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(matus) the ghost of you
Dim 17 Juin 2018 - 17:05
Parfois t’as tendance à oublier. Parfois t’as tendance à oublier qui tu es, d’où tu viens, c’que tu es censé faire. Tu portes sur les épaules une culpabilité qui n’est pas tienne et qui ne le sera jamais. Mais c’plus fort que toi. Tu t’détestes ; tu t’es toujours détesté. T’as l’impression qu’les choses ne changeront jamais. Qu’à ses yeux, tu resteras le fils raté qu’il aurait souhaité ne jamais avoir. Et toi, tu peux pas t’empêcher d’souhaiter ne jamais l’avoir eu comme père. Finalement, vous êtes à égalité. C’est à celui qui attrapera le vif d’or le premier. T’es pas un mauvais garçon. Enfin, c’est ce que t’essaies de croire. Sous ton regard froid, tes gestes calculés, y’a peut-être un cœur qui bat. Emprisonné dans une glace éternelle. Regarde-le, regarde comme l’amour l’a détruit. Ou bien est-ce la perte de ce dernier qui a fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui ? T’as jamais vraiment eu la réponse cette question. Emilie prétend l’avoir. Mais elle est comme votre mère : elle essaie de voir le bon en tout homme. Surtout en toi. Et parfois, elle te manque. Bientôt cinq ans que t’es pas retourné à Paris. Vous correspondez, un hibou par-ci, une lettre par-là. C’est peut-être mieux comme ça. Elle aussi, tu finirais par la décevoir.
Ton regard se perd. Tu sais pas comment t’es arrivé là. T’avais besoin de prendre l’air. De penser, ailleurs qu’entre quatre murs. T’as souvent l’impression d’étouffer ici. T’es un bon élève. T’es populaire. Des amis ? On va dire que t’accordes ta confiance à ceux qui le mérite. A ceux qui partagent tes idéaux. Ou plutôt, ceux de ton père. T’es même plus certain de les partager désormais. Est-ce que c’est ce qu’elle aurait voulu pour son fils ? Est-ce pour cette raison qu’elle a donné sa vie pour toi ? L’amour. Quelle foutaise. Comme si t’étais digne d’une pareille chose. Unique héritier mâle d’une famille trop coincé pour céder la place à une femme, c’est probablement l’unique raison de son sacrifice. Tu fermes les yeux un instant. Un court instant. Pour ne plus penser. Mais ton cœur qui bat beaucoup trop vite te rappelle à quel point la douleur est encore vive, à certains moments de la journée – tout le temps.
Alors tu te parles à toi-même. Peut-être pour partager ta souffrance. Ou bien pour noyer la solitude sous un flot de paroles continu. Tu n’en as aucune idée. Parler t’aide à réfléchir. Et tant que personne ne te voit, que cela ne remet pas en cause ta réputation.
« Un jour, tu domineras le monde mon fils. » Murmures-tu, pinçant l’arrête de ton nez. Quel monde ? Et à quoi bon ? Toi qui ne doute jamais, tu es pourtant incertain de ton avenir. « Et son sacrifice ne sera pas vain… »
Tu inspires. L’air te brûle les poumons. Tu devrais peut-être arrêter de contempler les étoiles. Tu devrais peut-être retourner t’enfermer dans ta chambre, reprendre cet air impassible qui te sied si bien en temps normal. S’est-elle réellement sacrifiée pour le bien de la famille, comme il aime le prétendre ? Ou t’aimait-elle réellement ? Tu peux encore entendre sa voix. Son cri. Ton prénom. Tu revis cette scène en boucle. Son sang coulant le long de ton torse. Tu ne supportes plus cette sensation. Tes yeux se posent sur la lune et, l’espace d’un instant, tu la crois pleine. Ton cœur s’arrête de battre. Et tu te souviens. C’était un soir de pleine lune.
