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canvas (dorian)
Mar 3 Déc 2019 - 22:26
Nuit de fête dans les profondeurs du Styx. Les sirènes dansent, les joueurs parient des flots de gallions, enivré par l'ambiance décadente des Enfers. Seigneur sur son domaine, Hypnos mène les hommes jusqu'à l'abandon et la léthargie, marchand de sable semant rêves et cauchemars sur son passage, sans pitié. Des dentelles de fumée s'envolent dans les airs, se mouvant aux rythmes des passages des clients et des mouvements des danseuses. Au royaume des Enfers, tous les démons dansent ; et quand enfin, le grand bal des âmes prend fin et qu'il faut fermer l'établissement pour la nuit, Hypnos reste éveillé quand les autres s'endorment. Insomnie impitoyable, le jeune homme s'attelle plutôt à la préparation de potions pour renflouer les stocks du Styx. Quand les rayons du jours se montrent à travers les nuages d'automne, Darcy s'en va vadrouiller. Journée de vagabondage ; esprit libre dans la ville, perdu au coeur des petites ruelles des vieux quartiers, le marchand de sable vend ses doses de rêves. Il ne va pas en cours, et s'y fait d'ailleurs rare depuis quelques semaines - depuis l'ouverture du Styx, en réalité. Il en est arrivé à songer abandonner les études pour se consacrer au tatouage et à la vente de stupéfiant à plein temps. Cette vie lui conviendrait ; un peu de piment pour dégeler son coeur, faire battre à nouveau le myocarde rouillé, éteint.
Quand il rentre, ce soir là, il se rappelle en chemin qu'un nouveau colocataire est apparemment censé arriver aujourd'hui. Il n'a pas cherché à en savoir plus sur le nouvel arrivant, qui comme tous les autres colocataires du coin, arrive un peu en catastrophe, entendant probablement parler des lieux par le bouche à oreille et la réputation du squat. C'est comme ça que Darcy a atterri dans ce trou, après tout. Lorsqu'il se glisse finalement dans l'appartement, il constate en effet que la porte de la chambre habituellement fermée est aujourd'hui ouverte ; curieux, il décide de toquer doucement pour signifier son entrée, et
Dorian
Le coeur qui s'arrête de battre, les souvenirs qui remontent. Lui, sa peau, ses lèvres, son odeur, ses mains de peintre. Lui, trouvé au bout du monde ; quelques nuits ensemble, quelques confidences partagées sur l'oreiller, aussi. Lui, qu'il connait de loin depuis si longtemps, mais n'a approché qu'une fois, l'année dernière, de l'autre côté de la terre. Lui, qui a réveillé en Darcy un sentiment qu'il avait oublié depuis si longtemps : celui d'être en vie, celui d'être heureux de respirer, de profiter du moment présent. Lui et sa maudite fibre artistique qui attire tant Darcy, comme un papillon de nuit attiré par la lumière. « Dorian ? » le choc, les mots qui manquent ; il n'était pas préparé à le revoir, pas aujourd'hui, pas ainsi. « Je savais pas que tu venais vivre ici. » Paroles vides ; envie de dire tellement de choses, mais rien qui ne sort.
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Re: canvas (dorian)
Lun 16 Déc 2019 - 14:51
✧ Les Muses te tiennent compagnie ce soir. Elles chantent à ton oreille les inspirations divines et aident ta main à trouver le chemin sur la toile. Paysage enfoui dans les souvenirs, tu le ramènes à la vie par la pointe de ton pinceau, décorant les quelques oublis de diverses fioritures colorés. Artiste aveugle, il n’y a que le clair-obscur de la lune pour éclairer tes mélanges saturés. Tu t’entraines à la nuit qui arrive, à l’orée de tes cils. Toi si solaire, te voilà bercer par les rayons de la lune. C’est une sensation étrange d’affronter sa peur tout en essayant de la fuir, les lèvres tremblantes, mais la main assurée. Comme tu l’es au quotidien. La chaleur de ton foyer et de tes amitiés assurées par le feu incendiaire de tes mensonges. Doucement, il te consume, mais tu n’as pas le cœur à l’éteindre, afin que ton Enfer devienne un désert glacial. Pour garder ton esprit hors des pensées noires, un tourne-disque diffuse une douce mélodie, la pièce étant enchantée pour te pas troubler le sommeil de tes nouveaux colocataires.
