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Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Dim 13 Jan 2019 - 23:42
Le front en sueur, les mains tremblantes, le cœur palpitant, les larmes coulant le long de ses joues, c'est ainsi que Prudence se réveilla en plein milieu de la nuit. Son corps était secoué de douleur tandis qu'elle se trouvait assise dans son lit. Désorientée, la jeune femme frémissait entre ses draps. Sa vision était troublée et elle eut besoin de quelques secondes pour comprendre où elle se trouvait. Non elle n'était pas assise dans les gradins d'un stade. Non un match de Quidditch ne se déroulait pas sous ses yeux. Non son mari ne venait pas de mourir devant elle. Ca c'était il y a quelques années. Pourtant les souvenirs lui étaient revenus avec vivacité et violence. Hésitante, elle posa un pied sur le parquet froid de sa chambre et se dirigea vers la fenêtre. Elle tira le rideau et observa le parc de l'école qui s'étendait devant elle. Il devait être aux environs de deux heures du matin, la lune était encore haut dans le ciel. Cherchant à redonner une respiration mesurée et contrôlée à son cœur, la jeune enseignante fixa les étoiles de longues secondes. Sans doute que son mari l'observait à cet instant précis, oui, sans doute. Elle ne s'en était pas aperçu mais les larmes continuaient de couler lentement sur sa peau douce. Après toutes ces années, elle rêvait encore de ce jour maudit où on lui avait retiré celui qu'elle aimait. Elle revoyait encore avec précision et exactitude cet instant terrifiant où on lui avait volé l'homme de sa vie. La chute avait été rapide pourtant dans son esprit elle avait duré une éternité. Elle le revoyait là, gisant sur le sol, le corps décharné, le sang s'échappant de ses lèvres tandis que son âme quittait peu à peu son corps. Un haut le cœur la prit soudainement et elle se précipita aux toilettes pour vomir. Le coeur au bord des lèvres la jeune Bellevue avait l'impression de devenir folle. Incapable de se rendormir après avoir vécu pour la énième fois ce cauchemar, elle prit sa douche, cherchant à évacuer les images qui la rongeaient tant. Lorsqu'elle sortit de la douche, elle se vêtit d'un coup de baguette magique. Il était impossible pour elle de se remettre au lit. La jeune professeur commença alors à faire les cent pas, à tourner et tourner encore. Son regard se posa à maintes reprises sur son bureau et plus précisément sur l'une des portes. Il y avait du whisky dedans. Elle le savait, c'était elle qui l'avait rangé ici. Elle se dirigea vers l'emplacement et sortit la bouteille. Ses mains tremblaient tandis qu'elle observait le contenu ambré du récipient. Elle enleva le bouchon, sentit les effluves monter jusqu'à ses narines. Elle hésita, une fois, deux fois, et puis finalement, contre toute attente, elle se ravisa. Elle rangea la bouteille et sortit précipitamment de sa chambre. Ses chaussures résonnaient sur le carrelage du couloir tandis qu'elle courait vers la sortie. Il fallait qu'elle prenne l'air et vite, il fallait qu'elle sorte avant d'imploser ou pire, d'exploser. Une fois les portes de la bâtisse poussées, un courant d'air froid vint l'envelopper. Elle n'avait pas mis de manteau, mais elle s'en fichait, l'air glacial lui procurait un bien fou. Les yeux clos, elle huma ce qui l'entourait. Lentement l'étau qui l'encerclait, l'étau qui l'étouffait s'évapora. Peu à peu elle semblait reprendre ses esprits. Quelques secondes plus tard, la jeune femme se dirigeait vers les serres.
Elle marchait d'un pas déterminé, mais ses pas précipités trahissaient tout de même le tourment qui la rongeait. Elle essayait tant bien que mal d'effacer les images terribles qui étaient revenues la hanter en pensant aux cours qu'elle allait prodiguer dans la journée. Le dictame, voilà ce qu'elle allait présenter à ses élèves. Une plante d'apparence tout à fait inoffensive mais qui renfermait un puissant pouvoir. Cette plante servait dans le domaine médicinal. Elle permettait entre autres de rendre ses souvenirs à une personne qui les avait oubliés . Ironique lorsque l'on savait que Prudence aurait tout fait pour ne plus revoir le meurtre – non l'accident – de son mari. Sans même s'en rendre compte la professeur de botanique était arrivée aux serres. Elle poussa les portes et la vue des plantes, l'odeur qui l'entourait l'apaisa en quelques instants seulement. S'il y avait bien un endroit où elle se sentait chez elle, où elle se sentait bien, c'était les serres. Elle avança lentement vers les bacs où était entreposé le dictame lorsqu'elle sursauta. Une mélodie venait de parvenir à ses oreilles. Etait-ce une hallucination ? Etait-elle en train de rêver ? Elle observa autour d'elle mais ne vit rien. Prudente, elle suivit le son de cette mélodie et vagabonda entre les différentes plantes pour finalement apercevoir la silhouette d'un homme qui jouait de la musique. Elle fronça les sourcils et sentit la colère grandir en elle. Qui était cet élève qui se permettait de venir ici en toute impunité au beau milieu de la nuit ? Prête à exploser, elle se dirigea d'un pas décidé vers l'intrus. Elle se stoppa cependant rapidement lorsqu'elle reconnut Evan Wakefield, le professeur de musique. Elle soupira, et alors qu'il lui tournait le dos, demanda d'une voix plus sèche qu'elle ne l'aurait souhaité : « Que fais-tu là Wakefield ? » La musique s'arrêta tandis que son collègue se tournait pour croiser enfin son regard. Les bras serrés sur sa poitrine, la jeune femme attendait une réponse qui peinait à venir. « Tu n'es pas au courant que la nuit est faite pour dormir ? ». Et elle ? Dormait-elle ? Non. Mais ce n'était pas la question. Il empiétait sur son territoire, il empiétait sur le calme et la solitude qu'elle recherchait en cet instant précis.
