Cela faisait maintenant une petite semaine que j’avais commencé ce nouveau boulot, barman au Styx. En tant qu'Érote. Maintenant, j'assumais pleinement ces petits surnoms. Au départ, j'avais eu du mal, mettant un petit temps à comprendre qu’on me parlait à moi quand on m’appelait de cette manière, mais je m'y suis fait. Comme le boulot en lui-même, servir les clients, préparer les cocktails, être souriant, charmeur - bon, ça je maîtrisais déjà avant - tout allait pour le mieux. Il faut dire que jusqu'à maintenant, j'étais plutôt bien entouré. Les binômes que j’ai eu, maîtrisaient parfaitement le lieu, et si j’avais la moindre question, interrogation, j’avais très rapidement les réponses que j’attendais. Ce qui, finalement, m’a permis de me former assez vite. Peut-être trop vite au point où, ce soir, je n’avais pas les binômes des autres fois. On m’a prévenu que j’allais être avec un certain  @Magnus Moen, arrivé quasiment en même temps que moi.

Était-ce une si bonne idée de mettre les nouveaux ensemble si rapidement ? À croire qu'ils avaient suffisamment confiance en nous pour que ça soit le cas. Il fallait l’avouer, ça mettait une petite pression… Mais, j’avoue que je préférais largement la boire. Arrivé à l’heure, je déposais mes affaires dans le vestiaire, passant toujours un petit regard du côté des loges des sirènes - juste au cas où - et pris la direction du bar. Je vérifiais que tout était bien en place, que le plein avait été fait la veille, ça serait dommage d’arriver à court de gin lors d’une préparation d'un cocktail ? Ça arrivait, mais si on pouvait éviter que ça arrive dès le début de la soirée, ce n'était pas plus mal. Les premiers clients fit leur apparition, sauf que j'étais toujours tout seul. Mon collègue n’avait pas l’air de se pointer, et j'espère bien qu’il compte arriver vite, je ne voudrais pas me retrouver avec une trop grande affluence et être à la ramasse.

Comme je le craignais, ce qui devait arriver, arriva. Seul au bar, j’essayais de m’en sortir du mieux que je pouvais, enchaînant le service des différents clients qui n’avait pas l’air de désemplir. Lors de la préparation d’un énième cocktail, je vis arriver, comme une fleur, l’autre Érote de la soirée. Il était temps, non ? Je m'approchais de mon acolyte de la soirée, en secouant mon shaker pour lui glisser quelques mots :

J’suis bien content de te voir, j’ai cru que je n’allais pas m’en sortir !

Bon, on n’allait pas se mentir, pour une première rencontre, il y avait mieux. Après ça arrivait à tout le monde d'avoir un petit empêchement de dernière minute ce qui nous amenait à arriver en retard au boulot. Pour le moment, j’ai réussi à contenter les différents clients, sans trop les faire attendre, c'était déjà pas mal. Avec un large sourire, ça passait toujours mieux, non ?

”Mon grand” ? C'était bien la deuxième fois qu’on me qualifiait de cette manière, un coup j'étais un géant (Merci  @Apsara Chankimha), un coup j'étais grand… C’est marrant comme les gens ici étaient super sympas… Ou alors, ils se foutaient tous bien de ma gueule en disant complètement l’inverse de ce que j'étais réellement. Ça se voyait pourtant que je n'étais pas non plus immense pour un mec. Autant que je le prenne bien dans ce cas. Même si, j’avais quand même une légère sensation qu’on m’infantilisait, ou qu’il me prenait de haut. Là encore, je n’allais clairement pas me prendre la tête pour si peu. En soit, il venait de me faire un compliment, non ?

Hé, on fait au mieux ! disais-je en secouant le shaker.

Je le voyais enfin, prendre une partie des clients, il avait l’air d’avoir le feeling, une bonne relation client en soit. Mais il avait quel âge au juste ? J’imagine que s’il était derrière le bar, il avait l'âge légal pour servir de l'alcool ? Non ? On dirait qu’il avait 19 piges. Tout juste. Au moins, il faisait jeune pour son âge, probablement… Je ne préfère pas demander, c’est un coup où ça se retourne contre moi et qu’on me dise que je fasse plus vieux. Déni de vieillesse bonjour.

