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L'arc-en-ciel gourmand (Levius)
Ven 6 Sep 2019 - 0:38
Les paupières de Maxine sont lourdes, comme à chaque fois qu’elle se retrouve devant l’énorme livre de compte. Les chiffres, ce n’est plus son truc depuis longtemps. Ç’avait toujours été un calvaire pour elle de se mettre à travailler ses cours de comptabilité lors de son diplôme, et les choses n’avaient pas changées. Cependant, elle tenait à mettre à jour le livre par elle-même, parce que cela lui permettait de se rendre compte des dépenses et des recettes de la boutique. Sur la gauche, on pouvait lire toutes les commandes : la farine, le sucre, les œufs… Mais également les salaires versés aux employés et le loyer de la boutique. Sur l’autre colonne, les chiffres plus positifs qui correspondaient à ce qui rentrait dans sa caisse chaque jour. Cependant, la différence entre les deux colonnes restait infime. Cela faisait déjà trois mois que les recettes avaient diminuées, en raison des vacances scolaires qui signifiait le retour d’un certain nombre d’étudiants dans leurs familles.
Avec un peu de chance, la rentrée scolaire apporterait son lot de nouveaux élèves. Maxine se réjouissait déjà de les rencontrer. Si elle aimait passer du temps derrière les fourneaux à cuisiner ou inventer de nouvelles recettes, elle appréciait encore plus voir ses pâtisseries dégustées avec un sourire. Ainsi, il n’était pas rare de la voir servir ses clients, ou simplement se balader dans le salon de thé pour recueillir les avis et partager un brin de causette. Elle s’était d’ailleurs liée d’amitié avec quelques fidèles, qui passaient parfois plusieurs fois par semaine dans sa boutique. Depuis le début de l’année, elle avait appris à retenir leurs habitudes : tel groupe d’amis prends toujours une grande théière avec un assortiment de desserts, tel professeur prend son café très serré et sans sucre mais adore les choux à la crème, tel couple partage toujours une tartelette aux prunes confites… Contrairement aux dires de son père, Maxine savait que le succès de la Mouffette ne reposait pas uniquement sur la qualité des matières premières ou sur le mobilier de la boutique. Non, ce qui faisait que le salon de thé était un endroit si agréable, c’était le cœur qu’elle mettait lorsqu’elle cuisinait, c’était les serveurs aux petits soins, c’était la bonne humeur qui se dégageait du lieu. Et puis aussi, le fait que chacun se sente le bienvenu : des plus bavards qui venaient pour raconter leur dernière journée de cours aux plus discrets qui s’asseyaient derrière les paravents avec un livre, tout le monde trouvait sa place.
Levius faisait assurément partie du second groupe. Maxine le connaissait depuis l’époque de Poudlard, quand elle était encore une enfant qui découvrait avec de grands yeux émerveillés les mystères du château. Quelques sourires dans la salle commune des Poufsouffles, puis un ou deux mots glissés à l’heure du petit-déjeuner pour finalement finir sur une amitié qui durait depuis plusieurs années déjà. Levius avait presque sa table réservée, et les serveurs savaient qu’il fallait remplir sa tasse quand elle était vide sans lui faire payer de supplément. Et s’il n’était pas encore passé aujourd’hui, c’était parce qu’il devait apporter à Maxine une commande qu’elle lui avait passée quelques jours plus tôt. En effet, la jeune pâtissière tenait à intégrer dans ses préparations des ingrédients locaux, alors elle achetait à Levius des plantes magiques issus de son exploitation. Elle adorait inventer de nouvelles recettes avec ce que son ami lui ramenait, la diversité de ses plantes stimulant sa créativité.
Maxine se releva en sursaut quand la clochette de la porte tinta. Elle avait fermé les yeux seulement une seconde, n’est-ce pas ? A en juger par l’horloge au-dessus de son fourneau, cela faisait plutôt une bonne demi-heure, et c’était sûrement Levius qui venait de franchir la porte malgré la pancarte Closed. Maxine essaya de plaquer ses cheveux en bataille, glissa son livre de compte sous son bras et sortit de son arrière-cuisine pour accueillir l’ancien Poufsouffle. « Bonsoir Levius ! » Il était à peine dix-neuf heures, mais c’était le seul moment de la journée où Maxine avait un peu de temps pour recevoir ses amis hors du brouhaha habituel de la boutique. « Comment vas-tu ? » Elle se débarrassa du livre de compte en le glissant sous le tiroir-caisse, libérant ainsi ses bras pour attraper la caisse en bois que tenait Levius. « Qu’est-ce que tu m’as rapporté de bon aujourd’hui ? » questionna-t-elle en humant les parfums mélangés des plantes fraîchement cueillies, laissant son imagination réfléchir à de nouvelles recettes.
