Mercredi 6 septembre

La rentrée est déjà là et j'ai le sentiment de ne pas avoir vu passer les vacances d'été. Et en même temps, j'ai la sensation qu'elles ont été terriblement longues, terriblement mornes. Je n'ai pas encore repris contact avec Gideon, et pourtant j'en meurs d'envie. Mais je suis lâche, terriblement lâche sur ce point, et n'ose m'exposer à un rejet de sa part. Après notre dispute avant la période estivale, j'ai espéré qu'il revienne de lui-même, parce que c'était plus facile, pour moi, quelque part. Je savais que je l'aurais accueilli à bras ouverts, peut-être pas comme l'amant qu'il a été pendant des années, mais au moins comme le complice qu'il sera toujours à mes yeux, quoi qu'il arrive. Je savais que j'avais besoin de lui auprès de moi, et que mon coeur n'attendait qu'un geste de sa part pour oublier les mots durs qu'on a pu échanger. Je le savais, oui, mais lui, en était-il aussi sûr ? Sans doute que non. Peut-être que lui aussi, attend que je fasse le premier pas, en se demandant si, un jour, je pourrai lui pardonner les propos qui ont parfois dépassé sa pensée, tout comme je n'ai pas forcément réussi à exprimer de la façon la plus diplomate qui soit mon point de vue face à sa décision. Peut-être. Ou peut-être qu'il n'a aucune intention de me revoir, et que, si j'espère voir un jour le hibou des McKinnon me rejoindre, ou sa grande silhouette me faire signe au loin, je ne fais que me voiler la face. Peut-être que, si je me décide à prendre mon courage à deux mains et si je tente d'aller vers lui, il me renverra à mes propos cinglants du mois de juin, et me tournera à nouveau le dos. Et ça je ne crois pas que je sois capable de le supporter.

Alors j'espère en silence, mais reste attentiste, aussi déplorable puis-je trouver ma propre attitude passive. En attendant, la rentrée est déjà un sujet bien assez vaste, et outre la reprise des cours et les courses de rentrée au préalable, j'ai aussi d'autres choses à gérer, et notamment la gestion du club des Nymphes, la semaine d'intégration et les nouvelles nominations. L'annonce de la non réinscription de notre présidente m'a surprise, mais je ne peux pas dire que j'en sois attristée. Nous n'avions, honnêtement, pas la même conception du club, et lorsqu'elle partait dans ses délires de ragots interminables, je n'avais qu'une envie : me lever et partir. Il y avait le reste, cependant, les associations pour lesquelles on oeuvrait, en premier lieu, et celles-ci me tenaient suffisamment à coeur pour que je ne laisse pas la place aussi facilement. J'ai plusieurs fois songé à quitter le club, à tenter d'en créer un nouveau, dans l'esprit que j'imaginais trouver auprès des Nymphes, mais il m'aurait fallu plus de temps pour moi. J'y ai songé, mais je ne l'ai pas fait. Et quand mes conversations, anodines au départ, m'ont fait comprendre que je n'étais pas la seule à penser ainsi, le projet a commencé à se former réellement dans mon esprit, bien que je ne visse toujours pas comment le mener à bien correctement. Et donc, notre présidente ne s'est pas réinscrite à Hungcalf, et j'y vois, clairement, une opportunité de donner une nouvelle ligne directrice à ce club. J'ai hésité à proposer d'en reprendre les rennes, mais je ne m'en sens pas les épaules, pas en ce moment, et la chorale et les quenouilles me tiennent trop à coeur pour que je les délaisse par ailleurs. Alors il nous a fallu une nouvelle dirigeante, et la candidature de Leez est arrivée à point nommé.

