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[/!+18] (arivan) a thousand years
Sam 31 Aoû 2019 - 17:12
►
i have died every day waiting for you,
darling, don't be afraid, i have loved you for a thousand years.
Le pianiste avait guidé la médicomage à travers le domaine universitaire, comme un automate, comme un fantôme, comme si l'Allemande n'avait pas elle-même franchi ces allées des centaines de fois, à l'époque de ses études. Silence de pierre, d'outre-tombe, puisque le géant aux mèches d'ambre tentait de rassembler ses pensées, mais surtout, son courage. Le courage d'être vu - personne, depuis janvier, depuis son retour, à elle. Il n'en avait pas eu conscience, le naïf, de l'absence de draps froissés, depuis, de son abstinence involontaire. Il n'y avait que la capricieuse, pour lui - que ses épines et ses caresses. Depuis toujours - le professeur avait été trop aveugle pour le voir, jadis. Trop lâche, aussi, peut-être. D'admettre que la personne qui le connaissait le mieux puisse avoir ce pouvoir sur lui, sur son cœur, sur ses songes. À présent, de lui montrer ce qu'il lui cachait depuis plus d'une décennie, la dernière pièce angulaire faisant tenir l'édifice. Défiguré, la chair déchirée ayant pris forme de nœuds complexes traçant une nouvelle configuration dans le profil dorsal puissant de l'Écossais. Ses doigts en avaient tracé les contours si souvent, jadis, prenant leurs repères afin d'en dessiner l'anatomie. Personne n'avait si bien connu cette part de son corps, pas même Elena. La gêne qu'Evan croyait ressentir en se dévoilant à de nouvelles conquête n'était rien, à l'aune de la torture que l'animagus ressentait à présent. Parce qu'elle l'avait vu, beau. Quelle ironie, que de présenter une apparence dont il connaissait l'effet sur autrui, tout en se sachant si laid, une fois les vêtements au sol.
Silence d'église, nervosité presque palpable que la jeune femme ressentirait certainement, le professeur finit par pousser la porte en chêne donnant accès à ses appartements au cœur de l'université magique. Il ne savait pas où se placer, comment agir, comment faire. Désœuvré pour l'une des premières fois de sa vie, Evan jeta un œil à la fenêtre, le temps d'une demie seconde, traversé de l'impulsion de s'envoler. Prunelles vertes se posant partout sauf sur Ariadne, ne sachant pas par où commencer, Evan finit par avancer jusqu'à son second piano - le premier trônant dans sa salle de classe, il lui venait parfois l'envie d'en jouer la nuit, et le local était parfois occupé, à ces heures. Une inspiration sèche franchit sa bouche - la dernière personne à avoir vu son dos torturé n'avait-elle pas été effrayée?
Assis sur le banc, ses longs doigts glissèrent sur la surface de l'instrument, en appréciant la fraîcheur et la texture lisse, cherchant la stabilité qui lui manquait, avant de poser, enfin, les yeux sur Ariadne, d'où il tira un courage teinté de panique. L'Écossais avait confiance en elle - mais ne le trouverait-elle pas repoussant? Dix ans plus tard, il n'était jamais devenu plus aisé pour le pianiste de se dévoiler, encore moins dans un contexte autre que passionnel - pris par les instincts charnels, on pardonne plus aisément les détails que l'on voit moins. À présent, ils n'étaient ici que pour les voir, ces nœuds de torture et de souffrance imprimés dans sa peau. Son coeur battant la chamade, Evan glissa lentement ses doigts sur les boutons de sa chemise, qu'il défit un à un, prunelles fixant obstinément la surface sombre de son instrument. Chemise enfin ouverte dévoilant muscles torsaux et abdominaux, le professeur inspira à nouveau, profondément, ne réalisant pas qu'il avait retenu sa respiration alors qu'il déboutonnait le vêtement. Iris cherchant Ariadne, il finit par laisser tomber la chemise au sol, et ses doigts s'égarèrent sur le clavier du piano - besoin de courage, du réconfort des notes.
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Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Dim 1 Sep 2019 - 20:18
Nervosité au creux de la main du pianiste, je n'osais briser le silence qui s'était installé entre nous. D'ordinaire j'aurais pu le faire, pour être moi-même moins mal à l'aise. Mais je sentais que le temps n'était pas pour ce genre de plaisanterie. Rares étaient les moments où Evan était touché à ce point par quelque chose, concerné, préoccupé. Lui qui, à l'instar de la pluie, perlait sur tous les événements que pouvait lui imposer la vie. Alors, je gardais les lèvres obstinément pincées tandis que mes iris gris accrochaient des éléments du paysage qui semblaient d'ordinaire anodins. Cette affiche accrochée sur ce mur. Ce fruit dans cet arbre. Cet oiseau de nuit qui venait de s'envoler. Sûrement que ça aurait rasséréné plus d'une personne d'être à ce point concentré sur autre chose, essayer de décrocher de la réalité. Ce n'était malheureusement pas mon cas. Bien peu douée dans cet exercice, je n'arrivais pas à laisser mon esprit vagabonder pour oublier l'essentiel de mon existence. Femme bien trop terre à terre à cause d'une éducation qui m'avait rendue comme ça. Pourtant d'ordinaire amer, surtout avec Evan car notre relation était ainsi faite, en l'instant, je voulais davantage être sucrée, accompagnatrice. Voilà pourquoi je serrais un peu plus mes doigts dans les siens tout en caressant lentement la peau de sa main avec mon pouce.
Était-ce donc si difficile pour lui de faire face à ce qui était arrivé ? À cette apparence qu'il m'avait si longtemps cachée ? Ou alors craignait-il surtout mes réactions ? Celle de la possessivité, celle qui pourrait être outrée d'un tel secret, celle qui pourrait, encore, le houspiller à juste titre ?
