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Music is a beautiful speech
Dim 14 Oct 2018 - 11:47
Levius venait de quitter la salle du cours de littérature magique d'un pas lent. Il avait encore le nez rivé dans ses notes et, tout en marchant, s'affairait à ajouter quelques références supplémentaires suggérées par le professeur : la prochaine fois qu'il passerait par Myrddin Wyllt, il ferait à crochet par la Griffe de l'Hippo ou bien la librairie d'Evie Blackwood.
Outre les références classiques, Levius en avait profité pour interroger l'enseignant au sujet des sorties actuelles. Cela faisait un moment qu'il cherchait un ouvrage un peu différent de ce dont il avait l'habitude. Dernièrement, il s'était laissé persuader par la couverture intrigante de « La Rouille » de Eric Richer figurant un requin orangé sur fond uni gris. Ce roman racontait le parcours initiatique d'un jeune homme perdu dans l'existence et à la vie rude. Le récit était noir et l'issue certainement vaine.
Levius venait à peine de le commencer, mais il sentait déjà que le roman lui laisserait au cœur comme une blessure. Le jeune homme n'était pas certain d'avoir besoin de cela en ce moment, mais il se laissait faire malgré tout, pensant que les choses qui hantent aiment à ressurgir au travers des émotions suscitées par les récits. C'était une forme d'expiation de l'âme : une sublimation.
L'épuisement guettait malgré tout, charriant dans son sillage un brin de mélancolie : Levius sentait qu'il avait été trop sollicité dernièrement. La venue d'Abigail dans sa vie, le club de botanique : tout ceci le pressait (et que cela advienne sans méchanceté faisait de lui un coupable).
La ferme accueillait désormais une foule d'individus dont il partageait la passion. Aaron hantait la serre à ses heures, Abigail travaillait toujours avant lui. En définitive, Levius sentait partout la présence de ses pairs (même quand ils n'étaient pas là). Cela finissait par éroder son moral comme une eau s'insinue dans le métal jusqu'à le ronger tout à fait. Assurément, le garçon aurait dû anticiper de tels effets et imposer des horaires à ses nouveaux compagnons de route... Mais sa nature docile et conciliante s'était laissée faire et il en avait oublié la somme élémentaire de ses besoins (le plus essentiel d'entre eux étant la solitude).
Le jeune homme avait besoin de respirer. Il avait besoin de s'extraire à ce monde nouveau qui s'offrait à lui, se retrouver, prendre un peu de recul et revenir sereinement en direction des changements (qui, en dépit de l'effet qu'ils produisaient sur sa nature fragile, étaient salutaires). Tout ceci n'était jamais qu'un jeu d'équilibre et puisque les dernières semaines avaient été chargées en échanges, la nécessité imposait désormais de revenir à la quiétude muette des passions solitaires.
Levius franchir le seuil de la salle de musique comme un chat entrerait dans la chambre de son maître (le pas imprégné du silence qui veut surprendre). Le silence s'imposa au moment où il referma la porte sur les bruits de pas et le fracas de la masse estudiantine en arrière. Il observa l'espace alentours pendant quelques secondes : pas âme qui vive, les instruments reposant sagement dans leur étuis et une délicieuse odeur de parquet ciré flottant dans l'air.
Sans un bruit, on le vit avancer jusqu'à l'estrade, y monter et déposer dans un coin son sac. Son regard se porta alors sur les violons : il en prit un et l'essaya, le reposa et en essaya un second. On le vit alors revenir sur le devant de la scène (là où l'acoustique était meilleure) : Levius dédia ensuite une courte minute à l'accordement de l'instrument.
On le vit ensuite s'immobiliser et fermer doucement les yeux (il semblait tout à fait concentré). Sa main porta alors vivement l'archet aux cordes et, dans une précision et une vitesse extraordinaire, le garçon joua la partie du premier violon de « l'Hiver » de Vivaldi. Puis, la mélodie devint plus lente et douce (presque sensuelle) : Levius s'y accorda en y plaçant toute l'intensité de ses propres émotions. Son esprit figurait le reste de l'orchestre, compagnie muette de sa performance solitaire. En cet instant, l'ensemble de ses tracas s'évapora dans l'air. Il se laissait porter par la musique comme on s'enivre d'un alcool fort. Là était sa liberté à lui, le champ de tous ses possibles.
Outre les références classiques, Levius en avait profité pour interroger l'enseignant au sujet des sorties actuelles. Cela faisait un moment qu'il cherchait un ouvrage un peu différent de ce dont il avait l'habitude. Dernièrement, il s'était laissé persuader par la couverture intrigante de « La Rouille » de Eric Richer figurant un requin orangé sur fond uni gris. Ce roman racontait le parcours initiatique d'un jeune homme perdu dans l'existence et à la vie rude. Le récit était noir et l'issue certainement vaine.