C’est que la nuit est étrangement silencieuse, dans ce nouveau refuge. Le parquet craque agréablement sous ses pieds nus, et tu te prends à apprécier la brise qui se faufile entre les rideaux. Quelques semaines dans les dortoirs d’Hungcalf t’ont suffi, tu es depuis longtemps trop indépendant pour y être encore pensionnaire. Pourtant, élevé dans une famille joyeuse et unie, tu ne voulais pas revenir à une vie entièrement solitaire. Ton année d’exil a été suffisante. Alors tu as trouvé ce refuge à artistes, au détour d’une annonce, et tu as tout de suite posé tes valises. Depuis ton arrivée, il y a quelques heures, tu n’as croisé quelques visages, peu qui te soient entièrement étrangers et tous ornés de sourires amicaux. Le charme de ce lieu t’a atteint et inspiré, et déjà dans ta chambre se bouscule tes peintures saturées de couleurs et tes croquis de détails fugaces, ton matériel, souvenirs et quelques instruments. Les seuls meubles montés est un lit à même le sol, une armoire et ton chevalet. Tu trouveras le temps de faire de cette chambre quelque chose de présentable plus tard, à cet instant, l’inspiration est venue te cueillir et tu ne peux l’ignorer. Ton voyage à travers le monde a gravé sous tes paupières tant de beautés, tous éphémères, c’est ce que tu voulais. Revivre dans ces instants fugaces, rester étranger tout en étant témoin des merveilles qui se trouvent au coin de la rue. Entre tes lèvres, tu chantonnes, ajoutant un peu d’orange à ton œuvre et te foutant de ta joue tachée de gouache ; I still wonder, wonder, beautiful story. C’est une cascade, sur une île si étrangère à ta chère Islande. Tu joues avec les couleurs, les rends irréels, comme sorties d’un étrange rêve enfantin. Sur tes lèvres, un sourire nostalgique, une pointe amère de et si.
Toc, toc.
Tu sursautes légèrement, mais bien vite tu prends un visage amical pour accueillir l’étranger.
Puis ton pinceau s’échappe de tes doigts, sans que tu tentes de le rattraper, captiver par la silhouette devant toi.
Tes yeux caressent les traits, pensant un instant à une illusion. Pourtant, tu as appris à les connaître, pendant ces quelques nuits à l’autre bout du monde. Tu les as dessinés, flattés et réconfortés. Puis tu les as quittés, quelques jacinthes bleues laissées derrière. Signification multiple, d’un instant révolu comme celle de l’espoir. Tu t’étais arraché à lui pour ne pas laisser ton cœur être tenté par ce dernier, pour ne pas l’écorcher un peu plus et laisser ta quête être comprise. Avouer tes maux et donc ternir ce portrait que tu t’efforces de dresser de toi-même. Pourtant, encore maintenant, ses mots, sa peau, ces couleurs qu’il entend et cette musique qu’il caresse, ils te font vibrer doucement. Toi qui donnes tout, refusant de prendre, tu as eu pour lui tant de désir que tu t’es senti désemparé. Effrayé.
Quand il prononce ton nom, tu hoches lentement la tête. Que dire à cet instant ? Tu ne le sais, tu ne sais même pas ce que tu ressens. Le désir de garder une distance, pourtant, malgré toi, tu fais un pas en avant. “Je ne savais pas non plus, ça s’est fait si rapidement.” Une plaisanterie, aussi vides que ses paroles –ce qui est important n’est pas là. Tes yeux, bien noirs que jamais, le regardent, tentent de le déchiffrer. Cet homme au cœur brisé que tu as soigné avec toute ta patience. “Darcy...” Un sourire, un peu nostalgique, qui demande pardon. “Je comprendrai, tu sais. Si tu me disais de disparaître.”
