Je regarde la pièce avec un sourire satisfait, je suis content d'être ici, d'être auprès de ma jumelle, ma moitié. Je la regarde, non content d'être ici et je constate même que nous sommes seuls, ses colocataires ne sont pas ici, nous sommes donc tous les deux. Ces moments se font rares à mesures que nous grandissons. C'est pour cette raison que cela nous ai précieux. Je me retourne pour la regarder, ma si petite sœur -bien que nous ne savons pas qui de nous deux est né le premier- mais de par sa taille, elle est bien plus petite que moi. Nous n'avons jamais su pour quelle raison cela a été réparti ainsi...la génétique...Je me rend compte que je ne lui ai pas répondu.

- Si tu as du thé, je veux bien.

Le temps est favorable malgré le mois d'octobre bien entamé, l'air est doux,un ciel sans nuage. La pluie n'a pas donné signe de vie depuis des semaines, mais j'aime avoir un moment pour boire un bon thé chaud. Je la suis vers la cuisine pour l'aider à préparer la boisson chaude. Je choisis un thé aux agrumes. Un de mes préférés. L'eau de la bouilloire brûlante, j'en verse dans ma tasse et en verse dans la tasse de ma sœur. Nous prenons nos tasses et nous nous installons sur la canapé du salon.

- Comment tu vas ? Nous nous sommes croisés à Hung pendant la journée d'intégration, j'étais content de t'y voir.

Pour le moment je ne vais pas parler de Fiona et de sa façon qu'elle a eu de nous faire nous rencontrer tous les deux. Je ne saurais dire si je dois la remercier ou non. Depuis ma rencontre avec l'arc -en-ciel qui colore de plus en plus mon cœur, je pense moins à mes études et davantage à mon avenir. Encore aujourd'hui, je ne sais pas si un jour nous formerons un couple, j'ai grand espoir, mais elle a la possibilité de refuser, de prendre peur. C'est pourquoi je me fait discret. Je prends donc le risque de me faire oublier. Elle doit penser à son bébé avant tout et je le comprends.

Je ne vais pas évoquer le chineur également, si elle veut qu'on en parle, elle abordera le sujet, elle sait comment je suis. Je me suis toujours promis de ne jamais me mêler de ses affaires de cœur. Je ne sais pas si je fais bien d'agir un ainsi, j'espère ne pas lui donner l'impression que je me fiche de sa vie sentimentale, ce qui est faux. Je porte le breuvage à mes lèvres, c'est encore bien trop chaud, mais je sens les effluves de citrons, un peu d'orange et de pamplemousse. Nous échangeons un sourire complice. C'est ce que nous sommes, complice.

Repenser à ce fameux jour me fait sourire comme un bienheureux, je n'ai pas pu me retenir, je sais que ma jumelle n'en n'a pas raté une miette mais tant pis, j'assume. Je la regarde un court instant, j'allais parler mais finalement je prends une gorgée de thé la laissant sur sa faim un instant. Je la pousse un peu d'épaule à épaule.

- Arrête ce petit jeu-là avec moi soeurette, j'ai bien compris ce que tu as manigancé. Je ne sais pas comment tu as vu, comment tu as deviné...Elle a complètement retourné mon cerveau...ne te moque pas de moi, je ne suis pas habitué à ressentir ça. Si tu m'avais vu...j'étais un idiot pas fini...un parfait collégien...

Je grimace, je dois bien avouer que ma soeur à vu juste. Est-ce que c'est notre lien ? Je n'ai pas de style précis de fille, de genre recherché, alors comment elle a fait ? Je ris doucement et prends une nouvelle gorgée de thé. Je suis simplement dans l'instant, je ne sais pas s'il y aura un jour un "nous", je dois patienter, lui laisser du temps.

- Nous avons eu un rencard et nous avons parlés tous les deux, elle veut qu'on réfléchisse chacun de notre côté, voir si je veux réellement d'elle. Ce n'est pas qu'un simple béguin...Enfin...je lui laisse du temps, je m'efface. Je ne veux de toute façon rien brusquer.

Je ne lui dis pas pour sa grossesse, ce n'est pas que j'ai envie de lui cacher, mais Fiona me l'a bien demander, je tiens à garder parole, je sais qu'elle sera tôt ou tard mise au courant. Mais assez parlé de moi. Je pose ma main sur son genoux.

