Ecrin de parchemin prenant son envol en direction de l’être aimée, simplement ficelé aux serres d’une élégante dame blanche. Rédigé sur le papier, ton désir de discuter avec elle, de faire le point sur ta propre situation. La supplique, courtement formulée mais suffisante et qui pourrait laisser place à l’angoisse. C’est bien ton genre, de provoquer des états d’anxiété chez les autres. Par tes demandes sibyllines mais directives. Cela fait maintenant plusieurs mois passés plus ou moins loin l’une de l’autre. Eden a beaucoup de travail, toi également. Si l’exercice de vos responsabilités incombe des sacrifices que vous êtes prêtes à franchir, cela ne signifie pas pour autant que la tâche est aisée.
Et tu as besoin de son avis. Le tissu qui enveloppe ta silhouette, toute d’un bleu nuit, tranche avec les reflets solaires et joyeux de l’été. Enfin cette saison dont la chaleur te remémore en partie celle de tes origines égyptiennes. Ta peau a pris une ou deux teintes supplémentaires, ce qui n’est absolument pas désagréable d’ailleurs. Au contraire, cela a tendance à embellir tes traits. La porte ensorcelée des appartements d’Eden finissent pas te laisser la voie libre. Là, tes sens sont assaillis d’agréables effluves gastronomiques.
A ton entrée, la boule de poils répondant au nom de Malah se précipite jusqu’à toi. Tu flattes la Border Collie et ne peux t’empêcher une large esquisse à la fête qu’elle te réserve. Tu soupires tranquillement. Tout cela t’avait manqué. Enfin, tu te sens officiellement de retour dans ce cocon rien qu’à vous. Cet endroit, ces êtres avec lesquels tu es en fusion totale et avec lesquels tu peux être qui tu es réellement. En passant ce pas de la porte, c’est comme si tu laissais derrière toi l’ensemble de ces conventions sociales destructrices, la totalité de ces us et coutumes qu’il convient d’avoir pour faire face.
Ton palais ne s’y tromperait pour rien au monde, tu penses qu’il s’agit d’un canard qui mijote tranquillement sur le feu. Une autre odeur, celle du four allumé, te donnerais l’eau à la bouche. Tu ne peux que saluer les efforts d’Eden pour te faire du bien. Tu souris, affectueusement à tant d’attentions. Ton œil entrainé remarque instantanément les bouteilles de rouge disposées sur le bar. Bon choix. Très bon. Quelques notes disparaissent tandis que tu t’approches en silence du piano.
La sublime Sykes se tourne en ta direction, prunelles sombres détaillant cette prestance vêtue d’une robe rouge à pois blancs qui lui sied à merveille. Tu lorgnes ce geste en direction de sa minuscule baguette tirant ses cheveux en un subtil chignon. Tu sais ce dont il s’agit. Elle sait que tu n’apprécies pas cette addiction. Mais peu importe. Tu as mis cela de côté. Aimer quelqu’un, c’est l’aimer dans son entièreté. Sans concession. Sans jugement. Et tu en es arrivée à ce stade-là. Parce que tu es amoureuse de cette femme. Sa paume contre ta hanche t’invite à accentuer le baiser échangé. Enfin.
Les paupières closes, tu l’enlaces un peu plus contre toi, soulagement face à cette délicieuse figure d’attachement. « Maintenant, je vais bien » lui intimes-tu à son oreille. La lueur rosée à ses yeux te remémore cet amour inconditionnel qu’elle te porte. Si tu avais ce même don, inutile de mentionner que ton regard prendrait la même coloration. L’amour, et un brin d’anxiété. Plus ou moins ce même combat. Être à la hauteur l’une de l’autre. Les doutes à cause du temps passé à s’être éloignée. Et pourtant ce réflexe de se tourner vers elle. La distance n’est pas suffisante.