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Mar 15 Jan 2019 - 3:51
Il y avait longtemps que les yeux mordorés de son épouse ne l'avaient pas hanté - aujourd'hui, lorsqu'il pensait à la danseuse moldue pour laquelle le grand sorcier roux avait été prêt à consacrer toute sa vie, sa fortune et son nom, il s'agissait de souvenirs doux et teintés de tendresse. Cette nuit, pourtant, sa chute onirique avait été accompagnée d'un cri déchirant, qu'il avait reconnu, comme si un pieu s'était fiché dans son coeur. La voix de sa ballerine aux pieds de fée, son désarticulé et primal chutant avec son corps meurtri. Le professeur de musique ne quittait ses appartements que rarement lorsqu'il ne trouvait pas le sommeil la nuit, mais depuis décembre, plusieurs de ses habitudes étaient chamboulées par le douloureux souvenir de l'attaque qu'il avait subie. Alors que l'Écossais laissait généralement passer les heures nocturnes installé à son piano ou lisant un livre en haut de la tour d'astronomie, le silence le calmant et répondant à son chaos intérieur, il avait ressenti une sensation proche de la claustrophobie en s'éveillant, cette nuit-là. Désireux d'échapper aux murs de pierre qui avaient pourtant constitué son seul domicile fixe depuis les quinze dernières années, le sorcier avait rapidement enfilé une chemise et une veste de mouton retourné avant de s'élancer dans la nuit, son fifre précieusement rangé dans sa poche. Installé dans le parc, il s'était assis sur le banc criminel, celui où s'était installée la rouquine lorsqu'il avait choisi de chanter pour elle sous sa forme animagus avant d'être attaqué par un rapace. Sortant le petit instrument de sa poche d'un mouvement économe, il en avait tiré quelques notes mélancoliques, tentant d'échapper à la sensation qui ne le quittait plus que rarement lorsque le sommeil venait le trouver : le souvenir de son corps de rossignol, déchiré par les serres de l'oiseau prédateur, chutant du ciel pour s'écraser sur le sol enneigé, suspendu entre vie et mort, pensant à Elena.
Evan avait fini par fermer les yeux, ses doigts engourdis par le froid continuant de tracer les notes sur la surface de son pipeau irlandais, laissant la musique le guider et le suspendre dans cet état second qui avait préservé sa santé mentale toutes ces années. Once more, with feeling. Ses lèvres bleues laissaient passer le souffle précis requis par son petit instrument, qu'il finit par laisser tomber sur ses genoux, ses doigts crispés portés à sa bouche, laissant échapper son souffle chaud sur ses longs doigts de pianiste. Le musicien ne souhaitait pas avoir à rejoindre ses appartements immédiatement, sachant qu'il arpenterait son bureau comme un grand fauve en cage. Levant les yeux, il aperçut les serres de l'université, et se dirigea vers celles-ci d'un pas décidé, la chaleur humide de l'environnement de botanique l'enveloppant dans des bras réconfortants alors qu'il s'y glissait. Les effluves de terre et d'engrais piquaient agréablement sa gorge - le professeur de musique avait-il seulement réalisé le besoin inconscient qu'il avait eu d'être entouré par la vie aux moments les plus cruels de l'hiver? Appuyé contre un pilier soutenant la structure de verre, une jambe croisée par dessus l'autre, Evan reprit sa mélodie mélancolique aux trémolos malicieux - à son image, fermant les yeux à nouveau. Une voix sèche l'interrompit, et il sursauta bien malgré lui. « Que fais-tu là Wakefield ? » Evan se retourna pour faire face à sa collègue, ex-rivale au Quidditch devenue ... Qu'étaient-ils devenus? Il n'aurait su le dire. Pas amis, exactement, mais pas complètement indifférents non plus. « Grands dieux Crevette, je ne t'ai pas entendue entrer », s'exclama le grand rouquin. Crevette - surnom attribué lors de leur adolescence sur le terrain de Quidditch, en référence à sa petite taille. Compétitive et enflammée sur le terrain, ladite crevette avait semblé accepter ce surnom - elle ne l'avait jamais corrigé, et Evan avait continué de l'utiliser à Hungcalf, lorsqu'ils ne se croisaient plus au Quidditch mais uniquement dans les couloirs. Pas vraiment ami, mais pas vraiment indifférent non plus. Il la saluait au détour des couloirs de l'université d'un rapide Hé, Crevette!, disparaissant ailleurs. « Heureusement que je n'ai pas de soucis cardiaques ». L'air soupçonneux, Prudence continua de l'interroger comme s'il était un étudiant à tancer - une fâcheuse habitude qu'elle semblait partager avec plusieurs de ses collègues. Misère. « Tu n'es pas au courant que la nuit est faite pour dormir ? » Haussement des épaules, air d'une sublime ironie teintée d'indifférence, le sorcier sourit. « Je pourrais te poser la même question. Je sais, je sais », dit-il avant qu'elle puisse répliquer, « C'est moi qui empiète sur ton domaine, donc c'est à toi de poser les questions. Je jouais dehors, si tu veux tout savoir, mais mes doigts allaient tomber donc j'ai décidé de profiter de l'agréable refuge offert par les serres. Tu sais, je n'ai jamais pensé à vérifier si la théorie selon laquelle la musique peut aider la croissance des plantes est avérée, mais le cas échéant, pas besoin de me remercier », termina-t-il, trémolo d'amusement dans la voix. Sentant que la professeure n'entendait que bien peu à rire, son ton se fit plus sérieux. « Je peux libérer ton domaine, si tu préférais t'y promener seule. Sinon, je peux simplement jouer en t'ignorant aussi, j'ai de l'expérience en la matière - après tout, tu ne criais jamais tes insultes assez fort au Quidditch », termina-t-il, petit pli amusé aux lèvres.
