L'aube avait à peine pointé le bout de son nez que déjà, je le savais : cette journée allait être compliquée. Aujourd'hui, plus que n'importe quel autre jour de l'année, elle me manque. Ma mère. La seule qui, j'en avais l'impression, me comprenait, elle m'écoutait sans jamais me juger, me laissait m'asseoir à côté d'elle à son bureau pour observer ses travaux, je ne peux pas dire si j'étais son préféré, mais j'en ai toujours eu l'intuition, et dans cette famille, l'intuition, c'est déjà beaucoup.
Après de longues heures d'études, des heures ponctuées par des souvenirs du passé, je prends la décision de me rendre chez mon père, j'ai besoin de consulter l'un des livres de mère et je pense qu'il doit avoir conservé ses affaires avec soins, quelque part. Pourquoi aujourd'hui, pourquoi pas n'importe quel autre jour ? Peut-être justement parce qu'aujourd'hui, nous devrions célébrer la naissance de cette femme forte et indépendante, peut-être parce qu'aujourd'hui, plus qu'hier ou demain, j'ai besoin de m'accrocher à cette utopie qu'un jour, dans l'un de ses grimoires, sur l'un de ses parchemins, je distinguerais son écriture élégante et qu'enfin, ce jour-là, j'aurais la formule pour ramener ma chère Viola à la vie. Peut-être que ce ne sont que des rêves, probablement même, mais j'ai besoin de me raccrocher à ces instants d'innocence, de stupidité comme dirait mon cher frère, mais tant pis ; nul n'est réellement infaillible.
J'arrive dans la demeure du paternel et, à peine entré, l'elfe de maison m'informe de sa voix ridiculement fluette que mon père est dans le salon. Est-ce que j'ai envie de le voir, je ne sais pas, est-ce que j'ai besoin de le voir, évidemment, lui seul peut me dire où se trouve les recherches de ma mère. J'avance en direction du dis salon, le dos droit, la tête haute, une paire de lunettes, que j'ai oublié de retirer, posée sur le bout du nez. « Que me vaut l’honneur de cette visite ? » Je souris, bien sûr, il nous faut un motif, une raison pour nous rendre visite, la dernière des siennes, c'était d'ailleurs pour m'annoncer mes fiançailles, quel cadeau.
- Bonsoir père. Je venais simplement, petit moment d'hésitation, est-ce que je dois abattre mes cartes directement où la jouer fine ? Je choisis la seconde option, j'avais besoin de prendre des affaires, est-ce que ma présence vous dérange ?
Il n'y a aucune ironie, aucun cynisme, je pose la question, car je veux connaître la réponse. Si Alistair à d'autres projets, je pourrais toujours remettre ma visite à plus tard, on nous a appris dès notre plus jeune âge à savoir (re)connaitre le bon moment, ne pas s'imposer par la force, mais plutôt l'intelligence et, Merlin soit loué, j'ai hérité d'un bon niveau d'intelligence qui me permet d'avoir toujours ce que je veux en temps voulu.
@Alistair Muller et @Caliban Muller
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"Le souvenir est le parfum de l'âme." [Pv : les fils Muller]
"Le souvenir est le parfum de l’âme." |
Ce jour ne devrait pas être plus difficile que les autres. Ça ne devrait pas non plus être plus aisé de supporter l’absence de son parfum, de tolérer le silence quasi constant et le manque des interventions judicieuses et discrètes de mon épouse.
Ce jour devrait être aussi chargé d’amertume que les autres, mais mes pensées veulent absolument faire de cette date une journée particulièrement maussade, triste, sombre. Qu’importe la météo, les bonnes nouvelles du monde sportif ou la présence des rares aimés. Je sais déjà que les conversations seront pénibles à suivre, que mon humeur découragera les plus téméraires et qu’il me sera presque impossible d’être concentré à la moindre tâche ;
Puis, tout aussi bizarrement que la mélancolie s’est invitée dans mes esprits, je serai de nouveau libéré du deuil dès la nuit passée.
Il s’agit donc de supporter ce jour. Celui que je redoute, celui qui est probablement détestable à cause de mes appréhensions. Je suis seul responsable de cette affliction mais le savoir ne me permet pas de l’éviter ;
Un café à la main, vautré dans mon large fauteuil, je compte les minutes jusqu’à ce qu’il soit l’heure de remplacer le breuvage caféiné par un alcool d’abord doux. Puis les degrés augmenteront au fur et à mesure que la soirée avancera.
