- InvitéInvité
Montre-moi ton beau chaudron
Mar 26 Mai 2020 - 22:26
Et il ressemble à quoi ?
Je sais pas, il a des… des genres de cheveux, quoi… et puis… on est obligés de… de…
Ursudalie, ton sens de la description ferait pâlir d’envie les plus habiles des conteurs.
Stop ! Stop. Pitié.
La jeune sorcière se laissa tomber comme une souche dans l’herbe près du lac, à bout de souffle. Elle avait la ferme impression que de minuscules petits balais lui volaient devant les yeux et que ses jambes avaient été victimes d’un odieux maléfice qui en avait décuplé le poids.
On a couru à peine une heure, protesta Ekuru, qui pour sa part se portait comme un charme.
À peine une heure ? À peine une heure !
Son amie se redressa sur les coudes pour l’expelliarmusser du regard, avant de se laisser désormais par le sourire insouciant du Kenyan.
Jamais plus. Je suis morte.
Ekuru, viens courir avec moi. Ekuru, aide moi à maigrir avec l’été. Ekuru…
Ek’, tes talents d’imitateur, j’te jure, c’est quelque chose, y a une carrière pour toi, là.
Merci merci, répondit le jeune homme qui, à défaut de courir, avait commencer à s’étirer, consciencieusement.
Ekuru était toujours consciencieux.
(C’en était désespérant, selon Ursudalie.)
Et donc, rien de plus précis que « c’est un mec qui a des cheveux » ? Pardon, des « genres de cheveux » ?
Ben je sais pas, moi, c’est pas très compliqué, tu vas au club de potions, tu demandes qu’on te montre le président, et tu verras bien. Aussi bien c’est le seul Asiat du groupe et t’auras aucune chance de le rater.
Il faut vraiment que je me trouve une autre informatrice.
J’suis pas un bottin mondain.
Clairement.
Le sorcier tendit la main à son amie pour l’aider à se relever et, ensemble, ils reprirent la direction de la salle commune des Ethelred.
Et on peut savoir ce qui motive cet intérêt soudain pour le club de potions ?
J’ai toujours été intéressé par les potions.
Et jamais par le club.
Ekuru haussa évasivement les épaules. Il avait longtemps craint qu’une fréquentation trop assidue de ses camarades du club ne l’empêche de dissimuler la nature parfois interdite de ses expérimentations alchimiques mais, depuis quelques mois, les questions se multipliaient à propos de son absence. Pas moins de cinq personnes depuis le début de l’année s’étaient étonnées qu’il n’ait jamais rejoint le groupe et le jeune homme commençait à penser que sa stratégie de dissimulation devenait contre-productive.
Après, je te préviens, Kimi, là. Attends, c’est Matsuo ou Kimi, son prénom ? Enfin bref, il paraît que c’est un mec particulier.
Particulier dans quel sens ?
J’sais pas trop.
Encore une fois, Ursu’, la qualité de tes informations…
Je sais, je sais.
Quelques heures plus tard, ce soir-là, alors qu’il remontait les couloirs pour rejoindre la salle des potions où Pétard & Chaudron avait parfois l’autorisation de se réunir, Ekuru ne se sentait pas plus armé qu’au départ de sa petite enquête pour la conversation qui l’attendait. Certes, il n’avait techniquement pas besoin d’être armé. Mais son esprit labyrinthique aimait se préparer à toutes les éventualités, et il avait dû réfréner sa curiosité, pour s’empêcher de poser des questions sur Matsuo Kimi, afin de ne pas paraître trop indiscret.
Le jeune homme jeta un regard à son reflet dans un miroir embué par le passage récent d’un fantôme. Une robe de sorcier eût été peut-être plus indiquée : il n’était pas impossible que Pétard & Chaudron fût attaché aux traditions. Il se reprocha de ne pas y avoir pensé, mais il avait cédé à ses habitudes, et adopté un débardeur d’un bleu sombre et un saroual de la même couleur. À son cou, une amulette dont le pendentif tombait entre ses pectoraux dessinés sous le vêtement et un collier doré qui dessinait des lettres arabes, sans que celles-ci pourtant n’épellent un mot compréhensible. Tout sorcier aurait senti que les deux colliers, comme le bracelet touareg en bois sombre qu’il portait au poignet gauche, étaient imprégnés de magie.
Des bruits derrière lui et le voilà à saluer d’un geste de la tête et de quelques sourires, les membres du club qui quittaient la salle de potions pour se disperser dans les couloirs de l’université et regagner chacun leur salle commune. Ekuru se glissa dans la pièce qu’il venait de quitter, et où leurs expériences du soir avaient laissé flotter d’étranges parfums. De fait, comme l’avait prédit Ursudalie, il n’eut pas de mal à repérer le fameux vice-président, qui d’une part y était seul et d’autre part avait bien, à ce qu’il semblait, des genres de cheveux.
Bonsoir, Matsuo.
Dans cette salle, Ekuru se sentait un peu comme chez lui. Avec son sujet de thèse au croisement entre (la défense contre, en théorie) les Forces du Mal et l’alchimie, il était l’un des rares doctorants à s’investir pleinement dans les potions.
Je suis Ekuru, précisa le Kenyan, même si de ce fait la présentation était probablement superflue. J’imagine qu’on s’est croisés une ou deux fois, sans doute, mais sans jamais vraiment se parler. Attends, je peux t’aider à ranger.
Et ce n’était pas le sens de l’ordre qui lui manquait.
C’est bien Matsuo, ton prénom ? J’ai une amie qui m’a pas mal parlé de toi…
(En termes fort imprécis, certes.)
… mais elle n’était pas très au point sur le côté prénom et nom. À sa décharge… hmm…
Ekuru venait de récupérer de l’index un peu d’une tache laissée par une potion sur l’une des tables. Il en huma l’odeur et la frotta contre son pouce, pour bien en cerner la texture, distrait par sa curiosité, avant de relever ses yeux verts sur son interlocuteur.
Euh. Oui, bon, bref, pardon. On m’a dit que tu étais le vice-président du club, celui où on fait des potions, entre autres choses si j’ai bien compris, et je suis venu pour me renseigner. Cela dit, je ne voudrais pas te prendre trop de ton temps…
Je sais pas, il a des… des genres de cheveux, quoi… et puis… on est obligés de… de…
Ursudalie, ton sens de la description ferait pâlir d’envie les plus habiles des conteurs.
Stop ! Stop. Pitié.
La jeune sorcière se laissa tomber comme une souche dans l’herbe près du lac, à bout de souffle. Elle avait la ferme impression que de minuscules petits balais lui volaient devant les yeux et que ses jambes avaient été victimes d’un odieux maléfice qui en avait décuplé le poids.
On a couru à peine une heure, protesta Ekuru, qui pour sa part se portait comme un charme.
À peine une heure ? À peine une heure !
Son amie se redressa sur les coudes pour l’expelliarmusser du regard, avant de se laisser désormais par le sourire insouciant du Kenyan.
Jamais plus. Je suis morte.
Ekuru, viens courir avec moi. Ekuru, aide moi à maigrir avec l’été. Ekuru…
Ek’, tes talents d’imitateur, j’te jure, c’est quelque chose, y a une carrière pour toi, là.
Merci merci, répondit le jeune homme qui, à défaut de courir, avait commencer à s’étirer, consciencieusement.
Ekuru était toujours consciencieux.
(C’en était désespérant, selon Ursudalie.)
Et donc, rien de plus précis que « c’est un mec qui a des cheveux » ? Pardon, des « genres de cheveux » ?
Ben je sais pas, moi, c’est pas très compliqué, tu vas au club de potions, tu demandes qu’on te montre le président, et tu verras bien. Aussi bien c’est le seul Asiat du groupe et t’auras aucune chance de le rater.
Il faut vraiment que je me trouve une autre informatrice.
J’suis pas un bottin mondain.
Clairement.
Le sorcier tendit la main à son amie pour l’aider à se relever et, ensemble, ils reprirent la direction de la salle commune des Ethelred.
Et on peut savoir ce qui motive cet intérêt soudain pour le club de potions ?
J’ai toujours été intéressé par les potions.
Et jamais par le club.
Ekuru haussa évasivement les épaules. Il avait longtemps craint qu’une fréquentation trop assidue de ses camarades du club ne l’empêche de dissimuler la nature parfois interdite de ses expérimentations alchimiques mais, depuis quelques mois, les questions se multipliaient à propos de son absence. Pas moins de cinq personnes depuis le début de l’année s’étaient étonnées qu’il n’ait jamais rejoint le groupe et le jeune homme commençait à penser que sa stratégie de dissimulation devenait contre-productive.
Après, je te préviens, Kimi, là. Attends, c’est Matsuo ou Kimi, son prénom ? Enfin bref, il paraît que c’est un mec particulier.
Particulier dans quel sens ?
J’sais pas trop.
Encore une fois, Ursu’, la qualité de tes informations…
Je sais, je sais.
Quelques heures plus tard, ce soir-là, alors qu’il remontait les couloirs pour rejoindre la salle des potions où Pétard & Chaudron avait parfois l’autorisation de se réunir, Ekuru ne se sentait pas plus armé qu’au départ de sa petite enquête pour la conversation qui l’attendait. Certes, il n’avait techniquement pas besoin d’être armé. Mais son esprit labyrinthique aimait se préparer à toutes les éventualités, et il avait dû réfréner sa curiosité, pour s’empêcher de poser des questions sur Matsuo Kimi, afin de ne pas paraître trop indiscret.
Le jeune homme jeta un regard à son reflet dans un miroir embué par le passage récent d’un fantôme. Une robe de sorcier eût été peut-être plus indiquée : il n’était pas impossible que Pétard & Chaudron fût attaché aux traditions. Il se reprocha de ne pas y avoir pensé, mais il avait cédé à ses habitudes, et adopté un débardeur d’un bleu sombre et un saroual de la même couleur. À son cou, une amulette dont le pendentif tombait entre ses pectoraux dessinés sous le vêtement et un collier doré qui dessinait des lettres arabes, sans que celles-ci pourtant n’épellent un mot compréhensible. Tout sorcier aurait senti que les deux colliers, comme le bracelet touareg en bois sombre qu’il portait au poignet gauche, étaient imprégnés de magie.
Des bruits derrière lui et le voilà à saluer d’un geste de la tête et de quelques sourires, les membres du club qui quittaient la salle de potions pour se disperser dans les couloirs de l’université et regagner chacun leur salle commune. Ekuru se glissa dans la pièce qu’il venait de quitter, et où leurs expériences du soir avaient laissé flotter d’étranges parfums. De fait, comme l’avait prédit Ursudalie, il n’eut pas de mal à repérer le fameux vice-président, qui d’une part y était seul et d’autre part avait bien, à ce qu’il semblait, des genres de cheveux.
Bonsoir, Matsuo.
Dans cette salle, Ekuru se sentait un peu comme chez lui. Avec son sujet de thèse au croisement entre (la défense contre, en théorie) les Forces du Mal et l’alchimie, il était l’un des rares doctorants à s’investir pleinement dans les potions.
Je suis Ekuru, précisa le Kenyan, même si de ce fait la présentation était probablement superflue. J’imagine qu’on s’est croisés une ou deux fois, sans doute, mais sans jamais vraiment se parler. Attends, je peux t’aider à ranger.
Et ce n’était pas le sens de l’ordre qui lui manquait.
C’est bien Matsuo, ton prénom ? J’ai une amie qui m’a pas mal parlé de toi…
(En termes fort imprécis, certes.)
… mais elle n’était pas très au point sur le côté prénom et nom. À sa décharge… hmm…
Ekuru venait de récupérer de l’index un peu d’une tache laissée par une potion sur l’une des tables. Il en huma l’odeur et la frotta contre son pouce, pour bien en cerner la texture, distrait par sa curiosité, avant de relever ses yeux verts sur son interlocuteur.
Euh. Oui, bon, bref, pardon. On m’a dit que tu étais le vice-président du club, celui où on fait des potions, entre autres choses si j’ai bien compris, et je suis venu pour me renseigner. Cela dit, je ne voudrais pas te prendre trop de ton temps…
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Mer 27 Mai 2020 - 19:48
La deuxième passion dans la vie de Matsuo, c’était les potions. Il avait été donc bien naturel pour lui de proposer sa candidature en tant que vice-président du groupe de potions. Il avait obtenu le poste et il était fier de se tenir aux côtés d’Adonis. Le cercle des potionistes accueillaient des membres tous plus passionnés les uns que les autres. Le japonais finissait toujours leurs réunions avec le sourire, les voyant s’amuser et se surpasser pour pouvoir faire des potions d’un rendu irréprochable. Ils leur arrivaient parfois de tenter des choses. Ce n’était pas toujours concluant mais l’important comme on dit, c’est d’essayer. Il s’était levé ce matin-là avec une double excitation naissante au niveau de sa poitrine. D’une part, il avait prévu de terminer une chorégraphie importante à ses yeux. Après sa rupture avec Terrence, il s’était plongé dans la danse, c’était sa thérapie. Pour se faire, il s’était enfermé dans la salle de danse le plus souvent possible pour créer un enchaînement original de pas qui matérialiserait sa relation avec ce jeune homme qu’il avait encore dans un petit coin de sa tête et dans son cœur. Il était à deux doigts de terminer cette chorégraphie. Il y avait passé du temps, mais il était à présent fier du résultat. La deuxième chose qui faisait qu’il était excité comme une puce en ce début de journée, c’était qu’il y avait un meeting des membres du club de potions. Il le savait, ils allaient encore passer une très bonne soirée tous ensemble, à rire, à s’amuser et à partager une passion commune. Kimi se débrouillait plutôt bien dans ce domaine, il n’irait pas jusqu’à dire qu’il était un maître des potions. Il était bien plus doué en danse que dans cet autre domaine. Mais il touchait tout de même sa bille.