« Je suis ravie de te retrouver … De t’avoir contre moi … » L’émotion illumine avec douceur tes iris d’habitude inexpressifs. Tu te sens si bien. Il y a cette table dressée plus loin pour laquelle tu es trop polie pour initier un rapprochement. Tu n’es pas l’hôte de la soirée. « J’ai besoin de ton avis. Le Ministère me propose de prendre la tête du Département des Mystères. Cela fait un peu plus d’un an que je sors enfin la tête de l’eau, que je reprends le fil de ma vie. En grande partie grâce à toi. Je ne veux pas tout gâcher pour une quelconque ascension ».
- InvitéInvité
Oh darling, stay with me | Cléoden
Les lueurs et la gaieté de l’été, probablement deux des choses qui m’ont le plus manqué cet été. Depuis que je ne m’entraîne plus dans des conditions si extrêmes qu’auparavant, le froid est plus mordant, plus agressif. L’âge joue peut-être aussi, mais dans l’ensemble je me sens… Bien. Et si l’harmonie apporte la gaieté de l’ensemble, il en va de même pour la table. La fin d’année s’est faite rude. Certaines de mes recherches sont à un point culminant et j’ai passé beaucoup de temps à lorgner les lignes imprimées sur du papier fin. Trop de livre, trop peu de vie sociale. Si c’est un rythme qui me conviendrait en temps normal, mon quotidien ne s’arrête plus à moi et moi seule.
Une table adroitement installée, nappe rouge, chandelier en son centre, des assiettes donnant temporairement l’aspect de la porcelaine. Si j’accorde beaucoup d’importance à l’esthétisme, c’est une vérité que je transcende plus en divers œuvres qu’en art de vie, toujours habituée à un rythme rudimentaire. Couverts de chaque côté, deux bouteilles de vin rouge au comptoir, trois de blanc dans le frigo, ayant vu large pour satisfaire le palais de madame, bien que je pense commencer à sonder ses goûts en matière d’œnologie, vaguement.
M’approchant des fourneaux, je retournais une énième fois le canard cuit à feu doux, jetant par la même occasion un regard au gratin dauphinois dorant au four, soupirant vaguement. Ce genre de soirées sont assez angoissantes pour moi. Les mondanités sont des choses que je maîtrise mal. J’ai toujours cette légère angoisse de mal faire. Nous n’avons pas reçu la même éducation, Cléopatra et moi. Loin de là. Nous n’avons pas non plus le même rythme ni le même mode de vie. Pourtant les choses sont ce qu’elles sont, et chaque pensée s’accompagne comme à cet instant d’un sourire, le sourire d’un amour pur et sincère.
Mais soit, sort de tes rêves de princesse, Eden. Tu as du pain sur la planche.
M’activant à ma préparation, tout en surveillant l’heure de manière précise. Un jour, il faudrait que je m’amuse à vérifier ses heures d’arrivées par rapport à l’heure fixée pour établir un schéma de probabilité et me tenir droit devant la porte. L’idée me faisait rire. Je crois que ça serait effrayant. Un peu. Et puis, c’est le rôle de Malah de lui sauter dessus à l’entrée pour l’accueillir. Je sais encore un minimum me tenir.
Enfin, force d’anticipation, mes préparatifs s’achevaient avec une demi-heure d’avance. Ma pensée première, c’était d’essayer de paraître moins tendue. Le stress des détails est un véritable souci, je ne veux pas lui donner cette impression que… J’ai peur, ou quelque chose comme ça. Et en même temps, je n’ai pas non plus envie de passer pour celle qui n’en a rien à faire. Le juste milieu, c’est cette jolie petite plante verte concassée que je tassais dans une feuille avant de passer un bref coup de langue sur la colle pour enrober le tout et l’allumer à l’aide de mon briquet, en même temps qu’une paire de bâtonnets d’encens disposés à des endroits stratégiques pour masquer l’odeur.
Cendrier et verre de whisky sur le piano, je laissais les notes me guider, pianotant pour chercher l’inspiration avant d’entamer une chanson, Particles. L’avantage d’un piano ensorcelé, c’est cette facilité d’en couvrir le volume avec ma voix, la réverbération des deux donnant l’aspect de chanter dans une gigantesque pièce prévue à cet effet.
