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everybody does a little dance with the devil | n e l l
Jeu 30 Déc 2010 - 22:58
everybody does a little dance with the devil
Emilius enleva son manteau et le jeta sur le tas de vêtements déjà présent sur le vieux canapé au cuir râpé. Il claqua la porte derrière lui et se figea une seconde : enfin, respirer. Il était 22h35 et il avait quitté Hungcalf une dizaine de minutes auparavant. Dehors, le froid était glacial et ce froid était renforcé par le fait de savoir que de très aimables créatures buveuses de sang se baladaient dans le coin. Mais là, il pouvait enfin souffler. Son appartement c’était son enclave, son territoire, l’endroit où il se sentait le mieux (mis à part les bibliothèques plus poussiéreuses du monde entier). D’un coup de baguette, il alluma un feu dans la cheminée et pris le cendrier qui trainait sur la table basse pour aller jeter son contenu dans la poubelle. Après un instant d’hésitation, il fit un pas vers le tas de vaisselle qui semblaient s’entasser sur l’évier depuis la guerre du golfe puis recula. Ce n’était quand même pas si urgent. Et puis de toute façon, ça ne détonnait pas trop avec le reste de son intérieur : Un peu partout au sol, des piles de livres et des vêtements, des assiettes à moitié vide. On aurait pu savoir comment il était habillé et ce qu’il avait mangé chaque jour de la semaine. C’était un peu dégoûtant mais c’était comme ça. Et puis Emilius savait bien que ¾ de ses élèves vivaient de la même manière. En revanche ses élèves auraient peut-être été surpris par la quantité de cadavre de bouteille d’alcool fort. Il y en avait un peu partout : sur la table vide-poche, entre les coussins des canapés, sous le fauteuil, sur le bord de l’évier, sur la table basse, par terre, alignées le long du mur ou sur le bord de la cheminé. L’intérieur du professeur Browne était étonnamment différent de ce qu’on pouvait imaginer de lui en le voyant, toujours tiré à quatre épingles.
Après un instant de réflexion, Emilius se dirigea vers ce qui semblait être un placard tout ce qu’il y a de plus normal : les chaussettes côtoyaient les pulls en col v et les jeans. Se baissant, il en exhuma une bouteille neuve de whisky pur feu avec un petit sourire en coin. Il avait bien mérité un petit verre après avoir travaillé si dur. C’était son réconfort, à défaut de femme ou d’enfant – cela dit, ça ne le tentait pas du tout. Baillant, il se laissa tomber sur son fauteuil (le canapé était exclusivement réservé aux vêtements), tendant un peu le bras vers le sol et tâtonnant, sa main entra assez vite en contact avec ce qu’il cherchait : un verre. Il lui jeta un coup d’œil : de multiples traces de lèvres et de doigt, un fond de boisson presque solidifiée toujours présent … pas ragoûtant. Mais au moins dans celui-là, il n’y avait pas de mouches mortes. Et puis l’alcool allait désinfecter tous cela. Il se versa un verre qu’il posa sur sa table : il n’avait pas enlevé ses chaussures. Se décidant finalement à se changer, il enfila un pantalon de jogging et un pull en laine. Autant, que ça ne ressemblait pas à grand-chose mais que 1. C’était incroyablement confortable 2. Ça lui allait plutôt bien. Il entama ensuite ce qui s’apparentait à une fouille archéologique pour récupérer sa paire de lunette qui était dans la poche d’une quelconque veste. Bien sûr, utilisé la magie et un sortilège d’attraction aurait été plus facile mais parfois, ce genre de chose lui sortait complètement de la tête, comme par exemple maintenant. Une fois cette mission accomplie, il se vautra à nouveau dans son fauteuil et pris le livre qu’il avait visiblement lu la veille : celui-ci était posé par terre, ouvert. Par habitude, il retourna 10 pages en arrière – généralement il était trop saoul lors de la lecture de celle-ci pour en avoir un quelconque souvenir – le verre dans une main, un livre dans l’autre, les pieds sur la table : c’était une certaine représentation du bonheur. Évidemment aurait sans doute été mieux si une petite voix dans sa tête avait arrêté de lui répéter que « Ça allait mal finir », « Qu’il était temps de se reprendre en main », « Que ça ne lui ressemblait pas tout ça» … petite voix qui ne pensait sans doute pas si bien dire. Emilius était conscient du fait qu’il avait un problème avec l’alcool depuis le début de l’été mais pourtant, il était assez fier de lui : il conciliait parfaitement son alcoolisme et les matins difficiles avec ses cours, de manière à ce que personne ne remarque rien. C’était comme ça depuis des mois et personne n’avait rien vu. La seule manière qu’il avait de faire taire cette petite voix, était de vider le verre qu’il avait dans la main. C’était d’ailleurs ce qu’il s’apprêtait à faire (non sans un certain contentement) quand on toqua à sa porte. Avec un grognement mécontent, il reposa livre et verre pour aller ouvrir la porte.
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