Avait-il donc si peu de considération à mon égard ?
Guidée jusqu'au ventre de l'université, dans ce lieu de vie qu'il ne m'avait jamais véritablement présenté, je pénétrais dans ce qui me semblait être un sanctuaire. C'est un Evan décontenancé que j'observais alors que je me tenais là, droite au milieu de la pièce. Mon regard n'était pourtant pas accusateur, il ne jugeait pas non plus. Il était patient, attentif, avec une once d'inquiétude dans le fond, bien caché. Car le voir ainsi me déchirait le cœur, moi qui avais à ce point besoin de mon soleil. Mais il parait qu'après la pluie, le beau temps finit toujours par revenir. Alors, j'essayais d'espérer, pour nous deux. Croire que, bientôt, tout irait bien. La vie s'acharnait sur nous depuis notre enfance, elle nous tranchait depuis notre retour en début d'année, et malgré nous, nous étions restés unis, ensemble. Que fallait-il encore prouvé de plus ?
Tandis que le musicien prit place à son piano, je me permettais de retirer mon manteau pour le poser sur une chaise non loin. En réalité, j'étais sûrement aussi effrayée que lui, mais parce que son angoisse m'avait gagné comme une maladie contagieuse à laquelle je n'avais pas été préparée. Démunie, car je ne savais pas sur quel pied danser, pour une fois, je vins me positionner en face de mon ami, de mon aimé, de l'autre côté de l'instrument, m'accoudant à celui-ci. Je ne lui imposais pas mon regard, je le connaissais malgré moi bien trop acéré. Alors, je me contentais de rapides coups d'œil à l'extérieur, par la fenêtre, touchant la lune de mes prunelles. Sœur de pâleur et de froideur. Veillait-elle sur nous cette nuit, avec ses innombrables complices étoilées ? Dans un sens, j'espérais que oui, pour que ce soit plus simple.
Fébrile, je le contemplais commencer à déboutonner sa chemise. Gestes faits, vus et répétés un nombre de fois incalculable, je le fixais aujourd'hui avec une tension nouvelle. Je connaissais son corps pour l'avoir dessiné sous toutes les coutures, ou presque. Je redoutais de le retrouver, non pas à cause d'une potentielle laideur, ou d'un accident quelconque. Des amochés, j'en voyais tous les jours, j'étais habituée aux visions d'horreurs que cela pouvait provoquer. Non, je redoutais de le retrouver parce que son possesseur semblait si mal à l'aise avec cette idée. Lui aurais-je forcé la main ? Obligé de me le montrer alors que ma demande n'avait en aucun cas été un ordre ?
En observant le tissu glisser le long des épaules de l'homme, je déglutissais nerveusement. De qui devais-je douter ? De moi, ou de lui ? De nous deux peut-être ? Ou alors d'aucun des deux.
Pause.
Temps de suspension sur la partition de notre vie à deux, je plongeais mes iris dans les siennes. À l'évidence, nous étions tous les deux en besoin de courage, mais pour des raisons apparemment différentes. Cependant, des patients nerveux et qui ne souhaitaient pas être vus et contemplés, j'en avais rencontré des centaines. Mais le fait que ce soit un ami, un proche, un confident, un amour, la chose était diamétralement différente. Et pourtant pas à ce point. Evan restera toujours le Evan que j'avais connu, le Evan de mon enfance. Il n'y avait là que le temps qui nous avait changés.
Après un moment d'hésitation, et uniquement lorsque je jugeais l'instant adéquat, je me redressais du piano pour m'avancer vers le sorcier, lentement, silencieusement, comme une ombre, possédée par l'angoisse de la découverte. Je l'avais vu, ce sorcier, se faire dévorer par les flammes. Et je n'avais rien fait. Rien. Ça n'avait été qu'une vision de plus parmi tant d'autres. Pourquoi m'en serais-je préoccupée ? Présentement, je préférerais me défenestrer suite à cette erreur, plutôt que d'y observer cette responsabilité que je n'avais pas prise.
Dénuée de tout courage, abandonnée par mon assurance, je venais avant toute chose emmêler mes doigts dans les cheveux bouclés du roux. Simple contact perdu et retrouvé, il fut une bouffée d'oxygène. Salvateur, remplaçant de mille mots. Me plaçant au dos du musicien, et parce que ce qui pesait sur mes épaules était trop lourd, mon corps se fléchit, m'obligeant à coller ma joue au sommet du crâne d'Evan. Paupières closes, je n'avais toujours pas la force de faire face à mes erreurs, car c'était lui qui en avait subi les conséquences. Je laissais alors mes mains être mes yeux. Comme une aveugle qui refuse de s'ouvrir au monde, je posais mon épiderme d'abord sur sa nuque, pour les descendre lentement le long de sa colonne vertébrale. Geste doux et tranquille, mes doigts en profitaient pour retrouver cette peau soudainement méconnue faite de monts et de vallées, d'aspérités irrégulières et de nœuds difformes.
Rien de monstrueux. Rien de laid.
Seulement un nouvel Evan. Un nouvel homme que je pensais connaître par cœur, et que j'avais à présent, par-dessus tout, envie de redécouvrir. De rencontrer. D'aimer. Pour m'abreuver davantage de ses sensations nouvelles qui ne me dégoutaient pas, j'osais placer la paume de l'une de mes mains à plat sur cette peau tendue et malmenée par son vécu. Toutefois, un soupir déconcerté traversa mes narines alors que je murmurais.
- Pardonne-moi Evan.