Yeux clos, je laissais les notes me bercer, donnant de la voix, clair et cristalline, le flot de mes pensées se vidant, perdant pied sur mon environnement. Un instant, bref, j’étais… Ailleurs, dans un environnement plus serein, plus sécurisant, focalisée, mes pieds nus jouant des pédales du piano à queue pour apporter les nuances nécessaires.
[…]Oh doctor please, this don't feel right
Oh can't you give me something ? To get me through the night
Oh if it all falls apart and if this thing goes wrong
Oh put me back together, however you want
My mind plays tricks… And I don't sleep no more… Doctor, please, I can't switch off.
Baby, tell me if I'm being strange
And if I need to rearrange
My particles, I will for you
My particles, I will for you
L’ironie m’éprenait aux dernières notes, songeant à mon changement de corps l’année passée, à mes terreurs nocturnes, mes insomnies trop récurrentes. En sortant de mes pensées, le flux d’information reprenait, clignant des yeux en découvrant la reine de jais dans la pièce, proche de la Border Colie, me redressant du siège en souriant, timidement, épaules légèrement rentrées. C’est rare, que je joue devant quelqu’un. C’était arrivé avec Cléopatra, mais dans la majorité des cas, c’était dans des circonstances particulières. Ou… Je n’étais pas entièrement sobre. Voir une combinaison des deux.
« Hey ! Eumh… Désolée, je ne t’ai pas entendue arriver. »
Repris-je en m’avançant, titillant ma baguette servant à tenir mon chignon du bout des doigts afin de me débarrasser de l’odeur de cannabis et reprendre mon parfum habituel, fleuris et assez atypique sans pour autant être trop flagrant, m’avançant jusqu’à son niveau, passant une main à l’une de ses hanches pour m’avancer et offrir un baiser chaste à ses lèvres avant de lui laisser un peu d’espace.
« Tu m’as dis que tu voulais me parler d’un truc, j’ai fais à manger du coup ! Tu vas bien ? »
Je me détendais, c’était partie technique à introduire. Son courrier précisait qu’elle voulait me parler de quelque chose, ça ne signifiait pas pour autant qu’elle resterait, après tout, je n’ai pas été extrêmement présente ce semestre. Elle pourrait très bien refuser, ce que je comprendrais. Mais une part de moi ne le souhaitait pas, en témoigne la lumière rose pâle s’évadant des mes yeux, trahissant mes sentiments. En un sens, c’est quelque chose qui m’embête bien. Cette lueur, elle est toujours aussi forte qu’au premier jour, elle est là pour prouver un amour inconditionnel, passionné, peut-être un poil excessif, et les prunelles noir me faisant face sont certes magnifiques, mais si énigmatiques… Est-ce qu’elle m’aime autant qu’avant ? Est-ce que… C’est toujours pareil pour elle ? Et en même temps, même si je suis bien plus inexpérimentée en relations amoureuses, je sais pertinemment que ce sont des questions qui ne se posent pas. Pas à notre âge en tout cas.
- InvitéInvité
Re: Oh darling, stay with me | Cléoden
- InvitéInvité
Re: Oh darling, stay with me | Cléoden
Le temps fait bien les choses, je suppose. Et cette pensée me faisait sourire juste après l’échange de nos souffles, de nos lèvres. Ses yeux s’éteignent, les miens suivent peu après. Dans notre cocon, dans notre monde… Juste nous… Les poils de mes bras se hérissent alors que ma tête bascule contre son front, sur la pointe des pieds pour combler l’absence de chaussures de mon côté.