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Re: (matus) the ghost of you
Dim 17 Juin 2018 - 20:21
Je n'arrive pas à dormir, comme souvent. Le souvenir de mon père me hante souvent, comme une mauvaise herbe dont on n'arrive pas à se débarrasser. Je repousse les draps qui m'emprisonnent et sors du lit en silence. Je ne tiens pas à réveiller mes voisins. Mes mains trouvent rapidement mes vêtements et je m'habille sans plus de cérémonie. J'ai besoin de sortir. Je ne veux plus repenser à lui. La porte se referme derrière moi dans un léger grincement. Mes pieds se dirigent vers les jardins suspendus, l'endroit où j'aime tant aller quand je souffre d'insomnie. C'est mon havre de paix, mon petit coin de paradis.
J'ai à peine fait un pas que la lune me parvient. Sa clarté me procure une sensation de bien-être. Je ne peux que rester à la regarder encore et encore. Je suis dans ma bulle. Une bulle qui éclate quand je me rends compte que quelqu'un d'autre occupe les jardins suspendus. Mon havre de paix ne l'est plus, désormais. Je m'avance encore un peu. Cette silhouette me dit quelque chose. Plus je la regarde et plus elle me paraît familière. Un murmure s'envole jusqu'à moi. Je me fige. Je reconnais cette voix grave et éraillée à la fois. Augustus. Augustus est avec moi dans les jardins. J'aurais préféré ne pas le rencontrer.
Toi aussi, tu n'arrives pas à dormir ?
Je m'avance jusqu'à la balustrade et y pose mes mains. Je frissonne malgré un gilet épais. Le vent est puissant ce soir. Je regarde Augustus. J'avais oublié à quel point on peut se plonger dans ses yeux. Je choisis de baisser les miens.
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Re: (matus) the ghost of you
Dim 17 Juin 2018 - 20:44
Tu donnerais tout pour un souvenir à sauver. Ils sont tous déjà loin. Enfouis, enterrés même. Comme s’ils n’avaient jamais réellement existé. Peut-être ne sont-ce-t ’il que le fruit de ton imagination – tordue, débordante. Tes yeux se perdent dans l’immensité du ciel. Merlin, que ne donnerais-tu pas pour être une de ces étoiles. Tout serait plus simple. Perdue dans tes pensées, tu ne remarques pas sa présence. Et pourtant, elle est bien là, non loin de toi. Tu n’es pas seul. Ou, en tout cas, tu ne l’es plus. Pas pour ce soir. Il y a ce petit quelque chose qui te ferait la reconnaître entre mille. Son parfum. Il te fait tourner la tête. Et ton cœur s’emballe, sans doute pour un rien. Et lorsqu’elle te rejoint, tu ne dis rien.« Toi aussi, tu n'arrives pas à dormir ? »Cette voix. Douce, tendre. Pourtant presque dénuée d’émotions. Ou alors c’est à cause de toi ? Sept ans que vous vous ignorez. Il est difficile de faire autrement. Vous vous êtes connus un temps, à l’aube d’une jeunesse dorée. Elle n’avait malheureusement aucun rôle à jouer dans cette destinée. Tu te mords la lèvre, tu feins l’ignorance. Vos regards se croisent, elle baisse les yeux. Tu ne cries pas victoire trop vite. Vous n’êtes qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Tu pourrais très bien t’en aller, sans jamais lui répondre. Reprendre ta vie. Tes yeux se posent à nouveau sur la lune. Est-elle au courant ? Tu es presque certain que non. Sait-elle que tu es le propre meurtrier de ta mère ? Ou en tout cas, que tu en es l’un des responsables.« C’est bientôt la pleine lune. » Murmures-tu. « Je peine toujours à dormir les soirs précédant la pleine lune. » Avoues-tu, la voix peut-être un peu tremblante.Avec elle, tu ne sais pas comment gérer tes émotions. Avec les autres, tout est plus simple. Mais Mathilde, comment peux-tu lui mentir ? Pourtant, vous n’êtes plus que deux étrangers qui ont un jour partagé des souvenirs heureux. C’était il y a longtemps. Il y a très longtemps. Elle n’a jamais réellement quitté tes pensées. Comme un fantôme du passé. Tu te racles la gorge, tentant de reprendre tes esprits. Tu finis par faire volteface, tournant le dos au ciel étoilé, le dos appuyé contre la balustrade, tes yeux agrippant cette dernière. Tes yeux se posent sur Mathilde. Elle n’a pas changé. Toujours aussi belle. Tu la vois frissonner mais tu ne dis rien. Tu te contentes simplement de retirer ta veste et de lui tendre, sans un mot. Tu n’as jamais été doué avec les mots. Elle le sait. Entre vous deux, il y a… ce lien indéfinissable. Elle est ta madeleine de Proust.