@Prudence Bellevue
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Mer 16 Jan 2019 - 19:46
« Grands dieux Crevette, je ne t'ai pas entendue entrer ». Le corps de l'enseignante se figea. Elle sentit ses muscles se contracter et se crisper. Un voile de tristesse barra son regard tandis qu'elle cherchait à échapper aux yeux de son collègue. « crevette », « crevette », ce surnom résonnait sans cesse dans son esprit. Il la ramenait tout droit aux années où elle pratiquait encore le Quidditch, où monter sur un balai était une délivrance. La sensation du vent dans ses cheveux, l'impression que rien ni personne ne pourrait jamais l'arrêter, le sentiment de pouvoir que lui procurait la vitesse, oui, « crevette » la ramenait des années en arrière. Mais ce soir, elle n'avait pas besoin qu'on lui reparle de Quidditch, elle n'avait pas envie de repenser à tout cela, ne supportait plus l'idée de voir un balai. C'était ce sport qui avait tué son mari, c'était cette liberté qui avait achevé celui qu'elle aimait. « Pas crevette, pas ce soir » Sa voix se brisa plus qu'elle ne l'avait imaginé. Elle n'avait pas envie de s'étaler sur ses sentiments, n'avait pas envie d'expliquer à Evan ce qui la traumatisait cette nuit. Il ne devait pas comprendre pourquoi ce surnom qu'elle avait depuis des années lui faisait tout à coup, au milieu des serres, du mal. Elle avait toujours apprécié qu'il l'appelle comme ça, parce qu'il n'y avait rien de méchant dans ce surnom, au contraire. Elle était petite, fluette, mais sur un balai c'était une véritable teigne, impossible de s'en débarrasser, impossible de l'écraser. Elle porta à nouveau son attention sur l'intrus lorsqu'il ajouta : « Heureusement que je n'ai pas de soucis cardiaques ». La belle leva les yeux au ciel. Bien sûr qu'il n'était pas cardiaque, avec tout ce qu'il avait vécu durant les matchs de Quidditch, heureusement qu'il ne l'était pas. Un minuscule sourire illumina l'espace de quelques secondes le visage aux traits tirés de la jeune Bellevue. Tandis qu'à nouveau elle détournait son regard. Elle était mal à l'aise, ne savait pas quoi faire ni comment agir. Evan venait bouleverser tous ses plans de tranquillité et de quiétude. Elle s'était imaginée seule au milieu de ses plantes à évacuer sa peine et sa douleur. Désormais, il était impossible pour elle de le faire. Elle avait l'impression qu'il empiétait sur son espace vital. Mais les serres lui appartenaient-elles vraiment ? Elle ne savait plus comment réagir, dépassée, perturbée, elle s'approcha d'un bac au hasard et commença à rempoter la plante, comme si c'était la chose la plus normale à faire à 4h du matin, comme si elle était venue expressément pour cela. « Je pourrais te poser la même question. Je sais, je sais » Pardon ?! Prudence releva vivement le visage dans sa direction, un éclair de colère traversant son regard, mais le garçon enchaîna rapidement : « C'est moi qui empiète sur ton domaine, donc c'est à toi de poser les questions. Je jouais dehors, si tu veux tout savoir, mais mes doigts allaient tomber donc j'ai décidé de profiter de l'agréable refuge offert par les serres. Tu sais, je n'ai jamais pensé à vérifier si la théorie selon laquelle la musique peut aider la croissance des plantes est avérée, mais le cas échéant, pas besoin de me remercier ». La jeune femme le fixait, incapable de dire le moindre mot. Evan avait toujours eu ce pouvoir, celui de maîtriser – en plus des instruments – les mots et la rhétorique. Il était difficile – pas impossible – d'avoir le dernier mot avec lui. Il était agile et malin, il parvenait sans cesse à retomber sur ses pattes. L'éclair de colère avait disparu aussi rapidement qu'il était apparu tandis que l'amusement se lisait désormais dans les yeux de la douce. « On ne pourra jamais le vérifier, tout le monde sait que si ces plantes sont magnifiques c'est grâce à mon incroyable talent ». Un sourire amusé s'installa sur son visage tandis qu'elle continuait à rempoter sa plante. Il avait peut-être raison néanmoins, peut-être que sa musique pouvait aider à la