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Re: L'arc-en-ciel gourmand (Levius)
Ven 13 Sep 2019 - 18:38
Levius achevait de disposer sa récolte de plantes sur une claie avant le séchage. La fin de l'été était une période d'activité particulièrement intense à la ferme. La plupart des fruits arrivaient à maturité et les herbes achevaient de monter en graine. Il s'agissait de ne rien perdre de tous ces beaux produits, car leur vente constituait la plus grosse part du revenu de l'entreprise.
Levius avait donc dirigé ses employés à la récolte, tandis qu'il s'occupait du conditionnement (partie délicate et sur laquelle il préférait garder la main) : il s'agissait de sécher ce qui pouvait l'être, de transformer en poudre, de mettre en pot, de saler, d'enchanter et ainsi de suite. Pour ce faire, le jeune homme appliquait les gestes appris des mains de son grand-père : savoir faire précieux que l'on n'acquiert et ne perfectionne qu'au fil des ans. Car s'il était bien une chose que Levius avait découvert en gérant l'exploitation historique de la famille Bird, c'est que certaines choses, certains gestes, ne s’apprennent pas dans les livres. Il aurait pu étudier dix ans de plus à l'Université que cela n'y aurait rien changé : Levius n'avait jamais été meilleur botaniste qu'aujourd'hui et il était certains que dans dix ans, il en serait un bien meilleur encore.
Cette évidence le confrontait à une réalité qu'il avait souvent ignoré, étant de ceux qui ont l'âme plus intuitive que laborieuse. Mais plus il s'investissait dans cette entreprise, plus Levius saisissait la valeur du travail et sa signification intrinsèque. Alors, il voyait s'adoucir les tourments perpétuels de son âme tourmentée. Il voyait se dessiner à l'horizon une forme pleine de sens, là où n'était autrefois qu'un brouillard aux contours flous.
Les efforts physique, la rudesse des claies, la chaleur, les insectes, la terre, les mains qui s'usent, les muscles qui souffrent, la fatigue accumulée, le stress, les échéances en approche, l'incertitude du lendemain, tout cela lui rappelaient combien il vivait, combien il goûtait le jour, là où n'étaient autrefois que rêveries et projections stériles. Levius abandonnait un peu de rêve, mais il gagnait en existence et de le constater lui procurait un profond sentiment de sérénité qu'aucun aléas n'ébranlait plus vraiment.
Il comprenait qu'il valait mieux être au monde que de seulement le contempler, mais la chose était à ce point nouvelle qu'il lui arrivait encore de s'en effrayer. C'était assez rare, car il était très occupé ces temps-ci, mais cela arrivait. Par ailleurs, il s'inquiétait parfois de voir son environnement changer trop vite. Levius demeurait un être profondément réticent au changement. Pourtant, il n'avait rien d'un conservateur. L'explication était à chercher dans son caractère farouche et cette crainte irrationnelle qu'il avait de voir filer le temps.
Voir déambuler des visages jeunes à travers tout le domaine lui rappelait combien l'époque de son enfance n'était plus. Levius gardait pourtant des images vivides de ces après midi passées en compagnie de son grand-père, des gestes savants qu'il avait et de la passion dans sa voix. Elles n'étaient pas anodines, ces choses là. Elles l'avaient faites lui, Levius.
Alors parfois, il est vrai, le jeune homme se sentait dépossédé dans sa solitude. Son doyen le regardait depuis un autre monde, mais Levius n'avait plus de bras sur lequel s'appuyer. C'était effrayant plus que stimulant, car l'affection de son ancêtre lui manquait. Il comprenait néanmoins, en devenant adulte, que c'était un prix de l'existence et qu'on n'avait d'autre choix que de l'accepter.
Banalité tragique.
Levius saisissait donc les occasions de disparaître comme autant de trêves adressées à la maturité. Ainsi, s'il s'appliquait à gérer correctement les différents chapitres de sa vie, il avait régulièrement besoin d'offrir à son insouciance quelques parenthèses.
L'une de ces parenthèses se situait à Myrddin Wyllt et son visage était celui de Maxine Nightingal. Levius connaissait Maxine depuis Poudlard. Elle faisait parti de ces rares individus à qui il avait jamais adressé la parole et pour lesquels il avait eu un regard. Chose tout à fait extraordinaire, comme on sait, tant le jeune homme existait loin du monde, à l'époque.
Maxine était une nature douce, cependant et cela parlait à Levius. C'était ce genre de langage sans parole qu'un esprit farouche comprend. Il aimait l'attention qu'elle portait aux détails. Ainsi, chaque fois qu'il franchissait la porte du salon de thé, c'était pour se voir gratifié des mêmes attentions délicates. Impossible pour Levius de ne pas s'en émouvoir, lui qui ne manquait rien en dépit d'un regard perpétuellement fuyant.
