En général, Selim garde ce masque de bonne humeur à longueur de journée. Ce qu'il fait, lui, c'est être présent pour les autres, faisant mine que tout paraît simple. Mais quand la vie lui joue un mauvais tour (encore un), le garçon, comme tout à chacun, à parfois du mal à rester à sa place. Son poing à rencontré la table de la réserve plus d'une fois, déversant un peu de colère et de frustration avant d'aller prendre son service. Les paiements de l'hôpital sont plus dur à gérer ces temps-ci. Alors Selim travaille encore plus fort, encore plus dur.

Fatigue, frustration et tension ne font forcément pas bon ménage. Selim est légèrement dispersé sur sa soirée, sourit poliment, fait moins de blague qu'à son habitude. Il s'occupe avec le même professionnalisme qu'à son habitude de ses clients habituels, sourit et essai de mettre la même ambiance qu'à l'accoutumé autour de son bar. Il est pourtant plus calme, plus distrait. Le service est long ce soir, et quand enfin viens l'heure de rentrer chez lui, Selim soupire longuement en allumant sa cigarette en sortant du bâtiment. Il sursaute en se faisant interpellé par un des clients de ce soir. Le sorcier croisait souvent cet homme, sombre et charmant, au regard étrangement déstabilisant.

Quand le garçon vient passer un bras autour de selim, son corps entier se tend. Trop souvent embarqué dans des bagarres le soir, trop souvent tabassé, trop souvent trahi, Selim se méfiait, la nuit. La mâchoire serrée, il se laisse entraîner pendant quelques pas « tu m'as servi un verre vide... enfin pas tout à fait vide, il y avait des glaçons. Tu me dois bien un verre ! » Selim le regarda en coin, étudiant déjà les possibles ruelles dans lesquelles il pourrait semer le garçon. « Je suis désolé de mon erreur, mais... » Il se dégagea non sans dureté, fixant son regard sombre sur le visage fin de son client. « Je vais rentrer chez moi, merci pour votre offre. » A la mine déçue de son interlocuteur, Selim se détend un petit peu, un léger sourire en coin sur le visage. « Même pas un verre ? » Le sorcier fini sa cigarette d'une longue latte et secoue la tête en fourrant ses mains dans ses poches. « j'ai des choses à régler, et j'ai pas un rond. Une autre fois peut-être ? »

Malgré son aura, le brun ne semblait pas offensif. « Il me semble avoir précisé que c'était moi qui invitais. » L'égyptien sonda son interlocuteur pendant quelques secondes, lèvres pincées, silencieux, puis regarda le ciel en inspirant longuement, avant de regarder à nouveau son, apparement pour le moment, ami du soir. « Un verre ne pourra pas me faire de mal... Mais votre prochain whisky au black wolf sera pour moi. » Selim se remit en marche, côté à côte avec le sorcier. « Vendu ! » son sourire fait écho à celui du sorcier, touché par l'offre. Les deux garçons marchent en silence pendant un temps, jusqu'à ce que selim ne rompe à nouveau le silence, aux portes du club, qu'il ouvre pour le laisser passer. « J'aimerais bien savoir pourquoi, outre mon charme naturel et mon beau sourire (dit il ironiquement, sans savoir que ça pourrait réellement en être la cause) vous voudriez m’accompagner en plein milieu de la nuit boire un verre. Je ne suis qu'un serveur après tout ! Qui plus est, un mauvais serveur. » Revoilà le Selim un tantinet plus théâtral que les clients du black wolf avaient l'habitude de côtoyer.

A la réponse du garçon, Selim leva une nouvelle fois les yeux au ciel, très peu convaincu par la véracité de sa réponse. Dans tous les cas, il ne voyait en luigi qu'un inconnu, sympathique et direct, qualité rare chez les humains en général (sûrement aussi la raison d'une telle méfiance envers lui de la part de l'égyptien). Le garçon laisse son acolyte aller chercher leurs boissons, puis le remercie en jouant avec son verre de bière. La gorgée lui fit un bien fou, et lui rappelait pourquoi il aimait tant sortir boire. L'ambiance, les gens, la bière. Il s'adossa à la banquette en se détendant un peu plus. Ils parlèrent rapidement de leur métier respectif. Selim reporta son regard vert émeraude sur le sombre homme en face de lui. « en général, je fait soit l'un soit l'autre. J'enseigne que la danse classique et le jazz moderne à l'université, pour le moment. » il hausse les épaules « puis, j'ai toujours beaucoup travaillé donc même quand je dois cumuler les deux, ça va. J'suis un bosseur, je fait que ça. » Il sourit, pas le moins du monde désolé de passer sa vie à bosser. Il a une bonne raison à ça, et ça lui suffit pour avoir la hargne nécessaire. Une pensée pour sa mère et sa sœur voilent ses yeux d'un amour infaillible. « Faut aussi savoir s'amuser parfois. » Selim relève les yeux vers son collègue avec un petit sourire. « J'aime ce que je fais alors c'est pas vraiment un problème. » Il se redresse un peu pour s'accouder à la table, la malice regagnant petit à petit ses yeux, plus à l'aise. « puis je sort quand même, des fois ! »