croissance des plantes. Prudence se jura de tenter cette expérience, mais une prochaine fois. Alors qu'elle s'apprêtait à rempoter une seconde plante, sa main se figea en l'air lorsqu'il poursuivi : « Je peux libérer ton domaine, si tu préférais t'y promener seule. Sinon, je peux simplement jouer en t'ignorant aussi, j'ai de l'expérience en la matière - après tout, tu ne criais jamais tes insultes assez fort au Quidditch ». Elle ferma les yeux rapidement, mais à peine ses paupières closes qu'elle voyait à nouveau son mari s'écraser sur le sol. Elle se retourna vivement vers Evan et sans même comprendre pourquoi, elle s'approcha de lui et d'une voix sèche elle lui répondit : « En effet, quitte les lieux. Rapidement. » Elle lut la surprise et l'incompréhension dans son regard mais cela lui était égal. Elle se savait insupportable, ingérable, elle savait que ses crises de nerfs, ses changements radicaux d'humeur étaient déstabilisants, agaçants, mais elle n'y pouvait rien, elle ne parvenait pas à se contrôler. « Sors de là ! » répéta-t-elle avec colère. Elle finit par se détourner et par aller dans le fond de la serre, les mains tremblantes tandis qu'elle sentait à nouveau les larmes lui monter aux yeux. Elle n'osait pas le regarder, n'osait pas vérifier s'il était toujours dans les parages ou non. Il n'y était pour rien, il ne pouvait pas savoir que le mot « Quidditch » la brutalisait, il ne pouvait pas savoir que son cœur était en miettes et qu'elle avait la sensation qu'on l'avait piétinée toute la nuit. Elle avait bien conscience de cela, elle se savait injuste mais elle ne parvenait pas à agir autrement. Les yeux dans le vide, fixant s'en vraiment les voir des mandragores, elle se mit soudainement à pleurer en silence. Les larmes ruisselaient sur son visage tandis que son corps était doucement secoué de sanglots. Elle porta ses mains jusqu'à son visage, cherchant à dissimuler sa peine et sa souffrance. Il fallait qu'elle se ressaisisse, elle le savait pertinemment, mais ce soir, elle semblait tout bonnement en être incapable.
@Evan Wakefield
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Ven 18 Jan 2019 - 15:55
Visiblement remuée, Prudence rempotait des pots alors qu'il lui expliquait la raison de son intrusion. Les professeurs de l'université entretenaient de complexes relations avec leur territoire, Evan l'avait remarqué. À l'instar de nombreux professeurs, le rouquin devait partager sa salle de classe avec les cours de théâtre, mais il n'était pas territorial, laissant les étudiants pratiquer leurs gammes le soir sans crainte, leur confiant son piano personnel avec tranquillité. Prudence était l'une des rares du corps enseignant à ne pas partager son domaine, aussi était-il normal qu'elle ressente une certaine territorialité à l'égard des serres au sein desquelles poussaient ses précieux végétaux. Le professeur de musique suggéra à sa collègue la possibilité que ses mélodies aident ses plantes dans leur croissance, et fut satisfait de constater la trace d'amusement chez elle. « On ne pourra jamais le vérifier, tout le monde sait que si ces plantes sont magnifiques c'est grâce à mon incroyable talent » Un rire discret lui échappa, sous la forme d'un souffle rapide. Evan connaissait peu de choses aux plantes, n'ayant pas choisi cette option universitaire - il avait obtenu des résultats plus que décents en botanique à Poudlard, mais ces hautes notes étaient davantage dues à la prédisposition académique de l'ancien Griffondor qui, au demeurant, avait toujours eu une excellente mémoire. Ce trait lui servait particulièrement en musique, le pianiste étant capable de retenir l'essentiel d'une partition après une ou deux écoutes. Evan suggéra à Prudence qu'il pouvait quitter les lieux si elle le souhaitait, y ajoutant une légère boutade sur leurs années passées au quidditch. Innocemment, comme on demande l'heure ou comme on fait une remarque à un ami en passant, sans réfléchir - pourquoi l'aurait-il fait, après tout? La base de leur relation ne reposait-elle pas sur ce passé sportif?