A force, cette discrète amitié avait accouché d'une collaboration (chose toute naturelle entre deux jeunes entrepreneurs). Levius apportait à Maxine des produits qu'elle se chargeait ensuite de mettre en valeur avec ses recettes. Un univers de créativité. Pour le botaniste c'était l'occasion de changer d'approche. Il découvrait de nouvelles choses et elle étendait sa carte : de quoi satisfaire tout le monde.
« Bonsoir...
Levius venait d'entrer. Après sa longue journée de travail, il lui restait encore à livrer la commande de son ancienne camarade de classe. Cela ne le gênait pas du tout car, comme nous l'avons évoqué plus haut, il aimait tout particulièrement ces moments éloignés du quotidien.
Le regard toujours fuyant, mais avec son éternel sourire en coin, il s'en vint donc poser la cagette de fruits et de plantes sur le comptoir, à côté de la jeune femme.
« Grosse journée. Dit-il, rectifiant la position de ses lunettes sur son nez. Mais toi ? On dirait que tu viens de te réveiller.
Difficile de dire à quel moment Levius avait envoyer son regard détailler les traits de Maxine, mais on constatait que, comme à l'habitude, il n'avait rien manqué. Néanmoins, le jeune homme semblait très impatient de lui montrer ce qu'il avait et enchaîna presque aussitôt.
« Je crois que ça devrait te plaire. Dit-il. J'ai des mirabelles, des prunes, des abricots, des fraises et... Pour les variétés magiques...
Le jeune homme sortait à mesure de la cagette des petits sachets de papier, qu'il ouvrait ensuite, de sorte à laisser à Maxine le loisir de regarder la marchandise.
« J'ai cette nouvelle variété de poire qui a un petit goût de macadamia... En plus elle est violette, mais ça... Il haussa les épaules, l'air de dire que l'on ne peut pas toujours prévoir ce qu'un croisement de variété magique va donner. Cette herbe que j'ai ajouté au catalogue au printemps... Elle m'a été conseillée par un botaniste des Pyrénées.
Il présenta la plante à Maxine en arrachant une feuille et en la frictionnant entre les mains de sorte à en extraire le parfum.
« On dirait un mélange entre de la menthe et du basilic. Ah ! Et ce fruit exceptionnel qu'il faut que je te montre...
A nouveau, on le vit fouiller parmi les sachets jusqu'à trouver le bon.
« On dirait un peu une groseille à maquereau, mais ça a le parfum de la lavande.
Levius avait donc dirigé ses employés à la récolte, tandis qu'il s'occupait du conditionnement (partie délicate et sur laquelle il préférait garder la main) : il s'agissait de sécher ce qui pouvait l'être, de transformer en poudre, de mettre en pot, de saler, d'enchanter et ainsi de suite. Pour ce faire, le jeune homme appliquait les gestes appris des mains de son grand-père : savoir faire précieux que l'on n'acquiert et ne perfectionne qu'au fil des ans. Car s'il était bien une chose que Levius avait découvert en gérant l'exploitation historique de la famille Bird, c'est que certaines choses, certains gestes, ne s’apprennent pas dans les livres. Il aurait pu étudier dix ans de plus à l'Université que cela n'y aurait rien changé : Levius n'avait jamais été meilleur botaniste qu'aujourd'hui et il était certains que dans dix ans, il en serait un bien meilleur encore.
Cette évidence le confrontait à une réalité qu'il avait souvent ignoré, étant de ceux qui ont l'âme plus intuitive que laborieuse. Mais plus il s'investissait dans cette entreprise, plus Levius saisissait la valeur du travail et sa signification intrinsèque. Alors, il voyait s'adoucir les tourments perpétuels de son âme tourmentée. Il voyait se dessiner à l'horizon une forme pleine de sens, là où n'était autrefois qu'un brouillard aux contours flous.
Les efforts physique, la rudesse des claies, la chaleur, les insectes, la terre, les mains qui s'usent, les muscles qui souffrent, la fatigue accumulée, le stress, les échéances en approche, l'incertitude du lendemain, tout cela lui rappelaient combien il vivait, combien il goûtait le jour, là où n'étaient autrefois que rêveries et projections stériles. Levius abandonnait un peu de rêve, mais il gagnait en existence et de le constater lui procurait un profond sentiment de sérénité qu'aucun aléas n'ébranlait plus vraiment.