La journée était passée à une vitesse extrême. Sa chorégraphie était à présent terminé, il avait hâte de trouver un public pour la montrer. Il lui arrivait de temps à autre de se rendre dans les rues d’Inverness pour se produire dans la rue. Il ne faisait pas ça pour l’argent, mais plus pour montrer ses créations et surtout pour avoir un peu de reconnaissance de ceux qui pourraient le regarder. Et puis, qui sait… un jour un mécène ou bien même un dénicheur de talent le remarquerait et il pourra finir par briller dans le monde entier grâce à son art. Les cours s’étaient déroulés si vite qu’il ne les avait pas vu passer. Le temps d’aller manger un morceau et de se rafraîchir et il avait dû se rendre dans la salle de cours des potions pour rejoindre Adonis et le club. La soirée avait été euphorique, comme toujours. Il régnait toujours une bonne ambiance lors de ce genre de rassemblement. Les membres étaient souriants et l’humeur était bon enfant. Il arrivait qu’un petit esprit de compétition pointe le bout de son nez mais ce n’était jamais de manière négative. C’était juste pour pimenter un peu la soirée et mettre un peu de défi dans tout ça.
La soirée s’était déroulée aussi rapidement que la journée. Les derniers membres du club de potions étaient partis. Le président également. Matsuo avait dit à Adonis qu’il pouvait y aller, qu’il rangerait les derniers ingrédients et qu’il nettoierait la salle avec un bon coup de baguette magique. Il n’en aurait pas pour bien longtemps et il n’y avait donc pas besoin qu’ils soient deux pour faire ça. Il était donc tranquillement en train de ranger ce qui était resté sur les tables lorsqu’une présence se fit sentir dans la salle. Il s’agissait d’un étudiant. Le japonais en avait entendu parler. Il était passionné par les potions à ce qu’on lui avait dit. Mais il n’était jamais venu dans leur club. Peut-être avait-il finalement changé d’avis. Et puis, il l’avait déjà croisé à la bibliothèque et en dehors de l’université. Ils s’étaient rapidement salués mais n’avaient jamais pris le temps de parler ensemble. Ce soir, ils allaient très certainement pouvoir faire connaissance.
« - Bonsoir Ekuru, c’est un bien joli prénom. Je pense qu’on s’est croisé effectivement deux, trois fois peut-être. Et c’est très gentil de me proposer ton aide. »
Le jeune danseur lui avait fait un sourire avant de reprendre son rangement, mais il n’était finalement plus seul. Il l’écouta lui poser la question sur son prénom. Il s’était donc renseigné sur lui. Est-ce que c’était une bonne nouvelle ? Ou bien doit-il se poser des questions ? Il n’avait en tout cas pas perdu son sourire. Ekuru avait un visage doux, il n’avait donc pas à se méfier. Pour l’instant en tout cas.
« - C’est mon prénom effectivement. Tu as donc essayé de te renseigner sur moi ? Tu veux quoi ? Prendre ma place au sein de ce club ? »
Le japonais lui avait fait un clin d’œil tout en rigolant. Ce n’était pas une attaque mais plus une petite taquinerie face au fait que le jeune sorcier avait fait appel à une amie pour en apprendre plus sur lui. Il avait repris la parole pour lui dire qu’il était venu ici parce qu’on lui avait dit que Kimi était le vice-président du club et qu’il voulait de plus amples renseignements sur celui-ci. Peut-être voulait-il s’inscrire ? Il était en tout cas bien poli et cordial. Il ne voulait pas déranger Matsuo. Mais il était loin de le déranger. Et puis, il était en train de l’aider à ranger, le jeune homme n’allait donc pas se plaindre.
« - Tu as toqué à la bonne porte et ta source ne s’est pas trompé je suis bien le vice-président. Pose-moi toutes les questions qui te passent par la tête. Si je peux te donner envie de t’inscrire, j’en serai ravi. Et t’inquiète pas, j’ai tout mon temps. Et puis regarde. Tu m’aides en plus. Alors je vais pas te chasser. »
Un énième clin d’œil, sourire aux coins des lèvres. Matsuo n’était pas du genre à tirer la gueule ou bien même à être de mauvaise humeur. Il était jovial et avenant. Il n’agirait donc pas autrement avec Ekuru.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Mer 27 Mai 2020 - 20:36
Devenir calife à la place du calife, c’est mon grand projet de vie, répliqua le nouveau venu du tac-au-tac quand le vice-président lui prêta des ambitions pour ainsi dire politiques. Encore que, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’être président d’un club peut bien impliquer. Du rangement, apparemment.
L’alchimiste avait un accent kenyan tout à fait distinctif, qui permettait de deviner à tout le moins qu’il n’avait été éduqué ni en Angleterre, ni en Amérique.
Ekuru avait rassemblé quelques ingrédients laissés épars, qu’il s’occupait désormais de classer dans les petites boites étiquetées qui s’alignaient derrière les portes vitrées d’une armoire. Pas une seule fois il ne parut hésiter sur la nature de ce qu’il tenait en main, de sorte que les feuilles et les racines, les poudres minérales, les griffes et les écailles, tout trouvait presque aussitôt sa place dans la taxonomie compliquée des ingrédients de potions.
Plus sérieusement, je crois que n’importe quelle responsabilité supplémentaire porterait le coup fatal à ce qui me sert d’emploi du temps, tu peux donc dormir sur tes deux oreillers, je ne m’insinuerai pas dans ta chambre ce soir pour t’assassiner dans ton sommeil et usurper ta place.
Son ton avait été enjoué, léger et même insouciant. Ekuru appréciait les gens à l’abord facile et il avait toujours jugé que la réputation déplorable de certaines des magies les moins recommandables qu’il pratiquait venait au fond plutôt de l’attitude sinistre adoptée par certains mages noirs que de la nature des sortilèges en eux-mêmes. Pour sa part, il ne trouvait pas que sa soif de connaissances, ses ambitions de pouvoir personnel et son souci d’excellence fussent nécessairement incompatibles avec une vie sociale équilibrée et des rapports humains constructifs.
Mais oui, je me suis renseigné. Pour être honnête, quand je suis arrivé ici, il y a sept ans… Je te parle d’une époque quasiment préhistorique, je sais, mais enfin, donc, quand je suis arrivé, j’ai essayé de rejoindre le club, mais je ne suis resté que quelques semaines. Disons que… Il y a eu des divergences d’opinions assez profondes. De tempéraments. Sans doute un peu des deux.
Ekuru tendit la main vers la salle, paume vers le plafond, avant de lui faire décrire un arc de cercle en la retournant. Brusquement, les livres restées sur les tables bondirent vers la première d’entre elles pour s’y empiler. Le sorcier fit un nouveau geste de la main vers les étagères et les ouvragent s’y précipitèrent, pour s’aligner à leur bonne place. Une méthode de magie sans baguette fort ordinaire pour quelqu’un de son continent, mais bien plus atypique de cet hémisphère-ci.
Les gens qui étaient dans le club avant vous, et qui ont aujourd’hui quitté l’université étaient… Disons des purs produits Poudlardiens, si tu vois ce que je veux dire. Pour eux, il y avait une et une seule bonne manière de faire des potions, celle qu’ils avaient apprises dans leur école, et la perspective d’accueillir quelque chose qui venait d’ailleurs leur était…
Ekuru haussa ses épaules que le débardeur laissait dénudées.
Bref, rien à quoi je ne sois habitué, malheureusement, mais en tout cas je me suis dit que ce serait plus tranquille si je faisais mes petites expériences dans mon coin mais… Maintenant que j’ai commencé le doctorat… Disons que le DEFI, c’est quand même relativement solitaire, comme cursus, on ne retrouve pas vraiment la même expérience de la promo des années précédentes, tu vois ce que je veux dire ? Je ne serais pas contre un peu de compagnie dans un nouveau club pour remédier à ça. Mais je voulais m’assurer que l’ambiance avait un peu changé, quoi.
Le jeune homme entreprenait désormais de faire le tour des chaudrons, pour vérifier qu’ils avaient été correctement nettoyés, et comme il les trouva tous impeccables, il put en conclure que la rigueur des potionnistes du soir ne laissait rien à désirer.
Oui, donc, en fait, je suis censé te poser des questions mais je te raconte un peu ma vie. Désolé, je crains d’être… De manière générale, assez bavard.
Sous les yeux de Matsuo, les lettres arabes de son collier dorée s’enroulèrent les unes sur les autres, comme des lianes (… comme des serpents ?), afin de former un nouveau mot, tout aussi incompréhensible que le premier. Apparemment indifférent au phénomène, Ekuru poursuivit :
Du coup, ça fonctionne comment ? Est-ce que vous vous faites un calendrier de sujets ? Genre, cette semaine c’est antidotes, la semaine prochaine c’est autour de tel ingrédient, ce genre de choses, ou bien chacun vient avec sa lubie du moment ? C’est purement pratique ou il y a des discussions théoriques ? Comment vous faites en sorte pour que les étudiants de différentes années, qui je suppose malgré une passion commune ont des niveaux disparates, y trouvent chacun leur compte ? Et hm… Probablement d’autres questions, mais je vais arrêter l’avalanche pour te laisser respirer, peut-être.
Ekuru adressa l’un de ses (célèbres !) sourires malicieux à son interlocuteur.
C’est que maintenant que je t’ai attrapé, s’agirait pas de te faire fuir.
L’alchimiste avait un accent kenyan tout à fait distinctif, qui permettait de deviner à tout le moins qu’il n’avait été éduqué ni en Angleterre, ni en Amérique.
Ekuru avait rassemblé quelques ingrédients laissés épars, qu’il s’occupait désormais de classer dans les petites boites étiquetées qui s’alignaient derrière les portes vitrées d’une armoire. Pas une seule fois il ne parut hésiter sur la nature de ce qu’il tenait en main, de sorte que les feuilles et les racines, les poudres minérales, les griffes et les écailles, tout trouvait presque aussitôt sa place dans la taxonomie compliquée des ingrédients de potions.
Plus sérieusement, je crois que n’importe quelle responsabilité supplémentaire porterait le coup fatal à ce qui me sert d’emploi du temps, tu peux donc dormir sur tes deux oreillers, je ne m’insinuerai pas dans ta chambre ce soir pour t’assassiner dans ton sommeil et usurper ta place.
Son ton avait été enjoué, léger et même insouciant. Ekuru appréciait les gens à l’abord facile et il avait toujours jugé que la réputation déplorable de certaines des magies les moins recommandables qu’il pratiquait venait au fond plutôt de l’attitude sinistre adoptée par certains mages noirs que de la nature des sortilèges en eux-mêmes. Pour sa part, il ne trouvait pas que sa soif de connaissances, ses ambitions de pouvoir personnel et son souci d’excellence fussent nécessairement incompatibles avec une vie sociale équilibrée et des rapports humains constructifs.
Mais oui, je me suis renseigné. Pour être honnête, quand je suis arrivé ici, il y a sept ans… Je te parle d’une époque quasiment préhistorique, je sais, mais enfin, donc, quand je suis arrivé, j’ai essayé de rejoindre le club, mais je ne suis resté que quelques semaines. Disons que… Il y a eu des divergences d’opinions assez profondes. De tempéraments. Sans doute un peu des deux.
Ekuru tendit la main vers la salle, paume vers le plafond, avant de lui faire décrire un arc de cercle en la retournant. Brusquement, les livres restées sur les tables bondirent vers la première d’entre elles pour s’y empiler. Le sorcier fit un nouveau geste de la main vers les étagères et les ouvragent s’y précipitèrent, pour s’aligner à leur bonne place. Une méthode de magie sans baguette fort ordinaire pour quelqu’un de son continent, mais bien plus atypique de cet hémisphère-ci.
Les gens qui étaient dans le club avant vous, et qui ont aujourd’hui quitté l’université étaient… Disons des purs produits Poudlardiens, si tu vois ce que je veux dire. Pour eux, il y avait une et une seule bonne manière de faire des potions, celle qu’ils avaient apprises dans leur école, et la perspective d’accueillir quelque chose qui venait d’ailleurs leur était…
Ekuru haussa ses épaules que le débardeur laissait dénudées.
