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I gotta feeling...
Jeu 4 Mar 2010 - 22:32
I Gotta Feeling
- «Un drogué est paré à toute éventualité. il peut voir sa grand-mère morte, grimper le long de sa jambe, un couteau entre les dents. Mais personne ne peut avoir assez de cran pour soutenir un trip comme celui que vous allez vivre ! Bienvenu en enfer ! »
Glissant mes doigts oblongues sur le rebord livide de la baignoire où je m’étais échouée, j’écoutais le rythme du morceau qui grondait sourdement à travers la salle brumeuse. Faiblement, je fis glisser mes traits cristallins de poupée vers l’homme, carrure imposante, traits sombres, qui donnait lieu à cette mélodie semblable aux battements précipités et hachurés de mon palpitant. Plantant mon regard lointain dans ses pupilles que je ne pouvais voir, je lui fis un geste franc et directe pour qu’il coupe le cri strident qui émanait de sa machine. Le silence glacial de la fin de l’hiver reprit alors sa place de droit entre les 4 murs poussiéreux de cette bâtisse imposante. Laissant la possibilité à mon esprit de regagner mon cerveau anesthésié par le son qui avait habité les lieux toute la journée et qui allait reprendre le pouvoir face au silence pacifique dans quelques minutes seulement. Un rictus suffisant se dessina sur les traits pernicieux de mon visage tandis que je faisais couler mon regard voilé à travers la pièce inoccupée. Ma main, osseuse, fourbe, commandée par mon esprit malhonnête s’immisça dans la poche de ma veste pour en ressortir un sachet transparent où j’avais subtilement stocké de la cocaïne. Lorsque fébrilement, je fis glisser la poudre de neige dans la vodka, aux allures d’eau trop épaisse, qui habitait cette baignoire opaline, une voix percuta mon tympan bourdonnant. « Madame, il faudrait aller vous préparer… » Je me retournai brutalement pour planter mes iris azurés dans les globules humides de l‘elfe de maison qui brandissait ma liste de VIP. Toisant ses traits avec une méditation qui me caractérisait, je remarquai avec étonnement que malgré sa laideur indéniable, son sourire était d’une beauté sévère et d’une élégance sérieuse. M’abaissant avec une douceur et une agilité rare pour déposer sur sa joue flasque et verdâtre un léger baiser, je le vis pâlir sensiblement sous la chaleur imposante de mes lèvres vermeilles. Sans prononcer le moindre mot à mon habitude, je contournai le petit être ahuri tandis que je glissai vers la sortie et l’immensité de la nuit qui débutait, une musique assourdissante et fracassante vint bercer à nouveau mes oreilles en me procurant une douleur atroce aux creux de mes tympans sensiblement affaiblis au fil des soirées et des concerts que j’arpentais avec fièvre. Je marchai dans le parc vide et brouillardeux, le froid faisant trembler mes hanches. L’air me semblait agité de remous fantomatiques et je pouvais aisément entendre le silence qui s'élevait ça et là, autour de mes mains blanches, autour de mes yeux océan, autour de mon cœur grondant. Je me pris à rêver à la soirée que j‘allais donner et qui certainement, allait être l‘évènement de l‘année. Glissant un poppers édulcoré entre mes lèvres rougeâtres, mes jambes, osseuses maîtresses de ma démarche, se mirent à accélérer le pas en direction de la sortie de ce bois que je commençais à connaître par cœur. Lorsqu’une voix, stridente, perçante, sortit mon esprit de la léthargie dans laquelle la drogue venait de le plonger, Lorsqu’une main, puissante, ferme, sortit mon corps de sa course automatique, irréfléchie. Lorsque devant moi, deux corps, frêles et colorés, déambulaient pour rappeler mes yeux qui s’étaient perdus dans l’immensité du ciel.