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Re: (matus) the ghost of you
Dim 24 Juin 2018 - 12:11
Augustus Gascoigne. Ce nom me chamboule plus que je ne le voudrais. Il me rappelle mon enfance, les soirées où on se croisait, où on jouait ensemble. Je me replonge dans mes souvenirs, que la présence d'Augustus fait remonter. Nous jouions tranquillement sous la surveillance de nos pères respectifs, qui voulaient sans aucun doute s'assurer de notre obéissance. Je l'ai connu un temps, avant que nos chemins se séparent. Je ne l'ai jamais vraiment fréquenté depuis. Est-ce que ça me manque ? Je ne sais pas. Je me souviens juste qu'il a toujours été charismatique, du genre à pouvoir faire faire ce qu'il voulait à n'importe qui. Il n'y en a pas deux comme lui. Je ne dis rien, laissant la magie de l'instant opérer. La nuit, les étoiles. Je me sens bien dans ce paysage. Je me suis toujours sentie bien une fois le soleil couché. Non pas que je me sente mal en journée mais le soir c'est différent. Je me sens plus vivante.
Je ne me trouve qu'à quelques centimètres d'Augustus. Il se mord la lèvre et feint l'ignorance, comme quand nous étions plus jeunes, plus naïfs. Si tant est qu'on l'est vraiment été. Nos regards se croisent un court instant avant que le sien se tourne de nouveau vers la lune. « C’est bientôt la pleine lune. » Sa voix rauque me transporte toujours autant. « Je peine toujours à dormir les soirs précédant la pleine lune. » Je ferme les yeux quelques minutes, pour me donner une certaine contenance. Augustus m'a toujours plus ou moins troublé, les rares fois où on s'est croisés. Il n'est pas l'homme le plus sexy de la planète mais son charme réside dans son imperfection. Je choisis de rester muette, ne sachant pas quoi dire. Recevoir ses confidences est précieux. Du moins, je le pense. J'esquisse un léger sourire avant de tendre ma main. Juste assez pour le frôler. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. J'en avais juste envie. Je ne sais plus. Tout est confus dans ma tête.
J'ai presque envie de partir, de fuir cette ambiance tendue. Non, pas tendue. Je ne sais pas quel terme utiliser, en vérité. Toujours est-il que notre relation est particulière. Si tant est qu'on puisse parler de relation. Il est populaire, bien plus que moi. Pourquoi aurait-il besoin d'une fille qui fait des cauchemars régulièrement ? Il n'en a pas besoin. Mon cœur rate un battement à cette pensée. Je l'entends se racler la gorge et pose mes yeux sur lui. « Tout va bien ? » Je m'inquiète pour lui mais je ne risque pas de le lui avouer. Je tremble à nouveau. Bon dieu, qu'est-ce qu'il fait froid. Je l'observe enlever sa veste et me la tendre en silence. Je la saisis avec un demi-sourire. Merci, Augustus. Je ne prononce aucun mot, me contenant de le regarder quelques instants avant de baisser les yeux. J'espère qu'il comprendra le message. Je sens son regard sur moi. Une force extérieure me pousse à le regarder de nouveau et à ne pas céder, cette fois. Les minutes défilent, tandis que je reste là, à le défier du regard. En ce qui me concerne, le monde pourrait bien s'effondrer que je n'y ferais pas attention. Je me sens bien. Il faudra pourtant que je retourne me coucher, à un moment ou à un autre. La fatigue se fait ressentir dans tout mon être mais je l'ignore. Un bâillement m'échappe pourtant. Saleté de corps. Je veux rester là.