« Maintenant, je vais bien »
Un frisson s’immisce alors que son souffle frotte contre mon oreille, recevant chaque mots, chaque syllabes, chaque lettres, chaque soubresauts d’intonation. Ce « maintenant » me laissait curieuse. Que se passe-t-il dans ta vie ? Tout va bien ? Dis-moi que tu prends soin de toi et que tu te préserves des risques… Et en même temps, si ce n’était pas le cas… Qui serais-je, pour te sermonner à ce sujet ? L’effet boule de neige, c’est ma spécialité : la maniaque du contrôle qui perd le contrôle de tout ce qu’elle entreprend. C’est d’une ironie…
« Je suis ravie de te retrouver … De t’avoir contre moi … »
Ces mots… A nouveau, je rouvre les yeux pour me plonger vers elle. Enfin… Enfin une expression que je suis en mesure de lire… C’est si agréable, de voir qu’elle est toujours capable de baisser sa garde, même si la période joue en notre défaveur. Et d’ailleurs…
« J’ai besoin de ton avis. Le Ministère me propose de prendre la tête du Département des Mystères. »
Mon souffle se coupe un instant, mon torse se redressant alors que mes prunelles s’agrandissaient. Prendre la tête du département des mystères ? Mais ça veut dire… Ca veut dire quitter l’université, un poste prenant en terme de risques et de responsabilités, ça veut dire…
« Cela fait un peu plus d’un an que je sors enfin la tête de l’eau, que je reprends le fil de ma vie. »
Elle reprend le fil de sa vie, ça veut dire qu’elle n’a plus besoin de moi… La panique monte et je la réprime comme je le peut. La plus grande des ironies… Soit que ma tristesse s’exprime par le rouge, mon amour par le rose… C’est une nuance si proche, qu’elles sont difficiles à différencier lorsque le blanc qui vient éclaircir mon amour par la sérénité s’efface. Je ne panique pas. Non. C’est tout autre chose. C’est un monde. C’est un rêve. C’est un univers. C’est un paradis, qui s’effondre.
« En grande partie grâce à toi. »
Ce sont des adieux… Des remerciements… « Merci pour tout ce que tu as fais, mais… », j’ai déjà lu ça… C’est… Fini, c’est fini, ça va finir… Les mots de Clov par la plume de Beckett me reviennent en tête. Fin de Partie… La question n’est pas de savoir si ça va finir ou non… Tout s’achève un jour, la question est de savoir comment. Ressaisis toi Eden. Vite. Vite. Vite.
« Je ne veux pas tout gâcher pour une quelconque ascension »
Mon cœur s’accélère, se soulève. Mon cerveau a sur-analysé, bien trop vite… Eden Sykes, bientôt 44 ans, toujours pas foutue d’attendre la fin d’une phrase avant de réfléchir. On dirait une enfant. Pour autant, mes émotions elles, ont bien fait un yoyo monumental et mes épaules ne sont… Pas faites pour ça. Je le sais. Les montagnes russes, c’est amusant. Pas quand il s’agit de mes sentiments. Et ma tentative de les réprimer pour éviter qu’elle ne se sente coupable, rends la sentence de ma bêtise encore plus imminente.
« Putain de merde. »
Jurer. C’est quelque chose de rare. Mes prunelles s’humidifient, rapidement, trop rapidement, montrant qu’il s’agit bien d’une réaction de panique et non de tristesse, bien qu’en l’instant je n’avais aucun contrôle, ni sur ça, ni sur l’instant suivant, la serrant dans mes bras en prenant maladroitement soin de bien placer mon étreinte de façon à éviter de lui briser les côtes ou de la blesser d’une quelque façon… Et… Ca non plus, je ne le contrôle pas.
« Je suis désolée, je t’aime, je t’aime de tout mon cœur, je t’aime plus que tout, je t’aime, pardon ! »
Les sanglots s’éprenaient de moi et je me cachais, honteuse, au creux de son cou. Mon corps tremble. Et aussi paradoxal que ça soit… Je me sens… Heureuse, de pouvoir ressentir des choses aussi fortes. De me remettre en mémoire très exactement à quel point je suis amoureuse, à quel point je tiens à elle. Je reculais. Par pudeur, peut-être, ou par habitude de reprendre le contrôle seule. Je n’ai pas été l’enfant qu’on venait consoler après un cauchemar. Pas celle qui a reçu l’amour de parents aimants. Loin de là. Si je veux partager bien des choses, je n’ai jamais trop accepté de lui faire porter le fardeau de la solitude en laquelle on m’a jeté et pour laquelle j’ai paradoxalement lutté, creusant de plus en plus profondément plutôt que de chercher une porte de sortie… Face à moi.