En attendant… J’entends des pas et je lève les yeux au ciel, contrarié qu’on vienne me rendre visite.
Je n’aurai pas mieux vécu la chose en étant seul, mais je ne veux voir personne.
Sauf elle ;
Le crâne posé contre le moelleux de mon assise, les paupières impoliment closes et la respiration pénible, je ne bouge pas lorsque le visiteur entre dans la pièce. Je me moque de son identité.
Et la connais pourtant.
Ce ne peut être que l’un.
Ou l’autre.
« … Oui ? »
Mes fils sont ils tristes en cet anniversaire ? Ont-ils eux aussi envie – besoin ? – de penser à leur défunte mère le jour où nous fêtions, habituellement, sa naissance ?
Je suis partagé entre l’envie de les savoir peiné et la crainte de devoir les consoler. Comment m’y prendre sachant que je ne parviens pas à me réconforter moi-même ? Les garçons ne sont pas du genre à montrer leurs émotions, je suis persuadé qu’il ne s’agit pas directement de ça. Alors je daigne ouvrir un œil pour observer l’un des enfants que j’ai eu par devoir et par amour.
« Que me vaut l’honneur de cette visite ? »
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Re: "Le souvenir est le parfum de l'âme." [Pv : les fils Muller]
Re: "Le souvenir est le parfum de l'âme." [Pv : les fils Muller]
Tu avais posé une journée de repos. Non pas que tu aies besoin de vacances, les vacances étaient pour les faibles, tu l’avais toujours dit. Et c’est ce que pensait également ta mère, seuls les forts pouvaient survivre, seuls les forts avaient du pouvoir. Mais alors, pourquoi donc avais-tu ressenti ce besoin, dénué de toute raison, de poser cette journée ? Car cette journée n’était pas n’importe laquelle, il s’agissait de l’anniversaire de ta défunte mère, une mère qui peut-être ne t’aimait pas comme n’importe quelle mère, mais une femme intelligente, qui t’avait transmis son goût pour l’occulte, et dont tu tenais de nombreux traits. Des traits qui peut-être faisaient naître la nostalgie dans les yeux de ton père, mais ce regard ne t’avait jamais été amical. L’amitié n’avait jamais eu de place dans votre famille. Votre proximité n’est due qu’au sang, ton cœur est bien trop noir pour apprécier réellement le sens du mot famille. Qu’est-ce donc qu’une famille si ce n’est une filiation, une dynastie ? Vos parents vous avaient conçus, sûrement avec un peu d’amour, mais surtout par devoir. Pour avoir une descendance. Et un jour ce serait à toi de perpétuer l’héritage de ta famille. Tu pensais à cet avenir prochain en te rasant devant cette glace froide dans une salle de bain formelle. Le carrelage vert sombre des murs ne faisaient que refléter le malaise que ton aura provoquait. Ton regard était vide, tu étais plongé dans tes pensées. Tu pensais à elle. Tu te demandais si tes frères, tes sœurs ou ton père y pensaient de la même façon. Elle te manquait. Non son amour, non sa chaleur, mais sa présence, juste sa présence. Votre famille était complète avec elle, depuis ce n’est plus pareil. La dernière lueur de bonté en toi s’est éteinte et ton âme entière s’est gangréné. Tu essuies ton visage avec une serviette sombre. Tu étais tellement plongé dans tes pensées que tu n’as pas vu cette coupure que tu t’es faite. Rien de bien grave, mais le sang coule en filets fins de la plaie. Tu appliques une pierre d’alun sur la blessure. La douleur, intense et vive, brutale, comme le décès de ta mère. Tu grimaces à peine, tu as appris à supporter la douleur. Elle te prouve que tu es encore vivant. Allais-tu resté seul aujourd’hui ? Sûrement. Et pourtant … Tu ressens le besoin d’aller au manoir de votre famille, de déambuler dans ces couloirs qu’elle empruntait, son fantôme dans ton cœur, peut-être signalerait-elle sa présence, une femme de sa poigne ne peut pas rester silencieuse pour l’éternité… En tout cas tu l’espères. Tu finis donc de t’habiller avant de saisir une veste pour transplaner. Tu avais prévu de te rendre sur sa tombe aujourd’hui, mais tu veux d’abord sentir les reliques de sa présence dans votre maison.