Il comprenait qu'il valait mieux être au monde que de seulement le contempler, mais la chose était à ce point nouvelle qu'il lui arrivait encore de s'en effrayer. C'était assez rare, car il était très occupé ces temps-ci, mais cela arrivait. Par ailleurs, il s'inquiétait parfois de voir son environnement changer trop vite. Levius demeurait un être profondément réticent au changement. Pourtant, il n'avait rien d'un conservateur. L'explication était à chercher dans son caractère farouche et cette crainte irrationnelle qu'il avait de voir filer le temps.
Voir déambuler des visages jeunes à travers tout le domaine lui rappelait combien l'époque de son enfance n'était plus. Levius gardait pourtant des images vivides de ces après midi passées en compagnie de son grand-père, des gestes savants qu'il avait et de la passion dans sa voix. Elles n'étaient pas anodines, ces choses là. Elles l'avaient faites lui, Levius.
Alors parfois, il est vrai, le jeune homme se sentait dépossédé dans sa solitude. Son doyen le regardait depuis un autre monde, mais Levius n'avait plus de bras sur lequel s'appuyer. C'était effrayant plus que stimulant, car l'affection de son ancêtre lui manquait. Il comprenait néanmoins, en devenant adulte, que c'était un prix de l'existence et qu'on n'avait d'autre choix que de l'accepter.
Banalité tragique.
Levius saisissait donc les occasions de disparaître comme autant de trêves adressées à la maturité. Ainsi, s'il s'appliquait à gérer correctement les différents chapitres de sa vie, il avait régulièrement besoin d'offrir à son insouciance quelques parenthèses.
L'une de ces parenthèses se situait à Myrddin Wyllt et son visage était celui de Maxine Nightingal. Levius connaissait Maxine depuis Poudlard. Elle faisait parti de ces rares individus à qui il avait jamais adressé la parole et pour lesquels il avait eu un regard. Chose tout à fait extraordinaire, comme on sait, tant le jeune homme existait loin du monde, à l'époque.
Maxine était une nature douce, cependant et cela parlait à Levius. C'était ce genre de langage sans parole qu'un esprit farouche comprend. Il aimait l'attention qu'elle portait aux détails. Ainsi, chaque fois qu'il franchissait la porte du salon de thé, c'était pour se voir gratifié des mêmes attentions délicates. Impossible pour Levius de ne pas s'en émouvoir, lui qui ne manquait rien en dépit d'un regard perpétuellement fuyant.
A force, cette discrète amitié avait accouché d'une collaboration (chose toute naturelle entre deux jeunes entrepreneurs). Levius apportait à Maxine des produits qu'elle se chargeait ensuite de mettre en valeur avec ses recettes. Un univers de créativité. Pour le botaniste c'était l'occasion de changer d'approche. Il découvrait de nouvelles choses et elle étendait sa carte : de quoi satisfaire tout le monde.
« Bonsoir...
Levius venait d'entrer. Après sa longue journée de travail, il lui restait encore à livrer la commande de son ancienne camarade de classe. Cela ne le gênait pas du tout car, comme nous l'avons évoqué plus haut, il aimait tout particulièrement ces moments éloignés du quotidien.
Le regard toujours fuyant, mais avec son éternel sourire en coin, il s'en vint donc poser la cagette de fruits et de plantes sur le comptoir, à côté de la jeune femme.
« Grosse journée. Dit-il, rectifiant la position de ses lunettes sur son nez. Mais toi ? On dirait que tu viens de te réveiller.
Difficile de dire à quel moment Levius avait envoyer son regard détailler les traits de Maxine, mais on constatait que, comme à l'habitude, il n'avait rien manqué. Néanmoins, le jeune homme semblait très impatient de lui montrer ce qu'il avait et enchaîna presque aussitôt.
« Je crois que ça devrait te plaire. Dit-il. J'ai des mirabelles, des prunes, des abricots, des fraises et... Pour les variétés magiques...
Le jeune homme sortait à mesure de la cagette des petits sachets de papier, qu'il ouvrait ensuite, de sorte à laisser à Maxine le loisir de regarder la marchandise.
« J'ai cette nouvelle variété de poire qui a un petit goût de macadamia... En plus elle est violette, mais ça... Il haussa les épaules, l'air de dire que l'on ne peut pas toujours prévoir ce qu'un croisement de variété magique va donner. Cette herbe que j'ai ajouté au catalogue au printemps... Elle m'a été conseillée par un botaniste des Pyrénées.
Il présenta la plante à Maxine en arrachant une feuille et en la frictionnant entre les mains de sorte à en extraire le parfum.
« On dirait un mélange entre de la menthe et du basilic. Ah ! Et ce fruit exceptionnel qu'il faut que je te montre...
A nouveau, on le vit fouiller parmi les sachets jusqu'à trouver le bon.
« On dirait un peu une groseille à maquereau, mais ça a le parfum de la lavande.
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