Bref, rien à quoi je ne sois habitué, malheureusement, mais en tout cas je me suis dit que ce serait plus tranquille si je faisais mes petites expériences dans mon coin mais… Maintenant que j’ai commencé le doctorat… Disons que le DEFI, c’est quand même relativement solitaire, comme cursus, on ne retrouve pas vraiment la même expérience de la promo des années précédentes, tu vois ce que je veux dire ? Je ne serais pas contre un peu de compagnie dans un nouveau club pour remédier à ça. Mais je voulais m’assurer que l’ambiance avait un peu changé, quoi.
Le jeune homme entreprenait désormais de faire le tour des chaudrons, pour vérifier qu’ils avaient été correctement nettoyés, et comme il les trouva tous impeccables, il put en conclure que la rigueur des potionnistes du soir ne laissait rien à désirer.
Oui, donc, en fait, je suis censé te poser des questions mais je te raconte un peu ma vie. Désolé, je crains d’être… De manière générale, assez bavard.
Sous les yeux de Matsuo, les lettres arabes de son collier dorée s’enroulèrent les unes sur les autres, comme des lianes (… comme des serpents ?), afin de former un nouveau mot, tout aussi incompréhensible que le premier. Apparemment indifférent au phénomène, Ekuru poursuivit :
Du coup, ça fonctionne comment ? Est-ce que vous vous faites un calendrier de sujets ? Genre, cette semaine c’est antidotes, la semaine prochaine c’est autour de tel ingrédient, ce genre de choses, ou bien chacun vient avec sa lubie du moment ? C’est purement pratique ou il y a des discussions théoriques ? Comment vous faites en sorte pour que les étudiants de différentes années, qui je suppose malgré une passion commune ont des niveaux disparates, y trouvent chacun leur compte ? Et hm… Probablement d’autres questions, mais je vais arrêter l’avalanche pour te laisser respirer, peut-être.
Ekuru adressa l’un de ses (célèbres !) sourires malicieux à son interlocuteur.
C’est que maintenant que je t’ai attrapé, s’agirait pas de te faire fuir.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Sam 30 Mai 2020 - 10:54
La venue d’Ekuru était venu rompre le silence et la monotonie de cette fin de soirée du club de potions. Le rangement faisait partie du boulot et Matsuo l’acceptait bien volontiers. Les membres du groupe rangeaient tout de même un maximum. Il ne lui restait donc plus grand-chose à faire au final. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait dit à Adonis qu’il pouvait partir. Et puis, le jeune danseur aimait la solitude de temps en temps. Mais l’arrivée de ce beau garçon ne fut pas une mauvaise chose non plus. Il fallait le reconnaître, le sorcier avait une aura et une prestance qui faisait qu’on ne pouvait que le remarquer. Son accent venait d’un pays chaud, il n’y avait aucun doute. Le japonais ne pouvait clairement pas se tromper en disant qu’il n’était pas originaire d’ici. C’était plaisant à entendre et très « chantant ». Il n’avait pu s’empêcher de le taquiner, lui demandant s’il était venu ici pour prendre sa place. Kimi était comme ça, il aimait charrier. Il fut ravi de voir que ce beau garçon avait de la répartie. Il lui avait fait comprendre que « devenir calife à la place du calife » était son projet de vie mais que le club de potions n’était peut-être pas son objectif ultime. Il avait su lui retourner la taquinerie en lui disant que ce n’était pas aussi intéressant que ça d’être vice-président. Matsuo ne put s’empêcher de rire face à sa remarque sur le rangement.
« - Ca permet aussi de temps en temps de pouvoir emballer un membre du club. C’est pas très politiquement correct, mais faut savoir s’amuser de temps en temps non ? »
Le jeune sorcier était un charmeur né et Ekuru n’y échapperait pas. Il était comme ça. La séduction coulait dans ses veines et il aimait ça. Et puis, il n’y avait rien de mal à jouer de ses charmes. En tout cas, lui, il n’y voyait aucun mal. Le beau garçon connaissait parfaitement les potions, il n’y avait aucun de doutes là-dessus. Il était une grande aide pour Kimi, rangeant les différents ingrédients à une vitesse presque surhumaine. Les étiquettes sur les différents récipients n’avaient aucun secret pour lui et il avait donc fini sa tâche très rapidement. Il marquait déjà des points s’il voulait rejoindre le groupe. Était-il en train de lui faire de la lèche ? Peut-être mais en tout cas, il était passionné et cela se sentait. Matsuo aimait les personnes du genre d’Ekuru. Il en était une lui aussi, un véritable passionné de danse. Il respirait, il mangeait danse. Il se mit à nouveau à sourire lorsque le sorcier le rassura, ayant un emploi du temps bien trop chargé, il ne s’introduirait donc pas dans sa chambre pour le réduire en silence. Il ne put s’empêcher tout de même de se mordiller la lèvre inférieure à la simple idée qu’un si beau garçon puisse venir s’introduire dans son intimité, mais pour tout autre chose qu’un assassinat. Il chassa malgré tout rapidement cette image.
« - M’en voilà donc rassuré. Encore que t’introduire dans ma chambre serait une idée intéressante. Mais je tiens à garder ma tête. »
Le japonais lui fit un énième clin d’œil, continuant de rangeant et de nettoyer la salle de potions. Il n’avait pas le choix, c’était dans le contrat passé avec le professeur de potions. Il fallait toujours rendre une pièce impeccable sinon ils ne pourraient plus s’adonner à leur passion pour l’art des potions. Ekuru c’était renseigné sur le japonais. Rien de bien méchant, il avait juste cherché à savoir qui était le vice-président de club et on lui avait donc parlé de lui. Il ne savait par contre pas quel était le prénom entre Matsuo et Kimi. Le danseur l’avait donc aiguillé. Le jeune en avait ensuite profité pour lui dire qu’au début de sa scolarité à Hungcalf, il avait essayé d’intégrer ce groupe mais qu’il était bien trop sectaire pour qu’il y reste. Son monologue fut entendu par le jeune Kimi mais en même temps, il fut fasciné par ce qu’était en train de faire Ekuru. Il usait de la magie mais d’une manière qu’il n’avait finalement jamais vu. Où était donc sa baguette ? Comment faisait-il donc pour pouvoir ranger ses livres en utilisant uniquement ses mains ? C’était tout bonnement sensationnel. Malgré tout, le japonais avait saisi tout de même la teneur de ses propos. Ressentant un besoin d’interactions avec les autres depuis le début de son doctorat, il s’était dit que c’était le bon moment pour retenter l’expérience. Le sorcier c’était finalement excusé pour cette tirade. Il était bavard, il n’y avait aucun doute là-dessus. Mais c’était appréciable et Matsuo était un orateur hors-pair aussi alors cela ne le dérangeait pas du tout.
« - Ne t’excuse pas. Je suis un grand bavard aussi. Alors tes paroles ne me dérangent pas. Je comprends tout à fait ton point de vue. La nouveauté fait parfois peur. Mais sache qu’ici, on accepte tout le monde. Et je dois avouer que je suis fasciné par ce que tu viens de faire… Tu as appris cette technique dans ton pays ? Faire de la magie sans baguette ? Tu penses qu’un jour tu pourrais m’apprendre ? »
Matsuo était un éternel curieux et surtout, il était toujours friand de domaines qui pourraient l’aider à se renouveler et à devenir un sorcier encore plus doué. Il se débrouillait bien. Mais pourquoi ne pas apprendre de nouvelles techniques qui pourraient lui permettre d’évoluer. Ekuru reprit donc le cours de ses pensées et surtout du sujet de sa venue. Un phénomène étrange se passa, le collier du jeune sorcier se mit à se mouvoir pour changer d’apparence. Encore quelque chose qui intrigua Matsuo, mais il décida de ne rien en faire pour l’instant, ne voulant pas se montrer trop curieux. Il bombarda le jeune danseur de questions. Il voulait savoir comment se déroulaient les soirées potions. Est-ce qu’il faisait par thème ? Ou bien est-ce qu’il faisait au petit bonheur la chance ? Il voulait également savoir si ce n’était que purement pratique ou s’il y avait de la théorie également. Et comment s’y prenaient-ils pour gérer la différence de niveau des étudiants. Des questions des plus intéressantes aux yeux de Matsuo. Le japonais ne put que sourire face au sourire du beau garçon et surtout face à sa remarque.
« - Sois rassuré, il m’en faut bien plus pour fuir. »
Le jeune Kimi lui fit un de ses clins d’œil habituel avant de répondre à ses questions.
« - Alors en ce qui concerne le déroulement de nos soirées potions il y a différentes formes. Parfois on impose un thème par exemple un antidote précis. Ou bien alors, on fait un sondage auprès des membres pour savoir ce qu’ils aimeraient pour la prochaine rencontre. En ce qui concerne le contenu, il y a forcément une part importante de pratique mais la théorie est présente également. Il ne faut pas négliger les questions que pourraient avoir les membres. Bien évidemment, nous ne sommes pas professeurs, nous n’avons donc pas toutes les réponses mais on fait notre maximum. Et pour ce qui est du niveau des étudiants et bien on a pris le parti de faire des fiches comme des recettes, que nous distribuons après avoir échangés sur la potion du jour et mis en ordre toutes les idées de déroulement des étapes de celles-ci pour que chacun puisse avoir le déroulé. Ensuite, on passe voir quand il y a besoin d’aide ou de conseils. Est-ce que ça répond à tes questions. »
Le rangement étant fini, il était à présent totalement libre pour éclairer la lanterne d’Ekuru. Qu’il n’hésite pas à lui poser toutes les questions qui pouvaient lui passer par la tête.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Sam 30 Mai 2020 - 13:29
Est-ce qu’on était en train…
… de lui faire du charme ?
Non.
Certainement pas.
(Pas vrai ?)
Encore que t’introduire dans ma chambre serait une idée intéressante.
Suivi d’un clin d’oeil.
Par la rotule désaxée de Merlin !
C’était pourtant vrai.
On lui faisait du charme.
Une racine biscornue dans les mains, ce fut un Ekuru tout décontenancé qui fixa son interlocuteur. Certes, sept ans passés à Hungcalf lui avait appris qu’au Royaume-Uni, on pouvait vivre sa sexualité plus librement et il avait lui-même eu quelques expériences, mais il était loin d’avoir l’habitude des approches aussi directes.
(Peut-être qu’il imaginait des choses ?)
(Peut-être que Matsuo multipliait les sous-entendus coquins et les clins d’oeil entendus pour… l’inviter à… hmm… discuter le cycle reproductif des Strangulots dans les contrées arctiques ?)
Euh. Oui, ah, d’accord, très bien, très bien, finit par murmurer le Kenyan en reprenant plus ou moins ses moyens, tandis que la conversation revenait sur le terrain des potions, du club et de sa fonctionnement.
En attendant, la racine avait entrepris d’escalader son avant-bras puis son bras, afin de se lancer dans un saut périlleux et spectaculaire pour réintégrer un pot sur le rebord de la fenêtre, avec un soupir de contentement. Comme tout était en ordre, les deux garçons quittèrent la salle de potions.
Pour tout à l’heure, je veux dire, la magie sans baguette, c’est… Effectivement assez courant de là d’où je viens. En Afrique, je veux dire. Les baguettes sont une importation récente, enfin au cours du siècle dernier, mais à l’échelle des traditions magiques, c’est presque hier, et l’échelle de ce que nous pratiquons se fait sans. C’est un rapport sensiblement différent à la magie, pas les mêmes possibilités. J’imagine que ça a ses avantages et ses défauts. Personnellement…
Ekuru s’effaça pour laisser Matuso le précéder dans l’escalier en pierre qui quittait les souterrains. Son regard s’égara un peu malgré lui sur les fesses du Japonais en train de gravir les marches polies par le temps et le jeune homme se sentit pris d’un intérêt renouvelé pour les passionnantes activités du club de potions.
… je trouve que c’est plus physique, plus personnel. Plus sensuel en un sens. La magie qui vient entièrement de nos corps, sans médiation, c’est quelque chose de puissant et d’éminemment intime. Mais j’imagine que je prêche pour ma paroisse, en quelque sorte.
En longeant un couloir, ils avaient débouché dans le vaste hall d’entrée et Ekuru s’arrêta près des statues rassemblées en cercle. Son regard se posa un instant sur celle qui était supposée représenter Ehtelred, à l’origine de sa maison, avant de revenir dans celui de Matsuo.
En tout cas, c’est tout-à-fait possible d’apprendre. Certains sorciers d’ici la pratiquent un peu, même s’ils sont habitués aux baguettes. Ça demande pas mal de persévérance mais on peut sans doute… Viens.