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Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Dim 1 Sep 2019 - 21:12
Il était à elle. Entier, chaque centimètre de sa peau sur laquelle douleurs centenaires avaient été gravées à vif par les flammes, sur laquelle le faucon avait inscrit ses droits, en décembre. Chaque parcelle de lui appartenait à la médicomage - il avait toujours été à elle. Entier, sans compromis, malgré les fuites éternelles, malgré tout ce qu'il pouvait se dire pour tenter de faire marche-arrière. L'idée de moitiés le répugnait - les gens n'étaient pas des moitiés - mais sans elle, il n'avait jamais été entier. Seul rempart contre la perdition, âmes égarées qui se cherchaient depuis des siècles, s'incarnant à jamais dans des corps éloignés, ils s'étaient enfin trouvés, tous deux. Destinés l'un à l'autre dans le plus éclatant des maelströms, naufragés dans le tumulte de leur existence, bras à bras avant d'envoyer un doigt d'honneur à l'éternité, de la regarder dans les yeux et de lui affirmer qu'elle n'aurait jamais raison d'eux. Entiers, ensemble. Capables de faire face à tout, ne l'étaient-ils pas? Doigts lacés, emportés par le tourbillon de l'existence qui les malmenait, n'y avait-il pas quelque chose de beau, de fier, en eux, dans leur volonté obstinée de vouloir rester ensemble, même si les erreurs du passé leur rappelaient constamment que chacun avait échoué, à sa façon. Enlisés dans le chaos de leurs échecs, n'était-il pas exceptionnel d'être assez entêtés pour se retrouver ainsi, deux moitiés imparfaites qui ne s'accordaient plus entièrement, capables de produire des symphonies d'émotions, parce qu'ils osaient, parce qu'ils admettaient avoir peur? Les craintes de l'abandon, de la traîtrise, de la mécompréhension, et pourtant, les voici, tous deux, tremblant, un peu, le cœur qui bat la chamade. Tour d'ivoire aux fondations battues, ébréchées par le temps, port d'ancrage dans la tempête de leurs vies respectives.
Le pianiste produisait des notes torturées à son clavier, la noirceur qui perçait enfin la carapace de lumière, après toutes ces années. Une épiphanie douloureuse, le marasme, les regrets, le deuil, qui pointaient enfin à travers les rires, les facéties, l'éclat du professeur solaire. Mirettes forêt la suivant du regard alors qu'elle avançait comme un condamné se rendrait à l'échafaud, Evan continuait de jouer, lèvres serrées, le cœur battant si fort qu'il était convaincu qu'il s'arracherait de sa poitrine s'il ne faisait rien pour l'en empêcher. Paupières fermées au contact expert des doigts de la jeune femme entre ses boucles d'ambre, il poursuivit, avec une énergie plus marquée dans les notes de tonnerre. Presque possédé, plus rien n'existait dans son univers. Il n'y avait que la musique et les mains d'Ariadne, ses seuls fils vers l'extérieur - filet salvateur qui lui permettrait d'échapper au monstre, une fois de plus. Frisson parcourant son échine alors qu'enfin, les paumes de la médicomage entraient en contact avec sa chair torturée, Evan ferma les yeux, et une larme roula le long de sa joue. Il avait envie de pleurer, de demander pardon, de lui dire à quel point il s'en voulait, pour ces années de séparation, pour la douleur, pour leur relation qui semblait s'additionner comme deux pièces de puzzle jadis faites l'une pour l'autre, aujourd'hui usées et pas entièrement raccordées. Mais il l'aimait, le bougre, il l'aimait comme un damné, et il craignait plus que tout qu'elle ne le quitte, parce que c'était ce qu'il méritait - parce que c'était ce que lui avait toujours fait. « Pardonne-moi Evan ». Un rire étranglé lui échappa, et le pianiste cessa sa musique pour se tourner vers elle, reflet nacré de la lune sur sa couronne d'ambre, sur ses épaules pâles et les rigoles creusées par les flammes dans sa chair. Sur les cicatrices de ses avant-bras. Le regard d'émeraude humide, il sourit à la médicomage, portant ses mains à ses lèvres. Baiser doux sur les phalanges de la sorcière. « Tu n'as rien à te reprocher. Il n'y a aucun scénario dans lequel cette histoire t'a pour coupable, aucun », martela-t-il, écartant les jambes pour faire approcher la jeune femme, devant lui. « Rien ». La répétition, pour la convaincre elle - lui en était convaincu, l'idée ne lui avait jamais même traversé l'esprit. « Je te l'ai caché ... parce que j'ai toujours su que tu trouverais le moyen de porter le blâme, mais il ne t'a jamais appartenu ». Sans qu'elle le sache, Evan avait toujours tenté de la préserver, elle. Son joyau le plus précieux. « Les catastrophes de l'existence nous parcourent et sèment rigoles et blessures sur nous, mais rien de ceci n'est de ta faute ». Tendrement, il glissa une main sur la nuque d'Ariadne, comme pour s'assurer qu'elle continuerait de le regarder. Prunelles lacées en un ballet d'émeraude et d'argent. « Je n'ai rien à te pardonner, Ariadne. Je voulais que tu me voies, plutôt que t'en faire la surprise ». Surpris, sa voix s'étrangla, et il lui adressa un sourire désolé. « Je suis loin de celui que tu dessinais dans les jardins suspendus ». Le trouvait-elle bien laid? Le pianiste n'osait le lui demander.
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Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Ven 6 Sep 2019 - 23:52
La neuve découverte de ce dos que je connaissais à l'époque par cœur me donnait la sensation d'être une voyante ayant perdu la vue. Soudainement, je devais apprendre à faire avec ma nouvelle condition, ma nouvelle cécité. Je devais apprendre à lire le braille sur les inconnus traits tirés de cette peau dont j'avais tant de fois rêvé. Car oui maintenant que ça m'était à nouveau offert, je réalisais, je me souvenais à quel point la perception de la chaleur de son corps m'avait marqué. Et ho combien cela m'avait manqué de ne plus le sentir, ne serait-ce que du bout des doigts.
