La nuit était tombée sur le château. Royaume des débauchés de minuit, elle cachait encore bon nombre de mystères. Mais ce n'était que d'un œil indifférent qu'elle regardait les couples s'enlacer et les verres se vider. Un soir de week-end, une atmosphère détendue et propice aux échanges, il n'en avait pas fallu plus pour la grande majorité des élèves en profite. Perséphone esquissa une grimace avant de se lever. Elle n'avait pas touché à son verre et se sentait seule parmi ses âmes vivantes et inconscientes. Incapable de s'ouvrir à ce monde noctambule, la jeune femme quitta le petit bar où elle était venue se détendre quelques heures auparavant. Elle discutait bien avec la gérante et ne se lassait pas d'observer les autres. Mais il y avait des limite et aussi courageuse fut-elle, elle ne parvenait pas à rester ainsi à regarder des gens s'embrasser à pleine bouche. Ce n'était pas du dégoût, mais de la gêne profonde. Elle ne ressentait pas le besoin de se livrer à ce genre de jeux de séduction, comme si elle venait d'une autre planète.

Perséphone resserra son écharpe autour de son cou frêle et prit la direction du château. Comme chaque soir, elle irait à la bibliothèque et réviserait. Elle y trouvait un certain plaisir rassurant, malgré tout ce que l'on pouvait en dire. Cela faisait un moment qu'elle avait cessé d'accorder de l'importance aux qu'en dira t-on. La Lukfin pressa le pas en sentant le froid s'insinuer sous sa lourde cape grise, les yeux levés vers le ciel. C'était une très belle nuit, le ciel dégagé offrait la vue d'une immensité noire et envoûtante. Les traînées d'étoiles tâchaient le ciel de petits clignotements et elle sourit malgré elle. Le spectacle de la nature lui faisait quelque chose, mais elle n'aurait su décrire ce sentiment étrange de liberté confuse qui la saisissait lorsqu'elle se sentait parfaitement en phase avec son environnement. Elle sut aussitôt qu'elle avait changé ses plans pour la soirée. Elle irait observer le ciel jusqu'à ce qu'elle soit transie de froid.

La jeune femme gravit rapidement les marches du château jusqu'au quatrième étage avant de s'aventurer sur le toit. C'était l'endroit idéal. Elle se retrouvait dans les incroyables jardins suspendus d'Hungcalf et regardait autour d'elle, émerveillée. Comment résister à une telle beauté, si douce et silencieuse ? Perséphone s'installa sur un banc à bascule et se laissa bercer par le souffle du vent, ne cessant d'observer le ciel. Ses joues rougies par le froid lui donnaient un air enfantin, elle ressemblait à une poupée de porcelaine échappée de sa boite cartonnée. Ses boucles blondes en bataille ne ressemblaient plus au chignon soigné qu'elle avait travaillé le matin-même mais elle n'y accordait plus aucune importance. Elle avait retrouvé la sérénité qui lui faisait défaut en ce moment. La demoiselle ferma les yeux, assise dans la nuit profonde. Comme au cœur d'un spectacle qu'elle seule pouvait voir et entendre, elle se sentit gagnée par la torpeur. La caresse du vent ne la touchait plus, elle s'évadait lentement vers n monde accueillant.

Plongée dans ses rêveries semi-conscient, Perséphone ne prêtait plus aucune attention à l'extérieur. Elle comptait les battements sourds de son cœur, sentant presque le sang se déverser avec fougue dans ses artères. La vie avait tant de choses à lui offrir... Elle ouvrit néanmoins les yeux en sentant le banc grincer. Le petit coussin sur lequel elle se trouvait s'enfonça légèrement et elle perçut une odeur légère d'after-shave. Elle sourit, privée de sa vue sans la lumière de la lune. Elle n'était plus seule, mais cela n'avait aucune importance. Elle se sentait bien.