- Et toi comment tu vas ?


Je ne veux pas parler du chineur ou en tout cas l'évoquer. J'espère simplement que ma soeur est bien, qu'elle n'est en rien malheureuse. J'espère qu'elle sait encore qu'elle peut compter sur moi.

J'accuse le coup sous le choc, surpris des révélations de ma jumelle. Cela résonne dans ma tête et me lance dans l'estomac comme des coups de poignards. J le sentais, je sentais qu'il y avait quelque chose, au plus profond de moi j'avais cette intuitions, cette petite voix dans ma tête qui me disait que ma soeur avait quelque chose. Je lui avait demandé, j'étais venu vers elle mais elle a fait comme si de rien n'était, elle m'a souris, comme elle a l'habitude faire et j'ai...j'ai laissé. Je n'ai pas insisté...j'ai laissé tomber ma soeur....Je serre la mâchoire, pose la tasse de thé sur la table basse. Je dois rassembler mes idées. Ma mâchoire se contracte et se décontracte à mesure que je réfléchis, que je repense à ce que l'on a pu faire à l'une des personne les plus importante pour moi.

Je secoue la tête, je n'ai pas envie d'y croire, je préfère me dire que ce n'est pas vrai...C'est plus simple d'être dans le déni, c'est un moment de passage vers l'acceptation, pour le moment je ne veux pas me dire, non je ne veux pas croire que Niamh ait subit ce traumatisme et que surtout...surtout...je n'ai pas été là pour elle. Ma respiration est rapide.  Comment j'ai pu être aussi aveugle...Je la regarde, première fois depuis qu'elle a terminé son monologue, première fois que j'ose poser les yeux sur elle. Je secoue la tête, cette fois je veux être là pour elle. Je la prends dans mes bras et la serre fort contre moi.

- Je suis désolé. Vraiment désolé de ne pas avoir été là pour ces moments terribles que tu as vécu...Tu sais qui est ce type ? Je m'en veux tu sais...je veux être là, avec toi, auprès de toi. Tu aurais dû m'en parler, tu aurais dû venir me voir, j'aurais été là plus tôt et pas après coup...

Je la berce sans m'en rendre compte, je tente de me rassurer, je tente de lui monter que je lui là pour elle et que je le serais toujours, toute ma vie. Nous avons un lien, indescriptible, indéfinissable. Un lien qui nous suivra jusqu’à là mort. Je ne veux en aucun cas rompre ce lien, quelque soit les épreuves de la vie qui se mettrons en travers de notre route, quelque soit ce qu'elle traverse, je serais là.

- Je veux que tu me promette que tu me diras les choses, je ne veux plus de secret, je veux que je tu viennes me voir lorsque cela ne va pas. Je suis ton frère, tu es ma jumelle, je veux être là lors que tu vas mal. Nini...jamais je ne te jugerais, jamais je ne t'abandonnerai. Tu es ma famille.

Je serre la mâchoire, j'ai l'impression que je vais grincer des dents, que je vais en casser certaines, j'ai comme la mâchoire anesthésiée, j'ai la sensation que je ne vais pas pouvoir ouvrir la bouche dans l'immédiat. J'accuse franchement le cou, voir ma sœur pleurer me déchire le cœur. Je m'étais promis de ne plus la voire ainsi à la mort de nos parents, de prendre soin d'elle, d'être là pour elle, mais j'ai échoué. L'idée de croiser le chemin de celui qui lui a fait du mal me vient soudain à l'esprit, si elle a quitté l'université, c'est qu'il est probablement étudiant ou en tout cas à Hung. Je respire bien trop fort, la colère, la peine...Je devrais probablement parler, dire quelque chose, la rassurer, mais je n'y arrive pas, en tout cas pas sur l'instant, je n'y arrive pas, je n'ai pas la force, pas pour le moment. Je la serre plus fort encore contre moi pour bien qu'elle sache, pour qu'elle sente que je suis bien là, auprès d'elle. C'est seulement là que je décide de prendre la parole. Je ma râcle la gorge.