Tout ceci s'accordait avec le fait que nous étions en train d'écrire notre nouvelle partition vierge. À chaque instant passé ensemble, aux tempos donnés par nos cœurs, nous noircirions des notes les mesures de notre vie commune. Comme je l'avais espéré et désiré, sans le reconnaître un seul instant. Je voulais qu'Evan m'appartienne totalement, et je voulais lui appartenir pleinement. Dans le fond, c'était même déjà le cas, car personne d'autre que lui ne me connaissait aussi bien. Mais s'il disparaissait à nouveau ? Fuir encore une fois ses responsabilités ?
Non.
J'avais la prétention de croire que les années, la maturité l'avait rendu on ne peut plus sérieux. Après tout, celui qui m'avait quitté il y a des années de cela, n'était-il pas aujourd'hui en place professionnellement dans un cadre qu'il évitait comme la peste à l'époque ? Ironie du retour à la case départ. Moi, j'avais avancé, mais en tournant en rond. Valse infinie et jamais terminée, car je cherchais désespérément ce phare dans la nuit. À présent que je l'avais à nouveau repéré, je ne voulais plus m'en séparer, je ne voulais plus cligner des yeux, au risque de l'égarer encore une fois.
Alors je restais là, dans son dos, à toucher cet épiderme inconnu et pourtant mille fois visité. Hors de question que je le lâche sous prétexte que c'était une chose différente de mon passé, de mes souvenirs. Et qu'est-ce qui n'était pas différent aujourd'hui entre nous ? En dehors de notre complicité (vraiment ? ).
Je fus néanmoins bien obligée de me redresser sensiblement alors qu'il se retournait avec un petit rire ironique, légère brume au coin des yeux. Mon regard se plongea dans le sien tandis que les reflets d'argent vinrent se fondre dans mes iris, les rendant presque transparentes. C'est pourtant avec un fond de regret que je l'écoutais et que je me laissais attirer contre lui. S'il était convaincu que je n'aurais rien à me reprocher, ce n'était évidemment pas mon cas. J'avais vu, et je n'avais rien fait. Parce que je n'avais pas cru ma vision. Parce que ce n'était que des images parmi des milliers d'autres. Cette fois, j'aurais dû réagir. Mais comment pouvais-je davantage l'expliquer à Evan ? Qu'importe… je porterais cette culpabilité moi-même, et son dos me rappellerait chaque jour que Merlin faisait ma sentence. Mon fardeau qu'était celui d'être une voyante, et celui de devoir considérer tout ce qui m'était donné. Aider mon prochain, était-ce donc ça mon destin ? Moi qui faisais si peu confiance au monde qui m'entourait ?
Fin sourire aux commissures de ma bouche, je posais mes mains argentées sur ses joues tandis que les bouts de mes doigts vinrent éponger l'humidité de ses yeux. Il n'y avait nulle larme à verser présentement, car nous étions en train de nous retrouver, pleinement, et que c'était beau.
- Depuis quand te sens-tu l'âme d'un poète ?
Plus forte que moi, la plaisanterie avait quitté mes badigoinces pour essayer d'alléger un peu l'atmosphère qui devenait asphyxiante autour de nous. J'avais besoin d'air, de respirer. Besoin de cette liberté dont nous aspirions tous les deux. Pourtant mes prunelles gardèrent une expression douce et compréhensive. Lentement, je rapprochais mon visage de celui de l'homme pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres sucrées avant de répondre en un souffle tendre. Sans hésitation, comme d'habitude, sincérité et sévérité dans le ton.
- Certes loin, mais ça ne veut pas dire que le modèle est plus déplaisant. Au contraire.
Malice qui brillait dans mes yeux, je souriais avec espièglerie avant de m'avancer encore jusqu'à venir installer menton et bras sur ses épaules. Là, je soupirais un peu, d'aise et de soulagement qu'enfin, nous puissions être sincères tous les deux. Je comprenais les raisons qui l'avaient poussé à ne rien me dire. Peut-être que, dans d'autres circonstances j'aurais pu m'en offusquer. Ce soir, je n'en avais tout simplement pas envie. L'alcool aidait peut-être.
Le temps de la réflexion, et parce que le silence de l'instant était bienvenue, être ainsi enlacé les deux, aisément et candidement, comme les amants que nous n'avions jamais osé être avant ce jour, je fixais les touches du piano. Puis, prise d'un nouvel élan mélancolique, surtout motivé par le passé, j'allongeais mon bras pour poser ma main droite sur le clavier. Là, je n'y jouais que deux notes, en boucle, car je ne me souvenais plus de la suite, bien peu musicienne, moi. Pourtant, c'était les deux notes d'un air extrêmement connu dont je ne me rappelais même plus du titre. Honte sur moi.
Toutefois, cela soulevait davantage de saveurs, d'images et d'évocations. Les moments passés à deux, enfants et jeunes adolescents, sur un tabouret de piano, éclairé par la lune, comme ce soir, à se raconter nos journées, nos confidences, à s'apprendre mutuellement nos savoirs respectifs. Lui, et moi. Élise pour Beethoven.
Tout ceci s'accordait avec le fait que nous étions en train d'écrire notre nouvelle partition vierge. À chaque instant passé ensemble, aux tempos donnés par nos cœurs, nous noircirions des notes les mesures de notre vie commune. Comme je l'avais espéré et désiré, sans le reconnaître un seul instant. Je voulais qu'Evan m'appartienne totalement, et je voulais lui appartenir pleinement. Dans le fond, c'était même déjà le cas, car personne d'autre que lui ne me connaissait aussi bien. Mais s'il disparaissait à nouveau ? Fuir encore une fois ses responsabilités ?