« Désolée je… J’suis un peu à fleur de peau en ce moment. »
Un rire nerveux, essuyant les derniers vestiges de l’ouragan de panique qui m’a traversé, illustré à mes joues par quelques larmes.
« Tu sais ce que je pense du Ministère, évidemment. Mais… Pour ta renommée, pour ton épanouissement professionnel, personnel, pour gravir les échelons, petit à petit… C’est une occasion en or. Et… Même si cela voudrait dire que tu serais moins disponible… Je m’organiserais, je… Je suis assistée pour mes cours, s’il poursuit je pourrai lui en confier un peu plus, dégager du temps, on pourra toujours trouver une solution. On trouvera toujours une solution. Quelle que soit ta décision, je t’aime, et je te soutiendrai. »
Je soufflais un instant, secouant la tête pour laisser à la métamorphomagie le soin de masquer les yeux rougis par les larmes, mes yeux eux, s’étant raccommodé plus rapidement que moi, déjà revenu au rose. Mais le monde, lui, parait toujours aussi abstrait. Comme à chaque fois que je panique, mon rythme cardiaque, mon souffle s’accélère, et si la bonne condition physique me permet d’éviter les affres de l’âge sur le cœur, ma vue elle demeure légèrement trouble et le sol me parait si confortable. Mais je lutte. Du bout des doigts, j’agrippais les siens pour revenir me blottir, mon étreinte bien plus douce.
« Je t’aime… »
Je m’apaisais. Petit à petit. Ma voix, les battements de mon cœur contre le sien, tout semblait le prouver. Eden Sykes égale à elle-même. Surréagir, prendre un uppercut émotionnel et revenir à la charge avec un coup de pieds retourner pour reprendre le contrôle. C’en devient presque classique. Je gloussais vaguement, surfant sur l’auto-dérision. Je me sens… Stupide, vraiment stupide de lui avoir donné ça au vu de l’importance de ce qu’elle m’annonce… Le tiraillement d’une adulte qui se comporte comme une adolescente.
« Bon, même si… J’ai un peu gâché la nouvelle, je vais au moins éviter de rater le repas »
Riais-je vaguement pour détendre l’atmosphère en m’éloignant vers la cuisine.
« Tu peux déboucher une bouteille le temps que je sers, s’il te plait ? Comme ça tu peux choisir la bouteille, même si… J’ai déjà ma petite idée de laquelle. »
L’habitude, l’habitude d’observer. Observer tout mon environnement. Le calme après la tempête…
- InvitéInvité
Re: Oh darling, stay with me | Cléoden
De ces liens étonnants qui se nouent entre deux existences humaines, le votre contraste remarquablement d’avec vos années universitaires. Cette décennie lourde de sens pour la jeune égyptienne que tu es, bien que déjà orageuse à l’époque. Ces thèses, déjà soutenues au cœur de la même spécialisation. L’une tournée vers les forces du mal, l’autre vers les transformations multiples. Contact frontalier signifiant l’apaisement et le réconfort. Enfin. Enfin, tu peux prétendre aller bien. Aller mieux. Tu fonctionnes ainsi, figures d’attachement excessivement sélectionnées.
D’une parcimonie harmonieusement maîtrisée, tu te livres et délivres ces quelques mots dont l’amour résonne à ton esprit. Si tu te confies peu, ce que tu prétends est aussi fort que le marbre, plus sincère que jamais. Ses réactions ne sont pas étonnantes, elles retracent amèrement ce que tu ressens en ton for intérieur. Tu parais si frêle dans la force de son étreinte dont tu connais les manquements qui par le passé l’ont conduite à être surveillée du Ministère tout entier. Toi, en partie missionnée en ce cadre-là.