Pour le moment, ça n’avait pas l’air de désemplir. J’avais constaté que c'était souvent le cas avant que le show des sirènes ne commence. Il faut dire qu’on avait tous tendance à rester subjugués à regarder leur prestation sur scène. Oui, tous, moi y compris même si j’essayais de faire en sorte que ça ne se remarquait pas tellement. Maintenant que nous étions deux, la pression était tout de même moins importante. Même si, je voyais bien que nous n’avions clairement pas le même rendement lui et moi. Apparemment, il n'hésitait pas à me le faire remarquer d’ailleurs.

Oh t’inquiète pas pour moi… Toi en revanche, ça ne risque pas d’arriver apparemment…

Le tout avec un petit clin d’œil et sourire au coin histoire que ça passe mieux. Quoi ? Il me cherchait un peu, non ? Je servais ma dernière cliente, prenant, cette fois-ci, bien le temps de discuter un peu avec elle. Oui, il fallait dire qu’elle était aussi très charmante. À croire que cet endroit rassembler que de très belles personnes, que ce soit les clients et le personnel. Bon… Après, concernant mon collègue du jour, c'était peut-être l'exception à cette règle. Non en vrai, il avait une bonne gueule, et une trop grande gueule aussi. Mais… En réalité, je devais être un peu pareil à son âge… Oh putain, voilà que je pensais comme un vieux. Nouveau déni de vieillesse.

Comme je l’imaginais, lumière tamisée, projecteur sur scène, c'était le lancement du show dansant des sirènes. Ça nous laissait un petit moment de répit et pas des moindres. Tout en regardant la sirène qui performait sur scène, je décidais d’engager la conversation avec mon binôme de la soirée. On allait passer plusieurs heures ensemble, autant que ça se passe bien, non ?

Ça fait longtemps que t'es ici ? Job étudiant ?

Je ne décrochais pas mon regard de la scène, mais ce n'était pas pour autant que je ne restais pas concentré sur la discussion, ou même sur le travail. Mais j'étais loin d'être le seul dans ce cas, on ne risquait pas de nous embêter.

J'étais presque impressionné par ce corps d’athlète que m’exposait Magnus. Presque. Je savais très bien jouer la comédie, peut-être un peu trop au point où on constate que je n'étais pas vraiment sérieux. Ce qui était totalement le cas lorsque j’écarquillais les yeux, bouche en “O” lorsque je vis ce petit  muscle pointer le bout de son nez. Je constatais que le gamin avait de l’auto dérision, ça me plaisait bien. Au moins, il n’avait pas été touché par mes propos juste avant. Et si ça avait été le cas ? Oh bah tant pis. Je devrais m'en remettre si je n'étais pas hyper pote avec mon collègue. Même si, c'était toujours mieux de bien s’entendre, passant une partie de la journée avec eux.

Oh wahou ! Mais si carrément ! Je vois même une petite veine apparaître là, si si, dans le petit coin

Je plissais les yeux, comme pour montrer qu’il était presque difficile à la déceler. En réalité, il n’y en avait pas, mais là encore, c'était pour le charrier un peu. Après, il y avait bien un muscle, ça, je n’allais pas le contredire. La taille allait avec le reste finalement. Mais, je me méfiais tout de même, un petit gringalet, ça ne voulait pas dire qu'il n’y avait aucune force. Peut-être qu’il maîtrisait un art martial ? Peut-être qu’il était capable de me mettre KO en un coup ? Tout était possible. Donc, on charrie, mais gentiment.

Probablement la partie de mon service que je préférais. L'entrée en scène des sirènes. Iels portaient clairement bien leurs noms. On pouvait constater que toute la scène était subjuguée par leur prestation, oui, moi y compris. Étant un marin dans l'âme, j'étais forcément conquis bien trop facilement. À mes risques et périls. J’ai déjà voulu jouer avec l’une d’elle, mon nez s’en souvient encore. Rien que d’y repenser, j’entendais encore le bruit sonore du craquement… Non, il fallait que je pense à autre chose. Faire la discussion avec mon binôme par exemple. Ça ne coûtait rien d’apprendre un peu plus à le connaître, non ?

Ouai… Je vois. Du coup, c'était la première et dernière fois qu’on se voyait, ou tu comptes essayer de le garder un peu plus longtemps ce job ? En vrai, tu te démerdes plutôt bien avec les clients… À ton rythme, certes, mais t’as l’air bien à l’aise ! Ça serait dommage de ne pas poursuivre.