Le sujet de toute évidence l’enthousiasmait beaucoup. Après sa première expérience désastreuse, des années plutôt, avec le club de potions, la curiosité bienveillante de Matsuo était un soulagement. Ekuru l’entraîna à sa suite pour quitter le hall et rejoindre le parc. Malgré la saison estivale, il trouva la nuit fraîche, vêtu de son débardeur, et des frissons coururent sur ses bras et ses épaules nues. Toutes ces années n’avaient pas suffi à l’habituer aux rigueurs du climat britannique.
Pour l’atelier, enfin le club, ça ne me dérange pas qu’il y ait de la théorie. J’aime beaucoup la théorie… c’est évident, je suppose, sans quoi je ne me serais pas lancé dans un DEFI. Si c’est possible, je pourrais peut-être participer à une ou deux séances pour voir si… disons si j’arrive à trouver ma place ? Je peux contribuer à la rédaction des fiches recettes et à produire du contenu pédagogique pour les gens qui sont plus débutants. D’ailleurs, c’est un point sur lequel j’aimerais bien avoir des retours, justement.
Il marchait d’un pas énergique pour s’éloigner un peu des principaux bâtiments, avant de s’arrêter au milieu de la pelouse, de promener tout autour de lui un regard circulaire, afin de sembler satisfait. Une nouvelle fois, ses yeux verts revinrent se plonger dans ceux de Matsuo.
Sur mes capacités pédagogiques, j’entends, les retours. Je crois que j’ai tendance à être souvent… Un peu compliqué dans mes explications, tu vois ? Alors qu’après un doctorat, professeur de potions ou de défense contre les forces du mal, ce serait une carrière possible pour moi. Il faudrait que j’essaie de travailler un peu ça. OK, ici c’est bien. Tu peux sortir ta baguette.
Lui s’approcha du Japonais. Il lui prit délicatement le poignet, pour lui faire tendre le bras, tout proche de lui.
Je pense que la base de tout, c’est d’arriver à… D’arriver à sentir la magie dans ton corps, tu vois ce que je veux dire ? De continuer à utiliser la baguette, mais de mieux comprendre le cheminement de l’énergie dans ta peau, dans tes muscles, dans ton sang. Essaie un Lumos, mais tente de faire le sort le plus lentement possible. Et de te concentrer sur…
Sa main recouvrit celle de Matsuo qui tenait la baguette.
Ce que tu éprouves là, dans tes doigts, dans ta main. L’énergie magique vient de toi, c’est ta main qui communique la magie à la baguette, pas l’inverse. C’est à ce moment de communication que tu dois être attentif.
… de lui faire du charme ?
Non.
Certainement pas.
(Pas vrai ?)
Encore que t’introduire dans ma chambre serait une idée intéressante.
Suivi d’un clin d’oeil.
Par la rotule désaxée de Merlin !
C’était pourtant vrai.
On lui faisait du charme.
Une racine biscornue dans les mains, ce fut un Ekuru tout décontenancé qui fixa son interlocuteur. Certes, sept ans passés à Hungcalf lui avait appris qu’au Royaume-Uni, on pouvait vivre sa sexualité plus librement et il avait lui-même eu quelques expériences, mais il était loin d’avoir l’habitude des approches aussi directes.
(Peut-être qu’il imaginait des choses ?)
(Peut-être que Matsuo multipliait les sous-entendus coquins et les clins d’oeil entendus pour… l’inviter à… hmm… discuter le cycle reproductif des Strangulots dans les contrées arctiques ?)
Euh. Oui, ah, d’accord, très bien, très bien, finit par murmurer le Kenyan en reprenant plus ou moins ses moyens, tandis que la conversation revenait sur le terrain des potions, du club et de sa fonctionnement.
En attendant, la racine avait entrepris d’escalader son avant-bras puis son bras, afin de se lancer dans un saut périlleux et spectaculaire pour réintégrer un pot sur le rebord de la fenêtre, avec un soupir de contentement. Comme tout était en ordre, les deux garçons quittèrent la salle de potions.
Pour tout à l’heure, je veux dire, la magie sans baguette, c’est… Effectivement assez courant de là d’où je viens. En Afrique, je veux dire. Les baguettes sont une importation récente, enfin au cours du siècle dernier, mais à l’échelle des traditions magiques, c’est presque hier, et l’échelle de ce que nous pratiquons se fait sans. C’est un rapport sensiblement différent à la magie, pas les mêmes possibilités. J’imagine que ça a ses avantages et ses défauts. Personnellement…
Ekuru s’effaça pour laisser Matuso le précéder dans l’escalier en pierre qui quittait les souterrains. Son regard s’égara un peu malgré lui sur les fesses du Japonais en train de gravir les marches polies par le temps et le jeune homme se sentit pris d’un intérêt renouvelé pour les passionnantes activités du club de potions.
… je trouve que c’est plus physique, plus personnel. Plus sensuel en un sens. La magie qui vient entièrement de nos corps, sans médiation, c’est quelque chose de puissant et d’éminemment intime. Mais j’imagine que je prêche pour ma paroisse, en quelque sorte.
En longeant un couloir, ils avaient débouché dans le vaste hall d’entrée et Ekuru s’arrêta près des statues rassemblées en cercle. Son regard se posa un instant sur celle qui était supposée représenter Ehtelred, à l’origine de sa maison, avant de revenir dans celui de Matsuo.
En tout cas, c’est tout-à-fait possible d’apprendre. Certains sorciers d’ici la pratiquent un peu, même s’ils sont habitués aux baguettes. Ça demande pas mal de persévérance mais on peut sans doute… Viens.
Le sujet de toute évidence l’enthousiasmait beaucoup. Après sa première expérience désastreuse, des années plutôt, avec le club de potions, la curiosité bienveillante de Matsuo était un soulagement. Ekuru l’entraîna à sa suite pour quitter le hall et rejoindre le parc. Malgré la saison estivale, il trouva la nuit fraîche, vêtu de son débardeur, et des frissons coururent sur ses bras et ses épaules nues. Toutes ces années n’avaient pas suffi à l’habituer aux rigueurs du climat britannique.
Pour l’atelier, enfin le club, ça ne me dérange pas qu’il y ait de la théorie. J’aime beaucoup la théorie… c’est évident, je suppose, sans quoi je ne me serais pas lancé dans un DEFI. Si c’est possible, je pourrais peut-être participer à une ou deux séances pour voir si… disons si j’arrive à trouver ma place ? Je peux contribuer à la rédaction des fiches recettes et à produire du contenu pédagogique pour les gens qui sont plus débutants. D’ailleurs, c’est un point sur lequel j’aimerais bien avoir des retours, justement.
Il marchait d’un pas énergique pour s’éloigner un peu des principaux bâtiments, avant de s’arrêter au milieu de la pelouse, de promener tout autour de lui un regard circulaire, afin de sembler satisfait. Une nouvelle fois, ses yeux verts revinrent se plonger dans ceux de Matsuo.
Sur mes capacités pédagogiques, j’entends, les retours. Je crois que j’ai tendance à être souvent… Un peu compliqué dans mes explications, tu vois ? Alors qu’après un doctorat, professeur de potions ou de défense contre les forces du mal, ce serait une carrière possible pour moi. Il faudrait que j’essaie de travailler un peu ça. OK, ici c’est bien. Tu peux sortir ta baguette.
Lui s’approcha du Japonais. Il lui prit délicatement le poignet, pour lui faire tendre le bras, tout proche de lui.
Je pense que la base de tout, c’est d’arriver à… D’arriver à sentir la magie dans ton corps, tu vois ce que je veux dire ? De continuer à utiliser la baguette, mais de mieux comprendre le cheminement de l’énergie dans ta peau, dans tes muscles, dans ton sang. Essaie un Lumos, mais tente de faire le sort le plus lentement possible. Et de te concentrer sur…
Sa main recouvrit celle de Matsuo qui tenait la baguette.
Ce que tu éprouves là, dans tes doigts, dans ta main. L’énergie magique vient de toi, c’est ta main qui communique la magie à la baguette, pas l’inverse. C’est à ce moment de communication que tu dois être attentif.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Lun 1 Juin 2020 - 22:05
Matsuo avait toujours été un jeune homme charmeur et charmant. Il savait qu’il pouvait attirer les regards, non pas qu’il soit prétentieux, mais il s’en était rendu compte. Il en jouait donc. Et puis, il trouvait Ekuru particulièrement agréable à regarder. Alors pourquoi ne pas lui faire un peu de gringue. Si le jeune étudiant n’était pas intéressé, il lui dirait bien rapidement. Il ne s’était donc pas gêné pour rebondir face à sa remarque quant au fait de s’introduire dans sa chambre pour l’assassiner. Il lui avait dit qu’il tenait à la vie mais que pour le fait de s’introduire dans sa chambre, il n’était pas contre. C’était finement sous-entendu. Mais le jeune homme étant intelligent, il le comprendrait. Ekuru fut encore plus mignon aux yeux du japonais lorsqu’il se montra gêné face à ses propos. Il n’y allait pas avec le dos de la cuiller mais il était comme ça. Il avait un certain franc parlé. Et puis, il n’était pas dans le vulgaire. Il tentait juste de charmer le jeune sorcier à sa façon. En tout cas, il avait peut-être fait mouche. Si le jeune homme en face de lui n’était pas sensible à ce qu’il disait, il n’agirait pas de la sorte, il lui aurait mis une veste très certainement. Mais en tout cas, il ne se mit pas martèle en tête. Ils ne se connaissaient pas assez et puis, il ne fallait pas brûler les étapes.
Le jeune danseur avait jugé bon de ne pas surenchérir. Le but n’était pas de faire fuir le beau métis mais de le garder à ses côtés et de lui donner envie de venir intégrer le club. La salle était à présent propre et ordonnée, ils n’avaient donc plus rien à faire dans cette pièce. Ils la quittèrent donc. Kimi n’avait pu s’empêcher de se montrer curieux face à la magie utilisée par Ekuru. Il n’avait encore jamais vu personne user de la magie sans utiliser une baguette. Il n’avait donc pas pu s’empêcher de l’observer et de lui poser des questions sur cet art nouveau pour lui. Il l’écouta donc attentivement lui donner des détails sur l’acte commis dans la salle de potions. C’était une des spécificités de son pays, l’Afrique. Les baguettes étaient arrivées plus tard dans cette contrée et ils utilisaient donc une magie particulière. Elle avait ses avantages comme ses inconvénients selon le jeune sorcier. Le jeune danseur passa devant lui, l’écoutant encore attentivement. Il n’avait pas fini de parler de cet art des plus fascinants aux yeux de Matsuo. Il en parlait avec passion ça donnait vraiment envie d’apprendre.
« - Je comprends ce que tu veux dire. Tu ne fais qu’un avec la magie, tu n’as pas besoin d’intermédiaire. C’est fascinant en tout cas. Et t’entendre en parler donne vraiment envie d’en découvrir plus sur cette magie. »
Ils finirent par se retrouver dans le hall d’entrée. Ekuru lui confia qu’il était tout à fait possible d’apprendre et que certains étudiants la pratiquaient un peu. Il l’invita à le suivre. Matsuo ne put s’empêcher de sourire et de le suivre. Ils se dirigeaient dans le parc. La soirée était fraîche mais agréable aux yeux du japonais. Il écouta attentivement le beau métis lui dire qu’il était intéressé par le club de potions, qu’il aimerait bien participer à une ou deux soirées pour voir s’il arrivait à se faire une place. Il lui proposa même de les aider à faire les fiches recettes et à produire du contenu pédagogique pour les amateurs dans le domaine des potions. C’était toujours agréable d’avoir de l’aide. Ekuru était un passionné, cela se sentait et ça plaisait à Kimi.
« - Et bien je suis d’accord, tu es passionné ça se sent et on aime les gens passionné. On n’est jamais contre de l’aide alors si tu te proposes pour les fiches et en plus faire du contenu pédagogique pour les débutants. On va clairement pas vouloir te voir partir. En tout cas, marché conclu. »
Il avait un grand sourire au coin des lèvres. Ils s’arrêtèrent finalement au milieu de la pelouse. Il fit le tour de l’endroit pour voir s’ils seraient tranquilles ici et au calme sûrement. Il l’écouta attentivement sur le fait de vouloir des retours sur ses contenus pédagogiques. Son doctorat lui permettrait de devenir professeur de potions ou de défense contre les forces du mal. Il fallait donc qu’il travaille sur le fait de pouvoir élaborer du contenu clair et pas trop compliqué s’il voulait rejoindre cette branche.
« - Et bien on pourrait peut-être voir pour créer un questionnaire pour voir si les étudiants comprennent tes explications par exemple ? Ou s’il y a des choses à modifier ? Qu’en penses-tu ? »
Le beau métis lui avait fait comprendre qu’ils étaient à présent au bon endroit. Il lui avait même demandé de sortir sa baguette. Il s’exécuta sortant sa baguette magique de sa poche. Ekuru était dangereusement proche de lui et ça lui plaisait. Il était venu lui prendre le poignet pour qu’il tende le bras. Matsuo buvait ses paroles. Il lui fit comprendre que le plus important dans l’exercice était de ressentir la magie en lui. Il allait utiliser sa baguette mais il allait devoir faire le sort lentement pour pouvoir prendre conscient de ce qu’il se passait en lui. Le japonais ressenti un frisson lorsque le beau jeune homme posa sa main sur la sienne. Il avait continué en précisant que la magie venait de lui et non de la baguette. Il fallait donc se concentrer sur le moment de communication de sa main avec la baguette magique. C’était sa main qui influait la magie au morceau de bois et non l’inverse.