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Re: canvas (dorian)
Mer 25 Déc 2019 - 20:48
Il est là, devant lui, et pourtant Darcy est persuadé qu'il va s'échapper à nouveau et disparaître entre ses doigts, comme il l'a déjà si bien fait. Dorian. Dorian. Son regard parcourt son visage, longe sa mâchoire, son cou, remonte sur ses pommettes pour enfin se plonger dans ses prunelles sombres. Il s'est noyé dans ce regard, le temps de quelques nuits ; le temps d'un instant Darcy s'est senti revivre, et ça l'a grisé autant que ça l'a effrayé. Il a perdu l'habitude de ressentir pleinement des émotions aussi fortes ; son coeur usé, rouillé, fatigué par une dépression qui n'en finit pas, est devenu à la fois trop dur et trop fragile pour ressentir quoi que ce soit. Et puis Dorian est arrivé, et a tout chamboulé à nouveau. Son vieux myocarde qui s'est remis à battre, sous sa poitrine, le temps que ces quelques nuits ; ses mains de peintre qui l'ont dessiné, ses lèvres qu'il a embrassé, il lui a fallut si peu de temps pour s'attacher à lui, irrémédiablement. Et, un matin, quelques jacinthes laissées derrière lui ; Dorian lui a échappé. Son coeur s'est à nouveau gelé, pétrifié par la tristesse, la rage, l'envie de le revoir ; il s'est laissé aller à la léthargie, plongeant un peu plus dans ses propres ténèbres, de plus en plus corrompu. Et toute cette corruption, la voilà soudainement balayée d'un revers de pinceau par sa présence à lui. Darcy n'arrive pas à y croire.
Un pinceau oublié au sol ; deux regards qui s'accrochent, silencieusement, hésitant. Darcy ne sait pas pourquoi Dorian l'a quitté si précipitamment, sans un mot d'adieu ; il ne sait même pas si ce qu'ils avaient comptait ne serait-ce qu'un tout petit peu pour lui. Il a envie de croire que cet attachement est mutuel. Le peintre fait un pas en avant, presque malgré lui, expliquant en des paroles aussi vides que celles de Darcy que son arrivée était assez précipitée, qu'il ne savait pas non plus. Le réunionnais ne peut qu'hocher la tête en réponse, pétrifié sur place. Il doit étouffer cette pointe d'espoir qui s'allume en lui le plus vite possible, éteindre à nouveau le moindre sentiment, retourner s'enfoncer dans sa léthargie habituelle. Pourtant, il n'y arrive tout simplement pas. Et son cœur qui bat, si fort contre ses côtes et dans ses tempes ; Darcy n'entend plus que son sang battre dans ses tympans, adrénaline générée par la surprise, l'appréhension aussi. Il ne sait pas à quoi s'attendre, avec cette discussion – car la discussion est inévitable. Il veut reculer et s'enfuir, lâchement, il veut un temps mort pour se préparer à toutes les éventualités. Se préparer à recoller les morceau et à se glacer à nouveau. Quitter cette pièce, faire comme si de rien n'était quelques heures de plus ; se réfugier au Styx, sa deuxième maison, et ne plus jamais quitter les Enfers. Et poutant, quand Dorian prononce le mot disparaître, Darcy fait un pas en avant à son tour. « Non ! » s'empresse-t-il de dire malgré lui, avant de reprendre pus calmement : « Non. Ne disparaît pas. » une fois, mais pas deux. Darcy déteste cette faiblesse qu'il ressent ; lui qui habituellement est un mur sur lequel on peut se reposer, un rempart incassable, le voilà réduit en miette en un instant par une seule parole de lui.
Il a envie de se rapprocher un peu plus et de caresser ses traits du bout des doigts. Il a envie de redécouvrir son corps et ses lèvres, comme avant ; il a envie de reposer avec lui dans des draps emmêlés et de refaire le monde, comme ce fameux été, loin de tout. Il a envie de l'écouter parler de lui, toujours plus ou moins énigmatique ; il a envie de lui faire partager les milles et une couleur qu'il voit quand il entend sa voix. Il n'en fait rien. A la place, Darcy reste planté là, à deux pas de lui, muet. Du coin de l'oeil, il aperçoit une cascade familière peinte sur la toile, et son coeur bat un peu plus vite. « Est-ce que... » sa voix est rauque ; il toussote et reprend : « Est-ce qu'on va devoir faire comme si rien ne s'était passé ? » le entre nous est lourdement sous-entendu dans ses paroles. Darcy a besoin de savoir sur quel pied danser avec lui ; si Dorian veut tout oublier, il s'efforcera de réprimer tout ce qu'il ressent, et prétendra n'être qu'une lointaine connaissance, comme c'était le cas avant.