Peut-être n'aurait-il pas dû être surpris de la réaction de sa collègue - elle oscillait si souvent entre amusement et agression en sa présence qu'Evan aurait probablement mieux fait de l'éviter, mais il l'appréciait, cette femme orageuse. Avec une rapidité fulgurante, elle le rejoignit et lui cracha au visage de s'en aller. « En effet, quitte les lieux. Rapidement. » Confus, Evan resta interdit un instant, accordant un regard surpris à la sorcière. « Sors de là ! » répéta-t-elle, agression bien audible dans la voix, avant de s'éloigner de lui, échappant à son regard alors qu'elle se dissimulait dans la pénombre de la serre. Interloqué, Evan rangea sa petite flute dans sa poche. Si elle souhaitait être laissée tranquille, il partirait, respecterait son domaine et son silence. Un autre soir, peut-être aurait-il insisté, lui offrant un mouchoir ou une bouteille de whisky, mais la hargne dans la voix de la botaniste l'avait touché, et il se résigna à s'en aller. Entre sommeil déchirant, doigts gelés et engueulade, il était servi. Quelle nuit désagréable. « Je suis désolé, Prudence », dit-il doucement, à peine assez fort pour qu'elle l'entende. Petit soupir de regret. Depuis décembre, depuis l'attaque, il semblait si peu adroit dans ses interactions avec autrui qu'il se demandait si le rapace ne lui avait pas tenaillé le coeur au passage. « Je te laisse tranquille, promis ». Le pianiste tourna les talons, attrapant la poignée de la porte donnant accès aux serres de sa main droite, la tirant en la faisant légèrement grincer pour quitter les lieux. Parvenu à l'extérieur, il s'arrêta. Nul besoin de se dépêcher, Prudence était seule en son domaine et aurait la paix, et lui pourrait décider s'il souhaitait retourner se coucher ou simplement passer la nuit à errer jusqu'aux lueurs du jour. Il consulta la hauteur de la lune dans le ciel, et estima qu'il devait être environ 4h00 du matin. Les cours débutaient dans quatre heures - une sieste lui ferait plus de tort que de bien, décida Evan. Il resterait debout, quitte à demander un café particulièrement corsé à Sapphire, sa nouvelle assistante. Un soupir profond lui échappa, teintée de regrets et de mélancolie.
@Prudence Bellevue
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Ven 18 Jan 2019 - 23:02
Bouleversée, l'enseignante tentait de reprendre calmement sa respiration, mais pour se faire il fallait d'abord qu'elle arrête de pleurer et cela n'était pas une mince affaire. Elle ferma les yeux de longues secondes, inspira profondément et expira. Les larmes continuaient de couler mais le flot était moins rapide qu'il ne l'était quelques secondes auparavant. Bien trop occupée à tenter de gérer ses émotions, elle n'entendit que faiblement le « Je suis désolé Prudence » d'Evan, à dire vrai elle en avait presque oublié sa présence. Son esprit était bien trop chamboulé, bien trop perturbé pour qu'elle puisse pleinement discerner ce qui l'entourait. Elle n'était plus que morceaux éparpillés, et elle tentait lamentablement de se reconstituer. Machinalement, elle découpa une feuille de mandragore qui commençait à tomber lorsqu'elle entendit un murmure s'éloigner : « Je te laisse tranquille, promis » Bien très bien, elle allait enfin pouvoir pleurer seule, même crier si l'envie lui en prenait. Elle était soulagée qu'il parte, encore plus lorsqu'elle entendit la porte grincer.
Vraiment ? Le silence se fit et alors que c'était ce qu'elle attendait depuis quelques minutes, elle eut la désagréable sensation qu'on lui appuyait sur le cœur, comme si sa cage thoracique tentait de se resserrer autour d'elle afin de l'emprisonner. Les yeux bouffis de larmes, la belle porta sa main à sa poitrine. Elle avait désormais l'impression qu'elle était en train de suffoquer. Que lui arrivait-il ? Pourquoi son corps réagissait-il ainsi ? Sans doute était-ce son esprit qui – une nouvelle fois – lui jouait un mauvais tour. Perdue, elle se mit accroupie quelques instants cherchant à apaiser son corps et son âme. Les yeux clos, Prudence reprenait peu à peu contenance. Elle avait cessé de pleurer et sa respiration avait repris un rythme presque normal. Soulagée, elle finit par se relever. Soudain toute ce qu'elle venait de vivre lui revint en pleine face. Evan. Evan qu'elle avait renvoyé comme un malpropre, qu'elle avait traité avec mépris et colère. Evan qui n'avait strictement rien fait de mal, qui n'avait rien demandé. Evan qui avait cherché refuge dans ses serres, au beau milieu de la nuit, qui – sans doute – avait lui aussi besoin de calme et de sérénité. Son sang se glaça et c'est en courant qu'elle se dirigea vers la sortie des serres. Elle regarda autour d'elle et l'aperçut un peu plus loin à quelques mètres de là. Il marchait en direction de l'école. Sans vraiment réfléchir la jeune Bellevue se mit à crier : « Evan ! Evan attends ! » et afin de s'assurer qu'il n'allait pas partir comme ça, elle courut à sa suite. Elle l'attrapa par le poignet pour qu'il s'arrête et qu'elle puisse lui faire face. Au contact de sa peau contre la sienne, la professeur de botanique eut l'impression de recevoir une décharge électrique. Elle n'aimait pas le contact physique, du moins elle ne l'aimait plus. Depuis la mort de son mari elle évitait au maximum de toucher les autres. Elle ne savait pas pourquoi mais c'était ainsi qu'elle agissait. Elle posa son regard sur sa main et finit par lâcher l'enseignant. Se mordillant la lèvre inférieure – signe de nervosité chez elle – elle avait du mal à le regarder dans les yeux. Fixant stupidement le sol, elle marmonna un : « Je suis désolée, pardonne-moi, ce n'était pas contre-toi... » Des excuses ? De la part de Prudence ? C'était tellement rare qu'elle-même se demandait si elle venait vraiment de le faire. Elle finit tout de même par le regarder dans les yeux et cherchant une excuse à son comportement inexcusable elle ajouta : « Je... J'ai passé une mauvaise nuit et... » Et quoi ? Et je t'ai hurlé dessus parce que j'avais besoin d'évacuer mes nerfs ? Non clairement, rien ne justifiait son attitude. Gênée, elle passa une main au niveau de sa nuque avant de lui proposer : « Tu... Tu ne veux pas revenir jouer de la musique dans les serres ? Comme ça on pourrait vérifier ta théorie... » Comme ça je ne resterai pas seule, voilà ce qu'elle avait envie de lui dire, voilà ce qu'elle aurait dû lui dire. Mais elle en était incapable, admettre qu'elle avait eu tort avait été difficile pour elle, mais admettre que la solitude la terrifiait était tout bonnement impossible. Ses yeux toujours plantés dans ceux de son ancien adversaire, elle attendait anxieuse qu'il prenne une décision. A sa place qu'aurait-elle fait ? Sans doute l'aurait-elle envoyé balader avant de faire demi-tour, oui, sans doute...