« - D’accord, je vois ce que tu veux dire. Je vais tenter de sentir tout ce que tu viens de décrire. »
Matsuo ferma les yeux, et pour commencer, il se mit en tête qu’il allait exécuter le sort « Lumos ». Il resta concentré quelques secondes avant de prononcer le mot magique.
« - Lumos »
Il avait dit ce mot très lentement, pouvant ressentir un courant électrique passant de sa main à la baguette magique. C’était étrange, mais il n’avait jamais cherché à sentir ce qu’il se passait en lui lorsqu’il usait de sa baguette.
« - C’est la première fois que je me concentre sur ce genre de chose. J’ai l’impression d’avoir eu un courant électrique qui est passé de ma main à ma baguette… »
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Mar 2 Juin 2020 - 17:49
Je crois que chacun ressent cela un peu différemment, expliqua Ekuru, en retirant lentement sa main de celle de son élève improvisé, sans pour autant s’éloigner de lui. Certaines personnes ont l’impression que c’est plutôt comme une sorte de bourrasque, ou bien que la magie est une pulsation de leur sang, ou… Je ne sais pas trop si ce sont des différences de nature, si les processus physiologiques qui permettent de faire advenir la magie sont différents, ou bien si chacun a sa propre métaphore pour donner du sens à ce qui se passe à l’intérieur de lui.
L’idée de disséquer quelques sorciers pour en avoir le coeur net lui passa un instant par la tête et il se promit de vérifier si des anatomistes n’avaient pas déjà entrepris cette investigation sans doute fort utile. La physiologie de la magie était toujours un sujet fort délicat, dans la mesure où les sorciers avaient bien conscience, en général, qu’il entraînait des comparaisons défavorables : après tout, les humains n’étaient pas, loin de là, les êtres magiques doués des facultés naturelles les plus spectaculaires en la matière. Expliquer comme tout cela se produisait, c’était de se forcer à prendre conscience de leur relative médiocrité à côté des elfes de maison.
Bref, en tout cas, à partir de là, je crains que ce ne soit un peu comme tout, une question d’entraînement. Répéter le même sort, pour avoir plus facilement conscience de ces réactions physiques à l’intérieur de toi. Essayer de se rapprocher de ta pratique ordinaire, c’est-à-dire de ne plus le faire aussi lentement, pour ne plus avoir besoin de te concentrer, mais pour sentir le phénomène à chaque fois, automatiquement. Ça peut prendre quelques jours ou quelques semaines.
Comme toutes les magies, la magie sans baguette reposait sur un apprentissage opiniâtre qui exigeait de la patience, et en cela elle n’était pas différente de la magie avec une baguette.
Et en même temps, faut essayer de prendre conscience de tout le reste. La formule, par exemple, c’est… Les formules magiques, ce sont à la fois des… Hm… Comment dire…
Ekuru n’avait jamais eu à expliquer ce genre de choses et sa scolarité à Uagadou ne lui offrait guère d’exemples : dans son école, la question n’était pas d’apprendre à se passer de baguette. On commençait dès le début par la magie avec le corps. Mais il prenait conscience que beaucoup des choses qui lui étaient devenues intuitives à force de pratique dans sa jeunesse pouvaient ne pas être évidentes pour un sorcier du Nord.
Le jeune homme eut comme un sourire d’excuses.
Désolé, il faut que j’organise un peu mes idées. Donc. Une formule magique, c’est un processus symbolique qui conceptualise et syncrétise un ensemble de réflexions et de représentations disponibles dans un inconscient collectif largement archétypal qui…
Pardon ?
Bon, OK, c’est peut-être pas beaucoup plus clair comme ça. Tu vois, faut être un peu patient avec moi.
Son sourire s’élargit et, sans qu’il y réfléchisse vraiment, il se fit même peut-être un peu séducteur.
La formule magique, ça a différentes fonctions, tu me suis ? L’une des fonctions est d’ordre symbolique. Elle représente le sort, ce à quoi il sert et tout ça. Elle fait appel à un imaginaire linguistique, souvent assez ancien. Lumos, lumière, tout ça. C’est ce qu’on peut appeler, si tu veux, la fonction psychologique de la formule : elle active les processus mentaux nécessaires à la production de l’action magique. Et y a une autre fonction qui est d’ordre physiologique. La formule rythme la respiration, elle guide le souffle. Tu remarqueras que les sorts qui exigent une énergie brusque, par exemple pour le désarmement, imposent une formule scandée par un souffle rapide, tandis que les sorts amples, genre Protego Maxima, ont des formules plus longues qui permettent une respiration plus profonde. C’est pas universellement vrai mais c’est souvent comme ça. Et c’est un peu la même chose avec les gestes, qui activent la circulation du sang.
L’approche de la magie prônée par Ekuru avait quelque chose de profondément matérialiste et sensuel : pour lui, l’enjeu n’était pas d’ordre mystique, la magie ne relevait pas d’une expérience éthérée, du connexion à des réalités impalpables et supérieures, mais elle naissait de la chair et de la présence réelle des choses.
Donc faut essayer de se focaliser aussi sur ça. Évidemment, tu peux pas tout faire en même temps au début, prêter attention à la fois à ton souffle, aux battements de ton sang, à la sensation électrique dans ta main. Faut séparer, s’entraîner pour chaque, jusqu’à bien sentir. Et à la fin, en combinant tout ça, tu seras pleinement conscient des processus physiologiques qui gouvernent à la production du sort. Ça aide beaucoup si tu as une pratique sportive particulière, parce que c’est à peu près les mêmes logiques d’entraînement. Le sport, ça donne des méthodes et une discipline pour la pratique de la magie sans baguette.
Et à en juger par la silhouette que laissait entrevoir son débardeur, Ekuru s’appliquait ce précepte à lui-même de façon fort scrupuleuse.
Tiens, par exemple…
Ekuru prit à nouveau la main de son camarade pour la poser sur son propre ventre et, à travers le tissu fin du débardeur, Matsuo pouvait sentir le dessin des abdominaux du Kenyan.
Essaie de percevoir la différence de ma respiration entre deux sorts très distincts. J’vais essayer de mon côté de forcer un peu le trait.
Le sorcier africain plaça sa main droite ouverte, paume vers le haut et posa sa main gauche dessus, fermée en poing. Puis il murmura :
Nuru.
C’était le mot swahili originaire de l’arabe qui servait au Lumos, et dont Ekuru allongeait les u. En même temps, il ouvrit les doigts de sa main gauche et, sur la paume de sa main droite, une sphère de lumière était apparue.
Donc, un sort calme, observa-t-il, tout en refermant la main pour faire disparaître la lumière. Maintenant quelque chose d’autre.
Ekuru replia le bras gauche, poing fermé, avant de le lancer en avant brusquement, d’ouvrir les doigts et de s’écrier :
Machemchem.
La formule swahili pour l’Aqua Eructo propulsa un bref jet d’eau sur la pelouse environnante. Le jeune homme secoua sa main pour la sécher, avant de demander :
Tu as senti la différence de respiration ?
L’idée de disséquer quelques sorciers pour en avoir le coeur net lui passa un instant par la tête et il se promit de vérifier si des anatomistes n’avaient pas déjà entrepris cette investigation sans doute fort utile. La physiologie de la magie était toujours un sujet fort délicat, dans la mesure où les sorciers avaient bien conscience, en général, qu’il entraînait des comparaisons défavorables : après tout, les humains n’étaient pas, loin de là, les êtres magiques doués des facultés naturelles les plus spectaculaires en la matière. Expliquer comme tout cela se produisait, c’était de se forcer à prendre conscience de leur relative médiocrité à côté des elfes de maison.
Bref, en tout cas, à partir de là, je crains que ce ne soit un peu comme tout, une question d’entraînement. Répéter le même sort, pour avoir plus facilement conscience de ces réactions physiques à l’intérieur de toi. Essayer de se rapprocher de ta pratique ordinaire, c’est-à-dire de ne plus le faire aussi lentement, pour ne plus avoir besoin de te concentrer, mais pour sentir le phénomène à chaque fois, automatiquement. Ça peut prendre quelques jours ou quelques semaines.
Comme toutes les magies, la magie sans baguette reposait sur un apprentissage opiniâtre qui exigeait de la patience, et en cela elle n’était pas différente de la magie avec une baguette.
Et en même temps, faut essayer de prendre conscience de tout le reste. La formule, par exemple, c’est… Les formules magiques, ce sont à la fois des… Hm… Comment dire…
Ekuru n’avait jamais eu à expliquer ce genre de choses et sa scolarité à Uagadou ne lui offrait guère d’exemples : dans son école, la question n’était pas d’apprendre à se passer de baguette. On commençait dès le début par la magie avec le corps. Mais il prenait conscience que beaucoup des choses qui lui étaient devenues intuitives à force de pratique dans sa jeunesse pouvaient ne pas être évidentes pour un sorcier du Nord.
Le jeune homme eut comme un sourire d’excuses.
Désolé, il faut que j’organise un peu mes idées. Donc. Une formule magique, c’est un processus symbolique qui conceptualise et syncrétise un ensemble de réflexions et de représentations disponibles dans un inconscient collectif largement archétypal qui…
Pardon ?
Bon, OK, c’est peut-être pas beaucoup plus clair comme ça. Tu vois, faut être un peu patient avec moi.
Son sourire s’élargit et, sans qu’il y réfléchisse vraiment, il se fit même peut-être un peu séducteur.
La formule magique, ça a différentes fonctions, tu me suis ? L’une des fonctions est d’ordre symbolique. Elle représente le sort, ce à quoi il sert et tout ça. Elle fait appel à un imaginaire linguistique, souvent assez ancien. Lumos, lumière, tout ça. C’est ce qu’on peut appeler, si tu veux, la fonction psychologique de la formule : elle active les processus mentaux nécessaires à la production de l’action magique. Et y a une autre fonction qui est d’ordre physiologique. La formule rythme la respiration, elle guide le souffle. Tu remarqueras que les sorts qui exigent une énergie brusque, par exemple pour le désarmement, imposent une formule scandée par un souffle rapide, tandis que les sorts amples, genre Protego Maxima, ont des formules plus longues qui permettent une respiration plus profonde. C’est pas universellement vrai mais c’est souvent comme ça. Et c’est un peu la même chose avec les gestes, qui activent la circulation du sang.
L’approche de la magie prônée par Ekuru avait quelque chose de profondément matérialiste et sensuel : pour lui, l’enjeu n’était pas d’ordre mystique, la magie ne relevait pas d’une expérience éthérée, du connexion à des réalités impalpables et supérieures, mais elle naissait de la chair et de la présence réelle des choses.
Donc faut essayer de se focaliser aussi sur ça. Évidemment, tu peux pas tout faire en même temps au début, prêter attention à la fois à ton souffle, aux battements de ton sang, à la sensation électrique dans ta main. Faut séparer, s’entraîner pour chaque, jusqu’à bien sentir. Et à la fin, en combinant tout ça, tu seras pleinement conscient des processus physiologiques qui gouvernent à la production du sort. Ça aide beaucoup si tu as une pratique sportive particulière, parce que c’est à peu près les mêmes logiques d’entraînement. Le sport, ça donne des méthodes et une discipline pour la pratique de la magie sans baguette.
Et à en juger par la silhouette que laissait entrevoir son débardeur, Ekuru s’appliquait ce précepte à lui-même de façon fort scrupuleuse.
Tiens, par exemple…
Ekuru prit à nouveau la main de son camarade pour la poser sur son propre ventre et, à travers le tissu fin du débardeur, Matsuo pouvait sentir le dessin des abdominaux du Kenyan.
Essaie de percevoir la différence de ma respiration entre deux sorts très distincts. J’vais essayer de mon côté de forcer un peu le trait.
Le sorcier africain plaça sa main droite ouverte, paume vers le haut et posa sa main gauche dessus, fermée en poing. Puis il murmura :
Nuru.
C’était le mot swahili originaire de l’arabe qui servait au Lumos, et dont Ekuru allongeait les u. En même temps, il ouvrit les doigts de sa main gauche et, sur la paume de sa main droite, une sphère de lumière était apparue.
Donc, un sort calme, observa-t-il, tout en refermant la main pour faire disparaître la lumière. Maintenant quelque chose d’autre.
Ekuru replia le bras gauche, poing fermé, avant de le lancer en avant brusquement, d’ouvrir les doigts et de s’écrier :
Machemchem.
La formule swahili pour l’Aqua Eructo propulsa un bref jet d’eau sur la pelouse environnante. Le jeune homme secoua sa main pour la sécher, avant de demander :
Tu as senti la différence de respiration ?