Non.
J'avais la prétention de croire que les années, la maturité l'avait rendu on ne peut plus sérieux. Après tout, celui qui m'avait quitté il y a des années de cela, n'était-il pas aujourd'hui en place professionnellement dans un cadre qu'il évitait comme la peste à l'époque ? Ironie du retour à la case départ. Moi, j'avais avancé, mais en tournant en rond. Valse infinie et jamais terminée, car je cherchais désespérément ce phare dans la nuit. À présent que je l'avais à nouveau repéré, je ne voulais plus m'en séparer, je ne voulais plus cligner des yeux, au risque de l'égarer encore une fois.
Alors je restais là, dans son dos, à toucher cet épiderme inconnu et pourtant mille fois visité. Hors de question que je le lâche sous prétexte que c'était une chose différente de mon passé, de mes souvenirs. Et qu'est-ce qui n'était pas différent aujourd'hui entre nous ? En dehors de notre complicité (vraiment ? ).
Je fus néanmoins bien obligée de me redresser sensiblement alors qu'il se retournait avec un petit rire ironique, légère brume au coin des yeux. Mon regard se plongea dans le sien tandis que les reflets d'argent vinrent se fondre dans mes iris, les rendant presque transparentes. C'est pourtant avec un fond de regret que je l'écoutais et que je me laissais attirer contre lui. S'il était convaincu que je n'aurais rien à me reprocher, ce n'était évidemment pas mon cas. J'avais vu, et je n'avais rien fait. Parce que je n'avais pas cru ma vision. Parce que ce n'était que des images parmi des milliers d'autres. Cette fois, j'aurais dû réagir. Mais comment pouvais-je davantage l'expliquer à Evan ? Qu'importe… je porterais cette culpabilité moi-même, et son dos me rappellerait chaque jour que Merlin faisait ma sentence. Mon fardeau qu'était celui d'être une voyante, et celui de devoir considérer tout ce qui m'était donné. Aider mon prochain, était-ce donc ça mon destin ? Moi qui faisais si peu confiance au monde qui m'entourait ?
Fin sourire aux commissures de ma bouche, je posais mes mains argentées sur ses joues tandis que les bouts de mes doigts vinrent éponger l'humidité de ses yeux. Il n'y avait nulle larme à verser présentement, car nous étions en train de nous retrouver, pleinement, et que c'était beau.
- Depuis quand te sens-tu l'âme d'un poète ?
Plus forte que moi, la plaisanterie avait quitté mes badigoinces pour essayer d'alléger un peu l'atmosphère qui devenait asphyxiante autour de nous. J'avais besoin d'air, de respirer. Besoin de cette liberté dont nous aspirions tous les deux. Pourtant mes prunelles gardèrent une expression douce et compréhensive. Lentement, je rapprochais mon visage de celui de l'homme pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres sucrées avant de répondre en un souffle tendre. Sans hésitation, comme d'habitude, sincérité et sévérité dans le ton.
- Certes loin, mais ça ne veut pas dire que le modèle est plus déplaisant. Au contraire.
Malice qui brillait dans mes yeux, je souriais avec espièglerie avant de m'avancer encore jusqu'à venir installer menton et bras sur ses épaules. Là, je soupirais un peu, d'aise et de soulagement qu'enfin, nous puissions être sincères tous les deux. Je comprenais les raisons qui l'avaient poussé à ne rien me dire. Peut-être que, dans d'autres circonstances j'aurais pu m'en offusquer. Ce soir, je n'en avais tout simplement pas envie. L'alcool aidait peut-être.
Le temps de la réflexion, et parce que le silence de l'instant était bienvenue, être ainsi enlacé les deux, aisément et candidement, comme les amants que nous n'avions jamais osé être avant ce jour, je fixais les touches du piano. Puis, prise d'un nouvel élan mélancolique, surtout motivé par le passé, j'allongeais mon bras pour poser ma main droite sur le clavier. Là, je n'y jouais que deux notes, en boucle, car je ne me souvenais plus de la suite, bien peu musicienne, moi. Pourtant, c'était les deux notes d'un air extrêmement connu dont je ne me rappelais même plus du titre. Honte sur moi.
Toutefois, cela soulevait davantage de saveurs, d'images et d'évocations. Les moments passés à deux, enfants et jeunes adolescents, sur un tabouret de piano, éclairé par la lune, comme ce soir, à se raconter nos journées, nos confidences, à s'apprendre mutuellement nos savoirs respectifs. Lui, et moi. Élise pour Beethoven.
- InvitéInvité
Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Dim 22 Sep 2019 - 15:27
Phalanges voyageant le long du territoire d'ivoire, produisant mélodies mélancoliques et claires, le pianiste courbait légèrement l'échine avant de se retourner pour faire face aux chimères qui hantaient son passé. Il en voyait toujours les reflets au cœur des iris de la médicomage. Le métal - froid et insensible comme la lame d'une lance, embrasé tels les premiers jours d'un univers en fusion se créant - for his dark materials to create new worlds. C'était ce qu'ils créaient, depuis le retour de la jeune femme dans sa vie quotidienne, depuis que deux pièces d'une mécanique dont ils ne se souvenaient que des plans d'origine tentaient de se retrouver. Fusion des éléments tentant de se faire à l'autre, de reprendre l'habitude de la présence de leur reflet imparfait. L'introspection était son échappatoire - quelle ironie, vraiment, que de se plonger dans ses pensées pour mieux se détourner d'elles? Maître dans l'art de l'esquive, aussi verbale que physique (oublierait-on sa forme d'oiseau?). Mais il ne souhaitait pas échapper à ce moment, à ce jugement final au sein duquel Ariadne tenait le rôle de juge, jury et bourreau. Réalisait-elle à quel point le musicien était à sa merci, en cet instant? Paradoxale relation, que le yin et son yang croient toujours qu'il revenait à l'autre de trancher, alors que le châtié demeurait en place, attendant sa sentence. Personne ne suffisait à Evan, à présent - y avait-il eu une fraction de secondes au sein de son existence au cours de laquelle il aurait pu bifurquer, se doter d'un destin choisi comme on se vêtirait d'une parure autre que celle qu'on nous a imposée? Mais en cet instant? Jamais. Il n'y avait toujours eu que la chevelure de feu - l'Écossais avait simplement été trop aveugle pour s'en rendre compte.
