandais:

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Célébrer noël n’était pas chose habituelle en Thaïlande même la tendance commençait à changer, les jeunes s’ouvrant de plus en plus vers les coutumes occidentales et les mouvements démographiques faisant le reste. Lorsqu’elle y résidait encore, elle associait ce genre de festivité à une énième occasion pour le clan de se montrer et d’étaler fortune et réussites aux yeux des autres familles, sorciers et moldus confondus. Sa vision des choses changea drastiquement lorsqu’elle put découvrir le plaisir que pouvait apporter le simple fait d’offrir un présent à quelqu’un qu’on l’appréciait. Chaque année, un vent d’excitation la gagnait alors qu’elle écumait les boutiques à la recherche du cadeau idéal. Elle ne craignait ni la foule, ni le froid -si, mais l’oubliait, ni les coups bas que les clients se réservaient entre eux. Ceci allait crescendo jusqu’à ce qu’enfin, elle ait le droit de dévoiler sa trouvaille à qui de droit. A la regarder tourner autour de ses amis, en quête du moindre signe de déception, on pourrait croire qu’elle s’était même donnée la mission de leur coller un sourire sur leur visage. Oh, attendez, c’était exactement ça. Elle était tellement préoccupée à l’idée d’avoir raté le coche qu’elle en oubliait que l’échange pouvait se faire dans les deux sens. C’était tellement curieux d’être au sens de l’attention de quelqu’un, sans aucune attente… Mais si agréable ! Elle porta machinalement la main à son collier et joua à glisser la perle violette entre ses doigts.

« Ça te plait alors ? » était-elle obligée de lui demander malgré la scène qui se déroulait sous ses yeux. Juste pour être sure.

Une fois rassurée, elle soupira longuement et découvrit avec surprise la tension qui s’était accumulée dans ses épaules. On ne change pas une équipe qui gagne, songea-t-elle avant d’enfiler les chaussons xxl.

« Bien sûr qu’il fallait ! » elle était d’autant plus heureuse que Luan en profite au lieu de cette vieille bicorne qui avait osé lui prendre des mains -enfin, elle avait essayé.

« Oh ça c’est – Ok,ok, j’te suis ! » dit-elle en se sentant être embarquée par le sorcier.

En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, elle s’était retrouvée assise dans le confortable canapé, un plaid sur les genoux et une tasse dans les mains. Elle la porta à son nez et savoura le parfum réconfortant qui s’en dégageait.

« T’es un amour Luan ! » elle aurait été tentée de lui donner un léger coup de coude, histoire de répondre à son besoin de toucher son prochain dès qu’une bouffée d’affection la prenait, mais s’abstint. Avec leur chance, ils allaient finir ébouillantés.

« T’es tout seul ? Ils sont partis où les autres ? » c’était vraiment bizarre ce calme, dans la coloc. D’habitude, il y avait du bruit, des cris, de la musique… De la vie, quoi ! Elle fronça un instant les sourcils, et le regarda du coin de l’œil tout en soufflant sur sa boisson.

« Si tu me sors que tu comptais passer noël et ton anniversaire tout seul, je te jure que c’est toi que je décore cette année. » Menace à peine voilée qui lui rappela aussitôt les sacs laissés en vrac à l’entrée. Sa main quitta la chaleur de sa tasse -tristesse- et lança un accio bien placé qui ramena le tout à leurs pieds.

« Du coup, pour te répondre, ce n’est que le strict minimum pour décorer cet endroit et passer un noël de qualité ensemble ! Et j’ai pris des bougies pour mettre sur le gâteau ! »

Un autre coup de baguette et les aliments devant être conservés au frais trouvèrent le chemin vers le réfrigérateur. Il était hors de question que le dessert qu’elle avait commandé spécialement pour l’occasion prenne un coup de chaud.

En moins de cinq minutes, Luan se transforme en tornade et entraine tout sur son passage. Elle qui trépignait de joie à l’idée d’avoir satisfait cet ami improbable se retrouvait projetée sur le divan, un plaid sur les genoux et une tasse fumante entre les mains. Apsara avait beau être habituée à ce tempérament surprenant, elle se laissait avoir à chaque fois… Et de bon cœur, qui plus est ! Il avait ce don de faire chavirer les cœurs à sa façon, de faire voir la vie autrement. Elle se sentait terriblement chanceuse d’avoir pu nouer une amitié avec cette tête en l’air après toutes ces terribles années. Les voyages forgent la jeunesse et les expatriations rendent l’impossible envisageable.