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Re: canvas (dorian)
Ven 3 Avr 2020 - 1:00
✧ Comme dans un cataclysme au goût aigre-doux, ton regard chavire sur ses traits et s’y perd avec une étrange nostalgie. Toi qui te veux étranger au monde, simple témoin de ses beautés, le visage de Darcy t’appelle comme une douce mélodie. Elle te rappelle le vent marin où s’envolaient vos confessions, ses bras qui s’entouraient avec force autour de tes épaules, du contraste de vos peaux l’une sur l’autre lors de vos étreintes. De l’érotisme de sa voix, du frémissement de ses caresses. Elle te conte sa détresse qu’il murmurait tout contre toi ainsi que de la culpabilité qui t’a prise à peine l’as-tu abandonné. Ton égoïsme te revient alors, plus fort que jamais. Si tu avais été fidèle à ta quête, alors tu n’aurais pas dû écouter ton cœur et tu aurais simplement adressé à cet homme à la moue si triste qu’une simple tape amicale. Il n’était qu’un étranger à l’époque après tout, un simple ami de ta chère sœur, un heureux hasard dans ton périple. Mais l’héritage d’Apollon et ton serment à rendre le monde juste un peu moins laid ont eu raison de toi. En partant, tu as cru avoir eu raison, que ta présence avait allégé ne serait-ce qu’un peu son fardeau, que tu l’avais aidé. Mais à présent, dans ses yeux, tu lis les points de suture encore rougeâtre de ta présence. Un travail bâclé, fait avec une main tremblante et une frustration impatiente -parce qu’il fallait se relever et continuer d’avancer le plus rapidement possible. Tu les lis si bien, parce que tu les retrouves sur ton propre cœur.
Alors, si la plaie se fait trop douloureuse pour qu’il puisse supporter la vue de ton visage, tu proposes de disparaître. Même si ça te tuerait, tu accepterais ses mots assassins. Partir, une nouvelle fois, un léger sacrifice pour lui permettre la paix. Mais il y a ce non, puissant et ta volonté se brise comme sur un récif. Et ce pas vers toi te prend par surprise, ton expression prenant comme un air de surprise teinté de candeur. Puis elle s’adoucit, pour rassurer ce Darcy si vulnérable. « Si c’est ce que tu souhaites, je resterai. » Tant que cela me sera permis. Une promesse si fragile, si ironique, tu le sais. Mais peut-être peux-tu la tenir cette fois-ci, ne serait-ce quelque temps, avant que les ténèbres t’arrachent à ce tableau si parfait de ses imperfections. Le rose devient déjà si sombre à présent pour toi, les œillets te privent ainsi que sa tendresse.
Deux pas, c’est ce qui vous sépare à présent. Et dans l’air, tant de paroles que l’on tait. Il ne s’agit pas d’une timidité qui ne serait que coquetterie, mais bien d’une prudence pudique. Mais Darcy te surprend encore, malgré sa question hésitante et sa voix rauque. Est-ce qu'on va devoir faire comme si rien ne s'était passé ? Oui. Redevenir de simples étrangers, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. S’attacher à toi est devenu un serment tragique, la flèche de la fatalité prête à te voiler les paupières à chaque instant. Pourtant… « Non, non… » La voix qui se brise, une étrange honnêteté qui virevolte sur ces si petits mots. I’m sick of losing soulmate. Tu n’as pas la force de rejouer cette stupide comédie où tu avais le rôle du fidèle et effacé lieutenant, avec celui qui te voit à présent comme un frère. Tu n’as plus la force de te mentir, chaque matin, te répétant que tu n’as besoin de personne à tes côtés. Qu’être un spectateur solitaire t’est assez, qu’ange gardien mélancolique est ta destinée. Prométhée qui se lasse d’être martyre, Apollon qui ne peut renoncer à Hyacinthe. Mais à peine as-tu ces pensées qu’elles t’effraient. Alors tu les étouffes sous ce désir de se sentir indispensable, t’oublier en offrant ton être à autrui, et la détresse dans cet homme qui te terrasse. En partant de cette île, tu y as laissé un travail inachevé, il serait trahison en ton serment de ne pas y remédier, pas vrai ?
Une inspiration, et un pas vers lui. « Je suis désolé Darcy, terriblement désolé. J’ai agi comme le pire des cons et tu mérites bien mieux que des simples fleurs. » Des excuses, sincères et maladroites. Ta main pointe ton tableau, témoin de ta culpabilité. « Mais… Non, je ne pourrais pas faire comme si rien ne s’était passé. Tes mots, ta bouche, ton esprit.. Toi. Mon cœur n’avait jamais été le même depuis qu’il a quitté ton île. » L’étranger se fait vulnérable, à porter de coups comme de caresses, peu importe ton sort, tu l’accepteras. Debout face à lui, tu sens tes jambes légèrement tremblantes comme un enfant.
