(mood) L’étendue glacée avait crissé sous ses pas, inerte. Le silence de la nuit tombée trop tôt l’enveloppait, uniquement rompu par la neige accueillant les traces du passage du géant blond. Contrairement à plusieurs sorciers trop habitués au transplanage pour avoir développé une quelconque patience lorsqu’il s’agissait de transports, le futur auror voyait dans ce trajet l’occasion de tenter de poser une bride sur le chaos émotionnel l’envahissant à la simple idée de leur rencontre. Le bruit des lourds gonds des portes massives de l’université – à croire que l’environnement semblait vouloir rappeler à l’univers la présence du musicien, l’annoncer en trombe, alors que le blond aurait préféré une entrée discrète … rien à se reprocher, vraiment. Nulle honte à avoir, se répétait le sorcier – majeurs, et ils ne faisaient rien de mal. L’Écossais mentirait-il, pourtant, si on lui demandait pourquoi un ancien soliste de l’orchestre philharmonique de Vienne se mettait à la disposition d’une danseuse en guise de vulgaire accompagnateur de répétition? Tenterait-il de justifier ce besoin étrange d’assouvir l’inspiration d’un artiste à toute aune, pourvu qu’elle soit belle talentueuse? Détournerait-il la vérité en affirmant prosaïquement joindre l’utile à l’agréable? La nécessaire pratique du musicien, tout en se joignant à un autre corps par les notes de musique dont il parsemait l’air ambiant, l’atmosphère devenant si lourde qu’on aurait pu s’y abandonner.
Ascension des escaliers menant au premier – démarche de voleur, pensées coupables balayées du revers de la main par l’artiste tenant son instrument, mis à nu par la galerie des glaces de l’endroit. Reflets démultipliés – si on y plongeait le regard, y verrait-on chacune des facettes de l’homme, miroirs de sa vie? L’étudiant. L’amant. L’époux. Le veuf. Le violoniste. Le chevalier en armure (de tôle). Éclatant, trop vif pour être gardé en cage, ne fléchissait-il pas alors que sa lumière se réfléchissait sur les glaces? Lentement, il posa sa veste sur le banc du piano, révélant sa tenue simple et posant un genou sur le banc de l’instrument. Sans mot, l’Écossais tira son violon de son précieux étui, et commença à en tirer des notes – le silence n’était pas réellement rompu, lorsque ses notes y glissaient. Lentement, avec une langueur calculée, il annonçait sa présence, comme on appâterait une proie sans réaliser être soi-même pris au piège.
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wise enough (calliope) (terminé)
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Re: wise enough (calliope) (terminé)
(i don't wanna be alone tonight) n’arrête pas, je t’en prie. la rose fait délicatement glisser son bas (obscur) le long de sa cuisse abîmée. cicatrice indélébile. dérobé marqué à même l’épiderme. douloureux. lancinant. insignifiant. elle ne lui occupe en rien l’esprit ce soir. comme anesthésiée. continue. ses prunelles s’épuisent et ses iris lapis-lazuli disparaissent. la cyclamen passe ses doigts, fins, le long de sa nuque et les mêlent à la confusion. boucles rousses qui tombent le long de son échine. libres. plus que quelques minutes. elle ne doit plus tarder. elle ne le fera pas attendre. pas lui. le tissu satiné de sa robe églantine se dépose délicatement sur ses courbes. affolantes. paupières toujours closes. elle inspire profondément et s’intime des pensées interdites. arrête. palpitant qui s’insurge et qui pourtant s’interroge. continueras-tu de jouer pour moi ? elle use habilement son reflet dans le miroir et accuse chaque parcelle de son âme torturée. continueras-tu de jouer pour moi quand le temps nous aura oublié ? enfin prête. l’aiguille indique le moment tant attendu. la rose saisit ses chaussons et se hisse hors de la chambre. quand le temps se sera arrêté ? elle rejoint la salle commune et s’y éternise quelques instants. tu es là. tout prêt. la ballerine appréhende les premiers accords. ils parviennent à ses oreilles comme de doux sortilèges. joue encore. elle ferme à nouveau ses paupières et laisse ses pas s’évanouir sur le parquet de la salle commune. la danseuse et son joueur de flûte. aucune besoin de le voir, elle n’a qu’à l’entendre. le sentir. je vais te trouver. la berceuse l’attire tout droit jusqu’aux portes de l’enfer. son (délicieux) enfer. le murmure de l’archet sur la corde lui intime de le rejoindre. c’est envoûtant. et elle le suit. petite rose prise au piège de ses propres épines. enfin. tu es là. elle ouvre les yeux. captivée. éclopée. la rose se tient debout, en troisième position, presque malgré elle. la salle de danse est vide. il n’y a que lui. qu’elle. qu’eux. elle hésite une seconde et s’avance d’un pas en direction de l’érudit, le regard pénétrant. elle ne dit rien. pas un mot, de peur de rompre la magie. Joue encore pour moi. ses yeux l’implorent et ses courbes se tiennent prêtes à imploser.
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Re: wise enough (calliope) (terminé)
(mood) Avec la douceur d’une caresse, le musicien faisait glisser son archet le long des cordes tendues de son instrument, sa figure autrement figée, Atlas ployant sous le poids du monde, soutenu par le violon qui le raccrochait de ses notes à l’infini qui n’attendait que d’être regardé en face. Le géant l’appelait de sa mélodie, fils invisibles d’art se laçant à travers l’air pour joindre le musicien à sa muse, et il lui intimait de venir, impérieux. La musique rompue par le bruit d’une porte, et le violoniste garda le regard contre le parquet usé de la salle de danse – par crainte de se brûler en croisant celui de la jeune femme? D’y voir une énième fois un écho de ce qui le fait vibrer? Ces rencontres fréquentes, secrètes, échangées sous le couvert de si peu de mots. Les âmes liées par la beauté partagée en ces lieux. Lentement, les prunelles céruléennes remontèrent le long de la figure gracieuse, qui s’avança vers lui, comme si elle avait été imprimée d’un mouvement sous l’impulsion de son regard – Galatée, sous ses yeux? Une poupée de cire devenue statue d’albâtre, mue par la volonté de la musique. En filigrane, il lui sembla en voir une autre – refusa sa présence, à elle. L’avait enterrée, ne souhaitait pas que sa présence hante ses pas, ses notes. Doucement, Evan imprima un rythme lent aux pas de la danseuse s’approchant de lui, ses iris attachées au visage de la tentatrice. L’instrument faisait naître une plainte mélancolique emplissant l’air ambiant – de musicien austère et distant, il était devenu spectateur, allié. Sans la toucher, sans qu’un observateur externe ait pu le réaliser, même, mais elle ne dansait pas seule, la belle – accompagnée, alors même que son regard chaste caressait ses courbes soulevées par sa musique. Car il y avait un plaisir certain dans cette forme de contrôle exercé, du rythme imprimé par les caprices de son œuvre aux mouvements incandescents de la ballerine. Cette sensation de tout pouvoir réclamer, tant qu’il le faisait du bout de son archet, et de savoir son propre art nourri à l’aune de la beauté de la figure captivante dont il ne pouvait plus détacher le regard, subjugué. Englué qu’il était devenu dans la toile qu’elle avait tissée avec les fils lancés sur sa peau.