L’étudiante souffla doucement sur le liquide chaud avant d’en prendre une petite gorgée. Il lui serait nettement plus difficile de lui détailler la suite des opérations si le bout de sa langue venait à être ébouillantée. Quoique ça lui permettrait peut-être de réfléchir avant de parler ? Elle ne pouvait pas rater l’ombre qui planait derrière les deux perles noires. Elle avait tellement pris l’habitude de passer le réveillon loin de sa famille qu’elle en oubliait que d’autres ne souhaitaient rien d’autre que d’être entouré par ses proches. Bien joué Chankimha !

Peu disposée à laisser cette mine sinistre enlaidir ses traits, elle s’empressa de déposer sa tasse sur la petite table basse et de se saisir d’un sac. Elle en extirpa une longue guirlande rouge dont l’extrémité des franges prenaient une teinte dorée selon la lumière.


« Avant tout, te détendre. Je suis venue pour passer cette soirée avec toi. Je n’ai ni les muscles, ni le charisme de ton frère, mais j’espère pouvoir te redonner le sourire. On peut faire de tout… Ou rien… C’est selon tes envies chaton. » un doux sourire apparut sur son visage alors qu’elle entoura la décoration autour du cou du sorcier.


« Je suis bien placée pour savoir qu’il y a pas mal de décalage horaire entre ici et chez nous. Il doit être quoi… 01h du matin ? Ton jumeau ne doit pas dormir à cette heure-là. Et si tu lui passais un coup de fil pendant que je range tout ça ? »


Apsara bouscula doucement le brun de son épaule tout en prenant soin de ne pas lui faire renverser sa boisson chaude. Son sourire s’agrandit et, à bien y regarder, deux de ses épis semblaient former de drôle de cornes. Un hasard. Vraiment. Elle gardait son auréole en toute circonstance, voyons. Elle farfouilla dans sa poche et en sortit son smartphone, qu’elle déverrouilla et lui tendit.


« Un des avantages à avoir une famille comme la mienne, c’est que les communications sont gratuites à toute heure du jour et de la nuit, pour chaque personne au bout du fil. Tu peux même faire une visio. Tu as la haute qualité sur ce truc. » pour une fois que la fortune de sa famille pouvait profiter à quelqu’un de bien, elle n’allait pas s’en priver.


« Je ne peux pas me mettre à place. Je ne sais pas ce que c’est que d’avoir une relation fraternelle comme la votre mais ça compte pour toi. Ça, je le vois. C’est évident même. »


Pour le coup, moins elle voyait ses frères et mieux elle se portait. Elle n’était pas stupide pour autant, elle avait bien compris avec le temps que ça n’avait rien d’un rapport normal mais elle s’en contentait. Une autre personne avait gagné une place autrement plus importante à ses yeux qu’un simple lien du sang.

La thaïlandaise déposa un baiser fugace sur sa tempe avant de sauter du canapé. Elle s’empara de quelques sacs et commença à disposer au dos des chaises les diverses décorations chinées ci et là. Elle empila quelques boites de film de noël dont le merveilleux Grinch, et disposa dans un saladier quelques sucreries histoire de tenir jusqu’au repas.

Et si son frère ne lui répondait pas ? Et si elle avait empiré la situation en se mêlant d’une chose qui ne la regardait pas ? Merde. MERDE. Apsara ferma les yeux si fort que des petites ridules apparurent à leur coin. Il ne fallut que peu de temps pour que son pouce et son index ne viennent pincer l’arrête de son nez. Pourquoi n’y avait-elle pas songé avant ? C’était toujours le même scénario. Son esprit était vide de tout doute et, l’instant suivant, elle ployait sous la quantité monstrueuse de pensées qui lui tombait dessus. C’était à devenir fou ! Ce n’est plus seulement sa conscience qui lui chuchotait une conduite à suivre du haut de son épaule, comme dans ce dessin animé moldu qu’elle affectionnait tant. Non. Rien à voir. Là, elles étaient une multitude à parler, hurler, tirer son attention comme on se battrait pour le dernier article en solde. C’était comme si elle se retrouvait en pleine mer, sous la tempête, luttant pour ne pas sombrer. Ça c’était empiré ces derniers temps et une boite d’aspirine avait fini par élire domicile au fond de son sac. Ses index gravirent son visage et commencèrent à masser ses tempes dans l’espoir vain de faire taire le déferlement. Ce qui était fait, est fait.