Je venais vraiment de donner un compliment ? Ça devait être l’effet des sirènes qui m’adoucissaient, je ne voyais pas d’autres raisons. Ou juste j'étais vraiment un chic type. Sauf qu apparemment, ça ne servait à rien d'être sympa, vu le retour de bâton que je venais de me prendre en pleine figure. Retrouver ma jeunesse ? Mais il pensait que j’avais quel âge au juste ? Cinquante ans ? Je n’étais pas si vieux que ça… Plus vieux que lui, oui, certainement, mais il ne fallait pas en abuser. Je préférais ne pas montrer que ces quelques mots m'avaient légèrement impacté.

Putain, tu m'as démasqué… Pour pécho hein, qu’on s’entend ! disais-je en le pointant du doigt. Cours instant où mon regard se posa sur lui, pour finalement vite revenir vers la scène. Tu crois que j’ai quel âge au juste, sérieux ? Non… Ne répond pas à la question en fait..

Si c'était pour entendre mon âge doubler, non merci.

Non, sérieusement, j’suis pas venu ici spécifiquement pour pécho ou… J’avais besoin de thune, je n’ai pas fait de longue étude, je me démerde en faisant des cocktails, alors me voilà ici. Après ouai, on va dire que pécho, c’est le petit bonus…

Me voilà à lui donner un coup de coude pour accentuer mes propos. Il manquait plus que le petit clin d’œil et on était bien dans la beauferie.

Toi, tu ne vas pas me dire que tu ne profites pas un peu de la vue ? Que ce soit côté client, ou même dans nos collègues… Y’a pas quelqu'un avec qui t’as… ? Quoi ? Tu veux que je te fasse un dessin ?

On était qu’entre nous, il pouvait bien balancer si, lui aussi, n’a pas profité de son statut de barman ?

Aucun plan. Ça avait le mérite d'être clair. Enfin, je crois ? Il vivait clairement au jour le jour en somme. Je connaissais plutôt bien cette philosophie de vie, l’ayant pas mal pratiqué durant quelques années. À croire que maintenant, la raison prenait le dessus et qu’il était temps d'être… Comment on appelle ça déjà… Ah oui, Mature. Quelle tristesse. C'était en prenant de l’âge que je commençais à raisonner de la sorte ? Le Owen de 20 ans se serait bien foutu de ma gueule, c’est certain. Mais il fallait arrêter de se voiler la face, on ne pouvait pas vivre que d’amour et d’eau fraîche apparemment. Je n’ai pas cherché à pousser plus loin le sujet. S’il en avait eu envie, il aurait certainement détaillé un peu plus ce qu’il avait en tête, ce qui n'était pas le cas. Je n’allais pas non plus chercher à lui faire la morale, clairement pas mon rôle, et clairement pas le meilleur exemple non plus. Il ne me connaissait pas, mais moi oui - heureusement - et par principe, je n’allais rien lui dire. J'imagine qu'il était suffisamment grand pour réfléchir de lui-même, non ? Bon, j’avoue, j’avais quelque doute sur ce point.

Je tournais ma tête vers lui, sourcils froncés, grimaçant complètement face à sa réponse. Il était sérieux là ? Déjà, de un, je lui avais demandé de ne pas répondre il me semble. Et de deux… Il était sérieux ?

Quoi ?! Bon, déjà, t’as presque vu juste, j’ai 29 ans… Mais mec… T’as un gros souci d’estimation là… 28 ans ? Vieux ? Je pouvais dire ça quand j’avais genre… 16 ans. Soudain, comme si je venais d’avoir une révélation, j’écarquillais les yeux pour reprendre: T’as pas 16 ans, dis moi ? Bon tu fais jeune… Mais tu ne pourrais pas être là si c'était le cas t’façon… Mais… Non ?

Sait-on jamais ? Peut-être qu’il a menti au propriétaire des lieux, une fausse carte d’identité, j’en sais rien, tout était possible, non ? En attendant, je lui avais expliqué la vrai raison de ma présence au Styx. Question de thune encore une fois. À croire que tout tournait autour de l’argent. Mais pas seulement. En voyant les sirènes, j’avais envie d’en savoir plus sur ce gamin. Il me taquinait, savoir si j’avais pécho, autant lui retourner la question.

