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espion de carton (AMA)
Lun 5 Déc 2016 - 19:19
Amarillys & Merim
Il était difficile de faire table rase du passé, quand sa réminiscence se baladait sous votre nez. Merim se sentait bien moins serein quand il la croisait par hasard, et avait fini par se faire une raison - une Lydia jeune, fraîche et timide était née de nouveau dans son monde. Une fleur aux pétales dorés, aux joues roses, à la moue délicate - les souvenirs s'épanouissaient comme autant de blessures mal refermées. Le professeur ressentait un mélange de honte et de stupeur, à chercher par tous les moyens de l’apercevoir - tout était bon pour interrompre un cours, pour poser une demi-seconde ses prunelles noires sur son visage aux traits fins. Ce n'était pas l'amour sensuel qui faisait battre son coeur la chamade, ni les émois d'une passion, mais des tambours du passé, cruels comme des épines. Et malgré le fait qu'il sache qu'il se montrait rude, impoli, voire effrayant à se trouver si souvent derrière ses talons, il ne pouvait se sortir cette inconnue de l'esprit. Elle était un fantôme de chair et de sang, au regard pâle et brûlant comme un brasier ardent. Il ne pouvait se l'enlever de la tête tout comme il ne pouvait cesser de voler ou de respirer. Et c'était là un problème majeur, depuis qu'il l'avait rencontrée.
Ses pas au rythme félins montaient les degrés de l'escalier avec une agilité empreinte d'impatience. Il avait vu sa silhouette, il l'avait reconnue, non avec les yeux mais avec le coeur - au serrement douloureux qu'il avait eu. Il se sentait pervers, et bien vieux, à faire peur ainsi à une étudiante ; pourtant, avant qu'il ait pu réfléchir, il avait interrompu sa conversation avec un élève, y avait mis fin avec une sévérité involontaire, et s'était dépêché de voler vers elle, sans perdre de vue la ligne de son corps. Il tourna un angle, et s'arrêta en entendant miauler à quelques mètres. Quelle ne fut pas sa surprise de voir la jeune femme et ...
« Djin ? »
Il avait murmuré, mais peut-être un peu trop fort ; il haussa les sourcils, sa moustache frémissant comme celle du félin alors que les yeux verts de son animal se tournaient vers lui avec toute la malice du monde. Depuis combien de temps miaulait-il ? Merim eut conscience de quelque chose qui le dérangea : le chat avait voulu arrêter la demoiselle, pour les faire se rencontrer. Il avait vu Djin filer à toute allure dans un couloir alors qu'il montait ; était-ce ce qu'avait le chat en tête ? Pour le moment, il ronronnait dans les mains de la blonde ; hélas, son maître faisait grise mine - il n'était guère doué pour espionner. Il se recula d'un pas, quelque peu fébrile.
« Je- je ne voulais pas vous déranger, je vais vous laisser » fit-il d'une voix qu'il espérait neutre, pourtant tendue et sensiblement mal à l'aise. Il regardait partout sauf devant lui, l'onyx de ses yeux cherchant à ne pas la toiser trop farouchement. Pourtant, il avait envie de l'entendre parler - pouvoir se rendre compte qu'elle n'était pas Lydia. Il y avait maintenant belle lurette qu'il n'aimait plus son ancienne femme, qu'il n'avait plus pour elle l'amour des premiers jours. Elle l'avait bien trop blessée à la mort de Epona. Malgré tout, revoir quelqu'un portant ses traits de lorsqu'ils s'étaient rencontrés, cela remuait quelque chose en lui. Mais je n'ai pas le droit d'embêter cette élève avec mes histoires. Il le savait, comme il savait que les oiseaux sont fait pour voler et les poissons pour nager ; son coeur ne voulait rien entendre, et continuait à vouloir crever ses côtes, cherchant à en sortir pour rythmer l'air de son pas cadencé. Merim lécha ses lèvres, le visage défait et le regard fuyant ; combien n'aurait-il pas donné pour disparaître soudainement !
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