Miss Wilson est loin d'être une inconnue, pourtant nous ne nous connaissons que de façade. Si on y songe un peu, elle n'est que la jolie poupée rousse que ses parents exhibent dans les soirées mondaines à mes yeux, tout comme je suis sans doute seulement la jolie poupée blonde qui suit la voie tracée par ses parents pour elle. Je suis pourtant bien d'autres choses, et peut-être est-ce aussi son cas. C'est l'idée qui me traverse l'esprit comme je profite de cette première semaine de septembre pour convier l'héritière et les autres Nymphes à me rejoindre pour prendre le thé... et discuter tranquillement du devenir du club. Les autres Nymphes et les peut-être futures, puisque ce n'est pas seule que je traverse le parc pour rejoindre une tente blanche, plus vaste que l'extérieur le laisse présager, aménagée en salon de thé, mais accompagnée de ma cadette, qui entre cette année à Hungcalf, et je dois bien admettre que sa présence à mes côtés est un ancrage dont j'ai particulièrement besoin. Si bien que j'espère très fortement qu'elle nous rejoigne, et qu'avoir fait un premier pas parmi nous l'y décide. Quand nous avons évoqué les clubs au début de l'été, elle n'a envisagé que la Chorale, et si l'y savoir me ravit, je mentirais si j'affirmais ne pas me soucier de la voir parmi les Nymphes. D'autant plus maintenant que nous avons l'opportunité d'en faire quelque chose de réellement bien.

La patronne de la Moufette Enchantée, habituée de nos réunions, a été prévenue, et en tant qu'ancienne Nymphe elle-même, a proposé de jouer les hôtesses pour l'après-midi. A notre approche, elle nous désigne les tables installées un peu plus loin, où elle a déjà disposé divers petits fours à l'attention de cette société de filles de bonne famille (ou c'est tout comme) qui vient d'ordinaire prendre possession de son échoppe. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois sans doute, qu'elle offre ses services aux réunions plus ou moins informelles du club, il est plus rare, cependant que ce ne soit pas chez elle, mais c'est toujours avec un sourire qu'elle nous accueille.

- Par ici, miss Delaunay.

Je l'ai suivie, invitant ma soeur à faire de même, et je n'ai pas eu besoin de demander quoi que ce soit pour qu'une tasse délicatement ouvragée emplie de thé à la rose apparaisse devant moi. Et j'ai à peine le temps de la remercier poliment que le carillon qu'elle à installé à l'entrée de ce salon improvisé tinte légèrement, annonçant l'arrivée des premières de nos camarades Nymphes.

En fin d’après-midi, il arrivait souvent à Reagan de profiter de son temps libre pour se retrouver dans le parc et faire son jogging, une activité sportive souvent considérée comme trop « moldue » pour la plupart de ses camarades, qui l’observaient faire des tours, de loin. C’était une habitude qu’elle avait prise des années plus tôt et ces séances étaient rapidement devenu un rituel quotidien auquel elle n’échappait que rarement. Ce dernier était un parfait exutoire pour la jeune Pokeby – il lui permettait d’expulser toutes les contrariétés qu’elle pouvait accumuler selon son emploi du temps et purger ses tensions sous-jacentes, tant et si bien qu’elle pouvait conserver un contrôle optimal de ses émotions. Du moins, la plupart du temps.

Reagan sentait chacun de ses muscles se contracter et ses organes cardio-respiratoires fonctionner à plein régime. Chaque foulée était un réel délice pour la jeune femme, qui ne tarda pas à allonger celles-ci et sprinter dans un dernier effort jusqu’aux vestiaires du stade de quidditch. La peau reluisante de sueur, elle se laissa tomber sur un banc et chercha sa bouteille d’eau qu’elle ne tarda pas à porter à sa bouche avant de boire goulûment. Une fois rafraichie, elle commença par se dévêtir, ayant dans l’idée de prendre une douche. En effet, Reagan ne pensait pas qu’il serait judicieux de se rendre à une réunion des Nymphes dans l’état où elle se trouvait. Elle allait tout de même se rendre un minimum présentable. D’autant plus que l’ordre du jour aujourd’hui, concernait directement la nouvelle tête dirigeante du club. Autant ne pas paraître plus négligée qu’elle ne l’était.