@Evan Wakefield
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Sam 19 Jan 2019 - 14:35
Evan reprit le chemin de l'université, se disant qu'il pourrait regarder le soleil se lever du haut de la tour d'astronomie qu'il affectionnait tant à l'époque de ses études universitaires. Voir son souffle former des volutes blanches sur l'air glacé, calmer le complexe jeu de poigne que ses entrailles semblaient vouloir lui jouer ces temps-ci, comme si un élevage de papillons s'était logé au creux de ses abdominaux. Cri derrière lui. Le professeur leva les yeux au ciel. « Evan ! Evan attends ! » Était-elle venue lui crier des insultes ou lui casser un pot sur la tête? Quoique, il lui faudrait un escabeau pour ça, se dit-il d'une pensée sardonique. Elle l'arrêta par la force - enfin, il s'arrêta, surpris que la professeure le saisisse. Ce devait être leur premier contact tactile, si on excluait les chocs cruels qu'ils s'étaient mutuellement réservés lors de leur adolescence, sur le terrain. Ressentant une pointe d'impatience et de lassitude, il se retourna pour faire face à la sorcière. L'air mal à l'aise, elle n'osait plus le regarder, et le pianiste attendit que sa collègue lui révèle la raison de son acharnement. « Je suis désolée, pardonne-moi, ce n'était pas contre-toi... » Haussement de sourcils bien haut dans son visage. Il fut presque tenté de se pincer, mais le sorcier ne souhaitait pas ridiculiser la botaniste alors qu'elle se faisait si clairement violence. « Nous étions seuls dans les serres, pourtant. T'adressais-tu à quelqu'un d'autre? » Ton qui demandait une certaine explication. Evan n'était pas cruel, mais il n'était pas insensible non plus. Prudence releva enfin les yeux pour les poser sur ceux du musicien. Son agacement fondit en voyant le regard de la jeune femme, le vert de ses prunelles exacerbé par leur rougeur - il voyait bien que ses yeux étaient bouffis de larmes, et une douce compassion remplaça son impatience précédente. « Je... J'ai passé une mauvaise nuit et... » Il attendit qu'elle termine sa phrase, mais Prudence ne compléta jamais son explication. « Tu... Tu ne veux pas revenir jouer de la musique dans les serres ? Comme ça on pourrait vérifier ta théorie... » Entendait-il une pointe de supplication dans sa demande?
Evan avait beau être une personne pleine de compassion, il n'était pas non plus une poupée de son à manipuler et torturer à sa guise. Le débat entre rester et partir était clair dans ses yeux clairs - traité de la sorte, il aurait envoyé bouler à peu près n'importe qui d'autre ... mais l'Écossais reconnaissait une part de la douleur qu'il voyait en Prudence, celle de perdre son partenaire, son compagnon. Il n'avait pas été plus agréable qu'elle, à l'époque, perclus de douleur et croyant devenir fou de souffrance. Aussi glissa-t-il un petit regard tissé de gentillesse à la botaniste, dont les actions n'auraient peut-être pas dû lui valoir la compassion du professeur de musique. Un léger soupir quitta ses lèvres, formant un écran de buée translucide entre leurs visages l'espace d'un instant. Tant pis, elle l'aura quand même. « Avec plaisir, Cr- Prudence », dit-il, sourire rempli de chaleur aux lèvres alors qu'il se rattrapait de justesse. N'avait-elle pas dit de ne pas l'appeler par son surnom habituel? Pas ce soir. « Mais ... » Evan tourna la tête vers elle, sourcil haussé. « Tu dois promettre de ne pas essayer de me casser un pot sur la tête. Tu ne te rendrais pas, de toute façon ». Les deux sorciers franchirent à nouveau la distance les séparant du domaine de botanique. Evan tira la porte à nouveau, le son grinçant les accueillant dans l'environnement de verre et de vert. « Il faudrait la graisser, celle-là », dit-il d'un ton distrait, jetant un regard à Prudence alors qu'il cherchait quoi faire de ses dix doigts. « Je me place entre vos mains d'experte, ô reine de la botanique. Quelles plantes manquent d'amour? » Evan avait presque dit qui. Qui manque d'amour, sachant fort bien que c'était bien là la source du drame. Heureusement, il s'était gardé de ne faire qu'une minuscule allusion à la situation de la professeure, attendant patiemment qu'elle lui indique où se placer.