Sa voix était plus mesurée qu'elle n'aurait dû l'être, en cet instant où la pudeur du souvenir s'envolait, alors que les doigts de la jeune femme découvrait les cruelles rigoles nouant ses muscles dorsaux. L'attirant à lui, comme il l'avait fait cent fois déjà, mais une once était différente, depuis quelques semaines, depuis qu'ils se découvraient pas à pas comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant. Paupières fermées, Evan reçut le contact digital de la jeune femme sur la commissure de ses prunelles comme une bénédiction, l'autorisation froide des doigts qu'il pouvait accepter d'être beau et si laid à la fois, et un petit sourire se tendit à ses lèvres alors que la médicomage tentait d'alléger l'atmosphère de poix autour d'eux. « Depuis quand te sens-tu l'âme d'un poète ? » Un petit sourire vint tendre ses lèvres, alors qu'un début de rire se mourait dans sa gorge. « Elle ne m'a jamais quitté », souffla le pianiste doucement. Le bon mot, le verbe, parler, s'envoler pour une rime ou cent, s'élever au-dessus des nuées des platitudes que les autres pouvaient proférer - Evan avait toujours été un poète déguisant ses vers en palabres, ses strophes en élucubrations. Le musicien reçut le baiser avec un sourire, paupières closes alors que ses propres doigts se laçaient à la taille de la médicomage - prise ferme n'acceptant pas qu'elle lui échappe à nouveau, pas lorsqu'il s'était enfin posé à ses côtés. La tristesse, la pudeur se mêlaient pourtant à son âme, son sourire, l'expression entière de son visage. La demande, qu'il n'osait pas formuler, mais qu'elle devinait certainement. « Certes loin, mais ça ne veut pas dire que le modèle est plus déplaisant. Au contraire. » Était-ce l'éthanol, s'exprimant à travers la bouche de la jeune femme? L'espace nuancé dans lequel leurs âmes valsaient ensemble, nimbé du whisky bu en soirée et de l'ivresse de se dévoiler enfin à l'autre? Evan accueillit son geste avec un soupir tendre, ouïe tendue alors qu'Ariadne effleurait les touches de l'instrument leur servant de banc. Touché, le musicien écouta les notes tirées par la sorcière, mélancolie quasi enfantine du moment - ne seraient-ils pas éternellement comme des enfants, l'un face à l'autre? Ils s'étaient vus grandir, vieillir, à deux, même lorsque séparés par la distance terrestre et émotive du pianiste, par les songes prophétiques de la voyante.
D'un geste traduisant force et retenue, Evan fit glisser Ariadne sur lui, à cheval sur le propriétaire de l'instrument dont elle tirait la mélodie douce. Rapidement, glissant à cheval sur le pianiste, la guérisseuse pouvait jouer à son aise alors que le professeur s'appuyait sur les touches du centre, privant la joueuse improvisée de la moitié de sa gamme. Le contact froid de l'ivoire lui arracha un frisson - ou était-ce la position adoptée? L'attente teintée d'espoir, celui de ne pas être rejeté à présent qu'il se montrait à elle, et ce, malgré les propos rassurants de la jeune femme à son égard? Sans dire mot, les doigts d'Evan se glissèrent sous le haut d'Ariadne alors qu'elle poursuivait la reprise simple de la chanson. Étaient-ils les victimes d'un cycle éternel, qui les ramenait toujours ici, à la musique, à ces instants arrachés à la durée qu'ils fixaient d'un air de défi? D'un regard qui demandait la permission autant qu'il affirmait ce que le musicien avait l'intention de prendre, le pianiste se fit explorateur - toucher sur la peau de soie de la médicomage, conscience aigue de ses propres défauts, des failles dans sa chair, dans son âme malmenée qui ne demandait qu'un instant de répit à ses côtés. Suivant les muscles de la silhouette fine de la capricieuse, ses doigts s'accrochaient légèrement aux vallées créés par ses omoplates. Poussée subtile pour rapprocher leurs torses, goûter à la bouche de la jeune femme concentrée à jouer la pièce qui les unissait - fur ariadne.
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Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Ven 18 Oct 2019 - 18:12
Il y avait quelque chose de soyeux, de cotonneux qui planait dans l'air en cet instant précis. Difficile de le remarquer, car la lourde atmosphère de la révélation, du pardon et d'un, espérons-le, ultime échange douloureux, prenait toutes les dimensions de la pièce. Mais n'appartenait-il pas maintenant à nous, maîtres du monde, faiseurs de vérité et de suprématie, de décider d'en changer ? De faire de ce milieu, quelque chose de meilleur, de plus sain et serein ?
J'essayais de m'y employer, comme je l'avais fait depuis mon retour à Inverness. Reconstruire quelque chose n'était jamais évident, surtout sur les bases de quelque chose qui avait été démoli, ou plutôt, détruit. Effrité par le temps et la déception. Rupture nette et visible comme elle peut l'être sur un vase recollé. Oui, mais voilà, les cicatrices guérissent, et finissent par ne plus être douloureuses. Elles restent, pour rappeler qu'il faut changer, et ne pas reproduire les mêmes erreurs. Elles sont les preuves vivantes des leçons que nous tirons de notre existence.