« Meteoraaaaaaa ! Génial ! On va te suivre, on s’est perdues… je crois »
« Fuck off… »
« qu..quoi ? »
« T’as des yeux à défaut d’avoir un cerveau… utilise les… »
Mon regard froid et impassible ne se posa que quelques secondes sur les deux adolescentes ahuries qui me fixaient avec un air contrasté mêlant la peur et la curiosité. Je contournai finalement les deux silhouettes ahuries pour me rendre vers notre établissement. Je sentais les battements impressionnants de mon palpitant dans chacun de mes organes éveillés par la drogue qui s’immisçait dans mes veines bleutées. Les gong heurtés de ma cage thoracique guidaient le rythme de mes pas, accélérant la cadence un peu plus encore, sous le joug effrayant du poppers qui était passé maître de ma carrure. Après être passée dans ma chambre rassembler quelques affaires, je m’arrêtai devant la porte de Lust, monarque imposant de cette soirée que je lui avais dédié, pour l’emmener dans son royaume à la fugacité d’une nuit. A l’apparition de son visage diaphane, je me ruai dans ses bras pour lui offrir une étreinte acculée par la drogue qui courait librement dans mon sang trop épais. Embrassant son cou de neige avec une exaltation sincère, je me reculai un instant pour contempler ses traits carnassiers. Il me semblait après tant d’année que l'homme se dessinait davantage dans le jeune homme, et il avait cet air d'autorité tranquille et de force sûre d'elle-même qui plaît peut-être plus aux femmes que la beauté elle-même. Je lui souris doucement avant de faire prisonniers ses doigts tièdes dans la cage de ma main brûlante.
« Je te kidnappe… et tu ne peux rien y faire.. » Je glissai alors mes courbes sensuelles dans la fraîcheur douloureuse du couloir qui contrastait avec cette chaleur animale, torrentielle qui habitait la chambre de mon doux Lust et que je venais de quitter avec regrets. Entrelaçant mes doigts agiles avec les siens, je menai la cadence de notre marche avec une prestance presque arrogante. J'évitai soigneusement les affiches de clown que j'avais accroché à l'écorce des arbres pour guider les étudiants, empruntant ainsi un coin de la forêt que je savais vide. Arrivés au cœur du bois je m’arrêtai net pour me retourner vers mon meilleur ami. Posée contre un arbre froid, je le contemplai avec un amour emprunt de tendresse, de dévotion avant de glisser ma main sur ma robe avec grâce pour me dévêtir avec une élégance presque cosmique, je continuai de le fixer silencieusement, d’un air sombre et fatal, une pâle beauté qui se dessinait sur mes traits de poupée anglaise. Doucement, je laissai glisser un soupir brûlant entre la cage tremblante de mes lèvres violettes. « Ferme les yeux… et ne triche pas.. » Je savais qu’il ne devait pas être convaincu, mais j’étais certaine qu’il m’accordait sa confiance et qu’il allait s’exécuter. Rapidement, j’enfilai des bas résille, une petite tunique noire, semblable à un maillot, un corset fortement push-up, j’accrochai une queue de lapin sur le bas de ma tunique et pour finaliser mon costume, je plantai dans ma chevelure sauvage, des oreilles de lapin avant d’agripper le sac qui contenait le reste des affaires d’une main, et la poigne carrée de Lust de l’autre, afin de reprendre la marche vers la musique qui semblait se rapprocher de nous à une vitesse affligeante. Je sentais les battements de mon coeur s’accélérer à l’approche du château, qui je l’entendais, était déjà plein. Finalement, arrivés devant la bâtisse diaphane qui nous servirait de sombre décor ce soir, je me retournai vers Lust qui avait toujours les yeux clos. « Voila… Ouvre les yeux mon ange.. » Je lâchai sa main pour m’avancer dans la cour du château. Devant nous se peignait un avant goût de ce qui se déroulait à l’intérieur. Des adolescents déjà en surcharge de liquide, étaient enlacés lubriquement sur les matelas que j’avais disposé à l’entrée, des junkies se battaient avec de l’eau, une foule de costumes hallucinants défilaient devant nos yeux écarquillés, une sphère de couleurs se créait autour de nous, une effluve alcoolisée de limites