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Sam 13 Juin 2020 - 10:51
Ce cours improvisé devenait de plus en plus intéressant aux yeux de Matsuo. D’une part parce que les mots choisis par Ekuru étaient envoûtant et lui donnait envie d’en apprendre plus sur cette magie qu’il ne connaissait pas. Il n’était pas du genre studieux, enfin tout du moins, pas dans les domaines qui n’étaient pas ceux qu’il considérait comme de prédilection. A dire vrai, il n’était passionné et assidu que durant ses cours de danse. La danse était son langage et sa vie. Il ne pouvait pas passer une journée sans se mouvoir et sans tenter de raconter quelque chose de personnelle à travers l’art de la danse. Mais entendre le jeune étudiant à ses côtés lui parler de cette magie sans artéfact, sans baguette magique, ça lui avait ouvert un pan qu’il n’avait encore jamais vraiment imaginé. Du coup, il lui avait fait part de son envie d’en apprendre plus et surtout de tenter cette pratique nouvelle pour lui. Ekuru avait accepté de lui donner un cours particulier dans les jardins de l’université. La soirée était fraîche mais cela ne dérangeait pas le japonais, au contraire. Elle n’avait pas l’air de gêné non plus son compagnon de soirée puisqu’il était en t-shirt sans manches. D’ailleurs, le danseur n’allait pas s’en plaindre, cela lui permettait de pouvoir admirer la musculature du garçon. Son professeur faisait son maximum pour lui expliquer ce qu’il fallait fait pour pouvoir sortir victorieux de cet exercice. Bien évidemment, comme tout nouveau domaine, cela devait se faire par étapes et donc avec une certaine gradation. Il n’était pas question de commencer directement sans baguette. Non, il fallait d’abord se concentrer sur ce qu’il pouvait ressentir en lançant un sort à l’aide de sa baguette. Ek’ avait choisi le sort « Lumos ». Il avait demandé à Matsuo de se concentrer sur ce qu’il ressentait, lui parlant que la magie venait de son corps et non de ce morceau de bois si important aux yeux de Kimi. Il lui avait décrit ce qu’il avait ressenti, à savoir un courant électrique passant de sa main à la baguette. Le jeune sorcier lui révéla que cette sensation était différente d’un sorcier à l’autre et qu’il ne savait pas si cette différence était dû à une différence physiologique ou bien si ce n’était juste qu’une différence de métaphore sur le ressenti lors du sort.
« - Faudrait faire des recherches sur ce domaine. Mais peut-être que tout est une question de ressenti et de décrire ce ressenti. Chacun usant de ses propres mots et sensations pour ça. »
Matsuo avait souri, écoutant attentivement Ekuru lui dire qu’à partir de là, c’était tout simplement une question d’entraînement. Le japonais ne fut pas surpris face à cette phrase. Comme tous les domaines magiques, la pratique et donc l’entraînement étaient deux choses importantes. Le jeune danseur était prêt à s’exercer pour pouvoir cocher une étape supérieure dans son usage de la magie. Et puis, si cela pouvait lui permettre de voir un peu plus le beau sorcier à ses côtés, ce n’était pas une mauvaise chose. Bon après, Ek’ ne lui avait pas proposé d’être son coach de magie sans baguette. Mais il comptait bien lui demander de l’aide si besoin.
« - Je suis un acharné, quand j’ai décidé de me plonger dans un nouveau domaine, je ne lâche rien. Et puis, je suppose que si j’ai des questions ou bien même des doutes quant à ma pratique, tu seras là pour y répondre non ? »
Il n’y avait pas vraiment de séduction dans sa demande, même s’il avait un petit sourire en coin à l’idée de pouvoir revoir prochaine le beau sorcier. Il se lança dans une explication sur l’importance de comprendre la formule magique, de la décrypter pour pouvoir s’améliorer et pouvoir user de celle-ci sans l’utilisation d’une baguette magique. Il commença donc une certaine définition de ce qu’était une formule magique. Mais autant dire que le japonais n’avait clairement rien compris de ce qu’il venait de lui dire. Il avait utilisé des mots bien savants. Il avait dû s’en rendre compte et surtout, s’il ne s’en était pas rendu compte lui-même, la tête que le jeune Kimi faisait avait dû lui prouver qu’il allait devoir trouver des mots plus simples pour se faire comprendre. Il s’excusa à demi-mot, admettant que ce n’était pas clair et qu’il fallait prendre le temps et surtout être patient avec lui. Y avait-il un message caché dans cette phrase ? Venait-il de faire comprendre à Matsuo qu’il devait y aller plus doucement s’il voulait réussir à le séduire ? En tout cas, il ne put s’empêcher de lui faire un simple sourire charmeur, attendant qu’il choisisse ses mots pour reprendre ses explications. Ek’ était un très bon professeur, même s’il fallait du temps pour qu’il organise sa pensée, il connaissait son sujet et donnait de bonnes explications. Le sort avait deux pans, un pan psychologique mais surtout un pan physiologique, il lui parla surtout de la respiration. Elle était importante dans la réalisation d’une formule magique. En tout cas, le jeune danseur y voyait beaucoup plus clair.
« - Je vois, les mots sont choisis pour permettre à la personne de voir la portée du sort mais également pour que la respiration aide à la réalisation de la formule. C’est bien ça ? Je résume vite mais c’est ce que je comprends de tes explications. Tu seras un bon professeur je pense Ekuru. Tu as peut-être eu du mal au début à trouver les bons mots, mais c’est beaucoup plus limpide à présent. »
Le japonais lui fit un sourire. Kimi ne perdait pas une miette de ce que lui disait le jeune sorcier. Il buvait littéralement ses paroles. Il lui révéla qu’une bonne préparation physique ou tout du moins une pratique sportive était bénéfique parce que la logique d’entraînement était la même que pour celui de la magie sans baguette. C’était donc un bon point pour Matsuo qui avait une bonne préparation physique et qui s’entraînait quotidiennement pour pouvoir danser et ne pas se blesser.
« - Bon ça va, je m’entraîne tous les jours. Le sport fait partie de ma vie et plus particulièrement la danse. Alors l’activité physique et l’entraînement, je connais plutôt bien. »
Ce qui suivit avait légèrement surpris le jeune danseur. Ekuru était venu lui prendre sa main pour venir la poser sur son ventre. Un ventre finement musclé. Il n’en doutait pas, après tout, il avait déjà des bras bien dessinés. Mais il put sentir les abdominaux musclés du jeune sorcier ce qui lui donna un petit peu chaud sur le moment. Il reprit tout de même vite contact avec la réalité lorsque son professeur du soir lui demanda de se concentrer sur sa respiration. Matsuo lui avait montré qu’il avait compris ce qu’il lui demandait d’un simple signe de tête avant de l’observer attentivement. Il se concentra bien évidemment sur sa main sur le ventre du jeune homme. Il prononça un premier sort dans une langue qu’il ne connaissait pas. Il fut fasciné de voir cette boule de lumière apparaître sur la paume de sa main. Ce sort était un sort calme comme venait de dire Ek’. Il prononça finalement une deuxième formule. Le japonais put rapidement se rendre compte qu’il s’agissait de « l’Aqua Eructo ». Il avait rapidement senti une différence. Le ventre de son compagnon du soir s’était contracté plusieurs fois lors de ce sort, montrant que le sort avait été saccadé et que son souffle avait été plus haché que pour le premier.
« - Pour le premier sort, ton souffle a été plus linéaire si je peux dire ça comme ça. Je n’ai pas vraiment senti d’à-coup au niveau de ton ventre, alors que pour l’autre, ton souffle était plus saccadé, j’ai pu le sentir avec les contractions de ton ventre. Je ne me trompe pas ? »
Il espérait ne pas se trouver, mais en même temps, c’était ce qu’il avait ressenti.
« - Comment s’appelle cette langue ? C’est très joli en tout cas. »
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Sam 13 Juin 2020 - 20:34
Exactement.
Ekuru répondit par un sourire aux hypothèses formulées par son élève du jour. Au fond, il aimait bien expliquer des choses : c’était d’abord une manière éprouvée de s’assurer qu’on avait compris soi-même ce que l’on pratiquait et ensuite, il était si attaché à la magie et ses mystères que la transmettre lui paraissait une sorte de devoir moral. Jamais il n’avait considéré que sa volonté de puissance fût incompatible avec les progrès des autres.
Lancer un sort est un exercice physique qui implique la respiration, le mouvement, parfois même l’expression faciale. Plus on s’entraîne, plus tout cela devient des automatismes, et parfois on finit par perdre de vue cette réalité-là. Mais pour apprendre une nouvelle manière de faire de la magie, il faut en revenir aux fondamentaux. Tu viens ? J’ai faim.
(Comme d’habitude.)
Le Kenyan prit à nouveau la direction du château, même s’il aurait préféré ne pas se soustraire à la main que son camarade avait laissée sur son ventre. Matsuo était… Un peu troublant. Solaire ? C’était ça le mot : solaire. Ekuru aimait ces personnalités joviales et enthousiastes qui savaient s’affranchir de certaines habitudes sociales pour exprimer pleinement leurs intérêts, que ceux-ci fussent physiques ou intellectuelles.
Du swahili.
Il jeta un bref regard à l’Asiatique et ne put s’empêcher de remarquer qu’il y avait une beauté délicate dans les traits de son visage. Le coeur du jeune homme s’accéléra un peu.
C’est une langue de là d’où je viens. Je veux dire, de mon pays, le Kenya, mais plus largement de toute cette partie de l’Afrique. Peut-être l’une des langues les plus répandues sur le continent, en fait, avec l’arabe, le français et l’anglais.
Mais ces trois dernières langues-là étaient des langues coloniales, aux yeux d’Ekuru, qu’il parlait sans jamais se départir de l’idée que le swahili était la langue de son sol, la langue de ses ancêtres lointains et la langue de sa magie.
Une bonne partie des formules qu’on apprend à l’école, chez nous, sont fondées sur le swahili, mais ce n’est pas exclusif. Il y a des sorts qui sont identiques aux vôtres, des formules arabes et puis… Le swahili a emprunté à l’arabe aussi. Pour le Lumos, par exemple, Nuru, ça vient de Nur, en arabe et en swahili, pour lumière.
Ses conversations avec des étudiants britanniques à Hungcalf, les années précédentes, lui avaient fait découvrir que toutes ces considérations pouvaient parfois leur paraître bien exotiques. Les Anglais du coin parlaient anglais et c’était tout : ils avaient du mal à concevoir ce qu’était un pays où se multipliaient les langues et où chacun naviguait de la sorte entre différents univers. Mais peut-être que Matsuo le comprendrait, lui ? Après tout, il n’avait pas précisément l’air d’un Britannique de souche.
Enfin bref, pour en revenir aux sorts, poursuivit-il, alors qu’ils pénétraient à nouveau dans le château, pour prendre la porte du hall qui donnait sur l’escalier descendant aux cuisines, je pense que ton entraînement sera sans doute fructueux, si tu es danseur. Tu as déjà tout ce qu’il te faut, en un sens.
Ekuru dévala l’escalier en premier, avant de pousser la porte ronde qui menait aux cuisines elles-mêmes. Les deux garçons pénétrèrent dans la salle immense, avec ses tables presque interminables, et ses elfes de maison qui s’y activaient presque infatigablement. On lavait, on astiquait, on préparait les plats du petit déjeuner pour le lendemain matin. C’était un spectacle qui mettait toujours Ekuru un peu mal à l’aise et il espérait au fond ne jamais admettre tout à fait une réalité qui ressemblait de si près à l’esclavage.
Plumeau peut vous aider, intervint soudain un elfe dont les longues oreilles étaient couvertes de farine ?
Bonsoir, monsieur.
L’elfe ouvrit des yeux ronds.
Monsieur ?
La créature jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule, comme pour s’assurer que c’était bien à lui que ‘on s’adressait.
B… Bonsoir, bredouilla l’elfe visiblement décontenancé.
Je me demandais s’il n’y avait pas, par hasard, par exemple un reste de la tourte aux légumes de ce soir et peut-être un peu de salade de fruit. S’il vous plaît.
S’il vous plaît ?
Que messieurs les étudiants suivent Plumeau. Il y a toujours des restes. Toujours !
Les autres elfes parurent relativement indifférents à la présence des deux sorciers, habitués sans doute aux visites constantes des élèves venus se ravitailler. Matsuo et Ekuru furent bientôt attablés côte à côte à l’une des longues tables et devant un bon repas, pour lequel Plumeau fut remercié, ce qui acheva de plonger l’elfe dans la confusion.
Oui, donc, je disais, fit Ekuru en reprenant le fil de leur conversation, la danse, je ne m’y connais pas beaucoup, et je n’ai jamais été très doué pour être honnête, je crois que je manque un peu… D’abandon, en quelque sorte. Enfin bref, la danse, avec l’attention portée aux mouvements, et j’imagine au souffle comme dans tous les sports, te donnera une très solide base.