Tu arrives directement dans le hall dans un craquement sinistre. Signal sonore qui fait sursauter l’elfe de maison en train d’épousseter avec un plumeau les tableaux de l’entrée. Ton regard se fait dédaigneux à son endroit. Cette vil créature est d’une laideur, heureusement pour lui qu’il est utile, sinon tu ne te serais jamais imposé ces créatures si hideuses. Il tremble. Peut-être l’as-tu un peu trop molesté à la fin de ton adolescence. Qu’importe, il ne doit sa vie et son existence qu’à notre famille, et même si le votre est plutôt servile, tu ne le méprises pas moins qu’un autre. Une condescendance que beaucoup pouvaient te reprocher. Mais qu’importe l’avis des couards. Néanmoins, alors que tu t’avances pour déambuler dans ce sanctuaire où tes souvenirs t’emportent, des voix se font entendre dans le salon. Ainsi tu n’es pas seul, ton père et ton frère sont également présents. Tu juges inutile de ne pas les prévenir de ta présence, alors tu les rejoins, au moment où Sytry demande à votre père si sa présence dérange.
Voyons mon frère, as-tu encore besoin de demander l’autorisation pour venir dans notre maison. Père, bien le bonjour. Comme notre famille semble se réunir involontairement, me permettrez-vous de prendre un verre en votre compagnie ?
Tu es encore plus sinistre et cynique que d’ordinaire, peut-être était-ce ton aînesse qui te donnait plus d’assurance que ton frère. Tu attends à peine le consentement de votre père. Tu laisses ton frère debout à l’entrée du salon pour t’asseoir à ton tour dans l’un des nombreux fauteuils du salon. L’elfe de maison accourt, glissant sur le parquet ciré, et d’un geste tu lui réclames un verre de scotch. Oui, il te faut quelque chose de fort aujourd’hui. De très fort.
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Re: "Le souvenir est le parfum de l'âme." [Pv : les fils Muller]
[...] j'avais besoin de prendre des affaires, est-ce que ma présence vous dérange ?
Finit-il par dire après une hésitation qui m'est pénible. Faut-il que Sytry soit éternellement dans le doute et l'appréhension ? Que craint-il ici ? Certes je ne suis pas le plus tendre des pères mais cette demeure est la sienne, celle de tous mes enfants, je ne veux pas qu'ils étalent ici les éventuelles faiblesses d'esprit qu'ils ont pu développer malgré les efforts que nous avons fait pour créer une descendance digne et fière.
Mon regard se pose enfin sur le jeune homme car j'entends arriver Caliban.
Le rythme de ses pas dégage une assurance qui ne peut être qu'à lui. J'étire un discret sourire, à la fois content et surpris d'être en compagnie de ces deux Muller en ce jour particulier ;
Ils ne sauraient me faire croire qu'il s'agit d'un hasard.
Ni l'un, ni l'autre.
Leur mère les aimait, à sa façon, et ce sentiment fort a toujours été partagé par les enfants de mon épouse. Elle les élevait avec autorité et douceur mêlées, j'ai toujours admiré sa fermeté pourtant délicate.
[...] Père, bien le bonjour. Comme notre famille semble se réunir involontairement, me permettrez-vous de prendre un verre en votre compagnie ?
« Bonjour, tous les deux. Prends le temps de boire avec nous Sytry, tu récupèreras tes affaires après. Et toi, quelle est la raison de ta venue ? »
Dis-je en me tournant vers Caliban que l'elfe dote déjà d'un verre de scotch. Je récupère le mien et m'approche de la fenêtre pour apprécier la chaleur discrète des derniers rayons du soleil.
Je me demande bien ce que le cadet veut vraiment prendre ici alors que la présence de l'ainé est encore plus surprenante ;
« Trinquons. »
Absorbé par des pensées mélancoliques, il me faut quelques instants pour revenir à la réalité.
Leur présence.
Son absence.
Je déglutis et tends mon verre en m’efforçant de sourire. Amertume et douleur déforment mes mots :
« J'aurais aimé que l'on soit tous réunis mais : à votre mère. »
Serait-elle fière ? D'eux ? De moi ? Suis-je à la hauteur, désormais seul, pour conduire nos enfants sur le chemin le plus noble ?