Bah j’sais pas… Je ne voudrais pas te choquer, vu que t’es jeune... Peut-être pas 16 ans, mais on en était pas loin. Un sourire en coin, il me faisait bien marrer. Alleeeeer ! Ça, c'est ton côté gringalet qui les fait tous et toutes tombés ! me voilà à remonter et descendre rapidement mes sourcils en le regardant. Quoi ? Je pouvais continuer de le charrier dessus, non ? Par contre, la suite de ses propos, il me fit un peu refroidir soudainement. Ça pouvait clairement se lire sur mon visage, ayant un léger air de dégoût.

Wow. Ok. Vous avez des pratiques chelou… Juste pour être sûr, elle kiffe que tu l’appelles Ogresse ? Non parce que perso, ça ne me viendrait pas à l'idée d’utiliser ce surnom pour draguer t’vois… Enfin, chacun ses pratiques hein ! Je levais mes bras, mains en l’air, comme pour me dédouaner. Enfin, si jamais je la croise, ça tombe bien, j’ai tout plein de bouées de sauvetage sur mon bateau… Ça vaaaa, je rigole, je ne vais pas te la piquer va !

Eh hop, petit coup de coude dans les côtes.

Enfin, j’en sais rien, puisque je ne sais pas qui porte le doux nom d’Ogresse… Ne m’en veux pas si je viens à l’aborder ! Si c’est le cas, tu me mets un stop direct ! Je ne voudrais pas empiéter sur tes plates-bandes !

Le show commençait à toucher à sa fin, le travail allait bientôt reprendre de plus belle.

Mais j’aimerais bien le savoir ! Si tu connais l’identité de cette personne, tu m'en parles que je lui touche deux mots… Je pense que c’est même l’inverse figure toi !

Bon, c’est sûr que, sur ce coup là, c'était assez facile de déduire qu'il n'était pas mineur - même s’il en avait tout l’air. Ça ne ferait pas une excellente image au Styx d’avoir un gamin derrière le bar, à servir de l’alcool. Ça pourrait même être une raison de fermeture du lieu. Entre l’alcool, les jeux d'argents, et les danses des sirènes qui pouvaient parfois être assez explicites… Non, clairement pas un lieu pour un jeunot. Il était drôle le Magnus, il prônait l'autodérision, et ça me plaisait. Comme si, un gars comme moi pouvait être réellement jaloux de son physique. Je n’avais pas à me plaindre du mien, il faut dire que je l'entretenais comme il se doit et généralement, ça plaisait. Évidemment, ça ne faisait pas tout, et Magnus le prouvait bien. Ça doit être son côté un peu mystérieux qui devait faire son petit effet. Son ricanement était communicatif, ma seule réponse face à cette soi-disant jalousie. Rire qui s'estompa bien vite, apprenant des pratiques particulières venant de la part de mon collègue.

Mui, vu comme ça… Peut-être un peu extrême mais ça fait sens. T’façon, tu sais ce qu'on dit, femme qui rit… ? Je le regardais, attendant qu’il trouve la suite, mais c'était plus un long silence, presque gênant qui s’installait… Quoi ? Tu connais pas ? Non mais laisse tomber, je te dirais la suite quand tu seras majeur petit clin d’œil pour terminer.

Ce proverbe, c'était clairement mon mantra. En grande partie du moins. Pour certains, on qualifierait mon humour d’un peu beauf, mais je savais être plus subtile, parfois. Peut-être que j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer cette ogresse, mais il avait l’air d’y tenir à cette fausse princesse, certains gestes n’y trompaient pas. Comme s’il s'était renfermé sur lui-même à peine après avoir énoncé l’idée que je pourrais être amené à la draguer.

Ouaaaai… Si tu le dis. Encore faut-il que je sache qui c’est… Petit sourire en coin, attendant peut-être d’avoir un vrai nom. Non mais t’inquiètes, je ferais gaffe.

Ce n'était vraiment pas mon délire d'aller m'intéresser aux filles des autres gars. Je pense qu’il y avait suffisamment de demoiselle pour ne pas empiéter sur les conquêtes des copains, collègues, peu importe. Je savais ce que ça faisait quand on voyait son crush tomber dans les bras d’un autre… Ce n'était pas des plus agréables. Je ne voulais pas le faire subir à d’autres. Voyant le show des sirènes prendre fin, je me repositionnais pour être prêt à accueillir de nouveaux clients. Étant encore assez tranquille, je ne manquais pas de répondre à mon comparse.