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Re: (matus) the ghost of you
Dim 24 Juin 2018 - 14:47
Et tu te souviens. Tu sais, quand elle était encore là. C’est à cette époque que tu étais le plus heureux. Le plus insouciant. Peut-être même, un peu naïf. Et puis, tout a disparu. Du jour au lendemain. Tu n’irais pas jusqu’à dire que ta vie a basculé… mais presque. Tu détestes être plaint. Alors tu ne parles jamais d’elle, jamais de cette histoire. Tu ne fais que te souvenir. Et par Merlin, que le souvenir peut s’avérer douloureux. Essayer d’oublier. Comment faire ? Les images te hantent. Surtout la nuit. Et lorsque la lune est pleine, le souvenir n’est qu’un fardeau de plus. Elle te manque, constamment. La culpabilité te ronge. Et c’est sans doute ce qu’il y a de plus difficile à supporter. Comment s’en défaire ? Tu n’as jamais trouvé la réponse à cette question. Mais ton cœur se brise un peu plus à chaque pensée. Ton cœur se serait-il noirci avec le temps et les cicatrices laissées par ce dernier ? Ou peut-être as-tu toujours été ainsi. Né héritier, prince d’un royaume des ombres dont tu n’as jamais vraiment voulu. Et un jour, tu devrais t’asseoir sur ce trône austère qui ne plaît qu’aux grands de ce monde. Qu’aux fous.Et puis il y a cette douce lumière, celle qui parvient à éclairer tes quelques parts d’obscurité. Mathilde. Lorsqu’elle se saisit de ta veste, tu peux observer un demi-sourire se former à la commissure de ses lèvres. Tu t’abstiens de faire la même chose. Tu n’es pas d’humeur à éprouver une quelconque joie. Et pourtant, sa présence… elle illuminerait les nuits les plus sombres. Comme celle-ci. Comme toutes les autres auparavant. Bien plus brillante que l’éclat de la lune. Tu n’en dis pas un mot. Tu te contentes de le penser, presque honteux. Que sais-tu d’elle ? Pas grand-chose. Que sait-elle de toi ? Bien moins.« Tout va bien ? »Tu sursautes presque. Son ton est presque inquiet mais elle n’en dira rien. Oh non, elle n’est pas comme ça, Mathilde. Vous vous ressemblez beaucoup, même si vous le niez avec acharnement, presque passionnément. C’est à ce lui qui aura le moins besoin de l’autre. Les rares fois où tu peux la croiser, tu pries pour qu’elle soit seule, qu’elle ne soit pas trop entourée. Inconsciemment, tu as toujours gardé un œil sur ses fréquentations. Peut-être pour qu’elle ne trouve pas mieux que toi. Pas plus énigmatique. Pas plus mystérieux. Pour qu’elle ait, au fond, encore un peu besoin de ta présence.« Tu ne sais vraiment pas, alors ? » Ta voix rauque finit par rompre le silence. « Une partie de moi avait espéré que ton père te mettrait au courant. »Tu inspires profondément, le souffle court. Tu donnerais tout pour ne pas avoir à raconter cette histoire, une fois de plus. Mais tu as le sentiment que tu lui dois bien ça. Et peut-être qu’après, elle te laissera. Son image s’effacera doucement. Elle finira sans doute par te détester, comme les autres. Ou te juger, comme la plupart de ceux qui ont eu vent de cette histoire. La culpabilité finira par te ronger. Tu es quelqu’un de très pessimiste, August.« Rien de bien grave. » Assures-tu. Doux mensonge. « Et toi, pourquoi cette insomnie ? »S’il y a bien une chose pour laquelle tu es doué, c’est détourner la conversation. Joli manipulateur que tu es. Tes yeux se posent sur elle et, l’espace d’un instant, tu pourrais presque te sentir vivant. Ses traits sont si fins, son visage si pâle… Peut-être est-ce dû à la faible luminosité de la lune et de ses étoiles. Mais au fond, l’étoile la plus brillante ce soir, c’est sans doute elle. Mathilde.