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Re: canvas (dorian)
Mar 14 Avr 2020 - 15:06
Il appuie sur ses propres plaies, Darcy, souffre sous les coups qu'il se donne à lui même tandis qu'il parcourt les traits de son visage du regard. Sa peau pâle parcourue de grains de beauté qu'il a compté et embrassé pendant leurs nuits ensemble, son regard mordoré dans lequel il a lu l'extase, la chaleur de sa voix réconfortante. Tout en lui fait mal – parce qu'il l'a abandonné, salement, simple bouquet de fleur derrière lui, sans un seul regard en arrière. Dorian l'a laissé, et Darcy a senti son cœur se geler à nouveau, la froideur de sa propre âme engourdir ses membres et ses émotions. Douleur sourde de retomber dans les bras de la léthargie après s'être senti vivant le temps de quelques nuits ; il aurait dû s'en douter, il aurait dû s'y préparer, ne pas se laisser aller aussi aisément – et pourtant quelque chose en lui a fondu, entièrement, pour Dorian. Quelque chose l'a mis à nu, lui a rendu ses émotions – violente, des vagues fracassant son être tout entier, et ça fait mal mais putain ce que ça fait du bien. Ces émotions qu'il croyait enterrées à nouveau, les voici émergeant de leur tombe à la simple vue du visage de son amant. Ces maudites émotions qui resurgissent et qui le font faire un pas en sa direction, un pas hésitant, comme s'il craignait de le voir disparaître comme un mirage. Parce que malgré la douleur, la peine, la trahison, il se sent stupidement heureux de le revoir. Il observe, dessine ses traits du regard – et la douceur de son expression serre son cœur d'une étreinte amoureuse. Est-ce du regret qu'il lit dans ses yeux ? Regrettes-tu d'être parti ainsi, Dorian ? Il veut y croire.
Il reste. Il accepte. Darcy relâche un souffle qu'il avait retenu sans même s'en rendre compte ; où est passé ce putain de mur de glace, celui qui cachait tout – émotions, sentiments, paroles, tout ? Il se sent mis à nu sans cette barrière ; l'avalanche qu'il ressent est tout simplement trop. Il a perdu l'habitude de ressentir ; c'est pourtant ce qu'il cherche depuis des années – c'est pour cela qu'il se plonge dans l'adrénaline, le stress, la drogue, le sexe, parce que ressentir lui manque, mais devant le fait accompli il se retrouve entièrement pris à dépourvu. « Okay, » murmure-t-il simplement, espérant que cela traduirait suffisamment sa satisfaction, son soulagement. Il n'a pas envie de le perdre à nouveau ; il s'est longtemps demandé quand est-ce qu'il le retrouverait à nouveau, ou si cela arriverait réellement un jour – après tout, ils ont réussi à s'ignorer jusqu'à ce fameux jour, ce serait facile de continuer ainsi non ? Il se doit alors de poser la question : devront-ils prétendre qu'il ne s'est jamais rien passé entre eux ? Dans l'attente de la réponse il tente de reconstituer le mur, empile les briques de glaces qui séparent ses émotions de lui-même – mur qui s'abat quand Dorian répond, non, presque un soupir, une seule syllabe qui suffit à faire s'effondrer le reste des remparts glacés.