Une… Ou deux ? On va dire que j’ai fait d’excellentes rencontres… Parfois, certaines ont laissé quelques traces… Comme fracasser un nez, mais heureusement que ça ne se voyait pas tant que ça. Mais, j’suis pas du genre à m’attacher… Pas mon truc de me poser, t’vois ?

Pas de port d'attache comme disait un certain Alexander. On pourrait pourtant se dire qu’avec mon âge, je serais dans l'optique de trouver la personne avec qui fonder une famille… Absolument pas. Moi ? Avoir un gosse ? Non, je préférais encore profiter du peu de jeunesse qui me restait. Peut-être que ce n'était juste pas mon truc, voulant juste profiter des bons côtés. Nouvelle cliente en approche, plutôt jolie, je regardais Magnus avec un sourire malicieux, je me mettais légèrement en retrait, avant de lui souffler.

Elle est pour toi…

Évidemment, cette phrase était pleine de sous-entendus. Le but n'étant pas que de servir un verre. Enfin, ça, après, c'est lui qui voyait.

J’avais clairement mon air dubitatif, celui où on plisse légèrement les lèvres, tête gentiment penchée sur le côté. J'étais loin d'être dupe et j'avais la sensation que cet asticot se voilait la face. Peut-être qu’il ne voulait juste pas se l'avouer qu’il appréciait plus qu’il ne le voulait cette ogresse ? Je ne comptais pas faire plus de réflexion ou même pire, donner des conseils. Je n'étais pas le mieux placé pour ça. Un gars qui n’a jamais cherché à être en couple, s'installer, construire quelque chose à deux. Non merci. J’expliquais sans mal que ce n'était pas mon délire de me poser, voulant plutôt profiter des avantages du célibat. Pas de prise de tête - enfin pas trop, butiner sur plusieurs fleurs, sentir plusieurs parfums, toujours plus intéressant. Je ne dis pas que j'étais totalement fermé à l'idée de partager plusieurs mois - années (?) avec la même femme mais je n’en ressentais pas spécifiquement le besoin. Ou tout simplement que je n'avais pas trouvé la personne. Exigent ? Allez savoir.

Quoi ? Ma tête se tourna vivement vers mon collègue de la soirée, expression de dégoût sur le visage. Mais non pas du tout ! Je fais gaffe moi ! Non mais traces genre, des griffures ou suçons, ou le nez cassé… Ouai non, longue histoire.

Pas tant en réalité, mais je me voyais mal expliquer de mettre casser le nez par une de nos collègues qui n’avait pas tellement apprécié que je regarde de plus près sa peau durant un massage. Je préférais garder ça pour moi, ou si j'en parlais, ça serait avec une personne de confiance. Apsa s'était senti mal, c'était excusé, pas la peine d’en remettre une couche en racontant toute l’histoire. Surtout que j’avais forcément mes torts aussi, je ne devrais clairement pas en être fier. Je n’avais pas besoin de m'étaler sur ma - non - vie sentimentale, il avait l’air d'être d’accord sur ce sujet. Est-ce que ça ne nous ferait pas un point commun ? Ça m'en avait tout l’air. J'étais même persuadé qu’on avait plus en commun qu’on ne pourrait le penser.

Pourquoi pas en découvrant sa manière d’aborder la gente féminine tiens ? J'avais envie de m'amuser, et j’avais l’impression d’avoir trouvé un partenaire de jeu. Je ne ferais pas ça avec n’importe qui, n'importe quel collègue. Certains étaient un peu trop sérieux à mon goût, et c'était ok, il en fallait, surtout quand j'étais encore en phase d’apprentissage mais maintenant étant un peu plus à mes aises - trop ? - un petit défi ne faisait de mal à personne ? Les premiers clients revenaient doucement après la fin de ce magnifique show des sirènes, notamment une cliente. J'avais envie de voir le Magnus à l’œuvre, peut-être que je pourrais lui donner des conseils de séduction pour conquérir son ogresse ?

En retrait, je regardais du coin de l'œil, sans vraiment pouvoir entendre ce qui se disait, les gestes suffisaient amplement. Étrangement, je vis des regards dans ma direction, ce n'était pas bon signe ça. Est-ce qu’il parlait de moi ? Pas le temps de savoir, je devais m'occuper d’un client et lui préparer un moscow mule. Alors que je versais le contenu de mon shaker dans le verre, je vis la cliente m'adresser son plus beau sourire, le tout accompagné d’un baiser. Par politesse, je souriais à mon tour, mais avec un air ne comprenant pas tout à fait ce qui venait de se passer. Ce n'était pas désagréable, mais ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Sans compter de ce bout de papier reçu à la volée, le réceptionnant de justesse. J’y vis un numéro inscrit, le tout accompagné d’un cœur.