Le jet d’eau fouetta sa chair d’ivoire et Reagan poussa un léger soupir d’aise. Elle s’attarda un peu, prenant plaisir à sentir chacun de ses muscles se détendre sous la chaleur délicieuse de la douche. En réalité, la jeune femme aurait sans doute préféré se prélasser dans les thermes de l’université, à la lueur des bougies et leurs senteurs divines… Rien que d’y penser, elle se sentait d’ores et déjà tentée. Nonobstant, en tant que membre et décoratrice, elle ne pouvait se permettre de rater une réunion : d’autant plus la première de l’année. C’est pourquoi au bout d’un petit quart d’heure, elle coupa l’eau et s’enveloppa dans une douce serviette mauve. D’un geste souple de la main, elle fit disparaître ses affaires de sport, ces dernières rapidement remplacées par une tenue plus adaptée : une robe en maille fine d’un joli beige et une petite veste olive. Elle enfila le tout, puis sécha sa longue chevelure rousse d’un simple coup de baguette magique. Pour n’importe quelle fille normale, cette opération aurait sans doute dut prendre une vingtaine de minutes – des fois, rien que pour ces raccourcis, Reagan ne pouvait s’imaginer se passer de magie et revenir à la banalité non-sorcière. Elle enfila des bottes en daim élégantes et pris le chemin de la tente blanche installée dans le parc, transformée en salon de thé pour l'occasion.

Reagan n’était pas un membre particulièrement impliqué dans le groupe des Nymphes. Du moins, idéologiquement. La seule raison de sa présence dans le groupe et de son implication certaine, se résumait à son goût très sûr en matière de décoration et le plaisir certain qu’elle en tirait, lorsque les événements organisés se révélaient majestueux grâce à ses soins. Autrement, elle n’aurait sans doute jamais mis les pieds dans ce groupe. Lorsqu’elle arriva à la tente/salon de thé, elle salua aimablement la gérante de la Mouffette Enchantée qui s'était déplacée pour l'occasion, qu’elle appréciait beaucoup depuis le temps qu’elle fréquentait l’établissement. Aujourd’hui, les cheveux de la gérante était orange, ce qui lui donnait un curieux air de potiron… Ou de carottes. Reagan sourit et repéra rapidement Holly du regard. Une jeune fille blonde était à ses côtés, à laquelle Reagan ne fit pas particulièrement attention dans la mesure où elle ne la connaissait pas. Elle s’installa sur une chaise en sortant d’ores et déjà son carnet de dessins pour patienter.

« Salut les filles, » dit-elle néanmoins pour ne pas paraître complètement antipathique. « Leez ne va pas tarder, j’imagine ? » Ajouta-t-elle à l’attention d’Holly.

Reagan ouvrit son carnet et se mit machinalement à dessiner la vaisselle en porcelaine qui se trouvait devant elle. Lorsque la gérante vint lui demander ce qui lui ferait plaisir, elle répondit ;

« Un thé muffin myrtille s’il te plaît, merci »

- euh c'était normal la reaction de la lufkin là ? J'ai pas compris...

Je secoue légèrement la tête, réprime un soupir. L'impact du charme sur Sapphire a toujours été un mystère et je regrette de ne pas avoir eu le temps de prévenir ma cadette à ce sujet.

- Normal, je ne sais pas, je croyais que seuls les hommes réagissaient à notre nature, mais il semble qu'il agisse sur elle mais de façon différente encore... Je suis désolée, je n'ai pas eu l'occasion de t'en avertir...

- Comment te sens-tu Holly ?

Je dois me faire violence pour ne pas marquer un temps d'arrêt quand elle me pose cette question. LA question. Celle que je refuse de me poser, de peur de la réponse qui m'attendrait.

- Ca va aller, ne t'inquiète pas.

Je ne veux pas lui mentir en lui offrant un "ça va" convenu, mais je ne veux pas me pencher dessus non plus, de peur de ce que la moindre analyse pourrait révéler. Et puis c'est la vérité : un jour, ça finira bien par aller.

A peine entrée dans la tente aménagée pour l'occasion, j'arbore le masque mondain que Grace me connaît depuis l'enfance, et nous sommes agréablement accueillies et installées quand Reagan nous rejoint.