transgressées embrumait l’air, la pesanteur de l’amour libertin survolait nos crânes déjà alourdis par la proximité avec ce monde trop violent qui nous ouvrait les bras. Cette univers qui était le notre et qui nous réclamait. Le goût de la vie exacerbée, de la mort toute proche emplissait ma bouche humide. J’étais prête à m’offrir en sacrifice à la reine débauche qui régissait mon monde. Je laissais glisser mon regard sur ces visages, compagnons qui partageaient ma sphère édulcorée, et ce soir, nous étions tous prêts à connaître ce genre de zénith qui ne se reproduit jamais. Être à San Francisco dans les sixties, signifiait vivre à une époque et dans un lieu bien particulier. Mais aucune explication, aucun mélange de mot, de musique, ne pouvait restituer ce que c’était d’être sur le point de vivre une soirée comme celle qui nous attendait. Il y avait de la folie dans tout les sens, à toute heure. On pouvait allumer des étincelles partout. Il y avait ce sentiment extraordinaire que quoi que nous fassions, c’était juste que nous étions en train de gagner. Et ça je crois, c’était la force qui nous poussait. Cette sensation de victoire inévitable sur les forces du vieillissement et du mal... Notre énergie débordait par dessus tout. Nous avions un élan formidable. Nous surfions sur la crête d’une vague très haute, et très belle, en attendant le moment où nous finirions par être engloutis. Tournant mon visage de porcelaine vers mon mentor, je toisais son regard qui fixait la banderole branlante que j’avais installé au dessus de l’entrée afin de lui indiquer que cette fête était donnée en son honneur. Je scrutais ses traits aériens à la recherche d’un sourire, d’un rictus peut-être, une simple expression de satisfaction, une simple marque de son bonheur, unique but qui avait motivé cette soirée. Je sentais mon palpitant s’emporter à l’annonce du jugement, était-ce trop tôt, son cœur bancale était-il encore trop affaibli par les douleurs perfides de l’amour ? Avais-je eu tord? Il me semblait que mon sang était glacé par la peur qui déversait son liquide dans mes veines. Je sentis, sans quitter Lust du regard, que Venor, mon fidèle sujet, attachait à mon bras le bracelet VIP avant de le poser sur l’épiderme sucrée de mon meilleur ami. « Vous n’êtes pas déguisé monsieur Lust ? » Je glissai immédiatement mon regard vers le sac que j’écrasais violemment entre mes doigts osseux.
« A oui… j’allais oublier.. J’ai du choisir ton costume, j’espère que t’aimeras… » Je lui souris en lui dévoilant un costume de pirate. « Mais avant, viens voir le monde que je t’ai crée.. »
Je laissai échapper un faible sourire emprunt d’une beauté sincère, sur ma bouche candide. La vie éclatait dans mes yeux pleins de lumière, s'épanouissait sur ses joues fraîches et satinées ; un sang riche et ardent courait en veines bleues sous ma peau transparente ; il me semblait être habitée par la beauté d’une force gracieuse ! Je m’introduisis à l’intérieur, emmenant Lust avec moi, lui offrant la représentation la plus spectaculaire de la débauche. Lui offrant sur un plateau d’argent le soirée la plus intense de sa vie. Notre entrée fut remarquée, des filles affluèrent en nombre pour approcher le maître des lieux. Ne désirant pas perturber les demoiselles à l’affut, je décidai de me retirer pour le laisser savourer cette liberté que je lui offrais, cette liberté des mœurs, d’action, d’expression.. Cette intense liberté dont j’aimais autant que lui me gaver. Avant de m’éloigner de mon prince, cet homme dont un seul sourire pouvait apaiser toutes mes souffrances, je glissai mon souffle chaud à son oreille de velours. « Joyeux anniversaire mon Lust.. » Une phrase qui voulait dire tant de choses: amuse toi, merci, fais attention, sois heureux, je t'aime.. une phrase qui voulait dire tant de chose hormi ce qu'elle voulait réellement dire. J’embrassai ses lèvres avec tendresse, sous le regard mauvais de ses courtisanes avant de m’éloigner le laissant au cœur de cette meute de louves assoiffées.
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