@Prudence Bellevue
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Mar 29 Jan 2019 - 20:36
L'attente avait paru interminable pour la jeune enseignante. Elle avait eu l'impression qu'il avait mis une éternité avant d'enfin la regarder. Son regard était sombre et elle sentait clairement une pointe d'agacement voire de colère dans ses prunelles. Mais pouvait-elle le lui reprocher ? Non, bien sûr que non. C'était elle qui avait provoqué cette situation délicate et inconfortable. C'était elle qui avait craché son venin sans même réfléchir avant de parler. Après tout, qu'avait-il fait lui de son côté ? Rien, strictement rien. Au contraire, il avait été plutôt agréable, avait même tenté de plaisanter. Prudence se mordit l'intérieur de la joue lorsqu'elle fit ce triste constat. Telle une enfant elle ne tenait pas en place et piétinait. Elle n'avait qu'une envie : prendre ses jambes à son cou. Elle était même à deux doigts de le supplier de parler, de dire quelque chose, le moindre mot. Heureusement pour elle, Evan mit fin à ses souffrances en prenant la parole : « Nous étions seuls dans les serres, pourtant. T'adressais-tu à quelqu'un d'autre? ». La douce recula d'un pas, comme si les mots d'Evan l'avaient frappée de plein fouet. Elle ouvrit la bouche pour se justifier, pour trouver une explication, mais elle n'avait rien. Rien à dire. Il avait parfaitement raison et elle détestait se retrouver dans ce genre de situations. Elle détestait qu'on la mette devant ses propres erreurs, ses propres maladresses. Incapable de parler, elle finit par refermer la bouche, cherchant par la même occasion à fuir du regard. En observant le professeur du coin de l'oeil, elle eut l'impression de le voir se radoucir, mais elle n'en était pas sûre. C'est ainsi qu'elle avait enchaîné avec des explications plus ou moins hasardeuses concernant sa difficile nuit. Elle avait bien conscience que ses excuses étaient maigres. Elle savait au fond d'elle, qu'à la place d'Evan, elle aurait envoyé tout ça balader d'un revers de main. Pire que ça, elle se serait montrée plus que désagréable avant de finir par tourner les talons. Pourtant, le musicien ne semblait pas de son avis. Il lui faisait toujours face, et en le regardant à nouveau dans les yeux, elle avait l'impression qu'un véritable combat était en train de se jouer dans son esprit. Elle sentait bien qu'il était en train de réfléchir, qu'il envisageait sérieusement de l'envoyer sur les roses. Mais contre toute attente, il finit par répondre : « Avec plaisir, Cr- Prudence ». Un soupir de soulagement échappa à la jeune femme tandis qu'elle ne releva même pas le « crevette » qui avait failli refaire surface. Elle avait pleinement conscience de la chance qu'elle avait. Si cela n'avait pas été Evan en face d'elle, elle était prête à parier que l'issue de cette conversation n'aurait pas tourné en « sa faveur ». Elle lui fit un petit sourire reconnaissant alors qu'il fronçait les sourcils pour ajouter : « Tu dois promettre de ne pas essayer de me casser un pot sur la tête. Tu ne te rendrais pas, de toute façon » Un petit rire échappa à Prudence qui murmura par réflexe : « Oh ne me sous-estime pas... » Avant d'écarquiller les yeux et d'ajouter avec précipitation : « Mais promis, je ne le ferai pas ! ». Ils finirent tout deux par se diriger à nouveau vers les serres.
Evan la précéda et lorsqu'il ouvrit la porte, celle-ci se mit à grincer, il lui conseilla alors de la graisser, mais la jeune Bellevue haussa les épaules et lui répondit : « Oh non, ça me permet de savoir quand des intrus essaient de pénétrer dans mon antre... » Et elle lui adresse un petit clin d'oeil. Evidemment, cela ne fonctionnait que si la jeune femme était déjà dans les lieux, mais ce n'était qu'un détail... Alors que Prudence observait autour d'elle, son collègue lui demanda : « Je me place entre vos mains d'experte, ô reine de la botanique. Quelles plantes manquent d'amour? ». Elle fronça légèrement les sourcils tout en l'observant à la dérobade. Elle le connaissait assez pour comprendre qu'il y avait un petit sous-entendu dans sa question. C'était sans doute une façon pour lui de lui montrer qu'il savait ce qui la bouleversait tant cette nuit. Elle se gratta le menton tandis qu'elle réfléchissait. « Attends, j'ai une idée ! » Rapidement et avec agilité, elle déplaça quelques plantes dans un coin de la serre. Elle revint ensuite aux côtés de l'ancien joueur de Quidditch et lui montra du doigt les plantes qu'elles avaient laissées à leur place : « Celles-ci, je les ai plantées en même temps que celles que j'ai déplacées. Pour voir si la musique a vraiment un effet, je te propose de jouer vers les plantes que j'ai mises au fond. ». Cela paraissait plutôt logique. Et même si Prudence ne croyait pas vraiment à cette théorie sur la musique, elle était tout de même curieuse de voir si cela fonctionnait. Elle observa donc Evan se déplacer à côté des plantes. Elle lui donna un tabouret pour qu'il soit installé un peu plus confortablement. Rapidement, il sortit son instrument et commença à jouer une douce mélodie. Le cœur de Prudence se mit à battre un peu plus vite en entendant la musique. Il jouait divinement bien. La jeune femme l'avait toujours su, elle l'avait même déjà entendu mais cette nuit, c'était différent. Elle n'aurait su expliquer pourquoi mais la musique d'Evan la bouleversait, c'était comme si elle pénétrait au plus profond d'elle-même. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux mais elle les ravala rapidement avant de murmurer : « C'est magnifique. Si avec ça mes plantes ne poussent pas, je ne comprends pas. »