- Salut les filles !  Leez ne va pas tarder j'imagine ?

Jai hoché la tête tandis qu'elle a passé commande pour un thé aux arômes sucrés, juste avant que nous soyons rejointes par Coleen.
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- Bonjour Mesdemoiselles... Holly, comment vas-tu ? J'ai été une amie indigne, mes vacances ont été assez … intenses. J'aurais dû t'envoyer un hibou pour prendre de tes nouvelles. Je te prie de m'excuser.
- Ce n'est rien Coleen. Je crois que cet été a été mouvementé pour beaucoup. Et... Ça va aller, c'est gentil de t'en inquiéter.

Je ne m'étalerai pas davantage sur le sujet ici, c'est une certitude. Même si la lufkin est plus qu'une simple camarade nymphe, ce n'est pas le lieu, et de toutes les manières, je n'ai padvraiment envie d'en parler.

J'imagine que tu es Grace? C'est une agréable surprise de te voir ici. Je suis Coleen McBee, ravie d'enfin faire ta connaissance...

Jai laissé Coleen et Grace faire connaissance, fixant l'entrée dans l'espoir d'y voir se découper la silhouette de Leez, mais il a fallu de longues minutes pour que ce soit effectivement le cas.
Bonjour les filles, Holly, merci pour avoir préparé tout cela. Comment allez-vous toutes ? C'est une joie de vous revoir ! Grâce je suis contente que tu soi là! Coleen tu a l'air plus bronzée, toi aussi Reagan, vous avez passé de bonnes vacances ? Oh et désolé du retard.. Vous avez vu la foule devant ?

U sourire étire mes lèvres.  Leez dans toute sa splendeur, aussi flamboyante que sa toison de feu. Nul doute qu'elle s'est déjà acclimatée à son rôle de présidente - je n'enattendais pas moins d'elle en même temps.

- Je t'en prie, Leez, ça n'était rien...

Je réalise seulement que j'ai parfaitement occulté les journalistes auxquels elle fait allusion, mais préfère de toute façon passer ce sujet sous silence.

- Je t'en prie, installe-toi, on va t'apporter une tasse de thé...

J'aià peine prononcé ses mots que la patronne est auprès de noys, prête à prendre les commandes - les devançant presque même - qu'elle n'a pas déjà notées, et à déposer celles qu'elle ne nous avait pas encore apportées.

- Bien, mesdemoiselles, peut-être pouvons-nous aborder l'ordre du jour immédiatement... à commencer par l'investiture de Leez au poste de présidente. Je pense pouvoir parler au nom de toutes en affirmant que nous sommes ravies de t'avoir parmi nous...

Jai terminé ma phrase en me tournant plus directement vers Leez à qui j'adresse un sourire poli.

- Nous n'étions plus très en phase avec l'ancienne, je crois que ta vision de notre groupe nous rassure toutes.

Un regard à l'assemblée, comme pour chercher leur approbation et j'enchaîne justement sur ce qui me tient à coeur dans ce club.

- Nous avons justement reçu une demande pour le soir de Noël... Inverness organise plusieurs événements pour les fêtes de fin d'année et nous sollicite pour une action caritative...

Ca n'était pas la première fois que la ville faisait appel aux nymphes mais c'était toujours une certaine pression que de gérer ce genre d'événement. J'imagine, aussi, que ce genre d'ajout aux festivités permettaient de donner un caractère moins futile et une meilleure image du conseil municipal... mais quelles que soient les motivations, l'essentiel pour moi était l'action en question.

- Il pourrait être question d'une vente aux enchères, et nous devons décider pour quelle oeuvre nous voulons agir parmi celkes-ci...

Jzi tendu à mes camarades des listes d'associations caritatives, attendant visiblement d'elles qu'elles donnent leur opinion. Pour ma part, le choix s'est instantanément porté sur lea fondation de soutien aux cracmols, mais le sujet est bien évidemment ouvert au débat.