Une voix métallique brisa le silence. La thaïlandaise ne l’avait pas entendu depuis des années et pourtant, elle l’a reconnue sans l’ombre d’un doute. En temps normal, elle se serait sans doute tenue droite comme la justice ou aurait jeté un regard vers la sortie la plus proche. Elle n’en fit rien. Ses épaules se détendirent et un soupire de soulagement glissa entre ses lèvres. Luan se trouvant dans son dos, il manqua le sourire éclatant qui habillait à présent ses traits. Telle une petite souris, la sorcière retourna à ses préparatifs sous en tentant de faire le moindre bruit possible. La conversation dans une langue qu’elle ne maitrisait pas lui permis de se concentrer sur sa tache -du moins jusqu’à ce qu’elle ne doive rattraper in extrémis un plat. Son frangin venait bien de dire son prénom là ? Ce fut plus fort qu’elle, elle se retourna. L’expression qu’adopterait son ami lui indiquerait sûrement si elle s’inquiétait à raison ou pas. N’est-ce pas ?      


« Oh non, Lu… » La sorcière laissa balança le sac au loin et retourna à ses côtés en quatrième vitesse.


Voir son visage se torde sous les larmes lui fendit le cœur. Sa réaction fut immédiate : elle grimpa sur le sofa et se mit à genou à ses côtés. Ses bras vinrent entourer son cou et elle l’attira à elle. L’une de ses mains se glissa à la base de sa tête tandis que l’autre glissait lentement le long de son dos, de haut en bas.


« T’as pas à t’excuser. Au contraire. Laisses sortir. »


A défaut de traiter le problème, ça avait au moins le mérite d’être libérateur. Elle avait pu en faire l’expérience, à l’abri des regards.


« Tu as le droit d’être triste d’accord ? »


Tout le monde devrait pouvoir passer ce genre de célébrations avec ses proches.  

Voir ainsi ce petit bout d’homme s’effondrer lui brisait le cœur. Il avait beau faire une bonne tête et demie de plus qu’elle, Apsara ne pouvait s’empêcher de le prendre dans ses bras et de le serrer contre elle. Il était impensable de l’entendre pleurer sans réagir. Ce serait comme voir un enfant souffrir et ne pas intervenir. Elle n’avait aucunement l’intention de l’infantiliser en agissant ainsi, c’est seulement… Naturel. Inné. Il avait un cœur si pur, capable de tant de beauté… Ca devait forcément être préservé. La question était : Comment ? Elle se sentait démunie face à tant de chagrin. Elle l’entendait sans le comprendre. Se mettre à place de quelqu’un d’autre était déjà fichtrement compliqué, alors le faire sans avoir partagé une seule fois le même genre de sentiment ? Outch.

L’Ethelred s’excusa et elle s’en mordit la lippe. Non. Surtout pas. Elle ne se serra contre elle que de plus belle et posa son menton au sommet de son crâne. Doucement, elle entame un mouvement de balancement. Elle aimerait tant se montrer rassurante et parvenir à chasser ces vilaines larmes de son doux visage. James réussissait avec elle. Pourquoi est-ce qu’elle trouvait ça si difficile ? Est-ce que lui aussi avait l’impression de marcher sur des œufs, quand la crise arrivait ? Il n’y avait pas à dire. C’était plus facile de faire le pitre.

Plus aucun mot ne sortit de la bouche de la thaïlandaise. Elle se contenta de passer doucement sa paume le long de son dos, de fredonner un air doux qui lui était soudainement passé en tête. Elle se concentrait sur les mouvements de sa respiration. Lent. Toujours plus lent. Est-ce qu’il se recomposait ? Elle l’espérait. Il ne méritait pas un tel chagrin.

Un soupir menaça de quitter ses lèvres au moment où il se redressa. Elle n’aurait pas voulu qu’il l’interprète d’une mauvaise façon alors qu’au fond, elle était simplement soulagée.

La surprise se lut sans mal sur ses traits, quand il mentionna son jumeau. Il avait donc bien mentionné son prénom. Aïe. Ou pas ?


« Ben… C’est normal Lu ! J’allais pas te laisser passer noël tout seul. Ni ton anniversaire. C’est ça les amis, tu ne crois pas ? »


La pokeby lui sourit doucement avant de passer la main dans ses mèches courtes et de le décoiffer le plus affectueusement du monde.


« Et bien sûr que j’ai raison. J’ai toujours raison ! N’en doutes plus. »


Son cœur se prit les pieds dans le tapis quand il lui parla de la venue prochaine de son frère. Ah ! Bien. Non. Pas du tout. Elle n’était pas du tout à l’aise à l’idée de le revoir et redoutait déjà ce moment mais… Pour lui, elle le ferait. Comment ne pas résister devant cette bouille qui lui faisait face.


« Bien sûr. On pourrait organiser une soirée où on convierait tout le monde ? Je pourrais demander à [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] si elle a envie de nous aider. T’en penses quoi ? »


Ses grands yeux sombres se mirent soudainement à pétiller. Des idées, elle en avait à revendre dont une terriblement tentante.