Un autre pas que Dorian fait vers lui, et il est proche, tout proche à présent. Il lui suffirait de tendre le bras pour l'effleurer ; son regard lui offre des excuses, puis ses lèvres, et Darcy sent son cœur revivre, battre plus fort que jamais – des battements qu'il avait presque oublié, tressautement de ses sentiments, le sang qui bat contre ses tempes, dans son ventre, tandis que Dorian évoque ces moments passés ensemble sur son île. Il désigne la peinture, signe de sa culpabilité qui ne l'a pas quitté depuis ; et le soulagement qui envahit Darcy lorsqu'il comprend qu'il n'est pas le seul à ressasser ces instants est tel qu'il pourrait s'effondrer. Mais il tient, reste un roc immobile, son visage impassible reprenant pourtant des accents plus tendres, plus sincères. Les émotions sont contradictoires ; une partie de lui veut se mettre en colère, lui dire combien cela l'a blessé de le voir partir ainsi sans dire un mot – et une autre part de lui veut se fondre dans son étreinte et tout oublier, tout effacer pour mieux recommencer. Pragmatique, comme toujours, il essaye de prendre la mesure de chacune de ces émotions, saupoudrer l'une de l'autre. « Tu m'as fait du mal, mais je ne peux pas t'en vouloir. J'aurais peut-être fini par faire la même chose... le ressenti, c'est pas mon point fort. » Un petit pas de plus, et il se montre faible, ses doigts venant effleurer la joue d'Apollon. « J'arrive pas à t'oublier. Merlin sait que j'ai essayé, pourtant. Peut-être... qu'on peut reprendre les choses ? Doucement ? »
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Re: canvas (dorian)
Ven 22 Mai 2020 - 0:29
✧ Vulnérable, tu l’es. Comme un étranger qui tombe le masque, malgré ces désirs qui te terrifient. Il y a tant de « et si » qui tourmentent tes pensées, qui font dérailler ta raison, à toi qui te veux guérisseur sans attache. Tu t’es tant caché derrière un portrait que tu t’es toi-même dressé, aux couches multiples. Et c’est avec une aisance déconcertante que la simple présence de Darcy fait s’effriter les épaisseurs superficielles. Malgré tout, tu t’accroches. Car ton horizon est si sombre et que tu ne veux apporter plus de désolation dans le quotidien de Darcy. De quel chaos es-tu capable alors que tu te plais à ne parsemer tes gestes que de gentillesse ? Tu n’es pas dupe face à ce mur que le jeune homme tente de dresser avec application et minutieux. Tu l’avais déjà vu s’effriter lors de vos premiers échanges, le deuil comme un séisme barbare. Ses fondations sont fragiles et tu le sais, alors quand tu t’autorises à rester ici, à ses côtes, tes paupières se plissent avec douceur.
Malgré la fragilité de ton être, tu tentes de garder le cap. Et parce qu'à cet instant le mensonge te semble hérésie, tes excuses se mêlent d’une confession. À présent si proche de lui, tu lui murmures ces souvenirs qui sont venus se poser au creux de ton cœur. Ceux que tu n’aurais jamais imaginé avoir avec celui qui n’était qu’une vague connaissance il y a plus d’un an. Une autre abeille dans la ruche, un des amis de ta chère sœur. Tes mains tremblantes mettent dans les siennes ton sort, prêt à accepter ce qu’il t’offrira. À travers tes cils humides, tu voix dans ses traits impassibles et devines la tempête qui fait rage en dessous. Ah, tu as le cœur fragile pour humains aux frasques tels des ouragans. Et il parle, admet sa douleur, te blesse, mais tu acceptes le coup. Il fait un pas de plus et ses doigts trouvent ta joue, si brûlants contre ta peau. Et comme Apollon qui se redécouvre humain, comme Prométhée damné pour son amour des Hommes aussi imparfaits et esquintés sont-ils, tu laisses ton cœur tendre battre pour lui. Darcy. Néanmoins, tu veux préciser quelque chose, qu’il sache que ton départ n’était pas sa faute. « Je ne suis pas parti… Parce que c’était ce que je voulais. Je devais le faire. Si je restais je mettais en péril tout ce pourquoi j’étais parti d’Écosse en premier lieu. » Tu as en effet été un peu effrayé par ce qu’il naissait entre vous, mais tu aurais pris le temps de mener cette relation à une conclusion qui le rendait heureux si le temps t’avait été accordé et si ton égoïsme ne s’était pas mis sur ton chemin. C’est ce que tu crois, du moins. Cette fois, ce sont tes doigts qui viennent trouver sa nuque, ton regard détaillant chacun de ses traits avec précisions.
À son tour, il se confesse, dans un miroir de tes émotions. Et il exprime ce désir de reprendre les choses, doucement. L’idée est enchanteresse, mais est-ce sage ? Avec ces maudites racines qui creusent tes veines et la maladie qui ternie ton monde. « Si tu me laisses essayer, je ferai tout ce que je peux pour te rendre heureux. » Une nouvelle fois, le secret brûle tes lèvres, l’envie d’enfin avouer à quelqu’un ce qui ne va pas chez toi. « A ton rythme, on peut reprendre les choses où on les a laissées. Je serai tien si tu veux de moi, et tant que tu veux de moi. » Un léger rire à ces mots qui peuvent pour certains sonner ridicules, mais un rictus douloureux en née néanmoins. « Tant qu’il m’est permis de l’être. » Que fais-tu Dorian ? Est-ce un risque que tu es réellement prêt à prendre ?
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