- Niamh, je vais te le répéter autant de fois qu'il le faudra. Tu es ma sœur. Jamais je ne te jugerais, jamais je vais avoir un regard différent, tu es tout ce que j'ai de plus chère tu entends ?

Je m'arrête un instant le temps de me reprendre, je racle de nouveau la gorge. Comment se fait-il que j'ai raté tout cela ? J'ai refusé de le voir ? Trop pris dans mes études ? Dans mes recherches ? Je suis un piètre frère, un piètre protecteur envers elle. J'embrasse son front avec plus de force que de douceur, je m'en veux tellement...Du revers de l'index je retire ses larmes. Je prends son visage en coupe et me plonge dans ses yeux rougis par la tristesse qui a perlé sur son visage.

- Tu sais qui t'as fait ça ? Tu as vu son visage ?

Non...c'est une mauvaise idée, je ne dois pas lui faire de nouveau penser à ce terrible jour...en lui posant ces questions...je vais la faire de nouveau plonger dans cet affreux moment. Je baisse la tête et la prends de nouveau dans mes bras.

- Non, je suis désolé, je ne dois pas...je...je ne veux pas te faire penser à cet...à ce...Dorénavant, je serais là pour toi, Nini je m'en veux ! Tu ne dois pas croire une seule fois que je ne t'aimerais plus ou que j'ai honte ou que sais-je encore...

Je secoue la tête en serrant ma jumelle dans les bras. Je refuse d'entendre ça venant d'elle, personne ne mérite plus qu'une autre de subir cela. Même à la personne que je déteste le plus au monde, en l’occurrence ce type qui lui a fait du mal et continue à le faire encore aujourd'hui. Non je ne veux pas qu'elle croit qu'elle aurait pu faire autrement, qu'elle aurait dû faire ceci ou cela...

- Tu n'as pas à te sentir stupide nini...Tu n'as pas à chercher la raison du pourquoi du comment. Ce genre de personnes...agissent ainsi sans explication... ça aurait pu être quelqu'un d'autre...

Je la berce de nouveau. Je ne sais pas vraiment si j'ai les bons mots, si je fais bien les choses, je veux juste qu'elle comprenne que je suis là, auprès d'elle. Nos parents ne sont plus ici pour la soutenir, nous avons un frère absent, occupé, je ne sais pas si Ren est au courant je vais donc déduire qu'elle n'a que moi comme famille pour la soutenir dans cette épreuve.

- Je serais toujours là pour toi, je serais toujours présent. Quoi qu'il arrive de jour comme de nuit, je ne veux pas que tu hésites...

Je me plonge dans ses yeux noisettes pour bien qu'elle voit que je ne plaisante pas, que ce ne sont pas des paroles en l'air. Oui je me suis lancé dans un cursus qui me prends beaucoup de temps, mon futur métier demandera beaucoup d'investissement, mais je ne veux pas oublier ma famille et elle est ma famille. Je caresse sa chevelure tout en la regardant.

- Je t'aime ma nini, quoi qu'il arrive. Tu es mon pilier, ma moitié, tu es très importante pour moi.

Je la prends de nouveau dans mes bras. Je ne suis pas une personne tactile d'ordinaire mais avec mes proches, ma sœur surtout je peux l'être facilement. Surtout dans ce genre de situation. J'enfouis mon visage dans le creux de son épaule et la berce de nouveau en silence. Je pense que c'est important que je lui dise mes sentiments, que je lui dise que je l'aime. Pour moi ça me paraît logique, c'est ma sœur, je l'aime, c'est normale. Non ce qui me paraît logique ne l'est pas forcément pour elle. Je tiens à lui dire, lui faire comprendre.

J'ai un regard brillant de fierté pour ce dessin. Pas parce que ce portrait est le miens mais bien parce que je relève ici une fois de plus, le talent de Niamh. Je souris. D'un point de vue artistique, nous sommes différent. Disons que j'arrive à gribouiller, j'arrive à reproduire des plantes, des baguettes, des outils, des fioles, ce qui est en rapport avec ma vocation, mais je suis incapable de reproduire un portrait et surtout de tête. Elle est incroyablement douée et je n'en n'ai jamais douté. Je souris, lorsque nous étions plus petit elle tapissais notre chambre de ses dessins sortie tout droit de son imagination. Je pense d'abord à l'encadrer mais Matte mon colocataire va penser que je suis imbus de ma personne, il sera dans ma chambre, je lui trouverais une place. Je relève le visage pour la regarder.

