Sa réflexion me fit doucement sourire. Comme si j’étais du genre à ne pas me protéger. J’avais beau être un salaud, un connard même, j’étais pas con à ce point là. A ma bombe dans la gueule, au sujet de son frère, il perdit ses moyens à la seconde. Alors, c’était vrai ? Son comportement seul me le prouvait. J’ai difficilement avalé ma salive devant cette vérité. J’avais du mal à encaisser, je devais l’avouer. Et Lucy alors ? Elle prenait la suite quand le premier n’en pouvais plus ? Ca m’écoeurait. Tellement que j’eu envie de vomir le repas que j’avais à peine manger. Je m’étais radoucis et je restais quelque peu dans mes pensées, repassant chaque moment où je les avaient vu ensemble, et ils étaient nombreux, à essayer de décortiquer leur comportement. Je voulais pas que ce soit vrai, parce que si c’était le cas, ça voulait aussi dire qu’il aurait très bien pu me tromper avec lui lorsqu’on était encore ensemble. Etait-ce ça qu’il m’avait cacher durant tout ce temps ? Je refusais d’y croire.

J’ai gardé le silence alors qu’il continuait à déverser sa rage contre moi. Je l’ai simplement regardé, l’observant péter un câble et beugler tellement fort que même le directeur l’entendait, j’en était certain. Je vis les larmes venir s’échouer sur ses joues et plus il parlait, plus je me sentais mal. J’étais d’un calme olympien par rapport à lui. J’encaissais tous ses mots à la suite, et jusqu’à ce qu’il me traite de monstre, j’arrivais encore à soutenir son regard rempli de haine. A l’entendre, il n’y avait que moi qui était en tord, alors qu’il savait parfaitement que c’était loin d’être le cas. Si j’avais foutu notre relation en l’air, il y avait également activement participé ! Si il avait réellement eu des sentiments pour moi, il ne m’aurait pas laissé partir comme ça. Il m’aurait révéler ses secrets et je lui aurais pardonner le fait de m’avoir menti et cacher la vérité pendant si longtemps. Je lui aurais tout pardonner. Mais maintenant, il était sans doute trop tard pour tout ça. Ou bien peut-être est-ce que j’en demandais trop ? Etait-ce vraiment trop demandé ? La sincérité ? Nous n’étions plus de jeunes ados, nous étions des adultes à présent et je dois bien l’avouer, j'avais souvent pensé à la suite, à l’étape suivante lorsque nous étions encore ensemble. Je lui aurais donné le reste de ma vie si il m’avait tout avoué. Je lui avais déjà tant donné. Ca n’avait jamais été facile, notre relation avait eu des hauts et des bas, la plupart du temps par ma faute, à moi et à ma foutue maladie mentale. Je le savais bien, mais putain, je l’aimais tellement. Je refusais de passer ma vie avec quelqu’un qui n’avait pas confiance en moi. Je refusais de donner tout mon amour à un homme qui restait si secret. J’avais le droit de savoir !

« Tu sais très bien pourquoi je t’ai quitté ! Arrête de me faire passer pour le méchant alors que c’est de ta faute aussi ! C’est toi qui voulait absolument garder tes petits secrets pour toi. Et ne me dis pas que c’est de la parano ! T’as jamais été totalement franc avec moi, jamais ! »

Plus je parlais et plus ma colère revenait petit à petit à la charge. Putain, il avait pas capter quand je lui avais dis de dégager ? J’avais pas été assez clair ? Apparemment non, ou bien il voulait réellement qu’on s’engueule une fois de plus ? Avoir une excuse pour retourner pleurer dans les bras de son frère ? Sans doute. Je voulais pas savoir. Je voulais qu’il soit sincère, rien qu’une fois. Mon regard est reparti vers le sien, essayant de comprendre, de savoir la vérité après tant de temps dans le silence. Qu’est ce que j’avais fais pour qu’il ne me fasse pas confiance ? Qu’est ce que j’avais pas fait ? Pas dis ? J’en pouvais plus.

« St-James, Blackburn, qu’est ce que vous faites encore là ? Pourquoi n’êtes-vous pas en cours ? Qu’est ce que c’est que tout ce cirque, on vous entends depuis les cachots ! »

Manquais plus que ça. Un prof. Et l’un des plus détestable en plus. Joie ! Putain de journée à la con ! Comme si j’avais pas assez d’ennuis comme ça. Fusillant joyeusement mon prof du regard, je me relevais de mon banc d’un air las.

« C’est rien Monsieur, juste Hélios qui pète un câble. On avait une heure de libre…»

Il me regarda un instant avant de regarder Hélios, puis inversement avant de finalement se tourner vers moi.