Ekuru inspecta consciencieusement sa part de tarte avant de se mettre à manger.
(Craignait-il par hasard de se faire empoisonner ?)
Et si jamais tu as la moindre difficulté, tu peux bien sûr venir me trouver. Ce sera même avec plaisir. Je suis souvent dans la salle des potions, ou à la bibliothèque, ou…
Il eut un moment d’hésitation, puis d’un ton faussement dégagé, conclut :
… dans ma chambre.
Ekuru répondit par un sourire aux hypothèses formulées par son élève du jour. Au fond, il aimait bien expliquer des choses : c’était d’abord une manière éprouvée de s’assurer qu’on avait compris soi-même ce que l’on pratiquait et ensuite, il était si attaché à la magie et ses mystères que la transmettre lui paraissait une sorte de devoir moral. Jamais il n’avait considéré que sa volonté de puissance fût incompatible avec les progrès des autres.
Lancer un sort est un exercice physique qui implique la respiration, le mouvement, parfois même l’expression faciale. Plus on s’entraîne, plus tout cela devient des automatismes, et parfois on finit par perdre de vue cette réalité-là. Mais pour apprendre une nouvelle manière de faire de la magie, il faut en revenir aux fondamentaux. Tu viens ? J’ai faim.
(Comme d’habitude.)
Le Kenyan prit à nouveau la direction du château, même s’il aurait préféré ne pas se soustraire à la main que son camarade avait laissée sur son ventre. Matsuo était… Un peu troublant. Solaire ? C’était ça le mot : solaire. Ekuru aimait ces personnalités joviales et enthousiastes qui savaient s’affranchir de certaines habitudes sociales pour exprimer pleinement leurs intérêts, que ceux-ci fussent physiques ou intellectuelles.
Du swahili.
Il jeta un bref regard à l’Asiatique et ne put s’empêcher de remarquer qu’il y avait une beauté délicate dans les traits de son visage. Le coeur du jeune homme s’accéléra un peu.
C’est une langue de là d’où je viens. Je veux dire, de mon pays, le Kenya, mais plus largement de toute cette partie de l’Afrique. Peut-être l’une des langues les plus répandues sur le continent, en fait, avec l’arabe, le français et l’anglais.
Mais ces trois dernières langues-là étaient des langues coloniales, aux yeux d’Ekuru, qu’il parlait sans jamais se départir de l’idée que le swahili était la langue de son sol, la langue de ses ancêtres lointains et la langue de sa magie.
Une bonne partie des formules qu’on apprend à l’école, chez nous, sont fondées sur le swahili, mais ce n’est pas exclusif. Il y a des sorts qui sont identiques aux vôtres, des formules arabes et puis… Le swahili a emprunté à l’arabe aussi. Pour le Lumos, par exemple, Nuru, ça vient de Nur, en arabe et en swahili, pour lumière.
Ses conversations avec des étudiants britanniques à Hungcalf, les années précédentes, lui avaient fait découvrir que toutes ces considérations pouvaient parfois leur paraître bien exotiques. Les Anglais du coin parlaient anglais et c’était tout : ils avaient du mal à concevoir ce qu’était un pays où se multipliaient les langues et où chacun naviguait de la sorte entre différents univers. Mais peut-être que Matsuo le comprendrait, lui ? Après tout, il n’avait pas précisément l’air d’un Britannique de souche.
Enfin bref, pour en revenir aux sorts, poursuivit-il, alors qu’ils pénétraient à nouveau dans le château, pour prendre la porte du hall qui donnait sur l’escalier descendant aux cuisines, je pense que ton entraînement sera sans doute fructueux, si tu es danseur. Tu as déjà tout ce qu’il te faut, en un sens.
Ekuru dévala l’escalier en premier, avant de pousser la porte ronde qui menait aux cuisines elles-mêmes. Les deux garçons pénétrèrent dans la salle immense, avec ses tables presque interminables, et ses elfes de maison qui s’y activaient presque infatigablement. On lavait, on astiquait, on préparait les plats du petit déjeuner pour le lendemain matin. C’était un spectacle qui mettait toujours Ekuru un peu mal à l’aise et il espérait au fond ne jamais admettre tout à fait une réalité qui ressemblait de si près à l’esclavage.
Plumeau peut vous aider, intervint soudain un elfe dont les longues oreilles étaient couvertes de farine ?
Bonsoir, monsieur.
L’elfe ouvrit des yeux ronds.
Monsieur ?
La créature jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule, comme pour s’assurer que c’était bien à lui que ‘on s’adressait.
B… Bonsoir, bredouilla l’elfe visiblement décontenancé.
Je me demandais s’il n’y avait pas, par hasard, par exemple un reste de la tourte aux légumes de ce soir et peut-être un peu de salade de fruit. S’il vous plaît.
S’il vous plaît ?
Que messieurs les étudiants suivent Plumeau. Il y a toujours des restes. Toujours !
Les autres elfes parurent relativement indifférents à la présence des deux sorciers, habitués sans doute aux visites constantes des élèves venus se ravitailler. Matsuo et Ekuru furent bientôt attablés côte à côte à l’une des longues tables et devant un bon repas, pour lequel Plumeau fut remercié, ce qui acheva de plonger l’elfe dans la confusion.
Oui, donc, je disais, fit Ekuru en reprenant le fil de leur conversation, la danse, je ne m’y connais pas beaucoup, et je n’ai jamais été très doué pour être honnête, je crois que je manque un peu… D’abandon, en quelque sorte. Enfin bref, la danse, avec l’attention portée aux mouvements, et j’imagine au souffle comme dans tous les sports, te donnera une très solide base.
Ekuru inspecta consciencieusement sa part de tarte avant de se mettre à manger.
(Craignait-il par hasard de se faire empoisonner ?)
Et si jamais tu as la moindre difficulté, tu peux bien sûr venir me trouver. Ce sera même avec plaisir. Je suis souvent dans la salle des potions, ou à la bibliothèque, ou…
Il eut un moment d’hésitation, puis d’un ton faussement dégagé, conclut :
… dans ma chambre.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Mar 23 Juin 2020 - 15:34
Cette rencontre fortuite avec Ekuru plaisait énormément à Matsuo. Il avait pu parler potions, un domaine qui le passionnait. Cette discussion avait beaucoup plu au jeune danseur. Il avait pu se rendre compte que le jeune homme était tout aussi passionné que lui et qu'il était venu dans une optique bien précise, tenter sa chance et intégrer le club de potions. Il était ravi de voir qu'un sorcier de sa trempe puisse vouloir s'intéresser à ce rassemblement d'étudiants. Il avait l'air d'être un pro dans le domaine et il avait donc très certainement pas besoin d'aide pour pouvoir s'améliorer dans ce domaine si compliqué. Mais il y avait quelque chose d'indéniable, c'était qu'il pouvait apporter énormément de choses au club, notamment une expertise certaine. En tout cas, le japonais espérait qu'il ne change pas d'avis et qu'il finisse par les rejoindre. Ils étaient à présent dans les jardins de l'université à parler d'un tout autre domaine qui fascinait énormément le jeune étudiant en danse : la magie sans baguette. Ekuru était en train de tenter de lui enseigner cette technique qui était une tradition dans son pays. Il expliquait plutôt bien les principes et les fondements de cette magie qui était encore inconnue au jeune Matsuo. Il avait l'air d'avoir compris le principe mais surtout, il était sûr d'une chose, tout dépendait du sorcier et de son ressenti. La magie était le fondement universel mais les mots utilisés pour décrire ce qui était ressenti et ce qui se passait lorsqu'un sort était jeté était propre à chacun. Le beau métiss était d'accord avec le point de vue du japonais. Cette leçon particulière avait été des plus agréables aux yeux du jeune danseur. Il savait pertinemment qu'il devrait s'entraîner pour pouvoir arriver au même niveau que son comparse. Et encore, il savait pertinemment qu'il n'y arriverait pas tout de suite. En tout cas, le beau garçon lui expliqua que cette discipline faisait appel à la respiration mais également à une bonne condition physique. Tout était une question d'entraînement pour pouvoir faire en sorte que tout devienne un automatisme. Et puis, il fallait également revenir aux fondamentaux pour réussir à entrer pleinement dans cette discipline. Le jeune Kimi avait souri, notamment sur le fait que son compagnon de soirée avait faim et qu'il lui demandait de l'accompagner.
" - Je suis prêt à me replonger dans les fondamentaux et à m'entraîner en tout cas. Allons-y, je ne voudrais pas que tu fasses un malaise. En tout cas c'est vraiment gentil de m'avoir montré ce dont tu étais capable. "
Matsuo avait souri amicalement en le suivant. Il avait été curieux, lui demandant la langue qu'il parlait. Ce n'était pas une curiosité malsaine. Il voulait savoir comment s'appelait cette magnifique langue. Il lui indiqua qu'il s'agissait du Swahili. C'était l'une des langues les plus parlées de son pays, le Kenya. Il y avait également l'arabe, l'anglais et le français. Le jeune danseur ne fit pas attention au regard que venait de porter sur lui le beau garçon. Il était bien trop occupé à boire ses paroles. Il lui expliqua que les sorts utilisés pouvaient être dans de nombreuses langues, notamment inspirés de l'arabe par exemple. Il prit l'exemple de "Lumos" qui se disait "Nuru" dans sa langue natale. Qui vient de "Nur" en arabe et en Swahili qui veut dire "lumière".
" - Je trouve cette langue vraiment très belle. "
Ekuru lui fit comprendre que l'entraînement qu'il avait au niveau de la danse lui servirait beaucoup en ce qui concernait l'apprentissage de la magie sans baguette. C'était plutôt une bonne chose s'il partait avec un avantage. En tout cas, il ne put s'empêcher de sourire face à sa remarque. Ils étaient à présent en train de descendre dans les cuisines. Le jeune métiss était devant, dévalant les escaliers, ce qui permettait au japonais de pouvoir regarder son dos musclé et ses fesses rebondies. Ils ne mirent guère longtemps avant de pousser la porte et d'entrée dans la caverne aux trésors. Matsuo ne savait pas ce que son compagnon de soirée allait demander pour pouvoir se substanter. Un elfe de maison fit rapidement son apparition pour demander ce qu'ils souhaitaient. À dire vrai, le jeune danseur n'avait pas très faim, il laissa donc Ek' lui dire ce qu'il souhaitait. Ils suivirent ensuite Plumeau. Il écouta attentivement le jeune homme lui dire qu'il n'y connaissait rien à la danse, n'ayant pas cette faculté d'abandon qui lui permettrait d'être doué. Matsuo comprenait ce qu'il voulait dire.
" - Si tu veux je te donnerai un cours ? Qu'en penses-tu ? "
Ekuru était en train d'inspecter sa part de tourte aux légumes ce qui fit sourire Matsuo. Il en profita pour lui dire qu'il pourrait lui venir en aide s'il le souhaitait, lui indiquant qu'il le trouverait facilement à la bibliothèque, dans la salle de potions ou bien même dans sa chambre. À l'évocation de la chambre du beau métiss, le japonais se mit à rougir légèrement, le sourire sur ses lèvres s'agrandissent légèrement.
" - Je prends note. Je compte bien me pencher dessus très rapidement. Tu m'as donné envie de pratiquer. "
Matsuo lui fit un petit sourire taquin, le regardant manger.
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Mer 24 Juin 2020 - 17:41
Des cours… ?
Ekuru s’était finalement attaqué à sa part de tarte, de toute évidence satisfait par son étrange inspection. Il avait toujours été déçu que les cursus magiques ne comportent pas plus d’activités physiques. En dehors du vol de balai et, à la rigueur, si l’on pouvait les considérer de ce point de vue, ceux de transplanage, l’éducation sportive était assez pauvre et, à ses yeux, il s’agissait d’une erreur regrettable.
Au fil des années, il s’était composé son propre programme, en se fondant pour l’essentiel sur ses racines moldus. Sa philosophie en la matière, c’était que puisque l’énergie magique naissait du corps, alors un sorcier était d’autant plus puissant qu’il s’entretenait physiquement. Lire des livres et s’entraîner à jeter des sorts ne suffisait pas.
Mais la danse, c’était encore autre chose.
C’est vrai que j’aimerais bien être…
Il haussa ses épaules bien dessinées que son débardeur laissait dénudées.
Un peu plus gracieux, je suppose.
Plumeau continuait à tourner autour d’eux, pour surveiller Ekuru, comme s’il attendait que le sorcier témoigne de sa satisfaction. Le Kenyan croisa le regard de l’elfe de maison et hocha la tête en signe d’approbation, mais la créature se contenta de pincer les lèvres, les yeux fixés sur la tarte, comme si elle considérait qu’en laisser la moindre miette constituerait un affront personnel.
Sous bonne garde, donc, Ekuru reporta son attention sur Matsuo.