L'elfe manque de trébucher en quittant la pièce et je n'ai pas la force de l'insulter, il disparait très rapidement et je me promets de lui faire regretter son indiscrétion plus tard.
« De quoi as-tu besoin Sytry ? On peut sans doute t'aider. J'ai besoin de m'occuper, avec vous deux. »
Caliban se sent probablement piégé désormais mais ça m'est égal. Des années se sont écoulées depuis la dernière fois que nous avons partagé quelque chose, tous les trois.
Il n'est jamais trop tard et ce jour paraît tout à fait approprié.
- InvitéInvité
Re: "Le souvenir est le parfum de l'âme." [Pv : les fils Muller]
Peut-être que si nous étions une famille plus conventionnelle, l’arrivée de mon frère aurait pu sonner comme le début d’une réunion familiale, sauf qu’il faut bien avouer que nous ne nous sommes pas concerté un seul instant, Caliban et moi, et que notre présence est totalement fortuite. Je soupire, j’aurais préféré être seul et la réplique sarcastique de mon frère ne fait que renforcer cette envie, « Voyons mon frère, as-tu encore besoin de demander l’autorisation pour venir dans notre maison », bien sûr que non, mais contrairement à Caliban, je ne suis pas arrogant et bien que ma question ait pu paraître timorée, c’est simplement une manière pour moi de savoir ce que notre père compte faire durant ma présence. S’il attendait quelqu’un, j’aurais eu quartier libre, mais ce n’est visiblement pas le cas.
Caliban possède une capacité à s’inviter que je lui envie, je suis le plus discret des deux, depuis toujours, celui qui reste au fond de la pièce et qu’on ne remarque pas, celui qu’on oublie parfois, mais celui qui n’oublie jamais. Je regarde mon frère prendre possession de la pièce, comme il le fait avec tout ce qui lui sied depuis toujours, tandis que je reste à l’écart et silencieux, écrasé par la présence charismatique de l’aîné. « Prends le temps de boire avec nous Sytry, tu récupèreras tes affaires après ». Quel bonheur.
- Bien sûr.
A mon tour, je me dirige vers l’un des fauteuil du salon, je choisis souvent le même, celui près de la cheminée et il ne faut pas s’y tromper, je ne l’ai pas choisi pour son côté cosy, mais bien pour la vue dégagée qu’il m’offre sur la pièce et sur l’entrée. L’elfe qui vient de remplir la main de mon frère avec un verre de Scotch, m’apporte un simple verre d’eau, je ne suis pas friand d’alcool, j’en bois à l’occasion, mais c’est suffisamment rare que pour avoir marqué la conscience de la créature asservie à notre famille. A l’invitation, je lève mon verre à l’honneur de notre mère. Une mère à l’amour différent, mais dont la présence aura fait de moi celui que je suis aujourd’hui.
- À Mère.
Jusqu’alors silencieux, ce qui me convient toujours très bien, la voix de mon père me tire de mes pensées, « de quoi as-tu besoin Sytry ? », pourrais-je répondre « de paix et d’espace ? » Peut-être pas, je relève le nez vers lui et mon frère, Caliban me regardant avec un soudain intérêt, j’hausse les épaules et réfléchis soigneusement aux mots que je vais utiliser.
- Dans mes souvenirs, mère avait un grimoire qui pourrait me servire pour un travail. Je voulais aller faire un tour dans sa bibliothèque.
Les grimoires de notre mère sont remplis de rites, de sortilèges et de références à de la sorcelleries dont on ne parle pas en général, Lian était une femme complexe qui n’hésitait pas à outrepasser ce qu’on attendait d’elle, elle possédait la volonté et le charisme qu’on n’attend pas d’une épouse docile, ça je l’ai bien compris, mais elle était différente de ces mères, de ces femmes, insipides. Elle était intéressante et sa passion pour l’obscurantisme, elle nous l’a transmis à nous, ses enfants, aux aînés tout du moins.
- Et toi Caliban, que fais-tu ici ?
Je n’aime pas que l’attention soit braquée sur moi, je remets donc dans la lumière le Muller qui l’apprécie, détournant l’attention de ma petite personne et me concentrant à nouveau sur mon verre d’eau, non sans être quelque peu déstabiliser par le soudain sentimentalisme de notre père.