Levius venait à peine de le commencer, mais il sentait déjà que le roman lui laisserait au cœur comme une blessure. Le jeune homme n'était pas certain d'avoir besoin de cela en ce moment, mais il se laissait faire malgré tout, pensant que les choses qui hantent aiment à ressurgir au travers des émotions suscitées par les récits. C'était une forme d'expiation de l'âme : une sublimation.
L'épuisement guettait malgré tout, charriant dans son sillage un brin de mélancolie : Levius sentait qu'il avait été trop sollicité dernièrement. La venue d'Abigail dans sa vie, le club de botanique : tout ceci le pressait (et que cela advienne sans méchanceté faisait de lui un coupable).
La ferme accueillait désormais une foule d'individus dont il partageait la passion. Aaron hantait la serre à ses heures, Abigail travaillait toujours avant lui. En définitive, Levius sentait partout la présence de ses pairs (même quand ils n'étaient pas là). Cela finissait par éroder son moral comme une eau s'insinue dans le métal jusqu'à le ronger tout à fait. Assurément, le garçon aurait dû anticiper de tels effets et imposer des horaires à ses nouveaux compagnons de route... Mais sa nature docile et conciliante s'était laissée faire et il en avait oublié la somme élémentaire de ses besoins (le plus essentiel d'entre eux étant la solitude).
Le jeune homme avait besoin de respirer. Il avait besoin de s'extraire à ce monde nouveau qui s'offrait à lui, se retrouver, prendre un peu de recul et revenir sereinement en direction des changements (qui, en dépit de l'effet qu'ils produisaient sur sa nature fragile, étaient salutaires). Tout ceci n'était jamais qu'un jeu d'équilibre et puisque les dernières semaines avaient été chargées en échanges, la nécessité imposait désormais de revenir à la quiétude muette des passions solitaires.
Levius franchir le seuil de la salle de musique comme un chat entrerait dans la chambre de son maître (le pas imprégné du silence qui veut surprendre). Le silence s'imposa au moment où il referma la porte sur les bruits de pas et le fracas de la masse estudiantine en arrière. Il observa l'espace alentours pendant quelques secondes : pas âme qui vive, les instruments reposant sagement dans leur étuis et une délicieuse odeur de parquet ciré flottant dans l'air.
Sans un bruit, on le vit avancer jusqu'à l'estrade, y monter et déposer dans un coin son sac. Son regard se porta alors sur les violons : il en prit un et l'essaya, le reposa et en essaya un second. On le vit alors revenir sur le devant de la scène (là où l'acoustique était meilleure) : Levius dédia ensuite une courte minute à l'accordement de l'instrument.
On le vit ensuite s'immobiliser et fermer doucement les yeux (il semblait tout à fait concentré). Sa main porta alors vivement l'archet aux cordes et, dans une précision et une vitesse extraordinaire, le garçon joua la partie du premier violon de « l'Hiver » de Vivaldi. Puis, la mélodie devint plus lente et douce (presque sensuelle) : Levius s'y accorda en y plaçant toute l'intensité de ses propres émotions. Son esprit figurait le reste de l'orchestre, compagnie muette de sa performance solitaire. En cet instant, l'ensemble de ses tracas s'évapora dans l'air. Il se laissait porter par la musique comme on s'enivre d'un alcool fort. Là était sa liberté à lui, le champ de tous ses possibles.
- InvitéInvité
Re: Music is a beautiful speech
Ven 26 Oct 2018 - 15:55
En ouvrant les yeux, Levius découvrit qu'il n'était plus seul. A la vaste salle de musique s'était ajouté la silhouette d'une jeune femme blonde au visage souriant dont il n'avait pas entendu la venue. Elle venait de féliciter sa prestation : aussitôt, le jeune homme sentit ses joues s'empourprer vivement. Il baissa la tête et fit un pas de côté, comme pour se détourner.
C'était une chose étrange mais, se pensant seul, Levius avait laissé libre cours à sa sensibilité artistique. Il avait dilapidé ses émotions au gré des notes, incarnant ses sentiments profonds dans la musique pour les mieux canaliser. Une mise à nu qui n'appelait aucun témoin, normalement. Pourtant, elle était là, cette demoiselle (il se demandait depuis combien de temps). Elle l'avait entendu et donc vu, une pensée qui suffisait à le plonger dans un grand sentiment de gêne.
Triturant nerveusement les cordes de son instrument, Levius jeta un bref coup d’œil à son auditrice improvisée. Il n'osa (naturellement) pas la regarder dans les yeux, mais s'attarda sur les vêtements qu'elle portait, puis son bracelet. Le violon miniature lui fournit un point d'accroche satisfaisant et le garçon ne le quitta pas au moment de répondre.