« On pourrait enchanter un dragon en papier à l’entrée ! J’fonce à la bibliothèque des demain. Ce sera génial ! On va laisser ton frangin sur les fesses. » A défaut de le laisser dehors, mais bon. On fait comme on peut.


« Bien ! » La brune fit claquer ses mains sur ses cuisses et se redressa d’un bon. « On va se charger de la déco. Y’a beaucoup trop de bon goût ici pour une fête de fin d’année. »


Ni une ni deux, elle alla chercher deux grands sacs pleins de décorations aux couleurs criardes ou pailletées.


« Ce sera mon premier noël. ‘Fin, je veux dire, qui compte quoi. Je ne savais pas quoi prendre alors j’ai peut-être dépouillé la shop. J’espère que ça suffira. Et si on a fait, y’a plein de sucrerie ! »


Petit père noël en chocolat praliné, pomme de pin en guimauve, tête de cerf pétillant… De quoi rester dans le thème et donner du baume au cœur.


« Tu  crois que tu pourrais nous mettre un peu de musique ? »


Parce que oui, tout était mieux en musique.

Il était beau quand il souriait. Contagieux aussi. Apsara se mit à sourire à son tour, juste après lui avoir ébouriffé les cheveux. Son cœur se gonflait délicieusement à cette vision et elle put soupirer lentement, rouler des épaules pour chasser les tensions qui s’y étaient accumulées. Elle ne supportait pas voir le visage de ceux qu’elle aime être baigné de larmes. Il lui fallait les effacer et s’appliquer à reconstruire un sourire, s’il ne revenait pas de lui-même. Le soleil après l’averse.

Luan débordait de bonheur. C’était merveilleux à voir mais ça appuyait aussi sur sa culpabilité naissance. Elle se sentait honteuse de vouloir botter en touche en entendant parler de son frère. Cette histoire remontait à des années en arrière. De l’eau avait coulé depuis, n’est-ce pas ? Tout allait bien se passer, à Têt. Il le fallait. Méticuleuse, la sorcière se reconstitua un sourire et s’accrocha à la bouille aimée qui lui faisait face. Si ça rendait Luan heureux, c’était tout ce qui comptait.

En deux temps trois mouvements, la Pokeby avait bondie sur ses jambes graciles. Les sacs dégoulinant de décorations en tout genre furent vite renversés sur le canapé et elle ne manqua pas de caler un sucre d’orge dans sa bouche. Rouge. Vert. Dorée. Multicolore. Il y avait de tout, et la remarque de son compagnon ne manqua pas de la faire rire.

« C’est vrai que vu comme ça, nous n’avons pas à nous imposer de limite ! » Est-ce qu’un sourire diabolique venait d’ourler ses lèvres douces ? Oui. Attention, danger.
« On pourrait se mettre une playlist de noël, t’en penses quoi ? Histoire d’être dans le thème. »

Maria Carey ne tarda pas à se faire entendre. C’était kitch au possible, mais aussi terriblement drôle. Elle avait d’ailleurs sauté sur l’occasion pour glisser une guirlande autour de son bras et se mettre à danser, telle une diva avec son boa. Elle virevoltait, de ci de là, et veillait à ce qu’il y ait un semblant d’harmonie dans le choix des boules choisies. Ou pas. Son but devait surement être d’en accrocher jusqu’à ce que mort s’en suive.  

« Tu crois qu’on pourrait l’organiser ici ? Têt, je veux dire. Je ne sais pas si l’université nous laisserait une salle pour ça. Surtout si les Beer s’en mêlent. Je peux peut-être soudoyer tes colocs avec de la nourriture thaï ? » James réussissait bien à l’appâter avec de la nourriture. D’autres devaient avoir cette faiblesse aussi, non ?
   
« Je pensais à ton frère aussi. J’me disais que j’pourrais peut-être en profiter pour inviter une personne qui compte aussi. C’est l’occasion de passer du temps avec ceux qu’on aime, non ? Ou c’est une mauvaise idée ? Peut-être. Je ferais mieux de me concentrer sur la déco avant tout. Faut accueillir ton frangin comme il se doit. Que ça claque ! » et si un dragon pouvait venir lui mordre les fesses s’il venait à lui parler, ce serait un point non négligeable.

L’esprit était préoccupé par Têt mais les mains afférées à préparer noël, la troisième année ne vit pas le temps passer. Elle chantonnait certains refrains sans même y prêter attention et termina par enrouler son pseudo-boa autour du cou de l’une des licornes. Malicieuse, elle fit un aller-retour et récupéra des boules scintillantes pour les placer dans la bonbonnière pleine de préservatifs. Elle veilla tout de même à ne pas toucher l’emballage de ses doigts. Sait-on jamais !