« La preuve ce soir. » L'égyptien hoche la tête en rigolant de bon cœur, buvant une gorgée de son délicieux breuvage. « Je peux connaître le nom de celui qui me force à sortir alors que je devrais vaquer à mes obligations ? » Selim le dévisage, son regard glissant le long des traits fins du garde chasse, l'écoutant lui répondre, suivant des yeux son sourire qui s'élargit. « Je ne t'ai forcé à rien, je me suis seulement montré très persuasif. » Le garçon se laisse à nouveau tomber au fond de la banquette en souriant à son tour, les rides au bord de ses yeux s'accentuant. « un peu, quand même. Et moi j'accepte, alors que tu pourrais clairement vouloir me dévorer et enterrer mes restes dans la forêt. » La fatigue rendait à Selim son sens de l'humour, ses piques ironiques et malicieuses. « Et en plus tu me réponds pas, super. Encore une raison de penser que t'es un foutu psychopathe ! » Il rouvrit les yeux pour les fixer sur ceux de Luigi, le défiant du regard.

« t'es un drôle de personnage, luigi. » Ils sont comme deux bêtes ainsi l'un en face de l'autre, un lion guettant sa proie, voilà ce qu'il est aux yeux de luigi. « vraiment ? » Selim confirme en soupirant, reprenant une gorgée de sa bière presque vide. Pendant un cours un instant, il se vit la descendre cul sec pour filer  plus vite. « ça je le sais. Et ça ne date pas de ce soir. » L'égyptien inspira longuement et lentement. Il sentait le piège se refermer autour de lui et détestait cette sensation.

Le garçon en face de lui se faisait des idées, et il fallait l'en convaincre. Comme il en était convaincu, lui. Il n'était pas homosexuel, c'était clair, zéro questions à se poser. Une pensée à sa mère enlevait tout doute dans son crâne, et ce depuis des années, et des années. Il reprit alors la parole plus sereinement, sa voix étant à nouveau plus posée. Il s'apprêtait à révéler un fait établi, rien de tendancieux. « Tu as une aura assez particulière, c'est vrai, et c'est surement ça qui me perturbe et en même temps, m'attire. Mais pas dans le sens que tu sous-entend, luigi. » Il fixait ses yeux verts dans ceux, sombres et, semblait-il, un peu manipulateur du garçon en face de lui, qui lui souriait mystérieusement. « tu es sûr ? » Un léger sourire vint se ficher sur son visage alors qu'il répondait avec assurance. « Tu sais, je vis avec moi-même, dans cette tête et ce corps depuis un bail maintenant, je crois que je me connais mieux qu'un étranger. » Comme à ce qui semblait devenir une habitude, le garçon face à lui rétorqua : « si tu le dis.. Mais je pense qu'on ne peut pas vraiment savoir tant qu'on a pas essayé. »

Selim prit la dernière gorgée de bière qui restait dans son verre, le repoussa vers le milieu de la table avant de relever les yeux vers son ami du soir. « Merci pour le verre, luigi. » Il se laissa glisser le long de la table sur la banquette pour pouvoir se relever, fouilla dans ses poches pour y trouver quelques pièces suffisante à payer les deux verres, s'étira un instant avant de poser le plat de sa main sur la table pour se pencher vers luigi, en lui faisant un clin d'oeil. « Je ne suis pas intéressé. » Comme à son habitude quand ce sujet-là venait à s’immiscer dans une conversation, Selim préférait fuir. Mais luigi ne lui laissa pas l'occasion de se sauver aussi vite, le retenant un instant en posant sa main sur la sienne. Selim le dévisagea du regard. Ce regard profond, intense, qui fit frissonner selim « c'est moi qui invite tu te rappelles? » Les pièces claquèrent l'une contre l'autre quand luigi les lui rendit, et un instant Selim ne bougea plus. Il referma la main sur les pièces, les rangea dans sa poche et y fourra ensuite ses mains pour se donner une contenance, se redressant pour éviter contact physique avec le garçon, puis détourna les yeux l'air gêné en soufflant à voix basse un dernier merci avant de lui tourner le dos et se frayer un chemin dans la foule. En sortant devant le bar, selim inspira longuement une goulée d'air fraiche, puis soupira. Quelle étrange soirée. Remué, le garçon pris la route de sa maison.