Sur la tangente, la panique palpable, tu l’accueilles contre toi avec humilité. Les paupières closes, tu prends le temps d’écouter chacune de ses déclarations, toi l’enseignante ténébreuse qui effraie, qui maltraite, qui humilie, toi, celle que l’on ne pourrait aimer. Et pourtant, tu incarnes aussi celle qui soutient, celle qui accompagne, celle qui supervise, celle qui protège, celle qui aime. Figure complexe aux maints échafaudages. Douce esquisse qui traverse enfin ton visage dont les babines semblent se rétracter. Eden est tendue, autant que toi en l’instant.
Tendre opposée à tes directives individuelles, la métamorphomage avance directement l’éventualité de solutions. Son optimisme est touchant là où le tien est néant. Sur cela, la blonde est bien meilleure que toi. Un soupçon d’étincelle dans une vie trop réaliste, voilà ce qu’il te manque cruellement. « Je t’aime, Eden » parviens-tu seulement à énoncer, la mine grave. « Justement, je ne suis pas certaine que nous puissions trouver une quelconque solution ». Brutale. Tu prends conscience de l’équivoque permise par tes paroles.
Morsures machinales dans le creux de ta joue. Tu l’admire s’affairer à ses priorités culinaires. Les appartements sont emplis d’une agréable senteur dont les effluves envahissent tes sens. A la moldu, tu t’empares d’une bouteille et d’une main experte tu te saisis d’un ouvre-bouteille. Le bouchon saute dans une sonorité caractéristique. Tu adresses en sa direction un coup d’œil complice. « Rien de tel qu’un Bordeaux Haut Médoc, très bon choix, Miss Sykes » Un vin rouge, nerveux, vif et puissant dont les arômes sont à la fois complexes et généreux.
Servant son verre puis le tien, tu essaies de te servir d’un petit objet muni d’une sorte de gâchette … Tu essaies, sans succès. « Les moldus appellent cela, un briquet, hm ? » commentes-tu en abandonnant superbement l’artéfact sur la table. « Je pourrais bien sûr les allumer par la magie. Mais le faire comme les moldus a son charme, surtout pour ce genre de soirées. Tu voudrais m’apprendre ? ». Sorcière de sang-mêlé dont les coutumes sont nettement orientées par la vie en société sorcière. « Pour le Ministère … » reprends-tu, déposant la bouteille nerveusement sur la table. « Eh bien je me sens plus utile à l’Université ».
- InvitéInvité
Re: Oh darling, stay with me | Cléoden
« Je t’aime, Eden »
C’est tout ce qui importe. C’est tout ce qui m’importe. Je n’en demande pas plus. Je n’en mérite pas plus. Bien que je ne considère pas le mériter, mais ce n’est pas un système de pensée viable pour rester saine d’esprit et je me dois de garder la tête haute. Culpabiliser des troubles que j’ai pu causer dans l’océan des vies d’autrui serait la pire chose que je pourrais faire aujourd’hui.
« Justement, je ne suis pas certaine que nous puissions trouver une quelconque solution »
Fatalité, oui… Mes lèvres se pincent un instant, je baisse les yeux, alors de dos, mon poing se resserrant vaguement. Attends, Eden… Soit patiente. Rien n’est plus différent de ta vie d’avant, simplement l’objet de ta lutte. Hier, c’était pour le malheur d’autrui. Aujourd’hui c’est pour ton propre bonheur, qui passe inexorablement par celui des gens que tu aimes. Et celle que tu aimes… Elle est là. Juste là. Ne la laisse pas partir.
« Rien de tel qu’un Bordeaux Haut Médoc, très bon choix, Miss Sykes »
« Un breuvage d’exception pour une femme d’exception »
Un clin d’œil, timide, peut-être. Mes prunelles oscillaient toujours vaguement entre plusieurs couleurs, heureusement, aucune ne trahis réellement ma détermination qui est la seule chose qui me fait tenir debout en remuant mes plats avec une certaine précision et énergie. Si ma tête tourne, un peu, que les lueurs de mes yeux miroitent maladroitement, laissant osciller des prunelles encore légèrement humides, je tiens debout. Et je suis là.