« Faudra peut-être mettre ce truc de côté quand ton frère passera. Ou pas ? » Il n’était peut-être pas aussi coincé que les siens ? Surement pas, à la réflexion.      

La tempête colorée n’atteignit pas seulement le salon mais bien toutes les pièces et couloir accessibles à ses grands yeux bruns. C’est que la thaïlandaise avait eu l’occasion de se familiariser avec les lieux à force d’y retrouver son ami d’enfance. Waouh. Ça lui faisait toujours une douce chaleur au cœur quand elle y pensait de cette façon. Un coup de froid aussi, parce que les insécurités suivaient. Allait-elle le perdre de son fait ? Quand est-ce que ça se passerait ? Ce serait un mal pour un bien que son frère soit présent tiens. Ce serait moins pire pour Luan. Hop ! Une guirlande du rose le plus criard vint étrangler une pauvre lampe et la voici relancée.

La Diva fit entendre sa voix inimitable et chassa rapidement les nuages. Une guirlande argentée fut glissée sur ses bras en guise de boa et elle se mit à virevolter à droite et à gauche. Petite fée en pleine crise d’hyperactivité. Elle bondissait à droite, à gauche, attachait des boules et des étoiles dès qu’elle le pouvait. Elle en avait même glissé une autour de l’oreille du vietnamien. La plus belle, si on lui posait la question.  

« Oh bah je crois que si tu dis le mot “fête”, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Goldstein sera partant seconde une, hein…
C’est comme la légende de la dame blanche ? Si on répète trois fois le mot, il apparait ? »

Ça lui rappelait un spectre connu en Thaïlande pour apparaitre devant les maisons de ceux qui avaient le malheur de prononcer son nom sans y placer le titre qui convenait à son rang. Une fois passait encore, mais à la deuxième elle venait frapper à la porte avec sa tête à la main. Ça avait de quoi surprendre.  

Un immense sourire apparut sur son visage en entendant l’aval de son ami. D’aucun dirait qu’elle n’avait besoin de l’avis de personne pour convier quelqu’un à une fête mais là, c’était différent. Ca la rassurait d’autant plus, même si elle se demandait par quel moyen elle allait pouvoir convaincre le blondinet. Oui, il était bien question de ça et non de lui poser la question purement et simplement. Il allait falloir qu’elle prépare toute une liste de raison jouant en sa faveur puisqu’elle imaginait mal qu’il puisse accepter purement et simplement. Elle le plaçait en haute estime mais l’inverse n’était pas forcément réciproque.

« Si ça se trouve tu le connais peut-être déjà. Si ce n’est pas le cas, faudra que je te le présente. Il est extra ! »

Et c’était un euphémisme à ses yeux. Elle ne dit pas un mot de plus mais son excitation exacerbée suffisait à montrer combien elle était heureuse à l’idée de partager ce moment avec les personnes qu’elle aimait le plus au monde. Comme noël. Elle comprenait enfin ce que les moldus trouvaient de si fabuleux à cette veillée. Son regard aperçu ensuite le contenu de la jarre et elle en garda une distance raisonnable. Comme si ça allait lui sauter dessus.

«  Bah je sais pas, c’était déjà là quand il est venu l’an dernier. Ça peut servir, non ?
- T’as déjà eu besoin d’en utiliser ? »

Ses lèvres se pincèrent, mais bien trop tard. La question était déjà posée. Elle prépara déjà de quoi se rattraper aux branches mais au fond, elle était quand même un peu curieuse. Elle n’oubliait pas la pression qui pesait sur ses épaules, la chanson terrible du « tic tac tic tac » qui lui chantait sa mère depuis qu’elle était devenue une femme. Est-ce qu’elle était vraiment en retard, par rapport aux autres ? [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] … Ils y étaient déjà tous passés alors qu’elle n’avait même pas encore eu l’idée d’embrasser quiconque. Mince, même [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] avait au moins déjà roulé un patin. Ce n’était pas bizarre, problématique familiale mise à part ?  

La thaïlandaise avait trouvé le plus naturel du monde de suspendre l’une des dernières boules colorées à l’oreille de son comparse. Son rire roula sur elle et chassa quelque peu ses craintes, les enfouissant suffisamment loin pour lui permettre de poser la fâcheuse question à James plusieurs jours plus tard. Petit miroir haut en couleur, elle riait en réponse et posa même sa pommette contre lui.

« On peut essayer ! Rafael. Rafael. Rafael. »

Apsara sursauta en entendant un bruit derrière elle. Ni une ni deux, elle se retourna pour aviser… Une petite statue de père noël Cette dernière s’était écroulée sous le poids des guirlandes et avait roulé jusqu’à leur pied. Simple coïncidence.  