Cette dernière, j'étais à présent sûre que je ne voulais plus la passer sans le grand homme roux sur lequel j'avais pris place. Celui-là même qui m'attrapait si fermement les hanches que j'étais certaine qu'il avait des pensées similaires aux miennes.
Les années sans lui avaient été trop douloureuses, et se priver des bonnes choses était une idiotie sans nom. Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
De victorieux, nous étions à présent conquérants. Explorateurs de l'autre alors que le terrain était déjà connu. Une ironie qui aurait pu en faire sourire plus d'un, moi, elle m'enchantait. Car enfin je sentais mon âme s'apaiser, le tumulte bruyant qui y grondait tout le temps se taisait enfin pour laisser place au silence.
Le silence.
Il fait autant de bruit que toutes les notes de musique réunies, on le remarque toujours, car il peut être aussi oppressant que salvateur. Ce soir, il était libérateur.
Toute cette frustration, cette colère qui rageait habituellement en moi, constamment, tous les jours depuis mon enfance, disparut enfin. Il n'y avait plus d'images. Plus de vertiges. Plus de visions. Que lui, ses cheveux de feu bouclés rappelant les flammes crépitantes, et sa peau striées et malmenées par ces dernières. Porter sur lui l'élément qui finalement lui a fait du mal.
Réalisait-il à quel point je l'admirais pour cela ? À quel point il forçait mon respect, même si je ne le lui montrerai probablement jamais ? Il était pour moi ce que la drogue est aux junkies. Cette dose dont j'avais besoin et qui faisait taire cette chose avec laquelle j'étais née.
À deux, nous étions un tout, un ensemble, un cycle. Après l'hiver revenait le printemps. Après le printemps, la chaleur et l'audace de l'été. Pour être suspendu dans le temps comme une feuille s'accroche à son arbre en automne. Pour finalement se vêtir à nouveau d'un manteau de pureté, de mensonge et de secret.
Dieux de notre univers, nous faisions la pluie et le beau temps, cycle éternel qui avait commencé dans ce train en direction de Poudlard, et dont il était impossible de se défaire.
Lorsque l'explorateur vint se glisser sur ma peau si préservée de ses mains, les miennes cessèrent de fuir sur les touches blanches et noires du piano pour chercher la chaleur de son torse. Traits que je connaissais sur le bout des doigts, je ne me lassais pourtant pas de les parcourir, avide et possessive. Il n'y avait ici nulle imperfection, car il n'y avait que nous. Et nous étions parfaits.
Martellato au creux de mes omoplates, je n'y résistais pas, rapprochant davantage nos deux êtres, pour que les battements de nos cœurs deviennent un tango endiablé.
Prendre possession des lèvres de cette terre conquise, comme bonne envahisseuse que j'étais.
Bouches réunies, langues entremêlées, il n'était plus temps à la discussion, mais aux actes. Prouver qu'il n'y avait plus de gêne, qu'il n'y avait plus de douleur, que le désire de changer et du renouveau était bien présent.
Alors, je pressais mon corps élancé contre le sien, devenant insistante sans demander la permission. Je ne la demandais pour ainsi dire jamais, ce n'était pas dans mon caractère. Toucher glissant de cet endroit pectoral aux vallées de son dos, j'y crispais mes doigts pour le garder contre moi, ce grand homme que je ne laisserai plus jamais me quitter.
Reculant mon visage, un peu, j'ouvrais ses paupières grises sur lui, se mariant si bien avec l'ambiance lunaire nous entourant. Reflets doux et désireux dans les prunelles, je sentais mon souffle se faire plus profond, plus chaud, car l'incendie n'était à présent plus derrière lui, mais dans le creux de mes reins.
J'essayais de m'y employer, comme je l'avais fait depuis mon retour à Inverness. Reconstruire quelque chose n'était jamais évident, surtout sur les bases de quelque chose qui avait été démoli, ou plutôt, détruit. Effrité par le temps et la déception. Rupture nette et visible comme elle peut l'être sur un vase recollé. Oui, mais voilà, les cicatrices guérissent, et finissent par ne plus être douloureuses. Elles restent, pour rappeler qu'il faut changer, et ne pas reproduire les mêmes erreurs. Elles sont les preuves vivantes des leçons que nous tirons de notre existence.
Cette dernière, j'étais à présent sûre que je ne voulais plus la passer sans le grand homme roux sur lequel j'avais pris place. Celui-là même qui m'attrapait si fermement les hanches que j'étais certaine qu'il avait des pensées similaires aux miennes.
Les années sans lui avaient été trop douloureuses, et se priver des bonnes choses était une idiotie sans nom. Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
De victorieux, nous étions à présent conquérants. Explorateurs de l'autre alors que le terrain était déjà connu. Une ironie qui aurait pu en faire sourire plus d'un, moi, elle m'enchantait. Car enfin je sentais mon âme s'apaiser, le tumulte bruyant qui y grondait tout le temps se taisait enfin pour laisser place au silence.
Le silence.
Il fait autant de bruit que toutes les notes de musique réunies, on le remarque toujours, car il peut être aussi oppressant que salvateur. Ce soir, il était libérateur.
Toute cette frustration, cette colère qui rageait habituellement en moi, constamment, tous les jours depuis mon enfance, disparut enfin. Il n'y avait plus d'images. Plus de vertiges. Plus de visions. Que lui, ses cheveux de feu bouclés rappelant les flammes crépitantes, et sa peau striées et malmenées par ces dernières. Porter sur lui l'élément qui finalement lui a fait du mal.
Réalisait-il à quel point je l'admirais pour cela ? À quel point il forçait mon respect, même si je ne le lui montrerai probablement jamais ? Il était pour moi ce que la drogue est aux junkies. Cette dose dont j'avais besoin et qui faisait taire cette chose avec laquelle j'étais née.