Pourquoi tu me le donnes ? C'est toi qui l’a récupéré, non ? Papier exposé entre mes doigts, un éclair de lucidité se lisait dans mon regard, faisant le lien avec le geste qui m'était destiné. Qu'est-ce que tu lui as dit ? je rigolais à moitié, en vrai, je trouvais ça plutôt drôle. Mec, t’as raté ta chance la ! Tu sais, je n’ai pas forcément besoin de toi pour récupérer un numéro de téléphone, mais si tu ne le veux pas, je le garde. Sûr ?

Je tendais une dernière fois ce bout de serviette dans sa direction, qui sait, il pourrait changer d’avis.

Le bout de papier entre mes doigts, je ne comprenais pas bien l’intention de mon camarade de soirée. Ça se lisait clairement sur mon visage, intrigué, certes mais amusé aussi, et ça se voyait aussi très bien en observant ce sourire en coin sur mes lèvres. Ce Magnus avait l’air du style imprévisible, ça me plaisait bien. Au moins, on ne risquait pas de s’ennuyer à ses côtés, ce qui était en soi, une grande qualité, pour ma part, il est évident que ça ne pouvait pas plaire à tout le monde. Je m’attendais à ce qu’il garde ce numéro, me montre fièrement qu’il en était capable - ou se taper un râteau aurait pu être très drôle aussi - mais non, je ne m'attendais pas à ce qu'il le récupère pour moi, en tout cas, ça en avait tout l’air. La grande question était comment ? Qu’avait-il bien pu raconter sur mon compte ? Clairement, je m’attendais à tout au vu de l'énergumène.

Je l'écoutais attentivement et à mesure de sa tirade, mon visage passait par l'étonnement, en haussant les sourcils, mais assez vite par l’amusement, souriant, échappant même un petit ricanement. Il avait de l’imagination, et apparemment, c'était payant.

Au final, tu n’as pas dit que des conneries… J’aime bien les bisous sur la joue, pour commencer du moins ! Petit clin d’œil lui faisant bien comprendre où je voulais en venir. En vrai, tu as été plutôt efficace, peut-être qu’un jour j'utiliserais cette technique pour récupérer le numéro de téléphone d’une inconnue. Smart ! Mon index pointait vers lui pour accentuer ce mot.

Dernière chance pour lui de changer d’avis et récupérer ce dit numéro qu’il a amplement mérité, mais non, ”Pas intéressé”. Je ne comprendrais certainement jamais cet avis, mais soit, c'était le sien. Au fond de moi, je sentais que ça avait un lien avec une certaine ogresse mais n’insistons pas plus sur ce sujet épineux. Je haussais les épaules en guise de réponse, rangeant précieusement ce bout de papier dans ma poche arrière de pantalon. Oui, j'avais bien l’intention de le garder, ça pouvait toujours servir…

Comment tu peux être si sûr de toi ? Tu juges bien trop vite ! Elle était peut-être EXACTEMENT ce genre de femme, peut-être même que c'était la femme de ta vie et elle vient de te filer entre les doigts… Pour atterrir entre les miens ! Petit sourire en coin avant de reprendre un minimum mon sérieux. Évidemment ! C'est bien le but, non ? Elle va peut-être attendre impatiemment mon appel, ou du moins, un message…

Ne brûlons pas trop les étapes, ce n'est pas mon fort d’appeler directement, plus du style à envoyer des messages mais pourquoi pas, ça changeait un peu, et surtout, je serais fixé si je tombe bien sur la voix d’une femme et pas de Roger 45 ans (encore une fois, rien contre Roger…).

Plissant légèrement les yeux, un chouille dubitatif, je repris de plus belle: Toi, tu as envie d'être là quand j’appelle, avoue ! Je veux bien faire cet effort… Si toi tu envoies un message à ton ogresse et que tu lui dis que tu as envie de la voir ce soir… Alors ? Deal ?

Main tendue vers lui, sera-t-il encore imprévisible, ou bien dois-je m’attendre à ce qu’il rebrousse chemin ?