« Les moldus appellent cela, un briquet, hm ? »
Me tournant assez brusquement je cligne des yeux en observant le briquet avant de sourire, timidement. Les sorciers ayant baigné dans la magie ont ce quelque chose, tout comme les moldus, il n’y a rien de plus magique que la découverte, la curiosité d’un être humain face à quelque chose qu’il ne maîtrise ou ne connait pas parfaitement.
« Je pourrais bien sûr les allumer par la magie. Mais le faire comme les moldus a son charme, surtout pour ce genre de soirées. Tu voudrais m’apprendre ? »
Tout est plus simple avec la magie. Tout est trop simple. Elle l’a retenu, ça a quelque chose de touchant. Elle connait mes attachements irrationnels. Une demi-journée par semaine entièrement « perdue » à faire mon ménage moi-même, au moins une heure par jour à faire à manger, des heures entières sacrifiées m’ayant fait « perdre » un temps précieux sur mes recherches, malgré tout j’en suis tout de même venue à bout cette année, de cette thèse. Faire table rase et partir sur autre chose, il en était grand temps et j’en ai besoin. M’approchant soigneusement, pour contourner la déesse égyptienne, mes doigts vinrent d’abord enlacer ses hanches, mon bassin s’y collant, sur la pointe des pieds pour nicher mon menton sur son épaule et attraper le briquet.
« Pour le Ministère … »
Je m’arrêtais en mon mouvement, m’immobilisant presque. Un frisson palpable me traversait, trahissant l’anxiété. Pour le ministère… ?
« Eh bien je me sens plus utile à l’Université ».
Mes doigts se resserraient maladroitement autour du briquet, jusqu’à entendre un « crac », sursautant au risque de le faire exploser, relâchant mon étreinte autour de l’objet pour venir chercher le cou de l’être aimé du bout des lèvres et l’y embrasser, remontant à son oreille.
« Quoi que tu fasses, où que tu ailles, je serai toujours là pour toi. Je te le promets. »
Une promesse… N’est-ce pas la deuxième ? Cléopatra me fait changer. Enormément changer. Revenir sur des tas de choses, et paradoxalement… Ca me fait du bien. Intimidée, peut-être, finalement, cette histoire de briquet tombait à pic. Présentant l’objet, je venais exercer une pression pour en libérer la flamme.
« Le petit cran métallique au-dessus sert d’énergie d’activation, on l’appelle la pierre. Ca permet de générer une étincelle qui va puiser dans le combustible, le gaz ou l’essence contenu dans le briquet, libéré par le petit bouton situé juste au niveau de là où on effectue la pression, afin de générer une flamme qui va être alimentée par le comburant, l’oxygène en l’occurrence. En faisant une petite pression, ici… »
Du bout des doigts, je venais pousser le cran de résistance du briquet vers le minimum
« On attenue la quantité de combustible transmise en réglant ici. On peut aussi retirer la résistance à l’intérieur du briquet pour créer une flamme plus vive. Du coup, pour le faire fonctionner, à la manière de deux silex pour la préhistoire, il est nécessaire de créer une étincelle en effectuant un mouvement vif au niveau de la pierre, et d’ensuite venir effectuer une pression sur le bouton pour libérer le combustible. Relâcher le bouton referme l’accès au combustible et coupe la flamme. Comme ça. »
Un petit clic, une voix douce, je me perdais dans mes explications pour arrêter de penser, ne serait-ce qu’un instant, glissant mon pouce à l’ongle vernis d’un rouge faisant rappel à ma robe, relâchant la pression sur l’objet pour en éteindre la flamme avant de guider sa main dessus, guidant le mouvement.
« Je te laisse essayer ? »
Fis-je, vaguement plus souriante, concentrée. Finalement, j’avais trouvé ma vocation dans l’enseignement. Apprendre et transmettre sont des choses qui me fascinent et si la grande introvertie en moi ne se serait soupçonnée douée pour ça, j’y ai pris goût et méthode. J’étais dans mon élément pour le moment. Dans un espace sécurisant.