Je veux dire, évidemment, je n’ai pas l’impression d’être un éléphant dans un magasin de porcelaines non plus, mais côté sport, je me suis plutôt concentré sur l’endurance et dans une moindre mesure sur la puissance musculaire que… sur les considérations plus, disons, artistiques.
Ekuru était poussé par un pragmatisme méthodique et perfectionniste qui le conduisait à considérer son corps comme un outil, mais avec les années, à mesure qu’il mûrissait, il comprenait petit à petit qu’une pure quête du pouvoir était dénuée d’intérêt si elle ne s’accompagnait pas d’un certain épanouissement.
Enfin bref, conclut-il en achevant sa part de terre et en levant son assiette pour que Plumeau puisse l’inspecter, en guise de preuve, peut-être que des cours de danse me feraient du bien, surtout si c’est toi qui les donnes.
Cette fois-ci, ce fut à son tour d’adresser un regard charmeur à Matsuo. Il s’était laissé prendre au jeu, flatté par les sous-entendus presque sans équivoque de son camarade et enthousiasmé par l’intérêt vif dont avait témoigné celui-ci pour la magie sans baguette, et les potions, et le swahili.
Comme Matsuo n’avait rien demandé aux elfes, Ekuru se tourna vers Plumeau et déclara :
On ne va pas vous déranger plus longtemps.
L’elfe eut l’air franchement paniqué.
Déranger ? Déranger, répéta-t-il en tordant nerveusement le torchon qu’il tenait entre les mains ? Plumeau ne vous a pas bien accueilli ! Oh non, Plumeau manque à tous ses devoirs, Plumeau…
Non mais je veux dire…
Plumeau est indigne. Indigne !
D’autres elfes surgirent pour prendre Plumeau par les bras et l’entraîner à l’écart. Ekuru poussa un soupir résigné et, la mine assombrie, il se releva et entraîna Matsuo à sa suite pour quitter les cuisines à grands pas, avant de monter quatre à quatre l’escalier qui les reconduisit au grand hall. Une fois qu’ils furent à nouveau près des statues des fondateurs, le Kenyan dit d’un ton vif :
Sérieusement, ils me mettent toujours mal à l’aise, c’est très préoccupant qu’ils aient comme cela intériorisé les…
Mais il s’interrompit presque aussitôt, en se souvenant que tous les sorciers, loin de là, ne partageaient pas ses opinions tranchées sur la nécessaire émancipation des elfes de maison.
Enfin bref, conclut-il.
Désormais planait sur lui le danger de ruminer inutilement pour tout le reste de la soirée l’oppression injuste dont étaient victimes de ce point de vue ces créatures innocentes. Il éprouvait le besoin de se distraire, pour repousser ces pensées obsédantes.
Tu me montrerais ? Ta danse, je veux, tes chorégraphies, je ne sais pas quel est le terme technique, enfin, approprié.
La proposition était un peu soudaine.
Enfin, tu as peut-être quelque chose d’autre à faire de ta soirée, mais… Disons que ça m’intéresse, maintenant. Et puis, pour être honnête, tu m’intrigues un peu, du coup. Des sorciers qui font autre chose que du Quidditch, comme sport, ça ne court pas les rues…
Ekuru s’était finalement attaqué à sa part de tarte, de toute évidence satisfait par son étrange inspection. Il avait toujours été déçu que les cursus magiques ne comportent pas plus d’activités physiques. En dehors du vol de balai et, à la rigueur, si l’on pouvait les considérer de ce point de vue, ceux de transplanage, l’éducation sportive était assez pauvre et, à ses yeux, il s’agissait d’une erreur regrettable.
Au fil des années, il s’était composé son propre programme, en se fondant pour l’essentiel sur ses racines moldus. Sa philosophie en la matière, c’était que puisque l’énergie magique naissait du corps, alors un sorcier était d’autant plus puissant qu’il s’entretenait physiquement. Lire des livres et s’entraîner à jeter des sorts ne suffisait pas.
Mais la danse, c’était encore autre chose.
C’est vrai que j’aimerais bien être…
Il haussa ses épaules bien dessinées que son débardeur laissait dénudées.
Un peu plus gracieux, je suppose.
Plumeau continuait à tourner autour d’eux, pour surveiller Ekuru, comme s’il attendait que le sorcier témoigne de sa satisfaction. Le Kenyan croisa le regard de l’elfe de maison et hocha la tête en signe d’approbation, mais la créature se contenta de pincer les lèvres, les yeux fixés sur la tarte, comme si elle considérait qu’en laisser la moindre miette constituerait un affront personnel.
Sous bonne garde, donc, Ekuru reporta son attention sur Matsuo.
Je veux dire, évidemment, je n’ai pas l’impression d’être un éléphant dans un magasin de porcelaines non plus, mais côté sport, je me suis plutôt concentré sur l’endurance et dans une moindre mesure sur la puissance musculaire que… sur les considérations plus, disons, artistiques.
Ekuru était poussé par un pragmatisme méthodique et perfectionniste qui le conduisait à considérer son corps comme un outil, mais avec les années, à mesure qu’il mûrissait, il comprenait petit à petit qu’une pure quête du pouvoir était dénuée d’intérêt si elle ne s’accompagnait pas d’un certain épanouissement.
Enfin bref, conclut-il en achevant sa part de terre et en levant son assiette pour que Plumeau puisse l’inspecter, en guise de preuve, peut-être que des cours de danse me feraient du bien, surtout si c’est toi qui les donnes.
Cette fois-ci, ce fut à son tour d’adresser un regard charmeur à Matsuo. Il s’était laissé prendre au jeu, flatté par les sous-entendus presque sans équivoque de son camarade et enthousiasmé par l’intérêt vif dont avait témoigné celui-ci pour la magie sans baguette, et les potions, et le swahili.
Comme Matsuo n’avait rien demandé aux elfes, Ekuru se tourna vers Plumeau et déclara :
On ne va pas vous déranger plus longtemps.
L’elfe eut l’air franchement paniqué.
Déranger ? Déranger, répéta-t-il en tordant nerveusement le torchon qu’il tenait entre les mains ? Plumeau ne vous a pas bien accueilli ! Oh non, Plumeau manque à tous ses devoirs, Plumeau…
Non mais je veux dire…
Plumeau est indigne. Indigne !
D’autres elfes surgirent pour prendre Plumeau par les bras et l’entraîner à l’écart. Ekuru poussa un soupir résigné et, la mine assombrie, il se releva et entraîna Matsuo à sa suite pour quitter les cuisines à grands pas, avant de monter quatre à quatre l’escalier qui les reconduisit au grand hall. Une fois qu’ils furent à nouveau près des statues des fondateurs, le Kenyan dit d’un ton vif :
Sérieusement, ils me mettent toujours mal à l’aise, c’est très préoccupant qu’ils aient comme cela intériorisé les…
Mais il s’interrompit presque aussitôt, en se souvenant que tous les sorciers, loin de là, ne partageaient pas ses opinions tranchées sur la nécessaire émancipation des elfes de maison.
Enfin bref, conclut-il.
Désormais planait sur lui le danger de ruminer inutilement pour tout le reste de la soirée l’oppression injuste dont étaient victimes de ce point de vue ces créatures innocentes. Il éprouvait le besoin de se distraire, pour repousser ces pensées obsédantes.
Tu me montrerais ? Ta danse, je veux, tes chorégraphies, je ne sais pas quel est le terme technique, enfin, approprié.
La proposition était un peu soudaine.
Enfin, tu as peut-être quelque chose d’autre à faire de ta soirée, mais… Disons que ça m’intéresse, maintenant. Et puis, pour être honnête, tu m’intrigues un peu, du coup. Des sorciers qui font autre chose que du Quidditch, comme sport, ça ne court pas les rues…
- InvitéInvité
Re: Montre-moi ton beau chaudron
Lun 27 Juil 2020 - 12:37
Cette rencontre était un véritable plaisir pour Matsuo. Parler d’une passion commune, les potions faisaient toujours plaisir et qui plus est quand on est en très bonne compagnie. Ekuru avait un charme particulier, une aura qui le rendait séduisant et attirant. Cette peau halée, cette crinière bouclée subjuguaient le jeune danseur. La facilité de cette conversation, lui plaisait également. Il détestait se prendre la tête. En tout cas, ce petit entretient avec le jeune homme sur ses motivations quant à l’intégration du club de potions l’avait convaincu. Il avait de nombreuses connaissances dans le domaine. Il pourrait donc être un atout certain pour la communauté. Il lui avait donc dit de venir à la prochaine réunion et même de l’aider dans la confection du thème de la soirée, pour pouvoir aider les novices tout simplement. Et puis, cette rencontre avait pris une tournure des plus intéressantes, le beau métis avait joué au professeur de magie, tentant de lui apprendre les fondamentaux pour pouvoir lancer un sort sans avoir à utiliser sa baguette magique. Le japonais avait été rapidement subjugué de le voir faire en rangeant la salle de potions. Il avait donc parlé de cette technique ancestrale et dans les jardins de l’université, ils en étaient arrivés à pratiquer. Le rapprochement entre le jeune Pokeby et Ekuru avait été plaisant. Il discutait de la condition physique importante dans le domaine de la magie sans baguette. Il avait donc pu lui confier qu’il dansait énormément. C’était une part importante de sa vie et le beau sorcier lui confia que c’était une très bonne manière d’avoir une condition physique optimale pour ce genre de pratique magique.
Ils étaient à présent dans les cuisines, son compagnon de soirée avait faim et il avait donc demandé un petit quelque chose aux elfes de maisons qui s’activaient dans la pièce. C’est à cet instant que Matsuo lui proposa de lui donner des cours de danse. Après tout, il venait de lui donner un cours particulier sur la magie sans baguette alors il pouvait très bien lui rendre la pareille. Ek’ avait été surpris, répétant sa proposition. Puis finalement, après avoir montré sa satisfaction face à la part de tarte que lui avait donné l’elfe de maison plumeau, il avait repris la parole pour lui dire qu’il ne serait pas contre l’idée d’être un peu plus grâcieux. Il avait tout de même tenu à préciser qu’il ne se sentait pas comme un éléphant dans un magasin de porcelaine lorsqu’il dansait. Mais qu’en même temps, il n'était très porté sur la grâce et l’artistique mais plus sur la performance musculaire et l’endurance. Cela se voyait, il était finement musclé. Il devait d’ailleurs être agréable à regarder sans ses vêtements. Son haut laissait déjà voir quelques parcelles de peau agréables pour les mirettes. Sa part de tarte finie, il avait fini par dire que des cours de danse ne seraient de refus, surtout si c’était le japonais qui lui donnait. Son regard c’était fait plus intense et charmeur. Kimi ressentit une certaine chaleur agréable. C’était la deuxième fois qu’Ekuru répondait à son petit jeu de séduction. C’était clairement agréable.
« - Et bien c’est quand tu veux. Je danse tous les jours, et puis si c’est pour t’avoir comme élève, je suis prêt à la faire dès demain à la première heure. »
Le Pokeby lui avait fait un petit clin d’œil avant de se lever pour quitter les cuisines en compagnie du beau métis. Plumeau avait agi d’une manière exagérée face à la remarque du sorcier. Mais il n’y avait rien d’étrange dans ce comportement. Ek’ ne put s’empêcher de faire une remarque sur le comportement de l’elfe de maison et du fait que cela pouvait le mettre mal à l’aise. Matsuo avait acquiescer d’un signe de tête.
« - Si seulement on pouvait faire en sorte de leur donner un peu plus de confiance en eux et qu’ils puissent comprendre qu’ils ne sont pas des esclaves… »
Une fois dans le grand hall, le beau sorcier lui demanda bien rapidement s’il voulait lui montrer sa danse, ses chorégraphies. Matsuo eut un sourire lumineux sur le coin du visage, il n’était clairement pas contre. En tout cas, il n’était vraiment pas contre. Il écouta attentivement Ekuru lui dire qu’il était intrigué par lui, que c’était rare de voir quelqu’un qui faisait autre chose que du Quidditch. Il le prit donc rapidement par la main pour le conduire d’un pas rapide vers la salle de danse. Il avait accès à cette salle jour et nuit. Une fois à l’intérieur, il invita le beau métis à s’installer. Une fois la musique en route, il enleva son haut pour être plus à l’aise. Il fit une chorégraphie élaborée et personnelles. Il voulait montrer ce qu’il pouvait faire de plus beau. Lorsqu’il dansait, il oubliait tout. Il espérait que tout ceci plairait au beau garçon. Une fois la musique terminée, il s’était dirigé vers lui. Ils avaient encore discuté quelques minutes avant de se quitter pour aller dormir.
« - Merci beaucoup pour cette soirée Ekuru. J’ai passé un très bon moment en ta compagnie. J’espère te revoir très vite. »
Il était venu l’embrasser furtivement sur la joue avant de partir vers sa chambre, le sourire aux lèvres. Il ferait son maximum pour revoir le beau métis. Il l’intriguait et lui plaisait. Alors pourquoi ne pas essayer de tisser des liens, que ce soit amicaux ou plus…
|
|