« Euh... Hé bien... Vingt ans.
Levius avait commencé l'apprentissage du violon à huit ans. Aujourd'hui âgé de vingt-huit ans, le calcul était facile à faire. Passionné, élève assidu, l'on ne pouvait s'étonner de la virtuosité dont il faisait preuve. Le violon n'était toutefois pas son meilleur instrument : il excellait également en flûte et au piano. Une carrière d'artiste manquée, sans doute... Mais Levius était ce genre de personne qui cumulent tant de passions qu'il leur faudrait dix vies pour en venir à bout. Son déficit en matière de socialisation expliquait certainement pourquoi il était si bon dans des domaines si variés, le temps récupéré sur les interaction amicales ayant été mis au profit de divers apprentissages. Car en dehors de la musique, il peignait aussi et lisait beaucoup (c'était à se demander comment il trouvait encore le temps de travailler, avec tout ça).
« Tu... Avais besoin de la salle ?
Lui demanda-t-il alors d'un ton un peu précipité. Levius avait pris ses aises dans la salle de musique, mais il n'avait aucune légitimité particulière pour le faire. Car même s'il avait pris soin de vérifier les emplois du temps, cela n'excluait pas une répétition des membres de la chorale ou quelque chose d'autre de la sorte. Peut-être que cette demoiselle avait prévu de répéter, que ce soit en musique ou en théâtre ? Il n'en savait rien. Cela dit, ça expliquerait sa présence ici (pensait le jeune homme).
Comme cette histoire venait de lui donner un doute, Levius sentit son malaise s’accroître. Il se sentait gêné à l'idée d'avoir fait quelque chose qu'il ne fallait pas (quand bien même n'aurait elle pas été grave). C'était son côté timide, à toujours avoir l'impression d'être illégitime partout et de déranger pour des choses futiles. Aussi entreprit-il simplement de ranger le violon dans son étuis, comme un gamin prit en faute qui n'attend qu'un mot de la maîtresse pour filer.
C'était une chose étrange mais, se pensant seul, Levius avait laissé libre cours à sa sensibilité artistique. Il avait dilapidé ses émotions au gré des notes, incarnant ses sentiments profonds dans la musique pour les mieux canaliser. Une mise à nu qui n'appelait aucun témoin, normalement. Pourtant, elle était là, cette demoiselle (il se demandait depuis combien de temps). Elle l'avait entendu et donc vu, une pensée qui suffisait à le plonger dans un grand sentiment de gêne.
Triturant nerveusement les cordes de son instrument, Levius jeta un bref coup d’œil à son auditrice improvisée. Il n'osa (naturellement) pas la regarder dans les yeux, mais s'attarda sur les vêtements qu'elle portait, puis son bracelet. Le violon miniature lui fournit un point d'accroche satisfaisant et le garçon ne le quitta pas au moment de répondre.
« Euh... Hé bien... Vingt ans.
Levius avait commencé l'apprentissage du violon à huit ans. Aujourd'hui âgé de vingt-huit ans, le calcul était facile à faire. Passionné, élève assidu, l'on ne pouvait s'étonner de la virtuosité dont il faisait preuve. Le violon n'était toutefois pas son meilleur instrument : il excellait également en flûte et au piano. Une carrière d'artiste manquée, sans doute... Mais Levius était ce genre de personne qui cumulent tant de passions qu'il leur faudrait dix vies pour en venir à bout. Son déficit en matière de socialisation expliquait certainement pourquoi il était si bon dans des domaines si variés, le temps récupéré sur les interaction amicales ayant été mis au profit de divers apprentissages. Car en dehors de la musique, il peignait aussi et lisait beaucoup (c'était à se demander comment il trouvait encore le temps de travailler, avec tout ça).
« Tu... Avais besoin de la salle ?
Lui demanda-t-il alors d'un ton un peu précipité. Levius avait pris ses aises dans la salle de musique, mais il n'avait aucune légitimité particulière pour le faire. Car même s'il avait pris soin de vérifier les emplois du temps, cela n'excluait pas une répétition des membres de la chorale ou quelque chose d'autre de la sorte. Peut-être que cette demoiselle avait prévu de répéter, que ce soit en musique ou en théâtre ? Il n'en savait rien. Cela dit, ça expliquerait sa présence ici (pensait le jeune homme).
Comme cette histoire venait de lui donner un doute, Levius sentit son malaise s’accroître. Il se sentait gêné à l'idée d'avoir fait quelque chose qu'il ne fallait pas (quand bien même n'aurait elle pas été grave). C'était son côté timide, à toujours avoir l'impression d'être illégitime partout et de déranger pour des choses futiles. Aussi entreprit-il simplement de ranger le violon dans son étuis, comme un gamin prit en faute qui n'attend qu'un mot de la maîtresse pour filer.
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