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Re: Tribulations nocturnes - Evan Wakefield
Sam 2 Fév 2019 - 1:42
Evan considérait que la plupart de ses collègues pouvaient être classés dans deux grandes catégories : les sérieux, compétents, rigides, organisés ... et ceux qui ne se prenaient pas tellement au sérieux. Le professeur de musique appartenait sans le moindre doute à la seconde catégorie, et la petite silhouette qui se tenait face à lui, à la première. Pourtant, les voilà qui se tenaient sous le regard de la lune, qui perçait à travers la structure de verre des serres pour les envelopper de son regard bienveillant. L'indiscipliné et la rigide. Prudence était bien davantage que rigide, le pianiste en était bien conscient, mais il n'oserait plus faire de remarque concernant le passé partagé ce soir, constatant les blessures vives habitant sa collègue. Aussi la suivit-il, regard affable, lui demandant où se placer. La petite sorcière s'affairait à déplacer des pots, et il la fixa du regard, alors qu'elle organisait la serre selon un schéma dont elle seule semblait avoir le secret. « Attends, j'ai une idée ! Celles-ci, je les ai plantées en même temps que celles que j'ai déplacées. Pour voir si la musique a vraiment un effet, je te propose de jouer vers les plantes que j'ai mises au fond. » Evan hocha la tête, solennel, claquant les talons ensemble comme s'il était un bon petit soldat. « À vos ordres, chef », dit-il d'un ton léger, petit sourire revenant étirer ses lèvres alors qu'il tirait à nouveau son pipeau pour le porter à son souffle. Installé sur le tabouret que Prudence lui avait donné, il commença à tirer une mélodie douce de l'instrument.
Elena l'avait aimée, cette chanson. Il se souvenait d'après-midis passés entre deux représentations des époux, l'une dansant, l'autre l'accompagnant au piano. Malgré leur vie teintée de musique et d'art, sa ballerine était toujours enchantée lorsqu'il jouait pour elle, ne se lassant jamais d'entendre les notes tirées de son instrument par le grand sorcier roux. La chanson n'était pas mélancolique, elle était même plutôt joyeuse, presque facétieuse, à l'image du musicien qui imprimait ses notes contre l'air entre sa spectatrice et lui. Mais une teinte de tristesse venait quand même tempérer la joie de la mélodie - Evan n'aurait su dire pourquoi il l'avait choisie, si ce n'était par désir de proximité d'âmes avec sa collègue. Tenter de lui dire de façon muette, je suis là. je te vois. Evan n'en ferait rien. Rempli de douceur et de compassion, il ne voulait pas risquer une autre explosion de la part de Prudence. Terminant son morceau, il releva la tête, accrochant son regard vert à celui de la jeune femme, qui lui traduit immédiatement son appréciation. « C'est magnifique. Si avec ça mes plantes ne poussent pas, je ne comprends pas ». Un murmure. Un large sourire revint éclairer le visage de l'Écossais. Quelle curieuse femme, cette Prudence. Il inclina la tête vers elle en guise de remerciement, toujours assis. Grand comme il était, même installé sur le tabouret il demeurait plus grand que la sorcière francophone. « Je pensais qu'elles poussaient grâce à tes bons soins et que c'était connu », lui glissa-t-il, taquin, avant d'ajouter : « Je suis un piètre juge de tes talents de botaniste dans tous les cas. Un peu comme si un enfant de cinq ans capable de faire des gribouillis se permettait de faire des commentaires à Monet ». Les paysages habités de verdure du peintre français plaisaient peut-être à la sorcière, devina-t-il. Prudent, il s'exprima à nouveau, parlant lentement et pesant ses mots. « Ne me lance rien s'il te plaît Prudence, mais ... » Il s'interrompit, incertain de savoir comment formuler son impression, son intention, sans se faire lancer un objet par la sorcière. Le professeur voulait simplement lui dire ... Quoi? je suis là. je te vois. « Tu sais que si tu as besoin de quelque chose, je suis là, oui? », dit-il avec une douceur infinie, priant qu'il n'éveillerait pas à nouveau le caractère désormais imprévisible de la botaniste. Evan glissa son pipeau dans sa poche à nouveau, prêt à le sortir à nouveau si Prudence lui demandait de jouer un autre morceau plus tard. Jetant un regard au ciel visible à travers le verre, Evan reprit la parole, l'air pensif. « Il semblerait que nous allons passer le reste de la nuit ici. Je te ferai un café avant le début des cours », remarqua-t-il en jetant un œil à Prudence. « Si tu veux me remercier, tu pourrais m'apprendre un truc. J'ai toujours un peu regretté de ne pas avoir pris la botanique en option, à l'université ».