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La perversion, c'est une histoire de goût. Comme toi. (Meteo)
Mar 26 Oct 2010 - 23:23
“Leodagan Weaver & Meteora Bradshaw”
Deux portes en chêne massif, un hall immense, sombre et humide, vide aussi. Trois heures du matin, il me semblait entendre le big ben frapper ses trois coups au loin, mais ce n’était que mon imagination, je n’étais plus à Londres à présent. Hungcalf. Rien n’avait changé. Ou devais-je dire, tout était resté le même. Un frisson parcourut mon échine courbée, tandis que la chair de poule recouvrait mon épiderme glacé. D’un regard las et brillant, j’observai chaque recoin du château que je connaissais si bien. Toujours aussi beau et pourtant lugubre, froid et chaleureux à la fois, clair et sombre. Je l’aimais et le haïssais, il m’avait fait connaitre les beaux moments de ma vie, comme les plus difficiles. C’était à lui que je devais ma rencontre avec l’Ange. Mon Ange. D’un geste agacé, je secouai la tête pour faire s’éloigner ces idées enflammées de mon esprit trop fatigué. Je n’avais pas le temps, ce n’était pas l’heure, il était bien trop tôt pour penser à elle, pour m’abandonner à mes fantasmes, à la vie future que je rêvais d’avoir avec elle. Soupirant une ultime fois, je pris les valises que j’avais posé à mes pieds quelques secondes plutôt, et me décidai enfin à me diriger vers le bureau du directeur. Mon pas résonnait contre la dalle fraîche, et il me semblait même entendre mon cœur battre la chamade. C’était étrange de m’entendre vivre, moi qui pensais être mort depuis des jours et de jours. Je ne vivais plus depuis ces dernières semaines, je me contentais lamentablement de survivre, d’errer, de ne penser qu’à elle, toujours à elle, et de regretter chaque instant que je n’avais pas passé avec elle. Ma mère. Voilà déjà deux semaines qu’elle n’était plus de mon monde, de notre monde. La maladie l’avait emporté. Quelle maladie ? Celle qui vous ronge de l’intérieur et se développe un peu plus chaque joue, celle qui vous tue peu à peu et celle qui fait souffrir votre entourage. Pis encore, une maladie moldue que même la sorcellerie ne peut soigner, le cancer. Il s’en était pris à la poitrine rebondie de ma génitrice, puis en deux mois seulement s’était généralisé jusqu’à lui retirer la vie.
Toc toc.
« Entrez » La voix rauque et sage du vieux directeur résonna dans son bureau. Il ne dormait pas, comment était-ce possible à une heure si tardive ? Moi qui pensais venir taper en vain à cette porte. Je m’exécutai cependant, et entrai dans le vieux bureau, magnifiquement décoré, plongé dans une lueur tamisée, propice au sommeil et à la méditation. « Je vous attendais Mr. Weaver. »
« Désolé professeur, je ne pensais pas rentrer si tard, mais il y a eut quelques complications… » Ma gorge se noua à ses mots. Je n’avais pas prévu que ma mère décède aussi tôt, je n’avais pas prévu louper ma rentrée scolaire et revenir un mois après. Je baissai les yeux sur mes pieds, honteux de n’avoir prévenu personne. « Je sais que j’aurais du vous envoyer un hibou, mais je n’ai pas eut le temps… »
« Je comprends. J’ai appris de votre père le drame qui a touché votre famille. Veuillez accepter mes plus sincères condo– »
« Merci » répliquai-je sèchement, sentant peu à peu les larmes monter à mes yeux. Je ne voulais pas pleurer, encore moins devant mon directeur. Je n’attendais qu’une chose de lui, qu’il accepte que je reprenne les cours dans son école. J’étais un bon élève, il ne pouvait me refuser cela, de plus j’entrais en dernière année, et je voulais plus que jamais finir mes études correctement pour être le botaniste que j’avais toujours voulu être. « Monsieur, je suis ici pour savoir si je pouvais reprendre les cours dès lundi matin. »
« Evidemment Leodagan, vous êtes un élève brillant, il serait ridicule de vous interdit l’accès aux études supérieures. Le drame qui vous a affecté ces derniers mois a des conséquences tout à fait compréhensibles sur votre absentéisme. Profitez de votre week end pour vous mettre un peu à jour, et surtout, reposez vous bien, vous avez une mine déconfite. »
J’acquiesçai sans un mot, et remerciai d’un signe de tête le directeur. Il me congédia, et me donna les clefs de ma chambre d’étudiant. Je tournai les talons et quittai le bureau administratif. Complètement perdu, j’arpentai les couloires telle une âme en peine sans vraiment savoir où j’allais. Je redevenais un élève parmi tant d’autre, orphelin de mère, bon élève, connu de personne. Je ne cherchais pas la célébrité, ni la gloire ou les filles pendues à mon cou. En réalité, je n’en voulais qu’une seule. Et je l’avais perdu. Tout était de ma faute. J’étais parti après les examens de fin d’année sans rien dire, à la minute même où j’avais appris que ma mère était atteinte d’une maladie grave. Je n’avais laissé à Météora pas le moindre indice, si ce n’était un petit bout de parchemin écrit rapidement sur un coin de table qui disait « Pardonne moi, mon amour ». Comment avais-je pu être si stupide ? Je me haïssais d’être si lunatique, si solitaire aussi. Elle était la seule personne qui important encore pour moi, et je l’avais laissé, j’étais parti sans rien dire de plus. Perdu dans les couloirs méandreux de Hungcalf, je ne voyais pas vraiment où j’allais, et après quelque secondes d’errance, je percutai brutalement un mur. Un mur ? Non, je compris bien vite qu’il ne s’agissait pas d’un mur, mais d’une personne. L’odeur d’alcool, de drogue et de sexe qui en émanait me ramena bien vite à la réalité, mais ce n’est que cette odeur vanillée qui fit battre mon cœur la chamade. Je l’aurai reconnu parmi tant d’autre, cette odeur. Son odeur. Aucun doute, il s’agissait de Meteora. Reprenant peu à peu mes esprits, je posai mon regard de lagon sur elle, la dévorant du regard, réprimandant mon envie folle de la prendre dans mes bras, de la bercer doucement, de l’embrasser. Mon dieu qu’elle était belle, même enveloppée de ce halo alcoolisé, elle était tout simplement divine, plus belle encore que dans mes rêves. De ma voix douce et rauque, je murmurai, honteux.
« Bonsoir Meteora. Je.. Je ne m’attendais pas à te voir. » En réalité, j’avais espéré ne pas la voir. Je ne voulais pas me retrouver si vite confrontée à ma lâcheté, mais il semblait que Merlin en avait décidé autrement. Comment lui expliquer, lui faire comprendre que j’étais désolé, et qu’à présent, mon seul but, le seul objectif de ma misérable existence était de la reconquérir toute entière et de m’abandonner à elle autant qu’elle le souhaitait ? J’étais prêt à devenir son esclave pour pouvoir l’embrasser et la tenir dans mes bras, pour lui faire l’amour tendrement, elle qui n’était habituée qu’à la brutalité des junkies qu’elle côtoyait. Prenant mon courage à deux mains, j’avançais une main aventureuse vers son beau visage opalin pour écarter une mèche de cheveux qui venait cacher ses yeux magnifiques. « Tu es si belle, ma Meteo… » Cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas montré aussi entreprenant avec une femme, mais cette femme là… c’était la femme. Celle de toute une vie, la mienne.