« Mince. Il va falloir faire ça à l’ancienne et lui demander de vive voix. »

Elle lui fit un grand sourire avant de remettre une dernière fois le sujet sur la table. C’est que ça comptait beaucoup pour elle, il ne lui en tiendrait pas rigueur. Si ? Visiblement non. Il était vraiment adorable. Luan était l’une des âmes les plus douces qu’elle ait eu l’occasion de côtoyer. Pourvu qu’il ne change jamais. Elle se suspendit à son cou une seconde à peine, avant de lui coller un baiser rapidement sur la joue.

« Je t’adore Lu ! »

Puis la divagation reprit et avec elle, les aller et venues le long du salon. La décoration était presque aboutie. Il ne restait plus qu’une guirlande à mettre ici et… Hm ! La pokeby fit un écart, à peine perceptible dans sa chorégraphie improvisée. La bonbonnière avait attrapé son œil mais elle en resta à bonne distance. La curiosité la poussa malgré tout à se rapprocher -une dizaine de centimètre, pas plus. La question franchit ses lèvres, mue par une curiosité plus forte que sa raison.

« Avec Wyatt. Oui. » répéta-t-elle le plus simplement du monde, alors que l’information la bouleversa de plus belle. Mince. Même Luan ! Coincée par la peur de devenir une femme et de devoir se plier aux obligations qui allaient avec elle, elle s’était sagement abstenue de vivre ce genre d’aventure. Elle n’en avait pas tellement eu la possibilité en Thaïlande et ici… Hm… Peut-être qu’elle se cachait juste derrière des excuses toutes construites ? Malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de se questionner sur sa condition. Comment pouvait-elle se sentir en retard, tout en refusant de passer le pas ? Y’avait de quoi se tirer les cheveux.

« Lu. Je vais t’offrir des lunettes. Tu ne vois clairement pas net. T’es fabuleux. » Point de mensonge dans sa voix. Elle le pensait le plus sincèrement du monde, en témoigne son regard doux posé à son encontre. « S’il l’a vu, d’autres le verront. Moi, je le vois. C’est peut-être juste une question de temps avant que quelqu’un ne rejoigne ta route ? Il vaut mieux laisser faire les choses par elles-mêmes, tu ne crois pas ?»

Fais ce que je dis, pas ce que je fais. Décidemment, cette phrase avait tout pour devenir son épitaphe. Elle posa son index sur sa joue et pressa doucement dessus, une moue malicieuse aux lèvres.

« C'était si bien que tu rougis encore ? »  

Les moments passés en compagnie de l’asiatique étaient chaque fois fabuleux. Qu’importe la folie du moment, Luan avait ce petit quelque chose qui faisait mouche. Il adoucissait tout, rendait chaque petite chose meilleure. C’était son tanghulu et rien au monde ne pourrait briser ça. Elle se battrait bec et ongles, si quelqu’un s’y essayait. Pour l’heure, elle préféra laisser sa combativité au placard pour se surprendre à son cou et lui voler un peu de chaleur. C’était si simple avec lui. Un vrai distributeur de bonheur !

Les batteries rechargées et le cœur débordant de sucre, Apsara se remit en marche. Elle s’affaira tant et si bien à la tache que plus aucune décoration ne se trouvait dans les sacs en toile. Il y en avait partout, et de toutes les couleurs. C’était kitch à souhait mais c’était aussi ça la magie de noël. Non ? C’était ce qu’elle avait appris dans les films en tout cas. Les pas de la danseuse l’avaient porté ci et là dans une frénésie étrange, rappelant l’abeille en quête de pollen. Une fleur plus étrange que les autres la captiva et l’amena à tourner autour, sans pour autant la pousser à s’y poser. Les sourcils se froncèrent un peu et les ailes battirent plus vite, source d’une agitation cérébrale dont elle était affreusement accoutumée. Elle pensait trop, tout le temps, pour rien. Le pire, c’était quand la tempête faisait rage et passait la barrière de ses lèvres. Oups.

Le regard s’attendrit aussitôt les mots de l’asiatique entendus. C’était terriblement dommage qu’il ne puisse percevoir la beauté de son âme. Son physique était magnifique mais ce qu’il dégageait, là, tout au fond, transcendait tout. Même son côté lunaire apportait ce je-ne-sais-quoi d’attendrissant. L’index et le majeur se levèrent instantanément et vinrent tapoter son front.