« Je suis sûr que vous y êtes pour quelque chose Blackburn. Attention à vous, il ne suffirait pas de grand chose pour vous donner un avertissement ! Ne soyez pas en retard ! »

Je réprimais mon envie répliquer du tac au tac alors qu’il se contentait de partir, apparemment heureux de son petit effet. Moi, je me rassis aussitôt, soupirant d’autant plus.

« Tu sais quoi ? T’as raison, j’suis juste un monstre. Et les monstres, il ne faut pas leur faire confiance. »

C’est tout ce que je trouvais à dire. J’étais las et je voulais juste rentrer dans mon dortoir pour piquer un somme. Mais je pouvais pas, non, la journée venait juste de commencée et était bien loin de finir. Alors, autant lui donner raison pour cette fois. De toute façon, ce n’était pas comme si il allait me révéler ses secrets comme par magie.

Pourquoi je suis encore là moi ? Sérieux, je comprends même pas pourquoi j’ai pas encore pris mes jambes à mon cou pour me barrer. Non, je suis là à m’énerver sur lui comme un con, à écouter ses paroles blessantes, à regarder son petit sourire merdique. Va y je vais lui faire bouffer son sourire là, il se prend pour qui ? Il sait même pas ce que je vis chaque jours, que je suis mal dans ma peau, que je suis un monstre tout comme lui en quelque sorte. Non, il sait rien, mais il m’accuse. Il me balance que j’ai jamais été sincère avec lui, pas totalement franc, ce qui n’est pas un mensonge en soit. Oui, je n’ai pas été sincère, mais j’avais peur. Peur qu’il me voie autrement, peur qu’il me repousse pour cette différence. Voire le futur des gens c’est bien, mais le passé c’est autre chose. Je m’introduis dans la vie des autres sans le vouloir, je force l’intimité de leurs souvenirs sans le vouloir. Violation de vie privé, voilà ce que c’est à mes yeux. « Tu peux pas comprendre Neo ! » Cette fois-ci j’avais gueulé si fort que je me fis mal à la gorge, sauf que voilà, un prof ramène sa sale gueule près de nous et je détourne les yeux, gêné. Super, il ne manquait plus que ça. Puis, l’autre-là qui en rajoute une couche. Il sait pas la fermer quelques secondes non ? D’ailleurs, même le prof sait qu’il est en faute, faut pas demander.

Je regarde le professeur sans aller et je soupire, passant une main dans mes cheveux. Neo sourit et me donne raison, sauf que son sourire, ça me donne envie de l’étriper, de lui casser le nez. Et là, je sens une telle colère monter que je ne contrôle plus rien. Mes tremblements sont féroces et j’approche brusquement de lui, m’arrêtant à quelques centimètres. « Tu sais quoi Neo, on est deux à être des monstres. Tu veux savoir ce qui ne tourne pas rond chez moi, alors, ouvres grand tes oreilles de connard. » Non, je vais quand même pas faire ça ? Non mais, en vrai, quand je suis en colère j’ai tendance à faire pas mal de conneries que je regrette par la suite…Hors, là, j’allais clairement faire une énorme bêtise. « Je suis Voyant Neo, je suis une bête de foire. Sauf que, contrairement aux autres Voyants ordinaires, moi, je vois dans le passé des sorciers et non pas le futur. Je m’introduis dans leur intimité, je perçois leurs souvenirs depuis que j’ai atteint l’âge de six ans. Ma vie est un enfer constant fait de flahs, de visions que je ne contrôle pas et les seuls à être au courant sont ma famille et Lucy, point. Alors ouai, j’ai pas été sincère avec toi, mais j’ai pas envie de voir les gens me regarder comme ils regardent ma grand-mère et j’avais pas envie que tu me vois autrement que comme l’homme que t’étais censé aimer ! »

Censé aimer, oui, parce que là, je ne voyais plus aucun amour dans ses yeux. Je recule furieusement, serrant les dents comme un taré au point de m’en faire mal à la mâchoire. « Heureux ? Soulagé ? T’es content de toi ? Tu sais tout, comme ça, tu vas pouvoir aller le crier sur tous les toits que ton ex est un putain de monstre qui peut savoir des choses sur les étudiants. Parce que, contrairement à toi, j’ai vu pas mal de choses à ton propos mais, tu vois, moi j’étais toujours là, avec toi, parce que je t’aimais tel que tu étais, ni plus ni moins. Mais va y Neo, continue de me rendre la vie impossible, t’as l’air de kiffer ça ! » C’est bon j’ai fini ? Ah non, une dernière chose. « Quand j’étais avec toi, j’ai tous abandonné, j’ai éloigné tout le monde de moi, y compris Xavier. Mets-toi bien ça dans le crâne. » En gros, j’essayais sournoisement de lui dire que je ne l’avais jamais trompé, parce que je le connais, je suis sûr qu’il se fait déjà des films dans sa petite tête de bipolaire !