- Tu as vraiment un don sœurette, c'est magnifique, le portrait est plus beau que l'original.

Je ris doucement. Je l'imagine sans mal être concentrée sur sa feuille, fusain à la main. Un visage perdu dans le vide, une langue peut-être sur le côté par moment sur des détails importants et difficile. Elle doit tenir ça de notre père, je sais qu'il était d'une certaine façon un artiste lui aussi. J'étais incapable contrairement à ma sœur d'apprendre la guitare, je n'ai jamais réussi à coordonner mes deux mains pour faire les accords et pour faire un son correct. Je n'ai pas eu la rigueur de ma jumelle.

- Tu me feras voir tes autres dessins ? Sauf si c'est nu.

Je plaisante bien entendu. Voir des personne dans le plus simple appareil fait parti de mon métier. Je voulais l'embêter et détendre un peu plus l'atmosphère. Avec la grosse bombe lâchée quelques minutes plus tôt, je ne savais pas si j'allais parvenir à lui faire changer les idées. C'est finalement elle qui a changé de sujet, j'espère simplement qu'elle ne voulait pas couper court à cette aveu. Je m'inquiète pour elle.

Je la bloque contre moi pour l’empêcher de bouger. Il faut qu’elle se pose un peu. Elle ne tient pas en place. Je la retiens contre moi, je n’ai pas envie qu’elle se lève. Je lui fais savoir que je ne veux rien, je n’ai même pas fini mon thé qui doit être maintenant bien froid. Je préfère profiter de ce moment rare entre nous. Nous nous exprimons peu dans la famille ou alors quand c’est le cas, surtout mon frère…c’est pour nous rappeler à quel point nous lui avons gâché sa vie…Ses mots étaient durs, je suis conscient qu’il le pense encore aujourd’hui probablement, mais c’est assez étrange…je n’arrive pas à lui en vouloir. Je fronce des sourcils, je ne sais pas pour quelle raison je pense à cela. Je caresse distraitement ses cheveux, perdu dans mes pensées. Aborder le sujet de Charles avec nini est délicat, cela fait combien de temps que nous n’avons pas eu de nouvelles de lui ? Parfois j’ai l’impression d’avoir qu’elle dans ma famille, disons qu’une sœur et pas un frère. Il y a des instants où j’oublie même jusqu’à son existence. Je suis un frère horrible. Je le suis aussi avec elle. Je laisse tomber ma tête contre la sienne et regarde dans le vide.

- Tu ne veux pas étudier le dessin ? Je sais que tu as arrêté les études mais regarde comment tu es douée. Je crois que je pourrais flâner dans des couloirs interminables et contempler tes croquis, tes dessins sans compter les heures.
 
Je ne dis pas cela pour rien, je le pense. Ce n’est qu’une idée, le plus important pour moi est qu’elle soit épanouie dans sa vie, peu importe ce qu’elle fait, ce qu’elle va entreprendre, si elle change de métier, si elle reprend ses études. Je ne veux que son bonheur. D’un coup je pense  Fiona, je ne sais pas pour quelle raison, mais son visage est apparu dans mes pensées et je viens de me rendre compte de quelque chose…J'allais ouvrir la bouche mais je me souviens d'une chose. Nini n'est pas au courant de la grossesse de Fiona etde tout ce qu'il se passe avec Zeno...J'ai failli gaffer...

Je sais que je ne devrais pas, mais je souris en y pensant, c’est fou quand même. Je n'aurais jamais cru que j'allais vivre une telle situation. Tombé amoureux d'une fille enceinte d'un autre, que je n'allais probablement jamais revoir un des meilleurs amis de ma jumelle et...Je vais être…papa. J’ai vraiment dû mal à réaliser. Est-ce que le bébé portera mon nom ? Est-ce qu’il sera un ou une Walsh ? La famille va s’agrandir. Ce que j’aimerais que nos parents soient encore en vie pour voir comment nous avançons les uns les autres. Faut que j’arrête de penser ainsi…Cela me rends triste. Je suis bien trop sentimentale.