À deux, nous étions un tout, un ensemble, un cycle. Après l'hiver revenait le printemps. Après le printemps, la chaleur et l'audace de l'été. Pour être suspendu dans le temps comme une feuille s'accroche à son arbre en automne. Pour finalement se vêtir à nouveau d'un manteau de pureté, de mensonge et de secret.
Dieux de notre univers, nous faisions la pluie et le beau temps, cycle éternel qui avait commencé dans ce train en direction de Poudlard, et dont il était impossible de se défaire.
Lorsque l'explorateur vint se glisser sur ma peau si préservée de ses mains, les miennes cessèrent de fuir sur les touches blanches et noires du piano pour chercher la chaleur de son torse. Traits que je connaissais sur le bout des doigts, je ne me lassais pourtant pas de les parcourir, avide et possessive. Il n'y avait ici nulle imperfection, car il n'y avait que nous. Et nous étions parfaits.
Martellato au creux de mes omoplates, je n'y résistais pas, rapprochant davantage nos deux êtres, pour que les battements de nos cœurs deviennent un tango endiablé.
Prendre possession des lèvres de cette terre conquise, comme bonne envahisseuse que j'étais.
Bouches réunies, langues entremêlées, il n'était plus temps à la discussion, mais aux actes. Prouver qu'il n'y avait plus de gêne, qu'il n'y avait plus de douleur, que le désire de changer et du renouveau était bien présent.
Alors, je pressais mon corps élancé contre le sien, devenant insistante sans demander la permission. Je ne la demandais pour ainsi dire jamais, ce n'était pas dans mon caractère. Toucher glissant de cet endroit pectoral aux vallées de son dos, j'y crispais mes doigts pour le garder contre moi, ce grand homme que je ne laisserai plus jamais me quitter.
Reculant mon visage, un peu, j'ouvrais ses paupières grises sur lui, se mariant si bien avec l'ambiance lunaire nous entourant. Reflets doux et désireux dans les prunelles, je sentais mon souffle se faire plus profond, plus chaud, car l'incendie n'était à présent plus derrière lui, mais dans le creux de mes reins.
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Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Ven 1 Nov 2019 - 23:26
from dusk till dawn.
Découverte de monts et vallées, âme de l'aventurier cherchant de nouveaux repères dans un relief nouveau, mais qu'il aurai dû connaître : le pianiste avait tout du charmeur invétéré et ce, depuis l'adolescence. Ces gestes, Evan les avait posés des centaines de fois - c'était avec l'assurance de l'homme sachant exactement où poser chaque toucher qu'il tenait Ariadne contre lui. Le professeur ne demandait plus - il reconnaissait l'acquiescement enfiévré de celle qui avait été sa rivale, son amie, sa plus chère (etjamaistendre). Fermant les yeux à demi au contact digital de la jeune femme, envahi par les effluves de lavande ne la quittant jamais, il laissa échapper une plainte rauque. L'échange avait une saveur à la fois inconnue et incroyablement rassurante, mais ils n'avaient plus quinze ans : les adultes qu'ils étaient ne demandaient pas ce qu'ils souhaitaient prendre. Puissance du geste malgré la douceur, malgré la conscience aiguë des jambes de la médicomage, désormais enroulées autour de sa taille. Impression d'être à la fois un maître et un serviteur. Tiraillé entre le désir primal de faire de la jeune femme le réceptacle de ses envies avec une rudesse qui tranchait avec ses tendances courtoise de gentleman et le besoin de la protéger, la sentir contre sa peau en la cajolant. Lèvres en fusion, cœurs fusionnels. Soulevant la jeune femme d'un geste gracieux, Evan glissa une main sous l'une des cuisses d'Ariadne pour lui éviter une chute, ses doigts fermement ancrés dans sa peau.
Déposant la sorcière sur l'instrument dont elle avait joué quelques instants plus tôt, le musicien s'écarta pour la première fois, souhaitant prendre la mesure de ce qu'il s'apprêtait à faire. Il se serait cru plus impatient, mais il y avait un calme océanique en lui, paradoxalement conjugué à un besoin criant dans sa poitrine et ses reins. Désir tissé de tendresse au creux de son regard de forêt, Evan approcha son visage de celui d'Ariadne, posant son nez contre le sien. « Dis-moi ce que tu veux », intima-t-il contre ses lèvres, le ton murmurant, mais d'une voix qui n'admettait aucune réplique. « Je suis à toi, et je ne vais nulle part ». L'assurance vibrant dans les cordes vocales. La rouquine (sa rouquine) avait attendu trop longtemps que son meilleur ami cesse ses éternelles frasques. Evan voulait lui donner exactement ce qu'elle voulait - choisissant enfin au sein du paradoxe. Tout ce qu'il était, il le mettait aux pieds de la capricieuse. Malaise du corps oublié au profit des besoins primaux faisant vibrer sa poitrine, le sang courant dans ses veines au rythme des baisers dont il parsemait le bras de la sorcière, couvrant chaque centimètre de peau soyeuse jusqu'à la cime posée sur ses genoux. Le géant s'était accroupi, posant une dernière fois les lèvres sur Ariadne, effleurant l'intérieur du bas de sa cuisse avant de lui jeter un nouveau regard, avec la ferme intention de ne rien faire avant que la sorcière ne lui en fasse la demande. Il y avait en cela un jeu de pouvoir, mais ce n'en était pas réellement un - pour tout ce qu'ils pouvaient créer, ambitieux rois de leur univers, Evan ne voulait plus avancer sans elle.
- InvitéInvité
Re: [/!\+18] (arivan) a thousand years
Mar 3 Déc 2019 - 21:06