- InvitéInvité
Re: Oh darling, stay with me | Cléoden
Ces silences. Délicate pudeur parsemant les arcanes de votre relation. Rien d’angoissant pour toi. Ils sont davantage des refuges sécurisants lorsque les mots viennent à manquer. Ces silences qui veulent dire beaucoup. Qui laissent aussi place à l’émotion. Au malaise. A l’abandon de soi. Aux paroles du corps. L’aveu sonne et résonne. Celui de ton amour pour cette femme qui au-delà des apparences n’était pas la bienvenue dans ton cercle intime il y a de cela plusieurs années. Etrange revirement de situation. Tu en es comblée. Heureuse. Enfin.
Son parfum, léger, enivre tes sens juste ce qu’il faut. Une esquisse prend forme à la commissure de tes lèvres. Précisément là où il est possible de déceler l’émotion chez toi. Tu es touchée, véritablement, par des paroles que tu considères sincères. Cela a pris du temps, ta reconstruction personnelle. Après le traumatisme vécu suite à la mort brutale de ton ex-compagnon, tu ne sortais plus qu’uniquement la nuit, arpentant les escaliers et les toits d’une allure fantomatique. Déambulations nocturnes et frénétiques, guidées des ficelles d’un marionnettiste dénommé Inconscient. S’en est fini, n’est-ce pas ?
Ses prunelles aux nuances colorées te laissent entendre que cette période est derrière toi. Loin derrière toi. Eden est telle l’ancre plongée à la mer, consolidant l’assise d’un navire à la dérive. C’est tellement bon de pouvoir se reposer ainsi sur les épaules d’un autre être humain. Vient alors une scène qui n’aurait pas été permise en présence d’autres que la métamorphomage. Sans crier ‘’gare’’, ton bassin répond au sien dans une étreinte noble et proximale. La sentir dans ton dos est une véritable bénédiction. Elle, l’Auror – elle le sera toujours à tes yeux – dont les prodigieuses compétences te font frémir. Car tu aimes cela, le pouvoir.
Sa douceur détourne néanmoins ton attention. Elle ferait de toi n’importe quoi. Enfantine, son menton se niche à-même ton épaule. Tu lui adresses un sourire tendre, précisant alors que tes missions universitaires sont riches de sens. Plus sous l’effet de sa présence contre toi que par surprise, tu sursaute lorsque la pierre du briquet explose dans un bruit caractéristique. Les paupières fermées sous l’effet de son embrassade, tu profites des termes énoncés. « Merci, Eden ».
Relation d’une profondeur inestimable que celle qui vous unie. Retrouvant une position d’apprenante, d’une régression vers l’infantile en somme, tu te fais accueil de chacune de ses explications. Suite à ses dires, tu en viens à te demander comment un si petit objet Non-Maj peut alimenter une discussion aussi sérieusement. Tu acquiesces, presque naïvement tant tu es novice pour ces petites choses du quotidien des moldus. « Oui » souffles-tu avec simplicité.
Alors tu t’essaies à dompter cet artéfact métallique. Et, t’y prenant à plusieurs reprises sans succès, tu parviens enfin à faire apparaître une flamme. Une large esquisse se dessine sur tes lèvres carmin. Le feu éclairant tes prunelles noires. « J’ai réussi, Professeure Sykes ». L’humour dissimulant la fierté de cet acte anodin pour le commun des mortels. Féline, tu te tournes en sa direction pour déposer tes lèvres sur les siennes. Baiser plus directif, comme si tu reprenais le dessus. Enfin, même si tu t’y prends à plusieurs reprises, tu parviens à allumer les chandelles à partir de cet outil nouvellement apprivoisé.
La délaissant un moment, tes pas vont vers la cuisine dont s’échappe de délicieuses effluves. Tu prends le temps d’apprécier ce parfum délicat et gourmand qui s’échappe du four. « Encore toutes mes félicitations pour ton dernier travail de thèse … » lui lances-tu, derrière le bar, affairée à inspecter la cuisson du canard. « Je regrette encore de ne pas avoir été présente lors de ta soutenance ». Oui, le manque de temps, encore une fois. Même si toutes tes pensées étaient tournées vers elle.