Les pas de Sayanel le menèrent vers la salle des profs sans qu'il ne s'en rende réellement compte, trop concentré sur les notes qu'il prenait sur son carnet. Il était encore enveloppé dans son écharpe noire, revenant tout juste d'une balade dans le parc où il s'était intéressé aux espèces d'oiseau qui nichaient là. Non pas que les oiseaux soient sa plus grande et intense passion, non, cela aurait été le piano, ou la littérature, ou peut-être l'histoire, à moins que ce soit l'astronomie... Bref, il avait juste été pris de curiosité comme cela lui arrivait régulièrement et avait décidé d'agrandir son champs de connaissances sur le sujet. Sayanel aimait le savoir, et il aimait le posséder. Il le savourait indéfiniment, toujours prêt à l'étendre, ce qui avait fait de lui une sorte d'encyclopédie géante.

C'est donc le nez plongé dans son carnet de notes que le prof de littérature poussa sans y penser la lourde porte de la salle réservée aux enseignants. Il se diriga vers son fauteuil habituel, sans même relever la tête, habitué à connaître un terrain par coeur après y avoir posé les pieds une fois. Il allait se laisser tomber entre ses bras lorsque une voix qui lui était familière se fit entendre derrière. Une voix qu'il avait plus souvent connue gémissante, et pour cause elle appartenait à un homme avec qui il avait passé une nuit, mouvementée, quelques temps auparavant.

Soudent intéressé -l'inconnu en question lui avait laissé de bons souvenirs- le grand brun lâcha pour la première fois son carnet du regard, venant planter ses yeux polaires dans ceux de l'homme qui avait pris la parole. Il était assis à la table commune, corrigeant depuis ce que Sayanel estimait être plusieurs heures au vue de ses cheveux ébouriffés et de l'air fatigué de celui dont il ne se rappelait pas le nom. Non pas qu'il n'avait pas apprécié les instants passés en sa compagnie, loin de là, ce genre de choses n'étaient pas ce qui restaient le plus longtemps dans son esprit. Il fallait faire le tri, et franchement, entre connaître toutes les sortes d'oiseau d'Ecosse et le patronyme de tous ceux avec qui il avait passé une nuit agréable, le choix était vite fait. Enfin, il se trouvait là, par hasard, face à un homme qu'il aurait bien remis dans son lit à l'occasion et il ne se rappelait pas de son nom. C'était dommage. Négligeable, mais dommage.

Après un court silence Sayanel répondit à son interlocuteur, le déshabillant du regard sans s'en cacher. Le professeur de littérature était un séducteur réputé, et s'il aimait la classe et la finesse, il ne s'ennuyait pas à le cacher, c'était inutile ; et Sayanel détestait ce qui était inutile.

- C'est une bonne surprise. Je vous retourne votre remarque, bien que vous me sembliez un tantinet déséspéré par le paquet de copies devant vous. Je ne vous savais pas professeur d'ailleurs, et je connais tous mes collègues, vous êtes vous fait assistant ?

Sayanel avait parlé de son habituel ton calme, employant le vouvoiement, comme il le faisait presque toujours, avec ceux qu'il connaissait peu.