« C’était du second degré Lu… »

Apsara se montrait douce à son encontre, alors que tout lui hurlait de le prendre par les épaules et de l’agiter dans tous les sens. La magie de Luan, on a dit. Elle mourrait d’envie de le réveiller, de le secouer jusqu’à ce que ses yeux se remettent en face des trous. Il était merveilleux le p’tit Lu et c’était bien dommage qu’il en doute.  
 
« C'est juste... Je sais pas... Je vois bien que je suis pas trop comme tout le monde, tu vois ?
- Heureusement. C’est bien pour ça que je t’aime ! Andouille. »

La sorcière rit doucement avant d’enfoncer son index dans la joue rougie du pauvre sorcier. Elle se faisait malicieuse la thaïlandaise, avant de pincer farouchement les lèvres. Elle ne regrettait pas d’avoir posé sa question mais sentait la honte venir la ronger de l’intérieur. C’était curieux, puisqu’elle savait qu’elle n’avait rien fait de mal. Ni maintenant, ni avant. Elle était même à deux doigts de jurer que l’avenir serait tout aussi morne mais….

« Je ne sais pas trop. Les bisous, je n’en ai jamais eu. Pas… Comme ça. » Ce fut son tour de piquer un fard, et elle détourna aussitôt le regard. « Et les câlins… Ben. Oui. Enfin. Des normaux. Comme on se fait quoi. Entre amis. Ça foutrait trop la trouille sinon. » La tête se baissa et elle cacha son affreuse tête rouge tomate sous sa frange brune. « On ne me regarde pas comme ça et… Ca me va. C’est bizarre non ? »    

Moi aussi je t'aime !Ca faisait foncièrement chaud au cœur et chatouillait le corps, des oreilles jusqu’au cœur. Il était tout sucre Luan, comme un Tanghulu. Il croquait sous la dent avant de fondre tout en douceur sous le palais. Il était unique en son genre et elle remerciait mille fois les dieux, le destin ou quiconque l’ayant poussé de nouveau sur son chemin. Cet ange était si pur, si étincelant à ses yeux qu’un simple battement de cils semblait pouvoir chasser les ténèbres qui la souillaient. Il éclairait le monde d’une pâle lumière et repoussait l’ombre. Oh oui, elle l’aimait tout entier dans sa singularité.

Elle s’émerveillait de la beauté de son âme, touchait sa joue de l’index comme on quémandait l’attention de sa peluche favorite. C’était en partie ce qu’il représentait pour elle, au fond. Elle ne se lassait jamais de le prendre dans ses bras, mourrait d’impatience à l’idée que les siens se referment autour d’elle. Elle appréciait chaque geste tendre, de la plus petite marque d’attention à l’expression de son affection. Chacune de ses expressions lui paraissaient plus vraies que nature et la réconfortait. Il était simple Luan, quand tout autour d’elle lui était affreusement compliqué. Elle voyait de la sincérité monstre là où d’autres n’y reconnaissaient que de la naïveté. Le monde serait cent fois plus beau avec plus de lui, elle en était intimement persuadée.

Elle rougissait la thaïlandaise. Fort. Ses joues devaient sans doute être d’un cramoisie ridicule tant elle sentait le feu les consumer. Sa langue cafouilla entre honnêteté et timidité, mâchonnant des mots plutôt que de les crier. C’est ce que ce sujet la mettait drôlement mal à l’aise. Confesser ses interrogations, son inexpérience, l’envie -peut-être, d’y mettre un terme, lui tordait le ventre. Elle se sentait coupable, non pas d’avoir de telles pensées mais d’oser les exprimer.

« Parce que je… J’ai peur. Je ne peux pas tomber amoureuse. Et y’a des conséquences. Je… Si ma famille l’apprenait. » La violette secoua vivement la tête avant de la baisser plus encore et de se cacher derrière le long voile noir. « J’y ai pas droit. »

C’est pourquoi la danseuse se complaisait dans des relations hautement sécuritaires, se nourrissant de l’amour d’un frère de cœur ou de gestes inoffensifs pour toute contrepartie. Luan en faisait partie. Il était de ces âmes auprès desquelles elle se sentait en confiance. En sécurité. Elle n’avait jamais eu à douter d’elle ou à se brider de peur que l’autre ne lui prête des intentions nuisibles. Elle était authentique, ne se posait aucune question. Peut-être l’aurait-elle dû ? Au lieu de ça, elle se mit à rire. De bon cœur, en plus. Il était vrai que question bizarrerie, il se posait là. C’était ce qui faisait son charme, entre autres choses. C’était sans doute une des raisons qui l’empêcha de reculer d’un pas. Elle aurait dû se sentir mal à l’aise avec cette proximité soudaine mais… C’était Luan et elle était foncièrement convaincue que lui, plus qu’aucun autre en ce monde, ne pouvait lui faire du mal.

« Je… » Menteur voulait-elle cracher pour se défendre de cette drôle d’idée. Le hic, c’était qu’elle le pensait incapable de lui mentir. Peut-être à tort mais… « Oui. Un peu. Je ne comprends pas comment c’est possible. Je ne suis pas comme Wyatt. »

Pourquoi tu n'y as pas droit ? C'est beau l'amour, non ? Pourquoi on devrait s'en priver ? Apsara releva le regard et se risqua à détailler le doux visage qui lui faisait face. Il avait tout d’un ange Luan, dans le cœur et dans le corps. Elle aimait sa façon si simple de voir le monde. Il avait cette façon toute particulière de pointer du doigt le soleil malgré les nuages épais qui pouvaient le cacher.

« On ne peut pas toujours faire ce qu’on veut Lulu. » Et c’était bien regrettable. Bien sûr qu’elle aimait l’idée de l’Amour. Elle la défendait même bec et ongles et rêvait de vivre une histoire toute douce, comme celle écrite dans les romans à l’eau de rose qu’elle décorait honteusement. Elle avait beau dire l’inverse, elle rêvait encore et toujours d’être emporté au loin par un preux chevalier… Ou une guerrière, pourquoi pas ? Ces deux possibilités étaient aussi risibles l’une que l’autre. Ce n’était clairement pas envisageable dans son monde. Elle a beau s’être fait une raison, y repenser l’attriste. Elle se sentait trop différente, trop éloignée de cette lumière qui émanait prêt d’elle. Le regard fixa de nouveaux ses chaussons.

Heureusement, d’ailleurs, puisqu’un sujet tout aussi épineux ne tarda pas à être abordé. Comment se voyait-elle hein ? Pauvre p’tit Lu. Il était à mille lieux d’imaginer la vision toxique qui était incrustée dans sa cervelle. Elle ne s’aimait pas la thaïlandaise -ne se sentait pas en droit de. Son corps, ce n’était pas le sien. Elle n’était à l’aise avec que lorsqu’elle dansait et c’était sans doute l’une des raisons qui la poussait à croire que personne ne pouvait la regarder. Pas comme il le suggérait du moins. Alors forcément, quand l’être le plus tendre au monde lui affirma le contraire, elle tiqua.

Bah non. Personne est comme Wyatt. Et personne est comme toi. C'est ce qui fait la beauté de chacun, on est tous uniques.

Ça ne pouvait pas être possible ! Elle n’était pas prête à l’entendre… Et pourtant, le message fit un tout petit bout de chemin. Les joues en feu, elle n’osa répondre et daigna enfin relever le menton. Qu’est-ce qu’il était prêt ! Ça ne l’avait jamais dérangé avant. Elle s’était même endormie plus d’une fois contre lui sans ressentir un quelconque malaise. Là, c’était différent. Il y avait quelque chose… D’autre. Son regard. Des papillons semblaient vouloir danser le mambo dans son estomac. C’était bien la première fois que ça lui arrivait.  

T'es belle, Apsa-chan. A l'intérieur et à l'extérieur.

Ok. Cette fois-ci, c’était tout son visage qui menaçait de prendre feu. Est-ce qu’il lui en voudrait si elle souffrait d’une combustion spontanée ? Elle risquait d’abimer les guirlandes et… Oh.. OH ! Ses lèvres, tout juste posées contre les siennes, coupèrent net toute possibilité de fuite. Elle était tétanisée. Ni plus, ni moins. En apnée, elle devait sans doute paraitre plus rouge qu’une tomate. Elle avait chaud aussi. Vachement. Les yeux grands ouverts par la panique, elle cherchait la meilleure façon de traiter l’information. Rien. Eror 404. Elle avait une boule d’émotions coincée dans la gorge et ne savait clairement pas par quel bout la prendre pour la démêler. Quelque chose pourtant la poussa vers Luan et ce fut avec une maladresse monstrueuse qu’elle reposa ses lippes contre les siennes. Yeux fermés, cette fois. Ses poumons, enfin, se décidèrent à se gorger à nouveau d’air. Elle se recula d’un pas, ne sachant clairement pas où se mettre ni comment se défaire du sourire qui creusait ses joues rondes.

« Je… Je… Noyeux joël ! »

Et elle fit demi-tour à toute vitesse, trouvant refuge dans la cuisine. Branchée sous haute tension, elle se transforma en véritable tempête mais réussit tout de même à lui demander s’il avait faim. Heureusement pour elle, la soirée se déroula sans autre embuche. Luan était son ami et elle restait convaincue qu’elle ne risquait rien avec lui.

[Fin pour moi]